• Aucun résultat trouvé

2 Les expériences de l’histoire

Face au manque de précisions quant à la description de la société future et surtout quant à la transition vers cette société, le mouvement révolutionnaire russe dut, en 1917, pour l’essentiel naviguer à vue. Marx estimait que la transition devait être courte, quelques années durant lesquelles l’économie serait organisée par l’État avec la volonté de diriger la société vers l’ultime étape de la révolution. La Révolution russe, cependant, n’eut pas de velléité aussi rapide et estimait encore lointaine la perspective du communisme final. Si dans cette ultime phase de la société la monnaie ne devait plus avoir de place, la transition qui devait mener à elle la nécessitait encore.

Le changement dans les esprits des révolutionnaires se produisit vers 1919 lorsque l’effondrement de la monnaie était déjà patent. Au début de la Révolution, cet effondrement était vu comme un mal et il ne venait pas aux esprits de planifier cette chute afin de réaliser l’expropriation des bourgeois et aboutir à la société communiste sans argent. Cette justification de l’inflation vint plus tard51. En outre, une confusion eut lieu quant au terme

même d’argent. La contrainte, dès mai 1918, d’éviter les paiements en espèces par les institutions publiques et les entreprises nationalisées au profit d’une comptabilité sociale centralisée, différait peu d’un système de monnaie scripturale, mais fut saluée par beaucoup

49

Chavance [1996, p. 177].

50

De vastes débats eurent lieu à propos du calcul économique en régime socialiste dans les années vingt. Polanyi, Schumpeter et Mises notamment conclurent à l’impossibilité d’une économie sans calcul monétaire. Voir notamment le numéro spécial des Cahiers Monnaie et Financement, n°22, 1994, 289 p., consacré au « Calcul économique socialiste et autres écrits monétaires » (textes de Mises et Polanyi). Ainsi que Polanyi, Schumpeter a développé une théorie du calcul économique en régime socialiste dans son ouvrage Das Wesen des Geldes (commenté par Tiran [1997a]). Voir aussi la critique de Mises [1938, pp. 129-140 et 150-155] à propos du calcul économique socialiste.

51

Voir Carr [1974, pp. 272-274] dont la démonstration est lumineuse mais s’oppose à la conception commune, illustrée par exemple par Iourovski (voir à son sujet Prokopovicz [1952, p. 528]). Il explique notamment qu’« aucun communiste sérieux ne considéra tout d’abord la disparition de l’argent comme un

comme un pas vers l’abolition de la monnaie52.

Dès janvier 1918, le sol, le sous-sol, les usines et les banques furent nationalisés. Lénine se posa la question du rôle de la monnaie dans la nouvelle économie à construire sans y répondre dans l’immédiat. En août 1918, le principe de sa suppression fut adopté par le Conseil des commissaires du peuple mais cela demeurait une perspective liée à la phase ultime de la révolution que l’on n’envisageait pas pour l’heure. Il s’agissait alors surtout de préparer cette ultime étape de l’abolition de la monnaie, non pas la mettre en branle.

Lorsque l’effondrement monétaire conduisit à l’idée qu’il accélérait la transition en supprimant, de fait, la monnaie plus tôt que prévu, on se pencha sur l’organisation économique qui permettrait de s’en passer. En fait, on peut à nouveau déceler une confusion, dans les débats, entre le concept de monnaie et l’ensemble des instruments matérialisés de circulation qu’est l’argent. Au début de 1919, on pensait encore surtout supprimer la représentation physique de l’argent et conserver le rouble comme unité de compte. À partir de la fin 1919, on en vint cependant à la perspective de son abolition aussi comme unité de compte lorsque l’on comprit qu’une comptabilité tenue en une monnaie qui s’effondre rendait fort difficile la gestion de la production et de la distribution. Dans l’hypothèse où ces deux éléments étaient supprimés, il fallait malgré tout au moins remplacer la monnaie de compte par une nouvelle unité. Que cette unité soit une quantité de blé par exemple ne différait pas profondément du système d’étalon or où les unités monétaires nationales ne faisaient que cacher l’étalon sous-jacent ; cela précisait au contraire la nature du système précédent et dérivait des conceptions encore classiques de Marx.

Boukharine et Preobrajensky formalisèrent en 1919 la ligne de conduite qui se dessinait alors face à la monnaie :

« L’argent, dès le commencement de la Révolution socialiste, perd peu à peu de sa valeur. Toutes les entreprises nationalisées, pareilles à l’entreprise d’un seul grand patron (...) ont une caisse commune et elles n’ont plus besoin de se faire des achats ou des ventes contre de l’argent. L’échange sans argent est ainsi graduellement introduit. L’argent est, de ce fait, écarté du domaine de l’économie populaire. Même à l’égard des paysans, l’argent perd lentement de sa valeur et c’est le troc qui le remplace. (...) La suppression de l’argent est encore favorisée par l’émission par l’État d’une énorme quantité de papier-monnaie. (...) Mais le coup décisif sera porté à l’argent par l’introduction de carnets de travail et par le paiement des travailleurs au moyen de produits »53

.

Tout y est, sauf les « carnets de travail » qui ne remplacèrent jamais la monnaie en dépit des projets de janvier 1921.

Le point de départ historique de ce processus d’abolition de la monnaie qui au départ n’était pas dans les esprits fut la confiscation de l’or, sous toutes ses formes, dès décembre 1917. Ne pouvait plus circuler dès lors comme monnaie que le papier, dont

52

Carr [1974, pp. 274-275].

53

l’émission excessive, entamée dès la guerre par le régime tsariste, se poursuivit, s’accentua et conduisit à sa destruction hyperinflationniste, avant que la réforme monétaire de mars 1924 la stoppât. Les billets émis par le pouvoir soviétique furent, jusqu’en février 1919, les mêmes que ceux du régime tsariste puis du gouvernement provisoire de février 1917. À partir de février 1919, ce furent les sovnazki (signes soviétiques), conçus de telle sorte que les porteurs soient désorientés par la diversité des types et l’irrationalité apparente de leurs tailles54. L’inflation était telle que l’impression des billets ne suivait pas la hausse des prix et

que la masse monétaire se réduisait ainsi comme une peau de chagrin. Début 1921, la valeur réelle de la masse monétaire équivalait à 2,2% de celle de début 1917 ; en mars 1924, elle n’équivalait plus qu’à 0,4%55.

L’objectif d’éliminer la monnaie passait d’abord par son élimination des relations entre les institutions et les entreprises publiques. Puis le salaire des ouvriers devait être payé en nature et les rations de biens nécessaires devaient être versées gratuitement, les services publics devenant eux aussi gratuits. En octobre 1918, on réquisitionna toutes les devises, ce qui rendit plus difficile encore la préservation de sa richesse ou tout au moins de son pouvoir d’achat. En 1920, la tâche d’organiser le troc fut confiée à l’Union centrale des coopératives de consommateurs. En décembre 1918 déjà le principe en avait été adopté par le deuxième congrès pan-russe des Conseils de l’économie nationale, et depuis le paiement en nature des salaires des ouvriers et fonctionnaires se développait. Il atteignit 91% au premier semestre de 1921.

L’unité qui permettait d’évaluer la production et les rapports entre divers biens était la plupart du temps le blé, le sel ou le pain. Le sel était la monnaie en nature la plus employée à Moscou en 1920 et assumait les trois fonctions traditionnelles de la monnaie. Le seigle était une unité de compte très répandue aussi, des comptabilités paysannes jusqu’aux comptabilités officielles d’activités très différentes de l’agriculture comme l’industrie des combustibles, vers 1922-23. Ailleurs, d’autres biens servaient aussi d’unités de compte : le pétrole, l’huile de tournesol, les cotonnades, etc56. En outre, on compta, de fin 1917 à 1925,

près de 2200 émissions locales de moyens de paiement de nécessité, et dans beaucoup de localités ces émetteurs avaient élaboré un véritable système monétaire local disposant de sa

54

Albert Londres [1993, pp. 66-67] rapporte que le commissaire au finances lui déclare, en avril 1920 : « J e

n’ai pas de plus grande joie que de voir le rouble, chaque jour, dégringoler. Vous avez pu remarquer la fantaisie qui règne dans nos coupures : le billet de soixante roubles a l’aspect d’un timbre sans aucune importance, tandis que celui de vingt-cinq est plus cossu. Notre nouveau petit billet de mille a tout l’air de valoir cinquante kopecks. Ne croyez pas que cela soit hasard ou maladresse, c’est voulu. C’est pour que l’homme s’habitue à dédaigner ces signes extérieurs du méprisable capital individuel ».

55

Prokopovicz [1952, p. 521]. La masse monétaire ne cessait de croître en valeur nominale, mais les prix, croissant plus vite, la faisait se contracter en termes réels. Ce phénomène est caractéristique de l’hyperinflation.

56

propre unité de compte, fut-elle encore nommée le rouble57.

« La demande en monnaie était si grande que des bons d’usine sur des morceaux de papier ordinaire avec le timbre de quelque personne ou institution locale responsable ou du président de quelque comité jouaient le rôle de monnaie »58

.

Dans les transactions officielles, les prix fixés devenaient ridiculement petits à cause de l’effondrement de la monnaie, ce qui conduisait à l’extension des paiements en nature sous forme des produits élaborés par les usines, produits consommés par les ouvriers ou échangés par eux sous forme de troc. Les prix officiels devenant une fiction, on put facilement décréter leur abolition et l’instauration officielle de la distribution gratuite des produits et services de base. D’octobre 1920 à janvier 1921, la marche vers une économie amonétaire avançait rapidement.

Dernier pas en direction d’une économie amonétaire dirigée selon des principes interprétés des textes de Marx, le Conseil des Commissaires du Peuple proposa un étalon travail en janvier 1920 afin de permettre l’établissement de budgets et d’une comptabilité sociale. Strumilev, son principal promoteur, estimait qu’une économie amonétaire mais fondée sur une unité de travail social était possible. Cela devait rationaliser les pratiques diverses et anarchiques qui s’étaient développées dans le pays et qui étaient, de fait, moins efficaces que le système monétaire d’avant la révolution pour adapter l’offre à la demande. Ce que proposait Strumilev était l’instauration d’une unité standard, le tred ou unité de travail, correspondant non à un temps de travail mais à une estimation moyenne de quantité produite par un ouvrier durant une journée. Il proposait par ailleurs l’adoption d’une autre unité, la dovolstvija ou unité de satisfaction, qui correspondait à 2000 calories, c'est-à-dire les besoins alimentaires minimaux d’une homme normal59. Les discussions allaient bon train

en 1920 et jusqu’au début de 1921 mais n’eurent pas d’application concrète.

En mars 1921, Lénine prit le virage de la NEP afin de couper court à l’effondrement et à la désorganisation de l’économie, qui avait dû par ailleurs soutenir un incessant effort de guerre. On revint dès lors progressivement sur les mesures prises de 1917 à janvier 1921 : autorisation du commerce privé, abandon du troc obligatoire et des équivalences en nature, objectif d’une monnaie stable, laquelle était calquée sur le rouble-or d’avant-guerre, abolition du monopole étatique de détention de l’or, etc. Entre-temps, l’hyperinflation avait effectivement ruiné la bourgeoisie russe et l’ensemble des classes aisées. À partir de 1927, on se dirigea désormais vers une économie de planification et vers une étatisation pérenne. Cela nécessitait l’emploi de la monnaie, à la fois comme unité de compte et de planification et comme instrument de répartition des biens par le commerce étatisé.

Les révolutions socialistes du siècle n’eurent pas toutes la violence et le chaos russe.

57

Prokopovicz [1952, pp. 521-522].

58

En 1960, Cuba conserva sa monnaie, le peso, mais tenta de l’éliminer de certaines opérations économiques comme la livraison de leur production à l’État par les entreprises publiques et leur approvisionnement par l’État ; les entreprises ne recevaient pour argent que les salaires qu’elles devaient verser aux employés. Certaines fermes collectives fonctionnaient sans salaire. Mais il n’y eut pas à Cuba de tentative globale d’abolition de la monnaie, contrairement au Cambodge et au Laos au milieu des années soixante-dix. Le Cambodge poussa à l’extrême sa révolution. Elle se traduisit par la réorganisation totale de la société, l’abolition quasi totale de la propriété privée et un gigantesque massacre. En mai 1976, la monnaie fut abolie : elle était devenue inutile, il n’y avait plus d’échange mais un système totalement dirigé et centralisé de production et de répartition de cette production. Ces années s’achevèrent avec l’intervention vietnamienne fin 1979.

S’il était besoin, on constate dans ces « expériences » que la monnaie n’est pas supprimée. La monnaie, c’est-à-dire le concept générique de monnaie : on continue de compter, et, de même, on continue d’employer un système de résolution des dettes. Cette perpétuation de l’usage de la monnaie est soit officielle, de la part d’un État et d’entreprises collectives qui trouvent nécessaire d’évaluer leurs productions et de comptabiliser les transferts de biens, soit informelle ou souterraine de la part des personnes qui trouvent nécessaire d’échanger des biens, échanges pour lesquels un instrument commun de mesure et de paiement est une grande facilité. Compter et gérer les dettes ne suppose pas l’Argent, si par Argent on veut qualifier des phénomènes tels que la spéculation, les inégalités, la pauvreté, etc. Mais compter et gérer les dettes signifie monnaie, si par monnaie on entend le concept générique et technique des économistes.

C’est aussi de cette façon que l’on doit comprendre les systèmes d’échange local (SEL). Dans les SEL, on veut supprimer l’Argent (la richesse sous sa forme inégalitaire) en supprimant l’argent (manifestation physique de l’Argent). Les slogans sont ainsi fréquemment « échanger sans argent ». Mais on ne supprime pas la monnaie (concept). L’erreur commise par la plupart des commentateurs sur les SEL est de déduire, de l’absence d’argent (manifestation physique), celle de la monnaie (concept), et d’ainsi considérer les SEL comme des groupes de troc.

On peut donc échanger sans argent et a fortiori échanger sans Argent, mais on ne peut échanger durablement sans monnaie. Au-delà de ses manifestations concrètes sur lesquelles notre esprit demeure trop souvent rivé, la monnaie est en effet ce qui permet de gérer les dettes, éléments primordiaux de toute société.

59

C

ONCLUSION DU CHAPITRE

Les théories et expériences socialistes exposées dans ce chapitre reposent sur quelques idées communes. On peut ici en retenir trois.

- On refuse l’idée selon laquelle le travailleur verrait une part prélevée sur le produit de son travail afin de rémunérer le propriétaire du capital.

- Ce refus induit le refus du médium qui porte le pouvoir du capitaliste : la monnaie, identifiée comme cette terrifiante capacité à subordonner des hommes à d’autres hommes.

- Le refus de ce médium peut dès lors se traduire selon divers degrés ; mais il ne paraît pas crédible d’élaborer un système social complexe sans gestion des dettes, de la production et de la répartition, autrement dit sans une unité de compte et un système de paiement.

Or les idéologies de suppression totale de la monnaie pêchent par cet oubli. Les tentatives concrètes d’abolition de la monnaie à l’échelle d’un pays n’ont pu se dérouler que dans le contexte de l’appel à divers instruments extérieurs, tolérés (Russie) ou formellement interdits (Cambodge). L’absence de monnaie officielle a nécessité l’usage de monnaies parallèles palliatives.

Quant aux idéologies de transformation sociale sans velléité d’abolition formelle de la monnaie, sur une base communautaire ou sur une base étatique et dirigiste, elles n’ont été expérimentées finalement que dans le cadre de petites communautés qui se sont de ce fait placées en cercles monétaires clos, parallèles au système monétaire national.

Au total, cet ensemble de théories repose sur l’idée fondatrice de la possibilité d’une abondance généralisée dans le cadre d’une organisation sociale et économique différente de celle du mode de production capitaliste. Cette ère d’abondance que l’on appelle alors de ses voeux permettrait un fonctionnement social égalitaire. L’inégalité n’existe que parce que les ressources et les biens sont rares.

De fait, les organisations mises en place pour aller dans le sens de cette abondance transforment les fondements et les formes de la monnaie. L’objectif est moins de l’éliminer que d’éliminer l’Argent, ce grand « corrupteur ». La monnaie, elle, ne peut que subsister, bien que de façon transformée, et poursuit son rôle de comptabilisation et de résolution des dettes au sein d’un processus économique nouveau.

La transformation maximale de la monnaie conduit à la fragmenter au point de la dissoudre dans les éléments réels de l’économie : dans un système où planification et comptabilisation des productions se réalisent en volumes réels, c'est-à-dire en unités physiques de quantités de produits, la fonction de compte de la monnaie est annihilée au profit d’une multitude d’unités au rôle quasiment nul car restreint à une seule catégorie de

produits. L’instrumentalisation de la monnaie que réalisent les systèmes socialistes utopiques conduit à diriger fortement aussi l’emploi du moyen de paiement qui, dans certaines versions de socialisme, ne devient plus qu’un bon d’approvisionnement de biens centralisés puis redistribués. Or cette instrumentalisation ne peut qu’ouvrir la voie à la recherche d’instruments plus généralistes par les acteurs économiques qui en ont besoin, et donc à l’intrusion d’instruments monétaires parallèles.

De même qu’à propos de la monnaie accélérée, il semble que la leçon à retenir soit l’impossibilité pratique de ces utopies à l’échelle d’un pays ou de la planète, et la contrainte finale d’expériences limitées en termes d’espace voire en termes de temps. L’extension historique des systèmes d’échange local depuis plus de dix ans montre que la perspective communautaire issue des expérimentations et de la pensée de Robert Owen semble, face à ces contraintes, la seule possibilité de mise en oeuvre de telles utopies.

La distinction opérée au chapitre premier entre les niveaux sémantiques attachés à l’argent et à la monnaie ont permis de réduire trois ensembles très différents de théories normatives relatives à la monnaie à un langage commun.

À une extrémité, les courants du Free banking envisagent de neutraliser les effets de la monnaie sur l’économie. Cette recherche conduit à l’éclatement des espaces monétaires et, dans l’extrémité présentée par la New Monetary Economics, à la substitution d’actifs portant intérêt à la monnaie.

À une autre extrémité, les courants socialistes envisagent la suppression de l’Argent, cet élément corrupteur associé à la nature du système économique capitaliste. Cela passe, dans leur rhétorique, par la suppression de la monnaie, c'est-à-dire pour certains son remplacement par un nouveau système de répartition des biens basé sur le temps de travail, et pour d’autres l’abolition définitive de tous système de billets et autres signes propres à la répartition des biens.

Entre les deux se positionne le courant que nous avons qualifié, faute de mieux, de circulationniste. Ce courant combat aussi l’Argent, cet instrument accumulable par ceux qui en disposent. Ses propositions consistent en l’organisation de monnaies de consommation, c'est-à-dire des monnaies soit dépensées sur les lieux de création des revenus, soit dépensées intégralement et rapidement. Ces deux possibilités sont par ailleurs compatibles.

Mais quelle que soit la nature de ces utopies monétaires, au fond, une constante subsiste : toutes instrumentalisent la monnaie, c'est-à-dire la transforment en simple outil d’une nouvelle organisation économique et sociale.

Pour les courants du Free banking, il s’agit de construire une société non pas sans Argent (la richesse et son accumulation sont en effet le produit nécessaire de l’activité économique) mais dont la monnaie est réduite à l’état de marchandise produite de façon concurrentielle par une quantité maximale d’émetteurs.

Pour les courants socialistes, il s’agit de construire une société dans laquelle la