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LA NATURE DE L’ÉPISTÉMOLOGIE TRADITIONNELLE

DAILY LIFE »

1.3.5 EXPÉRIENCE ET INTENTIONNALITÉ DE LA PERCEPTION

1.3.5.1 Explication et Description.

Les épistémologues partisans de la thèse des données sensorielles voient dans le concept de sense data et sa définition l’idée suivante : la possibilité selon laquelle ce type d’entité puisse être considérée comme le fondement ultime et le principe même de la connaissance, c’est-à-dire ce sur quoi elle repose. Pour les partisans des sense data, elles sont ainsi un type d’entité qui garantit l’infaillibilité de la connaissance empirique et qui réduit quasiment à néant la menace du scepticisme épistémologique. La signification du concept de données sensorielles valide ainsi l’idée même d’expérience comme le tribunal suprême de la

96 T. Clarke, La nature de l’épistémologie traditionnelle et T. Clarke, Voir les surfaces et les objets physiques. 97 T. Clarke, Le legs du scepticisme.

98 T. Clarke, La nature de l’épistémologie traditionnelle, § III & § IV. 99 D. Chapuis-Schmitz, Le sens à l’épreuve de l’expérience, p. 87.

160 connaissance. D’une certaine façon, l’assurance de la perception des objets physiques au moyen de l’idée de données sensorielles fait dire aux philosophes que la perception est intentionnelle, c’est-à-dire que les sense data garantissent la vérité ou la fausseté de la perception.

À la suite d’Austin, Clarke pense que les analyses épistémologiques de la perception réalisées par les philosophes ont une tendance à identifier la nature de la perception avec les descriptions qui en sont faites. Ainsi, « voir un objet physique », selon le langage philosophique de la connaissance empirique, consiste à produire des descriptions, c’est-à-dire à rapporter ce qu’est voir ou percevoir un objet. Aussi, Clarke est-il conduit à affirmer que dans les analyses de la philosophie de la perception, nous ne disons pas ce nous voyons ou ce que nous percevons, mais au contraire, nous voyons ce que nous disons voir ou percevoir. La nécessité de distinguer la perception des descriptions qu’on en fait évite d’attribuer des traits caractéristiques en lesquels les épistémologues traditionnels voient et (re)présentent ce qu’est voir un objet physique. Confondre la perception d’un objet avec ce que nous en rapportons conduit à proposer une définition polysémique de la perception dans la mesure où les épistémologues attribuent certains traits ou propriétés à la perception qui ne se vérifie pas dans tous les cas. Selon Clarke, c’est l’une des raisons principales qui nourrit les polémiques épistémologiques quant à la nature de ce qu’est « voir un objet ». Des énoncés descriptifs différents qui prétendent rapporter ce qu’est véritablement « voir » un même objet peuvent cependant être valides, car les contextes dans lesquels ils s’inscrivent et font sens feront qu’ils sont adéquats ou non à la situation véritablement rapportée. Il en résulte pour Clarke qu’il n’y pas à théoriser un sens propre ou univoque au concept voir comme prétendent le faire les épistémologues traditionnels. Car il y a une pluralité de modalités de ce qu’est dire voir selon l’objet en question. La théorisation d’un sens absolu et définitif du concept voir est une illusion épistémologique, tout autant que la théorisation d’un sens herméneutique de voir, c’est-à-dire d’une conception de voir sujette de multiples interprétations.

S’il y a une « plasticité »100 du sens de voir, cette plasticité n’est conditionnée que par ce qui vu. Par conséquent, les apories auxquelles se confrontent les épistémologues traditionnels sur le sens à donner à ce qu’est « voir un objet » relèvent non d’un ou plusieurs sujets de la perception, mais de la grammaire de la perception. Elles réfèrent à l’ensemble des règles et des jeux auxquels se prête le langage philosophique de la connaissance, celui de la philosophie de la perception et qui le différencie du langage de la connaissance empirique

161 dans la vie quotidienne. En un sens proche de Wittgenstein et d’Austin, Clarke développe au moyen de son analyse critique des arguments de l’épistémologie traditionnelle, l’idée selon laquelle la nature de ce qu’est voir ne s’explique que par le recours au descriptivisme. Ainsi,

voir un objet, c’est le voir de telle façon que ce qui est vu puisse être éventuellement décrit selon telle ou telle manière ou aspect.

Entendu en ce sens, voir apparaît alors comme « l’ombre portée de la description

(voire de la possible description) sur la perception elle-même. »101 De ce fait, plusieurs épistémologues cherchant à rendre compte de la connaissance empirique peuvent voir un même objet, mais pas nécessairement de la même manière. Ceci explique la divergence de leurs analyses respectives quant à ce qu’ils voient ou disent et quant à leur définition de la nature de la perception. Pour Clarke, cela rend compte également des raisons pour lesquelles les épistémologues dans leur ensemble et les hommes ordinaires dans la vie quotidienne voient un même objet, mais pour autant, ils ne le voient pas de la même façon. Car les divergences de ce qu’ils voient ou de ce qu’ils disent voir sont tributaires des pratiques et des fins respectives aux uns et aux autres. En un mot, voir consiste en un faire102 qui divergera selon les attendus respectifs de chacun, d’une part, les épistémologues qui sont des analystes spécialistes de la connaissance perceptive, d’autre part, les non-philosophes qui dans la vie quotidienne ne prétendent pas à ce type d’analyse, mais à voir tout simplement. En d’autres termes, épistémologues et non-philosophes portent leur regard différemment sur l’objet à voir, car le dire et le voir sont articulés à des finalités distinctes pour les uns comme pour les autres103.

En conséquence, à l’instar d’Austin, Clarke pense que l’épistémologie traditionnelle enrégimente la philosophie de la perception dans une problématique épistémologique de l’accès qui restreint fortement la complexité, mais également la richesse de la perception104 . En effet, l’épistémologie traditionnelle au travers de ses analyses de la connaissance perceptive se confronte interminablement à une impossibilité de restituer la teneur réelle de l’acte perceptif avec la problématique de l’accès. Cette problématique épistémologique de l’accès nourrit ainsi les divergences et les polémiques entre théoriciens de la connaissance empirique puisqu’ils ambitionnent de rapporter l’effectivité de l’acte perceptif depuis un modèle théorique qui se révèle insuffisant à prendre en compte la dimension contextuelle de

101 Id., p. 70.

102 T. Clarke, La nature de l’épistémologie traditionnelle et Voir les surfaces et les objets physiques. 103 T. Clarke, La nature de l’épistémologie traditionnelle, § II & § III.

162 ce qu’est voir. La multiplicité des perspectives que recouvre l’expérience sous le vocable voir conduit les épistémologues et les non-philosophes à prétendre véritablement voir depuis l’idée partagée d’un sens commun105. Cependant, si cette idée est commune aux uns et aux autres, elle apparaît distinctement dans leurs revendications épistémiques. En d’autres termes, l’interrogation clarkienne est la suivante, à savoir : en quoi le common sens des uns est-il le

sens commun des autres ?106

1.3.5.2 Être et connaissance de l’être : la question du recours à l’idée de sens commun.

Lorsque nous voyons un objet physique, nous recourons à la description qui est une représentation symbolique de ce que nous affirmons voir. Cette représentation langagière peut être soit iconique, soit propositionnelle. Prenons un exemple pour illustrer notre propos. Lorsque nous observons un objet physique, nous pouvons poser la question suivante : » Voyons-nous la totalité de l’objet ou seulement une partie ? » Afin de répondre à cette interrogation, le recours à une description sous la forme d’un diagramme ou d’une proposition nous est nécessaire pour rendre compte de ce que nous disons voir de cet objet. Mais est-ce en toute certitude ? Nous prenons pour réelle la représentation descriptive de la réalité de notre perception visuelle de l’objet. Nous disons voir l’objet de telle ou telle manière. Mais ne sommes-nous pas conduits alors à expliquer la réalité de la vue de l’objet par l’artificialité d’une situation descriptive qui résulte de la méthode utilisée ? N’avons-nous pas le risque de ne voir que ce que nous disons voir alors que nous devrions dire voir ce que nous voyons effectivement ? Telle est l’interrogation majeure posée à l’épistémologie traditionnelle par Thompson Clarke. Les tentatives épistémologiques de reproduire la réalité de nos expériences visuelles ou perceptuelles sous le mode d’une fiction du réel qui lui est tout ou partie incommensurable courent ainsi le risque d’être infondées. Mais avons-nous la possibilité de refuser à la connaissance par description un statut épistémologique ? Il appert que non puisque nous n’avons pas une connaissance intuitive des choses au quotidien. Nous

105 Ibid.

106 T. Clarke, La nature de l’épistémologie traditionnnelle et T. Clarke, Le legs du scepticisme, § Au-delà de l’ordinaire.

163 ne voyons quelque chose qu’en ayant recourt à la fonction symbolique du langage dont la dimension descriptive est le propre d’une connaissance symbolique. Cette capacité symbolique du langage participe non seulement à l’élaboration conceptuelle des représentations de nos actes et de nos énoncés sur le monde, mais aussi à constituer ce que nous nommons des objets de la connaissance. La valeur ordinaire accordée à nos comptes-rendus ou à nos descriptions d’expériences perceptives fonde ainsi les corrélations descriptives et normatives entre une perception et une connaissance. De là, les ambitions philosophiques à fonder des théories de la connaissance et de la perception prennent leur sens. Poser la question de savoir si nos expériences perceptives sont à l’origine ou sont une forme parmi d’autres de la connaissance, nous conduit à chercher philosophiquement une valeur épistémique à des situations perceptives. Voir et savoir sont ainsi indissolublement lié philosophiquement dans ce qui s’apparente être un dessein pour Clarke. Mais lequel ?

Généralement, les justifications ordinaires de la perception sont élaborées le plus souvent au moyen de caractéristiques contingentes de situations perceptives. Les descriptions ou représentations de nos expériences perceptives de la réalité représentent et justifient le monde physique. Nos conceptions ordinaires de la nature d’une expérience perceptive nous donnent à penser que la perception de quelque chose aspire à une forme de savoir ou vise l’idée d’obtenir une connaissance. Ceci présuppose le plus souvent que le fait de percevoir quelque chose est caractérisé comme un certain type de relation entre un percevant et un perçu. Autrement dit, en termes de philosophie classique, un certain rapport entre un Sujet qui perçoit et un Objet qui est perçu. Nous entendons par Sujet, une instance critique, celle de la conscience ou de l’esprit qui connaît. Quant au terme d’Objet, nous le comprenons comme ce qui s’offre aux regards de cette instance critique et qui peut constituer l’assise d’une expérience effective ou possible. Aussi, le concept percevoir peut-il être entendu comme un certain état mental qui reste à être caractérisé, mais qui nous permet de constituer un genre d’action et de réflexion à propos de ce qui est perçu. Mais qu’est-ce que percevoir un objet ? À cette interrogation, la réponse la plus commune est fondée sur une explication du rôle et de la fonction des sens qui présente ou représente une chose ou un objet, comme étant telle ou telle à l’esprit. Cette explication conduit à s’interroger sur les manières dont nous avons ou non accès directement à la réalité perceptive. Car, selon l’explication proposée, la réponse à l’accès direct ou non à la réalité perceptive nécessite de convoquer l’idée de quelque chose qui agisse comme un intermédiaire ou une donnée, permettant d’établir une relation de connaissance entre le percevant et le perçu. Cet intermédiaire ou donnée agirait comme le représentant de ce qui est perçu à l’égard d’une conscience perceptive. L’idée

164 philosophique que nous n’aurions pas un accès immédiat aux choses ou aux objets physiques provient du fait que nous sommes en droit parfois de nous défier de ce que nous percevons comme étant réels. Le fait d’avoir la possibilité de douter de nos expériences perceptives conduit la raison philosophique à nier la valeur effective des sens. Nos sens peuvent nous tromper. Aussi, la crainte de l’illusion perceptive entraînerait certains philosophes à concevoir un modèle d’intelligibilité du risque de l’illusion tout autant qu’à établir de manière certaine l’infaillibilité de toute véritable connaissance et la nature de ses modes opératoires. Que la connaissance puisse faire en partie défaut ou qu’elle puisse être partielle, voilà ce dont il faut se prémunir philosophiquement. Car il en va de la Vérité. Par ailleurs, la nécessité proprement philosophique de proposer une explication aux différentes façons de connaître et de constituer un savoir est un impératif pour la connaissance philosophique. Elle repose sur l’idée qu’il y a une hétérogénéité absolue entre ce qui relève de l’ordre de la phénoménalité, la nature des objets physiques, et ce qui relève de l’esprit, la nature de la pensée. Dans ces circonstances, comment la pensée peut-elle alors rendre compte de ce qui lui est totalement extérieur et hétérogène ? Plus encore, comment l’esprit107 défini comme principe de l’activité mentale est-il en mesure de constituer un genre de relation avec un univers physique régi par des lois propres ? Cette dernière question touchant la nature du rapport entre le mental et le physique est fondamentale. Elle permet de comprendre pourquoi la conceptualisation du mental et la nature de ses liens avec l’univers physique demeurent d’actualité et largement dépendante de la théorie de la représentation cartésienne108.

En étudiant la nature de l’épistémologie traditionnelle, Clarke est conduit à évaluer cet héritage d’interrogations quant à la nature de la connaissance empirique. Il est également amené à évaluer la nature du geste épistémologique, c’est-à-dire à examiner ce que font exactement les philosophes quant ils prétendent rendre compte de cette prétendue

connaissance empirique à partir du présupposé de l’existence d’un sens commun. Pour ces raisons, Clarke tire de son examen de la nature de l’épistémologie traditionnelle, la volonté de comprendre ce qui se joue dans le geste de vouloir signifier absolument les concepts voir et

savoir, selon des critères purement et traditionnellement épistémologiques.

107 Pascale Gillot, L’esprit, figures classiques et contemporaines, Paris, CNRS éditions, 2007.

108Lire en particulier pour ses riches analyses, Cédric Brun, Représentationnalisme cognitif et

représentationnalisme classique. Essai d’épistémologie fondationnelle des sciences cognitives, thèse de doctorat, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, 2007, inédite.

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VOIR ET SAVOIR SELON L’ÉPISTÉMOLOGIE

TRADITIONNELLE

« L’exigence d’une compréhension complètement

générale de la connaissance dans un certain domaine requiert que nous nous voyions nous même d’emblée comme ne sachant rien dans ce domaine puis comme acquérant cette connaissance ou expérience indépendante et en ce sens antérieure. Et cela nous conduit à chercher un point de vue depuis lequel nous puissions nous voir nous-mêmes sans tenir pour acquise aucune partie de la connaissance que nous voulons comprendre. Mais si nous pouvions réussir à nous détacher ainsi de l’acceptation de toute vérité dans le domaine qui nous intéresse, il semble que la seule chose qu’il nous resterait à découvrir de ce point de vue est que nous ne pouvons jamais rien savoir dans ce domaine. Nous ne pourrions trouver aucun moyen d’expliquer comment cette connaissance préalable seule pourrait engendrer quelque connaissance plus riche au-delà d’elle. C’est la situation désespérée que la conception traditionnelle cerne bien. C’est la vérité du scepticisme.»

Barry Stroud, Comprendre la connaissance humaine en général.

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2.1. L’OBVIE, LE SENS COMMUN ET LEURS CONTESTATIONS.

2.1.1 INTRODUCTION.

En matière de philosophie ce qui semble aller de soi apparaît le plus souvent comme suspicieux. Une certaine attitude de défiance à l’égard des évidences communes semble caractériser le discours philosophique. Ainsi, la célèbre critique hégélienne de l’idée de sens commun renvoie-t-elle au fait selon lequel l’activité philosophique est en soi un certain dépassement du sens commun et des pseudo-évidences. Selon cette définition, la philosophie n’est pas réductible à la seule prise en compte des représentations du réel, car la pensée ne demeure ni dans la certitude du donné sensible, ni ne réside dans une pensée de l’entendement et du fini. Hegel identifie ainsi le sens commun à différents états, il peut être un dogmatisme trivial comme il peut être un scepticisme vulgaire1. Pour Hegel, l’usage philosophique de l’idée de sens commun s’avère tout autant illégitime que confortable pour polémiquer. Le sens commun incarne ainsi la figure topique et contestable de l’esprit et de la pratique réelle de la philosophie. Hegel fait ainsi culminer la critique du sens commun comme ce qui se rapporte à un type d’arguments et d’énoncés qu’il s’agit de dénoncer et de récuser comme trivial. L’opinion vulgaire ne saurait se confondre avec l’intelligence philosophique. Par conséquent, pour Hegel, la rationalité commune ne peut être assimilable et identifiable à la rationalité philosophique.

La nature du sens commun est depuis l’antiquité une question centrale de la philosophie. Généralement, nous voyons en l’idée de sens commun un objet analogue à l’opinion (doxa) contre lequel en général le geste philosophique a cherché à se définir. La philosophie est ainsi définie par Platon comme une contestation et une récusation de la doxa qui s’inscrit dans le schéma dualiste d’une opposition entre l’opinion (doxa) et le savoir ou la science (épistèmê). Cette définition platonicienne de la philosophie se trouve essentiellement

1 Voir en particulier les textes suivants : Georg Wilhem Friedrich Hegel, Comment le sens commun comprend la

philosophie, trad. franç. K. J. M. Lardic, Actes Sud, 1992 ; G. W. F. Hegel, La relation du scepticisme avec la

philosophie, trad. franç. B. Fauquet, Paris, Vrin, 1972 ; G. W. F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, trad. franc. B. Bourgeois, Paris, Vrin, 2006 et G. W. F. Hegel, L’encyclopédie des sciences philosophiques, 3 tomes, trad. franç. B. Bourgeois, Paris Vrin, 2004.

167 dans les livres V, VI et VII de la République et est radicalement illustrée par le mythe de la Caverne. Elle s’insère dans le legs parménidien d’une opposition cardinale entre l’apparence (phaînoménon) et l’être (ousia) où la philosophie constitue la voie d’accès initiatique et privilégiée à la Vérité (alêthéia). Rappelons que Platon oppose également au livre VI de la

République et dans le Théétète, la connaissance du corps, c’est-à-dire la sensation (aïthêsis), à la connaissance de l’âme, c’est-à-dire la science.

Cependant, l’histoire de la philosophie fait apparaître deux perspectives quant à la manière dont a été pensée l’idée de sens commun. La première est celle inaugurée par Aristote qui a pour objet la perception avec les sensibles communs (koïné aïsthêsis). Le sens commun relève ainsi de la théorie des facultés et d’une opération de synthèse de perceptions distinctes. Le sens commun conduit à faire advenir consciente la sensation tout en permettant de juger des sensibles et d’unifier la connaissance2. Cette conception perdure au cœur de nombreuses polémiques philosophiques ayant trait à la théorie de la connaissance et de la perception jusqu’au XVIIIe siècle. La seconde conduit l’idée de sens commun à être identifiée à la notion d’opinion et de rationalité commune (sensus communis) et peut être synonyme de bon sens.

Le dualisme cartésien affirmé dans les Regulae et les Méditations métaphysiques participe largement à discréditer l’idée de sens commun comme étant la genèse de l’opinion et à l’opposite des idées claires et distinctes. Néanmoins, Descartes3 distingue dès les premières lignes de son Discours de la méthode, le bon sens dont il fait ironiquement l’apologie, de l’idée de sens commun qui relève de la tradition néo-aristotélicienne et scolastique. Pour