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CHAPITRE 2 – Les caractéristiques des politiques publiques dans l’organisation urbaine et

A- Evolution de la législation et de la gestion foncière en Tunisie

La Tunisie a hérité, à la date de l'Indépendance, de régimes fonciers agraires variés et complexes, résultant de situations et pratiques ancestrales (Gharbi, 2002). La politique foncière est passée par trois étapes qui ont marqué l’évolution de la législation et de la gestion foncière en Tunisie : étape précoloniale, étape coloniale et étape de l’Indépendance.

A-1- Etape précoloniale

Le régime foncier en Tunisie était, jusqu’à la veille du protectorat (1881), géré par le droit musulman (ou droit coutumier). Selon l’Agence Foncière Agricole (AFA)253, ce système a été à l’origine de l’existence de plusieurs tenures foncières traditionnelles à coté des propriétés privées ou domaniales. Parmi les tenures traditionnelles on trouve les terres collectives exploitées par les tribus qui en ont la jouissance, et les terres habous254. Parallèlement, et depuis le XIXe siècle, une part importante des terres agricoles était exploitée (directement ou indirectement) par des citadins. C’est ce que confirme Hafed Sethom selon lequel « la

mainmise des citadins sur les terres agricoles à la veille du protectorat était considérable. Elle représentait une des principales formes de domination de la campagne par la ville, en

plus de la pression fiscale »255. En effet, le régime foncier comportait durant cette période :

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Le régime foncier musulman, en Tunisie, n’a cessé de connaître des modifications, depuis le début du protectorat français en 1881 jusqu’à son abolition totale dès le début de l’Indépendance du pays en 1956. 253 L’Agence Foncière Agricole (AFA), décret n° 99-1877 du 31 août 1999, est la nouvelle désignation de l’ancienne agence de la réforme agraire dans les périmètres publics irrigués (PPI). Outre les PPI, la mission de l’AFA concerne aussi : - l’application de la réforme agraire dans les terres sises à l’intérieur des périmètres d’irrigation de la basse vallée de la Medjerda ; - la réalisation des opérations d’aménagement foncier dans les périmètres irrigués équipés par les privés ; - la réalisation des opérations d’aménagement foncier dans les périmètres en sec à potentialités agricoles importantes et le suivi de la mise en valeur dans les PPI. In République Tunisienne, Ministère de l’agriculture et des ressources hydrauliques, Agence Foncière Agricole, Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (ICARRD), « La Réforme Agraire en Tunisie », Mars 2006. http://www.icarrd.net/

254 Le terme habous désigne une terre immobilisée et mise hors commerce par son propriétaire. Une fois le statut foncier est gelé, le rapport de ces terres est affecté, soit à une œuvre pieuse, charitable ou sociale, soit à des héritiers déterminés. Dans la loi coranique, la propriété habous reste éternellement attachée à la personne du fondateur, prolongeant sa volonté de non-dispersion et de protection des biens accumulés soit au profit de sa famille, jusqu’à l’extinction du dernier descendant mâle, soit au profit d’une œuvre pieuse (zaouias, mosquées), ce qui l’apparente au droit de main morte, soit encore pour les soustraire à toute spoliation. Ainsi, l’intégralité du patrimoine est préservée au cours des générations. Par ailleurs, « Les zaouïas avaient autrefois de nombreux biens (habous), provenant de donations, dont les revenus leur étaient acquis, mais qu'elles ne pouvaient vendre, véritables biens de mainmorte ». In Le Colonel, Niox Géographie Militaire VI, Algérie et Tunisie, Librairie Militaire de L. Baudoin, 2ème éditions, paris, 1890, P. 318.

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- des terres melk (ou terres privées),

- des terres arch, qui sont des propriétés tribales collectives,

- des terres habous, terrains de main morte256 (propriétés religieuses), et des terres domaniales (Abdelkafi, 1986 ; Chabbi, 2000 ; AFA, 2006).

A-2- Etape coloniale

Des les premières années d’installation du protectorat français en Tunisie, le projet colonial aussi bien urbain qu’agricole s’est confronté à une situation foncière assez compliquée qui a rendu difficile sa mise en place et ralenti son démarrage.

Afin de contourner cet obstacle législatif, débloquer une situation de plus en plus embarrassante que pose le système foncier traditionnel, faciliter aux colons l'accès à la propriété foncière et favoriser leur implantation (AFA, 2006), les autorités coloniales ont créé, tôt, la loi foncière d’immatriculation immobilière (décret du 1 juillet 1885). L’immatriculation avait aussi pour objet la reconnaissance des droits de propriété des requérants et le développement de la propriété privée. De fait, trois nouvelles institutions se mettent en place : le Tribunal Immobilier, la Conservation de la Propriété Immobilière et le Service de la Cartographie et de la Topographie. Depuis, le système de l’économie coloniale a commencé de fonctionner normalement257, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Car, l’application de cette loi qui fit de la propriété foncière, non seulement un bien patrimonial mais aussi un bien de circulation sur le marché (Chabbi, 2000).

« La création, en 1890 de la Direction de l'Agriculture donnera en 1896 la Direction Générale de l'Agriculture, du Commerce et de la Colonisation, dans le but de confisquer des terres appartenant soit aux tribus soit à l'administration des habous privés (la Jemi'a) »258. Certes, l’immatriculation n’a concerné que les terres dont l’autorité coloniale avait besoin, puisque à la veille de l’Indépendance, la majorité des terres restait encore sous le régime du droit musulman. En revanche, la carte foncière du Sahel et des basses steppes réalisée avant la fin du protectorat montre que les Sahel de Sousse est une région de propriété privée ou en voie d’appropriation alors que les principaux habous et terres collectives sont localisés dans l’arrière-pays de Kairouan et de Sfax (figure 33).

Vers la fin du protectorat, le décret du 23 août 1951 a d'abord rajeuni une disposition transitoire du statut de 1935 (art. 33), qui permettait la délivrance d'un titre de propriété privative à toute personne ayant réalisé des plantations ou constructions sur une parcelle de la terre collective (Nasr et al, 1997). Cette action a participé à la transition vers un droit de propriété. Mais le nouveau système d’immatriculation introduisait une véritable dualité dans le régime foncier, entre propriété foncière attestée sous la période coloniale par des titres dits arabes, d’une part, et, des titres de propriété délivrés par la conservation de la propriété foncière, d’autre part, (Chabbi, 2000). La dualité du régime foncier, conservée pendant toute la période du protectorat, s’est montrée comme une des premières préoccupations de l’État.

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La terre morte est celle qui n'a pas fait l'objet de cultures de quelque nature qu'elles soient. La règle fondamentale du droit public musulman est que "celui qui vivifie une terre par son travail, en devient propriétaire". De sorte que ce qui légitime la propriété ce n'est point la préhension pure et simple mais exclusivement le travail. In Thaâlbi Abdellaziz, op. cit., p. 85.

257 L'immatriculation a permis tant l'achat des terres à des prix dérisoires au profit de grandes sociétés (comme la "Société Marseillaise de Crédit" ou la "Société Cléricale de l'Union foncière de Tunisie") et des grands capitalistes que la progression rapide du domaine agricole colonial, au nord du pays. Un décret promulgué en 1886 vient ouvrir les terres habous, qui sont en principe inaliénables, à la colonisation. In Hassan El Annabi, Annuaire de la Tunisie, Tunis, 1932. http://revel.unice.fr/cmedi/bottom#bottom

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A-3- Etape de l’Indépendance

Au lendemain de l’Indépendance, la Tunisie s’essaya, comme le reste des pays du Maghreb nouvellement indépendants, « à la construction d’institutions démocratiques et s’initia à la

formulation d’un droit positif moderne alors que les pratiques sociales connaissaient la

résurgence de la coutume ou la prégnance du droit musulman »259. L’exercice de la

planification spatiale, dont le cadre juridique a pour origine principale le droit français de l’urbanisme, a été conduit par l’Etat sous forme d’expérimentation, souvent marquée par l’urgence (Abdelkefi, Plan bleu, 2001).

A-3-1- Apurement foncier, réformes agraires et incitation à la mise en valeur des terres agricoles

Dès l'Indépendance, 1'État a entrepris la réforme des régimes fonciers traditionnels. Les terres

habous qui constituaient un frein à l'accélération de la privatisation260 des terres agricoles ont

été, soit intégrées aux domaines de l'État (propriété privée de l'État), soit distribuées, soit louées à perpétuité à des privés, (Nasr et al, 1997). Environ 1 500 000 hectares des terres "habous" ont été ainsi touchés par cette réforme suite à l'application des décrets parus en 1957 relatifs à l'abolition du régime "habous" (Nasr, 1993)261. Les réformes se sont orientées ensuite vers les terres collectives (loi n° 59-83 du 21/7/1959 qui a clarifié les procédures et les conditions d'octroi à tout membre d'une collectivité, d'une parcelle de terre qu'il avait mis en valeur). Cette loi a permis de trancher sur la reconnaissance de la conversion du droit de jouissance en droit de propriété sur les terres collectives. « La conversion a touché 1,5 sur les

3 millions d'hectares de terres collectives »262. Durant les années 1960, malgré la

nationalisation des terres des colons, le 12/5/1964 (loi 64-28 du 4/6/1964 qui a reformé le statut des terres collectives), la politique dirigiste basée sur la planification et la mise en place de coopératives agricoles a échoué, tant sur les terres privées que sur les terres collectives. Par ailleurs, les pouvoirs publics se sont engagés, dés les premières années de l’Indépendance, dans des actions visant la récupération des terres agricoles détenues par les étrangers. Ensuite, ils se sont concentrés sur l’apurement des tenures agraires : apurement foncier, immatriculation pour l’établissement des titres de propriétés, réorganisation des terres domaniales, réformes agraires dans les périmètres publics irrigués, etc. L’heure est à la réorganisation des terres, dont prés de la moitié sont peu ou mal valorisées. L’intégration de ces terres au circuit économique exige non seulement la clarification de leur statut mais aussi l’abandon du droit coutumier. Dans ce dernier cas, le gel des terres par le régime des habous constitue un obstacle aux réformes agraires en vu d’une exploitation rationnelle des ressources en sol, voire un frein au développement économique et une source de conflit entre des héritiers de plus en plus nombreux.

259 J. Abdelkefi, L’urbanisation et la gestion des villes dans les pays méditerranéens, Etude sub-régionale : Tunisie, Algérie, Maroc, Plan Bleu 2001, p. 18.

260 « En théorie, le régime de la propriété privée permet d’assurer la sécurité des investissements, de faciliter l’accès aux crédits, de dynamiser le marché foncier et de mettre en place un système fiscal ». Elloumi et Jouve, « Introduction générale », in Bouleversements fonciers en Méditerranée : Des agricultures sous le choc de l'urbanisation et des privatisations, Karthala – CIHEAM, Paris, 2003, p. 25.

261 In N. Nasr et al, Dynamiques juridique, technique et institutionnelle du partage des terres collectives en Tunisie, CIHEAM - Options Méditerranéennes, 1997, p. 152.

On procèdera d’abord à l’abolition du système des habous263. Les habous publics264 étant incorporés en 1956265 au domaine de l’Etat, alors que les habous privés266 disparurent en 1957267. En 1964 fut institué le cadastre qui correspond à l’immatriculation obligatoire des terres agricoles ainsi que la réorganisation des terres collectives tribales. L’objectif était de renforcer l’individualisation de la propriété foncière au moyen de l’attribution de lots individuels à des occupants, souvent paysans, fixés sur ces terres, précarisés par l’absence de titres fonciers. Ces assurances juridiques ont une portée socioéconomique importante. L’encouragement des paysans à mettre en valeur ce qui leur appartient désormais vise à accroître leurs revenus et, par conséquent, le revenu national.

Les terres collectives constituent des structures foncières originales. Bien que d'origine collective, ces terres de jouissance collective entrent de plus en plus dans le domaine des terres individuelles privées. Il s’agit de terres de pacage utilisées collectivement par des tribus ethniques qui pratiquaient essentiellement l’élevage itinérant extensif, une activité qui ne favorisait pas l'établissement d'un système de propriété privée individuelle (Gharbi, 1998). Afin de fixer les populations sur place, la loi du 4 janvier 1964 prononce la reconnaissance du droit de propriété des terres au profit des collectivités qui l'exploitent, transformant ainsi le droit de jouissance collective en une propriété privée individuelle des membres de la confrérie.

Toutefois, l’attribution à titre privé et individuel n’a concerné que les terres collectives dont la vocation est arboricole ou céréalière. En revanche, les terres à vocation pastorale sont exploitables en commun et soumises au régime forestier. D’autre part, la réforme agraire268 dans les PPI était posée comme une des conditions pour réussir la modernisation de l’agriculture. Elle avait pour objectif la création d’exploitations viables avec un accès libre, régulier et continu aux ressources hydriques, de taille optimale et adaptables aux progrès

263 Des commissions régionales de liquidation des habous ont été créées à cette fin au siège de chaque gouvernorat, présidées par le gouverneur ou son représentant. Les commissions sont formées d’experts, topographes, géomètres, magistrats et de fonctionnaires de Ministères (Justice, Finances, Agriculture). L’objectif était la transformation des occupants en propriétaires, selon leurs droits de jouissance et leurs efforts dans la valorisation des terres en question.

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Les habous publics sont des établissements publics et Œuvres d'intérêt général dotés de revenus importants. Ce sont souvent des établissements de santé ou d'éducation à caractère religieux. Ces établissements proviennent des habous privés et sont gérés par l'Administration des habous.

265 JORT du 1er juin 1956, p. 720-721. La Djemaïa des habous avait été créée par Khayr Eddine en mars 1874. Son personnel est reclassé dans les cadres de l’Etat et les établissements publics.

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Le habous privé est un « bien appartenant aux héritiers d'un donataire qui ne le transmet à une congrégation religieuse que dans l'hypothèse où ces héritiers n'auraient aucun descendant ». En d’autres termes, les terres habous privées sont « des immeubles déclarés de famille, inaliénables et insaisissables au profit de la descendance du constituant ou quelquefois d'autres personnes parentes ou étrangères. Lorsque la lignée des bénéficiaires vient à s'éteindre, le bien est affecté à des œuvres d'intérêt général que le constituant a toujours eu soin de désigner dans l'acte constitutif, et rentre dans la catégorie des habous publics ». Thâalbi Abdelaziz, La Tunisie Martyre, Jouve et Cie éditeur, Paris, 1920, pp : 101et 103.

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JORT du 19 juillet 1957, p. 865 et suivantes. 268

La réforme agraire en Tunisie a pris naissance par la loi n°58 du 11 juin 1958 portant réforme agraire dans la basse vallée de la Medjerda. Ensuite, une 2ème loi a été promulgué : la loi n°63-18 du 27 Mai 1963 complétée et modifiée par la loi n°71-9 du 16 février 1971et la loi du 6 mars 2000 portant réforme agraire dans les périmètres publics irrigués (PPI). La mission de mise en œuvre de la réforme agraire dans les autres PPI, où l’aménagement hydraulique est réalisé par l’Etat, s’est accompagnée par la création (en 1977) d’un organisme spécialisée dans la réforme agraire : l’Agence de la Réforme Agraire (ARA) dans les PPI, devenue Agence Foncière Agricole (AFA) par le décret n° 99-1877 du 31 août 1999. In République Tunisienne, Ministère de l’agriculture et des ressources hydrauliques, Agence Foncière Agricole, Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (ICARRD), « La Réforme Agraire en Tunisie », Mars 2006. p. 4.

techniques ainsi qu’aux méthodes modernes d’exploitation. Cette réforme contribuera, selon l’AFA (2006), à :

- la réduction du coût des aménagements collectifs (pistes, réseau hydraulique, …) ; - l’amélioration de la productivité des facteurs de production et la modernisation de

l’agriculture ;

- l’amélioration de la qualité de vie des agriculteurs par l’amélioration de leurs revenus, la réduction des coûts d’exploitation (un gain en heures de mécanisation, réduction des coûts d’investissement à la parcelle,…) ;

- doter les exploitations des titres de propriétés facilitant l’accès aux crédits bancaires et donc une réactivation du marché foncier ;

- sauvegarder les ressources naturelles (eau et sol) dans le cadre d’un développement participatif et durable;

- la protection des PPI contre l’urbanisation parce qu’ils sont des zones d’interdiction par la loi et la conservation de la vocation agricole des périmètres d’intervention ; etc. La maîtrise de la question foncière s’imposait en fait pour toutes les terres, quelque soit leurs usages (agriculture ou urbanisation). En 1965, la promulgation d’un nouveau Code des Droits Réels permet la refonte de la loi de 1885269. Et, en 1973, la création de trois agences foncières pour l’habitat, l’industrie et le tourisme, dotait l’Etat de nouveaux instruments de maîtrise foncière270. En 1991, fut créé le Ministère du Domaine de l’Etat et des Affaires Foncières. Ces dispositifs juridiques et ce régime foncier ont été conditionnés par les différentes politiques urbaines menées entre 1960 et 1990 avec deux périodes majeures 1960-1970 et 1970-1990, (Chabbi, 2000). Néanmoins, l’attention accordée à la question économique et sociale en vue d’assurer un meilleur équilibre entre les régions avait pris le dessus sur l’élaboration d’un cadre juridique capable d’assurer parallèlement l’aménagement du territoire. Dans le contexte de la planification économique centralisée, la question de l’habitat est privilégiée par rapport à la question urbaine. Seule Tunis, en raison de son statut de capitale, siège de l’autorité, a fait l’objet d’attentions particulières par le biais de programmes spécifiques : éradication des gourbivilles, percée de la médina, rénovation du quartier portuaire, dépollution du lac et aménagement de ses berges, (Abdelkefi, Plan Bleu, 2001).

A-3-2- Causes et conséquences de l’urbanisation libre de l’espace rural

A-3-2-1- Effets d’une privatisation peu contrôlée des terres agricoles

La privatisation des terres, surtout collectives, pendant les années 1970-1980 s’est encore consolidée par la création de la loi 79-27 du 11 mai 1979 en remplacement de l’ancienne loi 64-28 du 4 juin 1964 relative à la fixation du statut des terres collectives. Elle vise aussi l'accélération des remises de titres de propriété individuelle, nécessaires pour accéder aux crédits agricoles bancaires instaurés en parallèle (Nasr et al, 1997). Mais, l’excès de privatisation des terres agricoles a eu des effets pervers quant à leur conservation. Cela a concerné notamment les terres agricoles localisées dans les périphéries des villes, devenues, au fil du temps, sous influence urbaine forte.

269 Loi n°65-5 du 12 février 1965 portant promulgation du Code des Droits Réels telle que modifiée par les lois n°92-46 du 4 mai 1992, n°95-10 du 23 janvier 1995 et n°97-68 du 27 octobre 1997, Art. 4. JORT n°10 des 19 et 23 février 1965, p.176. www.jurisitetunisie.com/

270 Loi n°73-21 du 14 avril 1973 relative à l'aménagement des zones touristiques, industrielles et d'habitation, des agences foncières spécialisées, en l’occurrence : l'Agence Foncière d'Habitation (AFH), l'Agence Foncière Industrielle (AFI) et l'Agence Foncière Touristique (AFT).

Depuis le début des années 1980, les terres domaniales271 partagées entre les fellahs, aux environs de Tunis, ont été construites rapidement. Le processus est plus préoccupant dans les environs de la capitale et il est généralisé à travers toutes les villes du pays et a concerné tout type de sol agricole. Cela s’est traduit par la transformation annuelle de dizaines, voire de centaines d’hectares de terre cultivée et/ou cultivable, en terrains à bâtir. Cette situation a préoccupé les pouvoirs publics qui ont constaté un recul évident des cultures périphériques face à une extension urbaine permanente. Le processus est beaucoup plus observable aux alentours des villes littorales où une part importante des constructions est liée à un accès libre à l’espace rural. Les populations exclues des politiques de l’habitat et soucieuses de posséder un logement ont trouvé refuge chez les agriculteurs périurbains. Cette situation a poussé l’Etat à la création en 1983 de la loi de protection des terres agricoles272. Dans son article premier, cette loi définit pour la première fois les terres agricoles comme suit : « On entend par terres

agricoles au sens de la présente loi, toutes les terres présentant des potentialités physiques et affectées à ou pouvant être le support d'une production agricole, forestière ou pastorale, ainsi que celles qui sont classées comme telles par les plans d'aménagement dûment approuvés, dans les zones urbaines, touristiques ou industrielles ». Mais la création de la loi de

protection des terres agricoles n’était pas suffisante pour préserver l’agriculture périurbaine car, les collectivités locales utilisaient d’autres outils comme la préemption et l’expropriation au profit du développement de la ville sans trop se soucier de la disparition de l’agriculture in

situ.

A-3-2-2- Contrecoups de l’indifférence des pouvoirs publics sur l’évolution du sol agricole périurbain

Si le foncier agricole périurbain n’a pas été suffisamment sauvegardé par la réglementation en vigueur, c’est parce que l’attention des pouvoirs publics s’est concentrée particulièrement sur la protection des ressources naturelles (eau et sol) notamment les terres éloignées de la ville et