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Chapitre 3 : La création d’un univers virtuel ludique, le cas de PRISON BOSS VR

3.4 L’expérience PRISON BOSS VR

PRISON BOSS VR, produit par la compagnie TREBUCHET, est un jeu axé sur la gestion de ses ressources ainsi que de son environnement. L’individu se retrouve à l’intérieur d’un univers virtuel carcéral, plus précisément dans une cellule, et c’est dans cet espace limité qu’il évoluera. Le cadre analytique proposé par Wolf (2012) a aidé à saisir les différents éléments, présents au sein de PRISON BOSS VR, permettant la création d’un univers virtuel et de ce fait, offrant la possibilité de vivre une immersion sensorielle virtuelle.

Pour Alexandre, créateur de PRISON BOSS VR et cofondateur de TRÉBUCHET, l’utilisateur doit pouvoir s’acclimater rapidement à ce nouvel environnement pour pouvoir naviguer à l’intérieur de celui-ci, et ainsi réussir à produire les éléments nécessaires pour réussir à s’évader de sa cellule. Dans le cas de PRISON BOSS VR, le milieu carcéral représente les idées typiques véhiculées par les livres (Petrescu 2013), le cinéma et les séries nord-américaines (Lyon 2008). Vincent, cofondateur de TRÉBUCHET a d’ailleurs souligné que pour le processus de création de l’univers virtuel carcéral ils ont été : « très comme sur les stéréotypes. On a pris le stéréotype gangster et on a mis ça un peu ridicule ». On y retrouve donc la présence de cellules, de barreaux, de gardes et de trafic d’objet illégaux. Toutefois, les gardes prennent la forme d’œufs et parlent une langue inexistante, ce qui rappelle la nature ludique de cet environnement virtuel. Les créateurs ont décidé de créer un univers amusant, dans lequel les utilisateurs peuvent toutefois saisir leur environnement. Cet aspect s’est reflété lors de mes entrevues avec les participants de ma recherche. Ils ont toutes et tous reconnu le contexte immédiatement, c’est-à-dire qu’ils ont absorbé les composantes de l’univers afin d’en comprendre le fonctionnement (Wolf 2012). Vincent a d’ailleurs mentionné l’importance de cette identification de l’environnement puisque pour lui, elle permet à l’immersion de s’exercer: « J’ai l’impression qu’à partir du moment où l’utilisateur se met à sentir qu’il comprend bien cet environnement-là pis qu’il se met à sentir qu’il comprend les règles, les dynamiques [...] s’ils ne comprennent pas, bien ce n’est pas, ce n’est pas le fun. Il n’y pas le sentiment de faire partie de cette nouvelle réalité ». L’immersion doit donc être dans un environnement crédible et établi (Wolf 2012). L’absorption, dans le cadre du jeu PRISON BOSS VR permet aux joueurs d’être immergés puisqu’ils comprennent la

réalité virtuelle qui leur est présentée. Elle est également la base de l’expérience virtuelle fonctionnelle, c’est-à-dire une expérience dans laquelle le joueur se sentira présent dans le virtuel. Alexandre, également créateur de PRISON BOSS VR énonce que :

Au final, pour être pris dans un jeu, quand tu dis je suis pris dans un jeu, des fois ça peut être l’histoire, ou même quand c’est l’histoire dans un jeu, comme c’est interactif, c’est qu’est-ce que toi tu peux faire dans l’histoire qui t’intéresse et souvent ce qui satisfait, ce qui fait que tu as l’impression d’être immergé dans le jeu ou pas c’est si tes interactions correspondent à tes attentes.

Être capable d’agir comme attendu, comme il arrive dans notre quotidien, signifie donc la présence de repères visuels et culturels. Ceux-ci sont inclus dans l’exhaustivité du monde carcéral. Ce sont des petits détails, tels que l’habillement des autres prisonniers, la présence de gardes, le décor de la cellule, etc., qui aident le joueur à comprendre la signification de ce qu’il voit au sein de l’univers virtuel. Plus que simplement être au milieu d’un décor de prison, il est un prisonnier. Amélia*20, une des participantes à ma recherche, a noté que les repères carcéraux lui ont permis de raisonner rapidement sur la raison de sa présence au sein de la cellule ainsi que sur les objectifs ludiques du jeu. De plus, puisque cette expérience est ludique, les créateurs ont ajouté de nombreux éléments différents de la réalité (c.-à-d. les gardes sont des œufs habillés avec un uniforme, ils ont des yeux et discutent entre eux). Ces nouveaux éléments permettent aux utilisateurs de faire une dissociation entre le monde primaire (leur environnement immédiat quotidien) et le monde secondaire (la prison du jeu PRISON BOSS VR). Le processus de création d’une expérience immersive au sein d’univers virtuel tel que PRISON BOSS VR tient compte de la capacité du joueur à comprendre ce qu’il est attendu de lui au sein de cet univers.

En analysant le monde de PRISON BOSS VR avec le cadre analytique de Wolf, la discussion autour de plusieurs éléments essentiels (présentés par Alexandre, Vincent et certains participants) dans le processus de création d’univers virtuels, a permis de mieux concevoir l’importance de la réflexion sur l’inclusion de certains environnements, décors, objets, etc. La conception d’univers virtuels nécessite une réflexion basée non seulement sur

l’intégration d’éléments, mais également sur l’expérience de l’utilisateur. Pour Alexandre et Vincent, un univers virtuel attrayant pour le joueur en est un axé sur son expérience.

3.5 Conclusion :

L’expérience immersive virtuelle, bien que différente de l’expérience quotidienne, reste subjective, liée à la culture et à son vécu. Si celle-ci se développe dans un univers virtuel, elle n’en reste pas moins réelle. L’expérience virtuelle se présente comme une opportunité de vivre une immersion sensorielle au sein d’une autre réalité que la nôtre. L’expérience étant un terme flou et qui diffère selon les contextes, l’intégration de plusieurs approches s’est avérée essentielle. En définissant les différentes compréhensions anthropologiques de l’expérience, il devient plus aisé de concevoir ce qui est pris en considération lorsqu’on parle d’expérience ainsi que de comment elle est comprise et exprimée. Un point commun aux différentes définitions de l’expérience est l’importance de l’aspect culturel. La culture influence toute expérience. Celle-ci façonne également le processus menant les créateurs d’univers virtuels à faire certains choix d’éléments à inclure dans celui-ci.

En établissant que les termes monde et virtuel suggéraient que l’univers virtuel soit un monde subjectif n’ayant aucun impact sur la réalité quotidienne, cela a permis de situer les compréhensions actuelles de ces termes en lien avec la technologie de la RV. En analysant le processus de mise en place des hôtels thématiques de Disney, Cypher et Higgs ont proposé que l’immersion repose sur la « colonisation de l’imagination » (2009), c’est-à-dire, la capacité des concepteurs à convaincre les personnes de la réalité de leur univers virtuel. Dans cette idée de « colonisation de l’imaginaire », Wolf (2012) a proposé d’analyser le processus de création d’un univers virtuel. Cette méthode analytique a permis d’examiner le processus de réflexion de l’équipe de TRÉBUCHET en lien avec la création de cet univers virtuel ludique.

PRISON BOSS VR est un univers virtuel créé dans l’optique de faire vivre une immersion sensorielle virtuelle carcérale. La colonisation de l’imaginaire des joueurs permet à ceux-ci de comprendre l’environnement dans lequel ils se retrouvent, de saisir l’utilité des objets, mais également d’agir en prisonnier, selon les stéréotypes présents dans notre culture.

Chapitre 4 : Analyse ethnographique; simuler et