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FONCTIONNALISTES ET SCIENCES DE LA TERRE HISTORIQUES

2) causes géologiques

= causes secondaires

= phénomènes géologiques avec une certaine complexité

Exemples : érosion, sédimentation,

volcanisme, métamorphisme, volcanisme, plissement et soulèvement des montagnes (Gohau, 1997, p. 140)

Chez les géologues, des discussions et controverses portent sur les variations ou non de leur nature et/ ou de leur "énergie" dans le temps et l'espace.

Figure 2.1 : Deux types de causes actuelles

En résumé, l'actualisme peut d'abord être compris comme un principe méthodologique aidant à reconstituer le passé de la Terre jusqu'à son état actuel. Il s'énonce de la manière suivante : les phénomènes à l'origine des changements géologiques passés (leurs causes

géologiques) ont existé et existent encore dans la nature actuelle. Ces phénomènes sont de

même nature que les phénomènes agissant aujourd'hui ("Principe des causes actuelles" équivaut à "principe des causes agissant aujourd'hui") mais également de même intensité

(Principe d'uniformité). C'est pourquoi l'actualisme est encore nommé uniformitarisme.

Si donc on admet la continuité dans l'exercice des causes, si la référence pour la modélisation du passé est l'actuel, et que dans cet actuel, rien de brutal ne se produit, les changements passés n'ont pu être que continus et progressifs, c'est-à-dire être considérés comme la succession et l'addition d'une infinité de petits changements, sans à-coup ou catastrophe. Ainsi, le continuisme (Gohau, 1987a, p. 160) mais également le gradualisme sont deux aspects de la thèse actualiste. D'autre part, puisque les causes actuelles ont des effets plutôt lents, il est nécessaire de recourir à des durées immenses pour obtenir ces effets.

Faisons par exemple fonctionner l'actualisme, pour expliquer la disparition de montagnes anciennes : on peut penser à leur soumission à l'action érosive continue et prolongée des eaux de surface et du gel (causes actuelles et principe d'uniformité). Cependant cette action érosive des eaux superficielles et du gel, bien caractérisable de nos jours, ne donne pas d'effets spectaculaires immédiats en termes d'arasement de montagnes. Il est nécessaire de la perpétuer sur un temps long pour que ces grands effets existent.

Référence à l'actuel d'un côté, avec le secours éventuel du temps long. Et interprétation des traces de l'autre. Or des difficultés d'application du principe d'uniformitarisme peuvent se présenter si des traces anciennes évoquent des discontinuités (exemple : une couche lacustre reposant sur une couche marine). Comment s'en sortir en gardant le même outil ? En prenant le risque de considérer ces traces comme des legs incomplets de la nature ; on s'attachera alors à rechercher des preuves de l'existence de formations intermédiaires (depuis lors évincées) qui

permettront de les relier dans un processus progressif (voir C. Prévost in Gohau, 1995, p.78- 79 ; Gohau, 1987a, p. 159). C'est ce que pensa Lyell. Gould se fait son interprète quand il écrit : "regardons derrière les apparences concrètes, et essayons d'y découvrir les signes indubitables du gradualisme, car le paysage géologique est partout si criblé d'imperfections que les transitions insensiblement accomplies ont été dégradées, émiettées, jusqu'à nous donner l'impression d'une discontinuité" (Gould, 1990, p. 214).

En d'autres termes, le principe des causes actuelles est un outil plus compliqué dans son utilisation qu'il n'en a l'air, car d'un côté, il est très exigeant, par les contraintes "cachées" (continuité et gradualisme, temps long) qu'il impose et de l'autre, parce qu'un certain nombre de traces à expliquer (celles qui expriment une discontinuité) pousseront à se détourner de son emploi. C'est quand son usage est devenu trop difficile que des géologues ont recouru à des causes anciennes différentes, en nature et/ ou en intensité, de l'actuel. Nous verrons plus loin dans ce chapitre quelques exemples.

3.2. Uniformitarisme (actualisme) méthodologique et uniformitarisme doctrinaire

Nous raisonnions dans le cadre d'un premier pari sur le passé : actualiste ou catastrophiste, qui est lié à l'utilisation ou non du principe méthodologique de l'actualisme (ou

uniformitarisme). Mais l'histoire des sciences nous montre qu'un autre "pari" s'ajoute à celui-

ci dans la reconstitution d'une histoire de la Terre. Ce pari se joue sur l'idée que l'on se fait de l'évolution de la Terre au cours des temps géologiques. Deux options existent : une première qui suppose que la Terre reste globalement inchangée (ce qui ne veut pas dire qu'elle est immuable, figée) : c'est la conception stationnariste, qui fut notamment celle de Lyell (1797- 1875) ; une autre qui admet qu'elle évolue et change globalement d'aspect : c'est la

conception directionnaliste, à laquelle adhérait par exemple E. de Beaumont (1798-1874).

Gould (1965, 1990) a particulièrement étudié la double dimension de l'uniformitarisme ("a dual concept", 1965, p. 223), en approfondissant en particulier les travaux de Lyell. Il distingue en effet le "substantive uniformitarianism" (l'uniformitarisme substantiel), et le "methodological uniformitarianism" (l'uniformitarisme méthodologique). Le "substantive uniformitarianism" est une théorie testable portant sur les changements géologiques. Cette théorie, réfutable et réfutée, sous-tend non seulement l'uniformité du rythme des changements géologiques : ils sont lents, réguliers, progressifs dans l'espace et le temps ; mais aussi l'uniformité de l'état physique de la planète : "le changement est un phénomène continu mais qui n'aboutit nulle part" écrit Gould (1990, p. 198) . Elle exprime donc l'uniformité de la variation mais aussi celle de ses effets.

Nous savons par ailleurs (Canguilhem, 1983, pp. 165-167) que les méthodes sont étroitement liées à leur contexte d'utilisation. Nous pouvons donc penser que selon la conception de l'évolution de la Terre que l'on a, le principe de l'actualisme ne sera pas utilisé de la même manière et qu'il n'aura pas forcément la même efficacité. Puisque deux types de conceptions sur l'évolution de la Terre peuvent exister, comment se combinent alors l'uniformitarisme méthodologique à chacune de ces options ? Pour répondre à cette question, nous choisissons de nous référer à une période de l'histoire de la géologie, le 19è siècle, où les points de vue stationnarisme et le directionnalisme ont été défendus par des géologues de renom. En arrière plan, nous retrouvons une réflexion sur l'actualisme et le catastrophisme.