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Evolution de la reconnaissance des titres de formation

Dans le document Une école de son temps : (Page 137-143)

Les écoles sociales de Genève et de Lucerne ayant été les premières à for-mer des assistantes sociales en Suisse, la reconnaissance des diplômes qu’elles délivrent reste dès lors une préoccupation des écoles avant tout et non prioritairement celle des autorités ou des employeurs. En effet, le mé-tier est nouveau et ni la fonction ni le titre ne sont protégés ; aussi bien dans la formation que dans la profession, tout reste à inventer en 1918. Aussi n’est-il guère étonnant de constater que, durant de longues années, la re-connaissance des diplômes délivrés par l’Ecole d’études sociales ne repose que sur le bon vouloir des employeurs qui, en engageant des anciennes élèves, signent ainsi la reconnaissance de facto de leur formation.

Si les diplômes ne sont toutefois pas reconnus officiellement dans un pre-mier temps, l’Ecole – et à travers elle, la formation – le sera très rapidement par la Confédération, qui lui octroie, dès 1920, une subvention régulière.

Rappelons que c’est grâce à un artifice lié à l’ouverture du foyer de l’école que cette dernière a été obtenue (cf. supra). Le Département fédéral de l’économie octroie à l’Ecole une subvention jusqu’en 1951 car, suite à une demande de subventionnement fédéral émanant du comité des directrices des écoles de service social, la Confédération « [attribue les écoles sociales]

au Département fédéral de l’Intérieur et non plus à celui des Arts et métiers

ménagère au sein du foyer de l’école.

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et du travail comme jusqu’ici » 153 ; cette décision suit de près l’adoption, en 1950, par ce comité du premier programme minimum commun des écoles de service social, reconnu par l’Association suisse des travailleurs sociaux.

Le changement de département subventionneur a toutefois une consé-quence non négligeable pour l’Ecole : dorénavant, seule la formation des assistantes sociales sera subventionnée ; dès lors, les écoles de bibliothé-caires et de laborantines ne pourront plus compter que sur les subventions cantonales et municipales ; ce qui, de l’avis de la trésorière, compliquera la tenue des comptes des trois écoles, puisque seuls ceux de la section sociale devront être présentés au Département de l’intérieur. Relevons que l’octroi des subventions cantonales et communales dont il vient d’être fait mention est assez tardif, puisque ce n’est qu’en 1946 que ces deux entités publiques acceptent d’entrer en matière sur un subventionnement régulier 154. Plusieurs demandes avaient pourtant été adressées en vain, dès 1919, au Canton et à la Ville de Genève ; en 1922, le Canton, par le biais du DIP, y donne une réponse défavorable « pour des raisons de principe » 155, mais fait savoir qu’il accorde « son soutien moral à l’Ecole » ; quant à la Ville, en 1933, c’est sur la base d’un préavis négatif du Conseil administratif que le Conseil municipal

« refuse toute subvention à l’Ecole » 156. La reconnaissance de l’Ecole et de ses formations par les autorités fédérales, cantonales et municipales n’est donc complète qu’à partir de 1946.

Reconnaissance cantonale vs reconnaissance professionnelle

La première reconnaissance officielle des diplômes ne provient pas des au-torités politiques, mais des associations professionnelles ; ainsi, dès 1937, le diplôme de l’Ecole de bibliothécaires est-il reconnu par l’Association des bibliothécaires suisses (ABS) ; ce n’est qu’en 1995 que l’OFIAMT reconnaîtra les diplômes délivrés par l’ESID (ex-Ecole de bibliothécaires). En 1959, l’As-sociation suisse des laborantines médicales (ASLM) reconnaît le diplôme délivré par l’Ecole de Genève et, en 1963, il sera reconnu par la Croix-Rouge suisse ; en 1969, c’est au tour du diplôme de l’Ecole d’assistantes de mé-decins d’être reconnu par la Fédération des mémé-decins suisses (FMH). Dès décembre 1925, le comité s’est approché du Département de l’instruction publique pour demander au conseiller d’Etat en charge de contresigner les diplômes de l’Ecole ; ce dernier, André Oltramare (1884-1947), refuse

153 Rapport de la trésorière à l’AG du 24.11.1952.

154 La subvention de la Ville de Genève sera supprimée dès 1993.

155 Source : PV du comité du 09.12.1922.

156 Source : PV du comité du 17.03.1933.

L’évolution constante de l'architecture des formations 139

d’apposer sa signature sur les diplômes, tout en indiquant dans sa réponse, en octobre 1926, qu’il serait disposé à le faire si la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université se prononçait sur une équivalence avec sa licence. Cela aurait nécessité d’élever les exigences d’admission pour s’aligner sur les exigences universitaires et aurait conduit à élimi-ner un certain nombre de postulantes ; or, même si l’intention d’élever le niveau de l’Ecole est présente au sein du comité de direction, ce dernier souhaite maintenir l’accès à la formation pour les titulaires du diplôme de fin d’études de l’Ecole supérieure de jeunes filles et de l’Ecole de commerce, rendant impossible l’entrée en matière de l’Université sur la proposition du conseiller d’Etat. Dans sa séance du 30 mai 1927, le comité prend acte que M. Oltramare refuse toujours de contresigner les diplômes, « n’ayant pas les moyens de contrôler le travail de l’Ecole ». Il faut attendre 1969 pour que le conseiller d’Etat en charge de l’instruction publique, André Chavanne, ac-cepte de signer les diplômes délivrés par l’Ecole de service social et l’Ecole d’animateurs socioculturels, ainsi que les futurs diplômes de l’Ecole d’édu-cateurs spécialisés – les diplômes des autres écoles étant déjà reconnus of-ficiellement par les organisations faîtières des professions concernées. Dès lors, les diplômes des écoles sociales de l’IES sont officiellement reconnus sur le plan cantonal genevois.

La reconnaissance intercantonale, puis fédérale

La reconnaissance intercantonale de ces diplômes intervient à la suite de la promulgation par le Département fédéral de l’intérieur (DFI) de l’Ordon-nance relative aux exigences minimales que doivent remplir les écoles su-périeures de travail social du 18 décembre 1995, qui conduit la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) à édicter un règlement concernant la reconnaissance des diplômes en travail social du 6 juin 1997. Les diplômes décernés par l’IES obtiennent alors la recon-naissance ESTS en 1999 (avec effet rétroactif aux diplômes décernés dès 1997). A partir de ce moment-là, les diplômes genevois en travail social sont reconnus officiellement sur l’entier du territoire helvétique. Le passage de la reconnaissance intercantonale à la reconnaissance fédérale est, quant à lui, acté en 2006 avec la reconnaissance HES des filières de formation en travail social de la Haute école spécialisée santé-social de Suisse romande (HES-S2) ; la même année, la Confédération accrédite la filière de formation Bachelor en travail social et, en 2009, arrête sa décision de reconnaissance du titre de Bachelor en travail social délivré par la HES-SO. Relevons que depuis l’entrée des écoles de travail social en HES, ce n’est plus l’IES – ou,

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depuis 2004, la HETS – qui délivre les diplômes en travail social avec la si-gnature du conseiller d’Etat genevois en charge du DIP, mais la Haute école spécialisée de Suisse occidentale, avec la signature de la rectrice 157.

Arrivés au terme de ce chapitre, nous pouvons mesurer l’ampleur de l’évo-lution de l’organisation des études professionnelles initiée par Töndury et ses pairs. Outre le fait que la qualification d’études pour femmes a été aban-donnée dès les années 1930 et que ses formations se sont progressivement ouvertes aux hommes, l’Ecole s’est montrée pionnière à plusieurs reprises dans la mise en place de nouvelles formations, qu’il s’agisse notamment des laborantines, des éducateurs spécialisés, des maîtres socio-profession-nels, des animateurs socioculturels ou INTEREC. Elle a su adapter sa struc-ture organisationnelle et le fonctionnement de ses formations en affrontant parfois de vives critiques de la part des étudiants ou des milieux profession-nels ; elle aussi su, ainsi que nous le verrons dans le prochain chapitre, adap-ter le contenu de ses plans d’études en fonction des différents contextes qu’elle a traversés et des réalités professionnelles du moment.

157 Il s’agit en fait d’une signature conjointe de la rectrice de la HES-SO et de la directrice de la HETS.

Chapitre 3

Les processus d’élaboration des contenus

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