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1. INTRODUCTION

1.2. Biologie des molécules CMH

1.2.1 Fonctions biologiques des molécules CMH

La capacité des lymphocytes de monter une réponse immunitaire spécifique contre un antigène dépend des molécules CMH. L’ontogénie comme la fonction des lymphocytes T dépend de molécules CMH fonctionnelles [13;14]. Dans le thymus, l’interaction CMH classique-peptide-TCR est à la base de la sélection des lymphocytes T CD4 et CD8 qui aboutit aux phénomènes de restriction et de distinction soi/non-soi par les lymphocytes. Il faut souligner le fait que les peptides issus du soi sont présentés par les molécules CMH et participent à la génération d’un répertoire normal des lymphocytes T [15;16]. La présentation de peptides nécessite un « processing » des protéines du soi.

Ainsi, tant les molécules CMH-II classiques que les molécules non classiques impliquées dans le « processing » participent à la sélection thymique des lymphocytes T CD4+. En périphérie, l’expression des molécules CMH est nécessaire pour le maintien d’une population complète de lymphocytes [17-19]. De plus, la réponse des lymphocytes T naïfs à un antigène découle de deux signaux [20] : le stimulus spécifique de l’antigène (signal 1) et une costimulation efficace (signal 2). Le signal 1 dépend strictement de la présence des molécules CMH. Dans des modalités complexes, ces deux signaux vont générer divers

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types de réponses qui peuvent coexister, comme par exemple une stimulation antigénique, une anergie ou encore une délétion.

Les molécules CMH sont impliquées dans des interactions avec d’autres cellules que les lymphocytes T. Un développement normal et une fonction efficace des lymphocytes B dépend des molécules CMH, en particulier la molécule CMH cytoplasmique, la chaîne Ii [21] et probablement du niveau d’expression des molécules CMH-II de surface [22]. La génération des lymphocytes NK respecte le soi grâce aux molécules CMH-I [23]. Il faut de plus mentionner que les molécules CMH-II ne sont pas seulement des ligands : elles joueraient un rôle dans l’activation des cellules APC elles-mêmes, par leur capacité de transmission d’un signal transmembranaire [24].

Les lymphocytes T CD4+ et CD8+ exercent des fonctions différentes dans les réponses immunitaires spécifiques contre un antigène [1]. Les cellules CD8+ effectrices sont les acteurs de la réponse cellulaire cytotoxique. Les lymphocytes CD4+ interagissent avec des cellules présentatrices d’antigène (antigen presenting cell = APC) et sont capables de fournir une fonction d’aide aux lymphocytes CD8+ et aux lymphocytes B.

Ces cellules sont au cœur des processus aboutissant à une non-réponse, une tolérance ou une réponse antigénique. Au vu de leur fonction différente, il n’est guère surprenant de constater que les cellules « partenaires » de ces deux types de lymphocytes sont différentes. Les lymphocytes CD8+ peuvent contacter la vaste majorité des cellules de l’organisme, qui expriment les molécules CMH-I pour la plupart. Au contraire, les lymphocytes CD4+ contactent une minorité de cellules, les cellules APC, qui expriment les molécules CMH-II.

1.2.2 Synthèse des molécules CMH

Il existe des différences majeures entre les molécules CMH-I et CMH-II dans leur structure, dans leur expression et dans leur synthèse, objet de cette partie. La production des molécules CMH classiques chargées de peptides à la surface cellulaire doit être conçue comme la rencontre de deux voies cellulaires : celle de la synthèse des protéines CMH et celle de la dégradation de protéines source de peptides.

Les molécules CMH-I présentent essentiellement des peptides provenant de protéines cytosoliques [25]. Ces protéines appartiennent au soi comme au non-soi comme les protéines virales. Le mécanisme de protéolyse implique le protéasome, un méga complexe de protéines dont certaines sont codées par des gènes situés dans le complexe CMH. Ces peptides, une fois générés dans le cytosol, sont transportés dans le réticulum endoplasmique par un transporteur composé des protéines TAP1 et TAP2. A la suite de

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cette liaison avec les peptides, les molécules CMH-I sont dirigées vers le Golgi puis la surface membranaire.

Les chaînes CMH-II α et β, après leur synthèse dans le réticulum endoplasmique, s’assemblent à la chaîne invariante Ii et traversent le Golgi pour être retrouvées dans un compartiment endosomial. Là, après la protéolyse de la chaîne Ii, les molécules HLA-DM (H2-M chez la souris) catalysent l’échange entre le reste de la chaîne Ii et les peptides destinés au sillon [26]. La fonction de HLA-DM semble être contrôlée par les molécules HLA-DO [27;28]. Après la séparation avec HLA-DM, les molécules CMH-II classiques chargées avec leur peptide arrivent à la surface membranaire. Les peptides présentés sont issus de la dégradation endosomiale de protéines de plusieurs origines : des protéines de surfaces comme les molécules CMH elles-mêmes, des protéines solubles ou des protéines issues d’agents microbiens entiers.

1.2.3 Expression des molécules CMH

Les molécules CMH-I sont exprimées par la plupart des cellules de l’organisme

[29]. Le niveau physiologique varie de manière importante selon le type cellulaire. Dans le système nerveux central, les neurones et les astrocytes n’expriment pratiquement pas de molécules CMH-I. D’autres cellules sont dans la même situation : les cellules du pancréas exocrine, les myocytes et les cellules germinales. A l’opposé, les cellules du système lymphoïde expriment les molécules CMH-I à un niveau élevé. Par rapport aux molécules CMH-I, celles de classe II ont un profil d’expression réduit à une minorité de cellules [30]. Le territoire d’expression des gènes CMH-II comporte des cellules présentatrices d’antigène dérivées de la moelle (APC) et aussi plusieurs types épithéliaux

[31]. L’expression complexe des molécules CMH-II peut être représentée par deux notions

[32]. En premier, deux modes d’expression sont caractérisés : l’expression constitutive trouvée dans un nombre réduit de cellules et l’expression inductible dans la plupart des cellules. En second, les deux modes d’expression ont une importance variable selon le type cellulaire et la combinaison exacte des stimulus.

L’expression constitutive des molécules CMH-II est trouvée dans des types cellulaires de plusieurs origines. Parmi les cellules issues du système hématopoïétique, on trouve les lymphocytes B, les cellules dendritiques et les cellules de la lignée monocytaire résidant en périphérie [32]. Toutes ces cellules sont présentées de manière collective comme APC. L’expression constitutive des molécules CMH-II varie selon le stade de différenciation. Ainsi les lymphocytes B matures expriment fortement les gènes CMH-II mais leurs précurseurs, les cellules pro-B précoces, et leurs descendants, les

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plasmocytes, sont négatifs pour les molécules CMH-II. De manière similaire, les cellules dendritiques varient le niveau et le taux de synthèse des molécules CMH-II selon leur stade de maturation. Même à un stade donné de différenciation, l’expression des molécules CMH-II peut être modulée comme dans les lymphocytes B (voir plus bas).

Parmi les cellules non hématopoïétiques, on trouve plusieurs types cellulaires qui expriment les molécules CMH-II de manière constitutive. Ainsi, selon une étude exhaustive par immunohistologie chez l‘homme [31], les cellules épithéliales des systèmes digestif, respiratoire et urinaire sont positives. Les vaisseaux lymphatiques et capillaires, à l’exception de ceux du cerveau, des testicules et du placenta, sont nettement positifs. La fonction des molécules CMH-II dans ces cellules n’est pas connue.

Un nombre élevé de facteurs peut moduler l’expression des gènes CMH-II. On trouve des facteurs solubles comme les cytokines mais aussi des contacts cellules-cellules, des virus et des facteurs physiques comme les UV. Une vision détaillée de ces multiples facteurs testés sur de nombreux types cellulaires et en combinaison est publiée dans plusieurs revues [30;33]. Quelques points saillants sont détaillés ici. L’interferon-gamma (IFN-γ) est un inducteur puissant dans la plupart des cellules et représente la cytokine principalement étudiée ces dernières années dans la régulation des gènes CMH-II. Quelques cellules semblent ne pas répondre à l’IFN-γ comme les neurones et les cellules endocrines β du pancréas [34]. L’effet de l’IFN-γ peut être modulé par d’autres cytokines comme le TGF-β1 et l’IL-1 qui inhibent son action [35;36], le TNF-α qui l’augmente [34]. L’Il-4 augmente l’expression des molécules CMH-II dans des lymphocytes B. De manière surprenante, cette induction par l’Il-4 peut être inhibée par l’

IFN-γ. Les cellules NK peuvent induire l’expression des molécules CMH-II [37;38]. Des virus comme le CMV peuvent inhiber l’induction des gènes CMH-II [39], d’autres semblent l’induire [40].

Finalement en plus de ces observations effectuées souvent in vitro, il faut noter que l’expression des molécules CMH-II varie selon les situations in vivo [30]. Ainsi, dans le système reproductif, cette expression peut varier selon la période du cycle menstruel ou de lactation. L’activation des lymphocytes T humains (mais pas ceux de la souris) conduit à l’induction des molécules CMH-II. Dans des situations pathologiques, on trouve aussi une altération de l’expression des molécules CMH-II. Cette expression est souvent augmentée dans des cellules constitutivement positives ou même induite lors de rejet de greffe, d’inflammations. Dans les tumeurs, l’expression des molécules CMH-II peut être augmentée ou diminuée et est difficilement corrélée avec la différenciation ou la survie du malade. Pour conclure, il existe des déficiences dans l’expression des molécules CMH-II « MHC class II deficiency » selon la terminologie de l’OMS [32] ou communément appelée Bare Lymphocyte Syndrome (BLS) [41].

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