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CHAPITRE 1 – La périurbanisation et l’espace agricole en Tunisie

D- Autres exemples

D-1- Le cas de quelques pays arabes

Au Liban, près de 7 % de l'ensemble des terres arables en 1994, et une part plus grande encore (15 %) des terres irriguées, ont disparu à cause de l'extension des zones urbaines dans les vingt dernières années, (Plan Bleu, 1999).

116

Gertel J. et Samir S., « Le Caire : agriculture urbaine et représentation d’une « ville moderne » », in Interface : agricultures et villes à l’Est et au Sud de la Méditerranée, sous la direction de Joe Nasr et Martin Padilla, éditions Delta, 2004, p. 176.

117 Propos recueillie (en 2006) auprès d’un des premiers résidents installé depuis 1975 dans l’ancienne zone agricole de Zahrouni au Nord-ouest de Tunis.

En Syrie : « À Damas, située en milieu aride, l'oasis de la Ghouta offrait depuis des siècles,

sur ses 23.000 ha, un élément d'équilibre et de complémentarité à la vie citadine. Elle était tout à la fois source de produits alimentaires frais, source de fraîcheur estivale et, tout comme les vergers d'Alep, une composante indissoluble de l'image de la cité. L'espace

agricole de la Ghouta est aujourd'hui en totale désorganisation »118. La partie la plus fertile

jouxtant les faubourgs de Damas est celle qui a subi au maximum l'avancée du front d'urbanisation. Les terres cultivées dans les parties plus éloignées où les villages existants sont en pleine mutation n’ont pas été épargnées par le processus de périurbanisation. L’étalement urbain est la conséquence d'implantations industrielles et résidentielles qui ont fait de ces villages des satellites, de fait, de Damas. Cette urbanisation a eu aussi pour conséquence l'appauvrissement et les pollutions de la nappe phréatique ce qui handicape inexorablement culture et arboriculture où « le rythme de destruction de l'espace agricole dans la Ghouta a pu

être estimé à 200 ha par an »119.

En Egypte, environ 750 000 feddans120 de terres agricoles ont été artificialisées entre 1960 et 1990 (environ 315 000 ha, soit près de 10 000 ha par an, ce qui représente 0,29 % des 3 500 0000 ha de terres arables de l’ensemble du pays en 1994). Depuis 1990, les pertes moyennes en terres agricoles seraient estimées à 30 000 feddans par an (environ 12 600 ha, ce qui représente 0,36 % des terres arables existant en 1994). L’agglomération cairote, déjà millionnaire depuis 1937 (1 312 000 habitants), reste toujours en tête, avec 10 600 000 habitants en 1993, répartie, pour partie, sur les plus riches terres agricoles des rives du Nil. L’étalement urbain s’est accéléré depuis que la campagne se peuple davantage en Egypte. Depuis les années 1930, l’exode rural « intervient pour moitié dans l'accroissement de la

population cairote », écrit Georges Mutin121. En périphérie du Caire, le rythme d'érosion de

l'espace agricole était important. Entre 1968 et 1977, 330 ha des terres agricoles sont grignotés chaque année par l’habitat, notamment spontané, contre 590 ha, au début des années 80 et 550 ha en 1990 (Chaline, 1996 ; Mutin 2002). « La moitié de l'extension de

l'agglomération s'effectue aux dépens de terrains en cultures intensives sur les rives du Nil, en aval, et plus encore dans le delta, que le front nord d'urbanisation grignote, surtout sous

forme de lotissements non-règlementés »122. L’effort de l’Etat se porte alors sur l'urbanisation

des terres désertiques où des villes nouvelles ont été aménagées en zone désertique sur un rayon de 50 km à partir du centre cairote et des villes satellites, moins excentrées par rapport aux premières. Mais cette politique était un demi échec, selon Georges Mutin123, puisqu’elle n’est pas parvenue à endiguer le processus de transformation des terres agricoles en zones périurbaines.

En Algérie, le prélèvement de surface agricole pour le développement urbain a été très important. Au niveau national, et depuis les années 1960, le secteur industriel a absorbé à lui seul près de 15.000 ha d'excellentes terres agricoles, le plus souvent dans la zone littorale. Entre 1975 et 1995, plus de 100.000 ha de terres agricoles ont été soustraits, au profit du développement des villes et des grandes infrastructures (Chaline, 1996). Le Conseil National

118 Claude Chaline, op. cit., p.113. 119

Claude Chaline, op. cit., p.113. 120

Le feddan est l'unité de mesure de la superficie foncière en Egypte; 1 feddan correspond à 0,42 hectares.

121 Georges Mutin, Le Caire, Métropole du Monde Arabe, texte inédit, 2002, http://archives.univ-

lyon2.fr/17/01/Mutin1.htm 122

Claude Chaline, op. cit., p. 114.

123 L’échec des ces projets a révélé une contradiction entre les options de planification de l’Etat et les aspirations sociales. En effet, les plus riches préfèrent résider au Caire et les plus pauvres étaient incapables d’accéder un logement aussi coûteux. Pas plus de 100 000 habitants résident dans ces villes nouvelles ou satellites alors que la seule ville de Sadate City était programmée pour accueillir à terme 1 500 000 habitants.

Economique et Social (CNES), (1997)124, Boudjenouia et Fleury (2004) parlent de 70 000 ha de terres agricoles urbanisées entre 1974 et 1987125 et 78.000 hectares durant la période 1988- 1996 dont 750 ha qui ont subi le même sort entre juin 1995 et mars 1996 malgré la Directive Présidentielle du 14 Août 1995 ordonnant aux autorités publiques de veiller à la préservation des terres agricoles CNES (1998). Le quotidien El Watan (2005) évoque plus de 270 000 ha de terres agricoles qui ont été envahis par l'urbanisation sauvage126. Au plan local, l’étalement mal maîtrisé du Grand Alger s'est fait essentiellement sur les zones à plus fortes potentialités agricoles (Mitidja et Sahel) où le bâti occupe actuellement 10 % de la superficie de la Mitidja et 21 % de celle du Sahel (CNES, 1998). Il aurait occupé 140 000 ha de terres fertiles, notamment dans la plaine de la Mitidja, une région qui compte parmi les périmètres irrigués les plus performants du pays. La zone industrielle de Skikda, s'est implantée aux dépens des vergers et des vignes qui ont été éliminés alors que l’aménagement de cette zone industrielle aurait été possible, au prix de quelques travaux de génie civil, sur des espaces incultes proches (Brûlé et Fontaine, 1987). En périphérie d'Annaba, les différentes formes de croissance urbaine, réglementée ou non, s'effectuent sans considération pour les activités agricoles existantes. (Chaline, 1996). Entre 1987 et 1992, un seul lotissement à Sétif a absorbé à lui seul 187 ha de terres agricoles (Boudjenouia et Fleury, 2004).

Au Maroc, les conditions géographiques parfois difficiles (collines, zones inondables, etc.) n’ont pas empêché notamment dans les régions de plaines, la persistance de zones agricoles aux alentours des villes des Casablanca, de Fès ou de Rabat-Salé. Toutefois, la périurbanisation, par l’extension de l’habitat surtout spontané est là aussi la règle. C'est le cas dans les zones de vergers proches de Fès et au Nord-est de Salé. Dans la zone de Rabat-Salé, l’habitat clandestin s’étend, au début des années 1990, sur plus de 3 000 ha avec une consommation de 400 à 700 ha par an (Bouhani, 1994). Il s’agit de la zone de Tabriquet-nord, anciennes terres cultivées de maïs, et de celle de Sidi Moussa, une zone maraîchère jouxtant la muraille de la médina de Salé. La zone de Sidi Moussa « était constituée de petites

exploitations agricoles de 1 à 2 hectares en moyenne qui servait à des cultures maraîchères couvrant une partie non négligeable des besoins de l’agglomération de Rabat-Salé en légumes et en fruits »127.

Dans ces pays à la forte croissance démographique urbaine, le recul rapide des espaces et des activités agricoles périurbaines est aujourd’hui la règle. Qu’en est-il en Tunisie ?

D-2- Le cas de la Tunisie

Malgré l’ancienneté de la tradition urbaine en Tunisie, les anciennes résidences secondaires notamment les borjs qui s’étaient localisées dans la campagne et non loin de la ville, n’ont jamais troublé le développement de l’agriculture aux portes des villes de Tunis, de Sousse ou de Sfax sous forme de jardins vergers et de potagers. Senia128, jnen129, bousten130, etc., sont

124 In Conseil National Economique et Social (CNES), Rapport sur l'environnement en Algérie, 1997. http://www.cnes.dz/cnesdoc/

125 Boudjenouia et Fleury, « Situation de l’agriculture urbaine à Sétif (Algérie) », in Interface : agriculture et villes à l’Est et au Sud de la Méditerranée, sous la direction de Joe Nasr et Martine Padilla éditions DELTA, 2004, p. 135.

126 Hamiche Amar, El Watan, 19 janvier 2005. http://quibla.net/mda/alg2005-1.htm

127 Bouhani A., « Politique d’urbanisation et espace agricole au Maroc », in Ben Ali Driss (et al), Urbanisation et agriculture en Méditerranée, conflits et complémentarités. L'Harmattan, Paris, 1996, p. 83.

128 Senia ou Sania (pluriel swani), vocable arabe qui désigne roue à irrigation, la Noria, tourné par une bête, généralement un chameau ou un mulet, pour puiser l’eau d’un puit afin d’arroser les cultures (dictionnaire arabe- francais al-farâ’id, édition 1986. La bête (chameau ou mulet) tourne autour du puit pendant des heures pour actionner les engrenages et la chaîne des jarres qui laborieusement alimentait des rigoles. Par ailleurs, le mot

autant de termes utilisés pour désigner ces jardins cultivés tant par des paysans que par des ouvriers agricoles employés par des citadins aisés. Seules la taille de l’exploitation, sa localisation géographique, les cultures pratiquées et les différentes fonctions (utilitaires, loisirs ou les deux ensembles) qu’ils accomplissent font la différence des désignations.

D-2-1- Des jardins qui prospèrent aux alentours des villes grâce à l’eau des puits

Le système classique d'exhaure ou de puisage est employé depuis longtemps à partir des cours d'eau permanents ou bien des puits de village pour les besoins humains et agricoles. En Tunisie, la rareté des cours d’eau permanents a fait de l’eau de puit un des facteurs déterminants pour le développement de l’agriculture, notamment les cultures maraîchères localisées aux alentours des villes. L’irrigation par rigole et/ou par submersion concerne tous les types de jardins et deux systèmes de puisage distinguent en fait les jardins jusqu’au milieu du XXe siècle. Ils sont étroitement dépendants du statut du propriétaire et des objectifs de l’activité agricole. En effet, l’activité peut se réduire à son intérêt économique (source de revenus et autoconsommation), pour la plupart des fellahs tout en gardant des rapports étroits avec la ville-marché, comme elle peut acquérir, dans bien de cas, un caractère de plaisance. C’est le cas des domaines de la bourgeoisie urbaine dans les environs de Tunis où, outre l’assurance des produits alimentaires pour les besoins familiaux, le domaine est souvent utilisé pour distraire les membres de la famille pendant les week-ends et les vacances et pour pratiquer des randonnées équestres ou la chasse.

Dans un cas comme dans l’autre, les moyens financiers du propriétaire agissent sur les équipements de l’exploitation. Pour l’arrosage des senias des notables, on utilise souvent la

noria131 qui était très présente dans les jardins maraîchers sur les rives du Nil et en

Mésopotamie depuis longtemps. Cette technique hydraulique a été introduite en Tunisie par les Arabes vers la fin du XIIIe siècle et elle reste le système d’arrosage adopté dans les senias (swani) beylicaux et les borjs de l’aristocratie tunisienne. Jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle et parfois au-delà, quelques senias des palais beylicaux dans les environs de Tunis (Mannouba, Sidi Bou Saïd, La Marsa) conservaient encore des machines hydrauliques traditionnelles : la noria, le dalou (seau en cuir pour l’arrosages des petits jardins), et le dlou (l’outre)132 pour l’arrosage de l’agriculture urbaine en général. Plus tard (à partir des années 1980) le système de puisage à l’outre fut abandonné progressivement et remplacé par le senia est dérivé du verbe sana qui veut dire arroser la terre en tournant la roue par une bête. D’ailleurs jusqu’à nos jours et dans la région du Cap Bon où abondent les senias d’agrumes et de cultures maraîchères, le verbe yisni est utilisé pour désigner l’action d’arroser la senia et le mot sounay est utilisé pour désigner l’agriculteur ou l’ouvrier agricole qui s’occupe des différents travaux de la senia (arrosage, binage, sarclage, récolte, etc.). Par ailleurs, si la noria b

129 Jnen (mot arabe du dialecte tunisien), dérivé du verbe jana qui veut dire cueillir. Parallèlement ce terme est compression du terme arabe Jinan ou jannat, pluriel de jannah qui veut dire « jardin-paradis » selon le dictionnaire arabe-francais al-farâ’id, édition, 1986. Il ressort que ce terme renferme deux fonctions complémentaires voire indissociables, longuement cité dans le coran : l’utile et l’agréable. L’utile est désigné par le coté production du jnen et l’agréable est souvent désigné par les ambiances que procurent ce type de jardin pour le bien être de l’homme (verdure, ombre, fraîcheur, chant d’oiseaux, murmure de l’eau, etc.). A ne pas confondre jnen avec jnina, un autre type de jardin, de dimension plus petite et qui désigne un jardin public ou privé en milieu urbain.

130

Le terme boustān désigne aussi « jardin, verger. Enclot planté de mûrier », dictionnaire arabe-francais al- farâ’id, édition 1986.

131 La noria (arabe nâ-oûra), machine hydraulique à godets, d’origine égyptienne, qui sert à élever l’eau et qui fonctionne suivant le principe du chapelet hydraulique, selon le dictionnaire Petit Robert1, 1987. Les godets ou jarres plongent renversés et remontent pleins.

132 L’outre « est une peau de bouc cousue en forme de sac et servant de récipient pour la conservation et le transport des liquides (pays de la Méditerranée ou du Proche-Orient) », Dictionnaire Le Petit Robert, 1986. En Tunisie l’outre (ou Kirba) a été utilisé pour le puisage de l’eau d’irrigation.

moteur diesel ou la pompe électrique dans le cas où l’exploitation était électrifiée. De ce fait, les machines anciennes se sont transformées depuis en ouvrages d’art traditionnel utilisés pour des fins touristiques.

L'exhaure était pratiquée par traction animale ce qui réduit l'effort humain. Le dlou, système de puisage peu onéreux, était très utilisé dans l’agriculture du Cap Bon (Nord-est de la Tunisie) et dans les régions semi-arides du Sahel jusqu’à Kairouan. Destinée à l’arrosage des petites exploitations surtout maraîchères, « ce système était très utilisé, jusqu’au début des

années 1970-1980, dans les senias urbaines et périurbaines de Hammam Sousse, de Akouda et de Kalaâ El Kebira »133. Les swani et les jardins maraîchers formaient l’essentiel d’une polyculture irriguée par l’eau de centaines de puits de surface qui se répartissent dans les dépressions des cours d’eau temporaires et dans les plaines littorales.

Noria de Borj Toukabri à la Mannouba, ancienne résidence d’été du Bey Husseinite Ali Pacha Bey (1759 - 1782), dans la banlieue Nord de Tunis. (Revault ,1974).

Dalous (récipient en cuir) sortis du puits avec manchon déployé sur bassin d’épandage. Résidence d’été Palais ben Ayed à Gammarth, région de La Marsa à l’Est de la médina de Tunis (début XIXe siècle). source : Revault (1974).

Jante d’une roue, jadis utilisée comme poulie pour le puisage à l’outre dans une exploitation maraîchère de front de mer : Hammam Sousse (2003)134.

Figure 6 : Evolution du système de puisage de l’eau d’irrigation en Tunisie.

En dépit des ces adaptations, l’activité agricole a considérablement régressé.

D-2-2 : Régression de l’agriculture de ville malgré les besoins croissants des populations urbaines en aliments frais

D’une part, les ventes du sol agricole pour des usages urbains s’accomplissent souvent avec la tolérance de responsables locaux et d’opérateurs publics comme la STEG et la SONEDE. C’est ce qu’a montré Chabbi (1996) à propos de l’urbanisation spontanée des périmètres publics irrigués dans la périphérie nord-ouest de Tunis et qui a donné lieu à création de la cité populaire « Ettadhamen (qui veut dire la solidarité) » 135. Et, très souvent, la création d’un noyau d’habitat spontané dans les senias périurbaines s’accompagne de l’introduction des

133

Extrait d’un entretien réalisé avec un agriculteur de Chott Mariem, 2003.

134 Actuellement (2003), le puisage se fait par une pompe électrique dont l’énergie est empruntée de l’hôtel voisin.

135

M. Chabbi (1986) évoque le rôle du Omda (Chef de la plus petite circonscription territoriale «Imada ») dans la prolifération de l’habitat spontanée sur le domaine Irrigué de la Medjerda au Nord-ouest de Tunis. Pour des fins politiques, le Omda et d’autres représentants locaux interviennent auprès des municipalités, de la STEG (Société tunisienne d’électricité et de gaz) et de la SONEDE (Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau) pour alimenter l’habitat non réglementaire en électricité et en eau potable.

transports en commun favorisant ainsi la construction du reste des terres cultivées qui les séparent de la ville.

D’autre part, le recul de l’agriculture urbaine est souvent la conséquence de sa marginalisation. Cela s’explique par le peu d’intérêt qu’allouent les politiques urbaines, les planificateurs et les acteurs locaux à l’agriculture urbaine qui n’est considérée que d’un point de vue économique, et non comme aujourd’hui de plus en plus en Europe en raison de sa multifonctionnalité. La mauvaise qualité agronomique du sol et les rendements faibles sont souvent utilisés par les pouvoirs publics comme des arguments pour justifier le changement du statut des terres de l’agriculture en faveur de l’urbanisation, lors de l’établissement ou la révision des plans d’aménagement urbain.

De fait, les différentes formes des extensions urbaines (zone touristique ou industrielle, zone d’habitat, routes, etc.) se font logiquement au détriment des terres agricoles. Les exploitations encore dynamiques dans les interstices des constructions se marginalisent peu à peu. Elles seront exclues du système d’appui à l’agriculture tout comme les fellahs qui seront exclus des statistiques agricoles. Pourtant, ces mêmes terres produisent, parfois avec des investissements individuels très limités. Tel est le cas des cultures de front de mer (les chatt) 136 de Akouda et Hammam Sousse qui ont cédé face à la pression de l’urbanisme balnéaire. C’est ce que nous développerons dans les parties suivantes.

Par ailleurs, les nouvelles manières d’habiter, l’engouement pour la villégiature et la maison individuelle produisent depuis quelques années de nouvelles formes urbaines plus ou moins dispersées qui consomment d’importantes terres agricoles et entament la cohérence des terroirs. Leur impact sur la régression de l’agriculture est aussi fort que l’effet des premières formes d’habitat non réglementaire enclenché à partir des années 1970 dans la plupart des villes littorales. Cela s’est produit à un moment où les politiques urbaines tentent de mieux gérer le territoire en le dotant de nouveaux instruments de planification (nouvelle loi de protection des terres agricoles, loi littoral, etc.) mais aussi en insistant sur les aménités environnementales, écologiques et paysagères des territoires ruraux. Toutefois, la protection des terres agricoles fertiles, qui distinguent les zones littorales en Tunisie, persiste comme le garant de la sécurité alimentaire des populations urbaines et place l’activité agricole parmi les préoccupations premières des pouvoirs publics.

La régression des agricultures périurbaines en Tunisie est donc un processus en cours du fait de l’inintérêt qu’accordent les techniciens de l’urbanisme à ces espaces sans trop se soucier de la disparition de l’activité agricole. Les attraits des espaces côtiers qui se sont traduits par la concentration des populations à proximité du rivage constituent un autre facteur qui y favorise les concurrences entre agriculteurs et non agriculteurs.

D-2-3- L’agriculture urbaine en zones littorales est la plus menacée

C’est dans ces régions que se trouvent les terres les plus fertiles du pays et dont certaines ont été aménagés aux frais de l’Etat pour développer une agriculture intensive et marchande : les périmètres publics irrigués (PPI). Concrètement, l’Etat s’est engagée depuis les années 1970 dans l’aménagement des périmètres irrigués au profit des fellahs par des investissements publics. Les principaux objectifs de ces orientations économiques étaient les suivants :

- la valorisation maximale du capital terre en mobilisant les ressources naturelles et humaines, - la fourniture de la nourriture nécessaire à une population urbaine en augmentation,

136 Les quelques petites exploitations maraîchères encore cultivées continuent de nourrir des familles souvent modestes, fournir aux citadins des produits frais consommés au quotidien et à l’activité touristique des paysages singuliers.

- l’ouverture de nouveaux horizons à la commercialisation des produits agricoles (développement de l’exportation).

Toutefois, ces stratégies de localisation de l’agriculture intensive étaient pensées, semble-t-il, sans accorder assez d’importance à la dynamique de la ville proche, ce qui s’est traduit par la construction de surfaces irriguées notamment autour de Tunis.

Sous l’effet du développement massif et rapide de l’urbanisation, les espaces agricoles comme les henchirs (espaces céréaliers) et les senias (verger, potager), qui jadis assuraient l’approvisionnement de la capitale Tunis en produits frais périssables ont largement régressé (Bouraoui, 2000). D’autre part, la parution de la loi de 1983 relative à la protection des terres