• Aucun résultat trouvé

LE FONCTIONNEMENT D’UNE DORSALE L’actuel extrapolé et la mise à l’écart du temps

L'EVOLUTION DE LA ZONE D'UNE DORSALE Explications des élèves et utilisation du temps

2.1.3. Les explications avec stabilité structurelle de la zone de la dorsale

Nous distinguons deux catégories d'explication avec stabilité structurelle, selon qu'elle est dynamique ou selon qu'elle est figée.

Une stabilité structurelle dynamique

Nous plaçons dans cette catégorie les réponses qui mettent en jeu l'écartement des deux plaques et l'agrandissement de chaque plaque par ajout, à l'axe de la dorsale et sur toute leur hauteur, d'un morceau néoformé : "tout reste pareil et tout change". Ces réponses prennent donc en compte les deux processus (dérive et accrétion) et les deux nécessités (comblement de l'espace et ajout de matériaux sur toute la hauteur des plaques) qui découlent de la stabilité structurelle. En conséquence, la coupe prévue dans quelques millions d'années est identique à

ce qu'elle est aujourd'hui, même si les plaques sont renouvelées. Cette explication est conforme au savoir actuel.

Avant d'étudier précisément les coupes rendues par les élèves, notons que quelques-uns d'entre eux ont réagi immédiatement à la situation en faisant remarquer au professeur qu'"il n'y a rien à faire!". C'est sur l'insistance du professeur qu'ils ont concédé quelques annotations de leur coupe. Au final, nous distinguons chez les élèves plusieurs façons de faire aboutissant à la prise en compte de la stabilité structurelle :

a) une coupe schématique dont le contour des plaques a été découpé, écarté et complété de

nouveaux pans, pour chaque plaque, dans l'espace les séparant après dérive. La chambre

magmatique conserve sa taille. Cinq élèves sur 24 répondent de cette manière :

Figure 9.2a : Réponse avec stabilité structurelle dynamique (réponse prototypique 9, avec découpage)

b) une coupe schématique non découpée mais sur laquelle ont été portés des légendes ou des figurés exprimant que la partie des plaques située près de l'axe de la dorsale a été renouvelée. De fait, la chambre magmatique conserve sa taille. 9 élèves sur 24 proposent un tel type de coupe. Voici les cas que nous rencontrons (voir également l’annexe 9) :

Réponse 2 Réponse 20 Réponse 15 (un pan) ("écailles d'oignon") (repères temporels)

Figure 9.2b : Autres façons de représenter la stabilité structurelle dynamique (réponses prototypiques 2, 20 et 15, sans découpage)

Au total, 14 des 24 élèves de la première S 1995/96 fournissent une coupe aménagée que nous rangeons dans cette catégorie "stabilité structurelle dynamique". Deux éléments aisément repérables sur les schémas nous servent de critères : l'ajout de pans néoformés sur toute la hauteur des plaques et la conservation de la taille de la chambre magmatique.

Cependant quelques réponses, finalement placées dans cette catégorie, nous ont posé problème :

- La réponse 6 dont le schéma pose problème puisque l'élève limite les pans néoformés à la croûte, soit au-dessus et sur les côtés de la chambre magmatique, or ils concernent aussi le manteau supérieur, au-dessous de la chambre magmatique. Si nous classons cette réponse dans la catégorie "stabilité structurelle dynamique", c'est parce que son auteur écrit qu'il "ne pense pas que la poche grossisse tellement" et que "ce sont surtout les plaques qui grandissent, et sur toute leur épaisseur".

- Les réponses dont le schéma présente des aménagements du modelé de surface qui font que le rift s'agrandit (la moitié des réponses soient 7 sur 14) . Ces aménagements se rencontrent quelle que soit la façon de procéder des élèves (découpage ou non). Ils ne nous paraissent pas remettre en cause la compréhension de la stabilité structurelle, mais plutôt être une façon de témoigner de l'écartement de la zone : les fractures actuelles sont reléguées un peu plus tard plus loin de l'axe. Reprenons par exemple le cas de la réponse 6, dont la coupe et le texte montre que "le rift s'agrandi", et qui est malgré cela bien ancrée dans la stabilité structurelle. L'étude plus approfondie des textes accompagnateurs de la coupe aménagée montre qu'il y a parfois un décalage : le commentaire n'apporte pas exactement les mêmes informations que la coupe aménagée. Nous pensons pouvoir reconnaître deux grandes fonctions à ces textes : a) Mettre en fonctionnement le schéma.

C'est le cas de la réponse 9 (voir la figure 9.2a) :

"Les plaques 1 et 2 s'écartent. au fur et à mesure des années le magma de la chambre magmatique comble et se solidifie sur toute l'épaisseur des plaques"

L'élève auteur de ce texte propose un fonctionnement de la zone de la dorsale dans lequel l'écartement des plaques est associé à un comblement magmatique. Il prend en compte la quasi-simultanéité des processus mais aussi leur continuité ("au fur et à mesure des années"), ce que n'exprime pas exactement la coupe correspondante. En effet, sur cette coupe, l'élève

séquentialise davantage, en plaçant plusieurs pans successifs à la manière des écailles d'un oignon. D'autres textes séquentialisent explicitement les processus, à la manière d'une "mise en histoire" : le texte de la réponse 5 raconte la mise en place d'une "nouvelle couche de roche" de millions d'années en millions d'années ; le texte de la réponse 6 envisage trois moments : 1) la poussée du magma 2) l'écartement 3) le durcissement sur les bords. Ces exemples montrent que la séquentialisation n'empêche pas forcément l'inscription dans la stabilité structurelle.

b) Exprimer les rapports au temps des explications.

Au regard de notre analyse a priori, nous remarquons que certains textes n'expriment qu'une projection dans l'avenir. C'est le cas de la réponse 6 que nous avons étudiée dans le paragraphe précédent.

D'autres textes mettent en jeu le transfert d'un fonctionnement passé sur l'avenir. La réponse 2 en est un exemple :

"Le document dans quelques millions d'années sera toujours le même. La dorsale restant en action continue son écartement des plaques mais reformera des couches qui se synderont avec les plaques. En fait le début de l'atlantique à vue cette même dorsale la créé. C'est une formation qui ne changera "jamais"". Il y a, dans les deux dernières phases de cette réponse, un retour en arrière dans l'histoire de l'océan qui conduit à une généralisation à toutes les époques dont le futur. Notons que la coupe aménagée correspondante (voir le paragraphe précédent) ne résulte pas d'un découpage. Elle présente en hachures les nouveaux pans lithosphériques fabriqués pendant les quelques millions d'années à venir. Leur limite externe porte la légende suivante : "formation qq MA plus tôt". Cette légende est ambiguë : elle correspond aussi bien au résultat d'un intervalle de temps passé qu'à celui d'un intervalle de temps à venir. Nous nous demandons si cet aménagement sans découpage n'est pas une façon de dire la translation du passé sur l'avenir.

Notons enfin que des élèves n'ont pas fourni de texte ou bien un texte très court. Est-ce parce que la coupe aménagée leur a paru suffisante ? Nous le pensons et le mettons en correspondance avec les remarques immédiates d'élèves disant qu'il n'y a rien à faire.

Une stabilité structurelle "figée"

Trois réponses (les réponses 1, 10, 23) conservent véritablement la structure de la zone de la dorsale, puisqu'elles font fonctionner cette zone en ne renouvelant pas les matériaux des deux plaques : "Tout reste pareil parce que rien ne change". Le schéma suivant (figure 9.3, réponse prototypique 1) illustre ce type de réponse. Il est accompagné du texte de la réponse 1, qui explique comment cela se passe :

"Au fur et à mesure du temps, la chambre magmatique reçoit de plus en plus de magma (grâce au cycle étudié ds le doc 5, qui est continuel), cette chambre "gonfle" et émet une pression de + en + forte sur les 2 plaques ---> les plaques s'écartent ---> les fractures deviennent des failles ---> le magma s'écoule par les failles et forme une espèce de dorsale (mais plus importante) lorsqu'il refroidit, (voir schéma) ce qui ramène la chambre magmat. à retrouver sa taille normale et ainsi de suite."

Figure 9.3 : Réponse avec stabilité structurelle "figée" (réponse prototypique 1)

Cette réponse 1, tout comme la réponse 23 (voir annexe 9), distingue plusieurs moments : 1) un gonflement de la chambre magmatique par venue de magma, 2) un écartement et une fracturation par le haut des plaques sous l'effet de la pression de la chambre, 3) une expulsion vers le haut d'une partie du magma et une restauration de la taille de la chambre magmatique, un gonflement de la chambre magmatique etc. Ces différents moments s'enchaînent temporellement et causalement, comme dans une "mise en histoire". Ensemble, ils forment un cycle qui se répète. Ce fonctionnement pulsatile conserve les plaques en l'état, malgré quelques fluctuations dans leur position. Elles ne se renouvellent pas ; seule la dorsale en tant que chaîne volcanique sous-marine grossit un peu.

Nous remarquons que, dans ce type de réponse, la stabilité structurelle est obtenue en minimisant la dérive latérale des plaques et l'accrétion. Il y a bien production de fissures et de petits mouvements horizontaux des plaques ; mais ils se font sous la pression du magma de la chambre, et n'ont rien à voir avec le mouvement des plaques. Il y a bien du magmatisme, mais il n'interfère pas avec la structure existante ; il ne bouche pas les fractures, il va en surface pour se solidifier. La structure en jeu, immuable, a seulement un rôle de voie de passage et d'accumulation transitoire du magma. Elle permet ainsi l'édification d'une structure volcanique conique en surface.

La réponse 10 rend également compte d'une stabilité structurelle figée, c'est-à-dire conservant la structure existante, avec expulsion vers le haut de magma. La coupe mentionne qu'il n'y a aucun changement de taille de la chambre magmatique. Sans modifier son schéma, l'élève note que les fractures au-dessus de la chambre s'agrandissent ; en revanche, il dessine sur le fond marin des coulées de laves de part et d'autre de l'axe de la dorsale. Le contenu du texte qui accompagne la coupe nous permet d'approcher le mode de raisonnement de l'élève. Le voici :

" Dans quelques MA, on pourra observe un simple renouvellement du sol marin ainsi qu'un faible écartement des plaques dût à l'augmentation du nombre de fractures et de leur taille.

Pour qu'un écart important des plaques est lieu, il faudrait qu'un changement important dans la morphologie du remplissage de la chambre magmatique se produise.

Ceci n'est valable que si aujourd'hui il y a une similitude entre la quantité de magma sortant et la quantité de magma entrant."

Ce texte montre que l'élève considère que l'écartement des plaques est une conséquence directe du remplissage plus ou moins important de la chambre magmatique. C'est également le cas des autres élèves de cette catégorie. Mais ce qui est nouveau, c'est qu'il appuie explicitement son explication sur une comparaison de flux entrant et sortant de la chambre magmatique : pour lui, la stabilité structurelle "figée" de la zone tient à l'égalité de ces flux verticaux de magma. Imagine-t-il une expulsion cyclique ou continue du magma de la chambre ? Il est difficile de l'affirmer même si la représentation de plusieurs coulées suggère de la rythmicité.

En résumé, cette étude des cas appartenant à la catégorie "stabilité structurelle figée" montre que le processus d'accrétion est totalement négligé. Ce n'est pas tout à fait le cas de l'écartement des plaques, considéré comme possible, mais limité et directement tributaire de la pression du magma de la chambre. S'il y a stabilité structurelle, c'est soit parce qu'un petit écartement est suivi d'un resserrement équivalent, soit parce que la sortie compense l'entrée de magma dans la chambre. Tout se passe comme si les élèves se focalisaient sur un

problème de volcanisme (les conditions et les conséquences de l'évacuation du magma

jusqu'au fond de l’océan) au détriment d'un problème de mobilisme (la dérive inexorable des plaques et la formation de fonds océaniques). Et en termes d'accrétion, c'est l'accrétion

"verticale" des plaques (c'est-à-dire une addition de basalte nouveau au-dessus des fonds

déjà formés, voir chapitre 7) qui est prise en compte, au détriment de l'accrétion latérale. Peut- on alors vraiment parler de stabilité structurelle ?