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Evolution des conditions d’admission

Dans le document Une école de son temps : (Page 129-135)

Les conditions d’admission qui prévalent à l’ouverture de l’Ecole en 1918 sont pour le moins sommaires : il suffit « aux femmes et aux jeunes filles [d’être] âgées d’au moins dix-sept ans », de donner des indications person-nelles (nom, prénom, adresse, âge, nationalité, études effectuées et occupa-tions antérieures), ainsi que d’exposer « le but de leurs études sociales » 138. Par contre, le droit d’être admis aux examens de diplôme suppose – outre d’avoir suivi les cours durant quatre semestres en tant qu’élève régulière – d’être en possession d’un diplôme d’études secondaires. Ainsi, l’entrée dans l’Ecole n’est pas subordonnée à un parcours scolaire antérieur déter-miné : seul l’accès aux examens pour obtenir le diplôme l’est. Ces condi-tions restent en vigueur jusqu’en 1926, avec une seule modification dès 1919 : l’âge minimal passe à dix-huit ans. A partir de 1926, les programmes des cours séparent plus clairement ce qui relève de l’admission au sein de l'Ecole – avoir dix-huit ans et donner des indications personnelles et sur

« le but de leurs études sociales, et leurs aptitudes physiques et morales pour un travail sociale utile » – et ce qui relève des conditions d’obtention du diplôme : avoir suivi les quatre semestres de cours, justifier d’une année de travail pratique et présenter un travail de diplôme, avec la précision sui-vante : « dans la règle, les candidates doivent posséder un diplôme d’études secondaires » ; le type de titre exigé est alors précisé – mais, à cette époque, ces précisions ne sont étrangement pas portées sur les programmes – : il s’agit d’un titre de maturité ou équivalent, d’un diplôme de fin d’études de l’Ecole supérieure de jeunes filles, section littéraire ou pédagogique, ou d’un diplôme de l’Ecole de commerce. Les candidates qui ne sont pas en possession de l’un de ces titres peuvent être admises moyennant la réus-site d’un examen d’admission mis en place par l’Ecole ; ce dernier comporte des épreuves écrites (composition dans la langue maternelle, arithmétique et zoologie), des épreuves orales (littérature française, histoire générale,

137 Outre l’absence de profil spécifique pour une formation HES concernant la psychomotricité, le prin-cipal argument était que le profil HES Santé ne spécifiait pas explicitement les filières de formation concernées, contrairement au profil HES Travail social qui ne mentionnait pas la psychomotricité, ce qui permettait donc d’y inclure cette dernière. Par ailleurs, le fait que la profession figurait dans la majorité des lois sanitaires cantonales fournissait un argument de plus en faveur d’un positionnement dans le champ de la santé.

138 Source : Programme des cours du semestre d’hiver 1918-1919.

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géographie générale, éléments d’anatomie et de physiologie), ainsi que des épreuves écrites et orales (grammaire française et autre langue que la langue maternelle) 139. Ces examens – destinés d’abord aux candidates de l’Ecole de service social, puis élargis aux futurs animateurs et éducateurs – seront abandonnés au milieu des années 1970, cette possibilité n’ayant été utilisée que par un nombre restreint de personnes.

A partir de 1944, l’âge minimal d’admission passe à dix-neuf ans et l’Ecole demande, en plus des renseignements personnels, une ou des lettres de recommandation ; et en 1947, le comité de direction décide d’exiger une ex-périence préalable dans le domaine social d’au moins trois mois, ainsi que, pour les candidates se destinant à la section assistantes sociales, l’exigence de bonnes notions de sténographie (35 mots/min) et de dactylographie (15 mots/min), et à celles se destinant à la section direction d’établissements hospitalier de bonnes connaissances de dactylographie (25 mots/min).

C’est à partir de 1951 que la possession d’un diplôme d’études secondaires devient une exigence pour le dépôt du dossier de candidature et qu’elle n’est plus mentionnée comme condition pour l’obtention du diplôme de l’Ecole.

Dès 1962, l’âge d’admission à l’Ecole de service social passe à vingt ans et dans la seconde moitié des années 1960, l’Ecole introduit une évaluation des candidats basée sur un entretien avec un responsable de formation, un entretien avec un professionnel du service social, un compte-rendu d’expé-rience préalable et un écrit de motivation. A partir de 1977, l’Ecole de ser-vice social met en place une nouvelle procédure comportant une épreuve de groupe (sur la base d’un livre lu à l’avance) et un entretien avec un res-ponsable de formation ; l’entretien avec un assistant social reste obligatoire, mais n’a plus de visée de sélection : son objectif est une meilleure informa-tion sur la profession.

Alors que l’Ecole de service social s’est orientée vers un niveau de référence qui est celui de la maturité, l’Ecole d’animateurs de jeunesse ouvre l’accès des études aux porteurs d’un titre de qualification professionnelle (CFC) ou de culture générale (sans mention explicite du titre de maturité, qui sera indiqué comme tel quelques années plus tard) ; l’âge minimal est fixé à vingt ans et une expérience professionnelle de travail auprès des jeunes est exigée 140. En outre, la procédure prévoit un examen psychologique, qui

139 A partir de 1969, ces examens de culture générale seront organisés par le Département de l’instruction publique et les matières examinées sont réduites à six.

140 D’une durée minimale d’un mois à l’origine, ce stage probatoire passera rapidement à une durée de six mois.

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sera abandonné à partir de 1969, de même que l’exigence du stage proba-toire ; par contre, l’Ecole introduit un entretien d’admission qui, dès 1976, sera confié à une délégation formée d’un responsable de formation et d’un étudiant de l’Ecole. C’est aussi en1976 que la procédure d’admission est complétée par une autobiographie et par un séminaire de lecture au cours duquel chaque candidat doit présenter oralement deux ouvrages choisis dans une liste préalablement établie par l’Ecole.

Quant à l’Ecole d’éducateurs spécialisés, elle s’inspire de l’expérience et des exigences posées par l’EESP pour élaborer ses conditions d’admission.

L’âge d’admission est fixé à dix-neuf ans et les titres exigés sont la maturité, le diplôme de culture générale, le diplôme de commerce ou le CFC (d’une durée de trois ans) 141 ; les candidats doivent fournir une autobiographie, jus-tifier d’une expérience professionnelle préalable en lien avec la jeunesse (mouvements de jeunesse, centres de loisirs, camps) et se soumettre à un entretien avec le responsable de l’Ecole et à un entretien avec un profession-nel de l’éducation, ainsi qu’à un examen psychologique et psychotechnique.

La procédure d’admission comporte encore un stage probatoire en insti-tution, effectué durant les quatre premiers mois de la formation. En 1977, l’Ecole complète la procédure en introduisant un séminaire de lecture, à l’instar de ce qui se fait dans l’Ecole d’animateurs. La procédure d’admission de l’Ecole d’éducateurs apparaît ainsi être la plus longue et la plus lourde des trois écoles sociales de l’IES ; du fait des spécificités du métier – notam-ment la vie en internat – et des populations fragilisées avec lesquelles l’édu-cateur intervient – délinquance, handicap, troubles psychiques –, les écoles suisses d’éducateurs argumentent sur l’importance de la personnalité des candidats, perçue comme un outil de travail de l’éducateur. La procédure d’admission doit donc permettre de déceler les éventuelles fragilités, ce qui justifie selon elles l’ampleur des exigences posées à l’entrée.

En fait, les Ecoles d’animateurs socioculturels et de service social sont elles aussi soucieuses de laisser entrer en formation des candidats qui devien-dront de bons professionnels, non seulement sous l’angle des connais-sances et des savoir-faire acquis, mais aussi sous l’angle du savoir-être. En 1951, la Conférence des directrices d’écoles de service social s’interroge :

« Comment déterminer les aptitudes des candidates à devenir de bonnes as-sistantes sociales ? » 142 Tout en conservant les expressions conditions d’ad-mission et procédure d’add’ad-mission, on commence alors à parler en termes

141 A l’époque, pour certains métiers, le CFC pouvait s’obtenir en deux ans.

142 Source : Rapport de la direction à l’assemblée générale de l’Ecole du 7.12.1951.

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de « sélection des candidats » ; ce glissement sémantique trahit le souci de sélectionner « les bons candidats qui deviendront de bons professionnels ».

Dans son rapport d’activité 1963-1964, le président Uldry constate la néces-sité d’élever les exigences à l’admission :

Précisément au moment où l’Ecole éprouve tant de peine à satisfaire les offres d’em-ploi, les professions auxquelles nous préparons nos élèves haussent le niveau de leurs exigences : les tâches qui les attendent sont toujours plus complexes. Le service du prochain requiert un esprit de finesse et de compréhension. Les laborantines et les auxi-liaires de médecins doivent assimiler des techniques et des connaissances qui évoluent avec les progrès de la science. Ainsi, notre Ecole ne peut se contenter de préparer ses élèves à un poste de travail, ni les spécialiser dans un domaine étroit. Elle a le devoir de leur donner des techniques de base, une méthode de travail personnelle et une culture professionnelle aussi large que possible. De tels objectifs seraient hors de portée si nos élèves n’avaient pas accompli des études secondaires complètes et acquis l’indispen-sable entraînement au travail intellectuel. C’est pourquoi nous en sommes venus à sélec-tionner plus sévèrement nos candidats et à donner la préférence aux porteurs d’un titre de maturité. […] nous devons encore poursuivre avec courage la réforme des études et appliquer des critères d’admission toujours plus sélectifs 143.

A la fin des années 1980, le poste de la personne en charge des admissions au sein d’INTEREC, Monique Matthey, sera d’ailleurs celui de responsable de la sélection. Ce n’est qu’après l’entrée dans les HES en 2002 que la déno-mination du poste changera et deviendra Responsable des admissions (cf.

infra).

En 1974, Yves de Saussure s’interroge sur l’arrivée prévue l’année suivante d’un nouveau type de candidats : les élèves de l’Ecole de culture générale (ECG), créée en 1972 sous l’impulsion d’André Chavanne. En effet, les dif-férentes Ecoles de l’IES ont alors affaire à des candidats porteurs d’une licence universitaire, d’une maturité – « en proportion croissante » –, d’un baccalauréat, d’un diplôme de commerce ou d’un titre équivalent et l’IES doit faire face à des effectifs de candidats dépassant ses capacités d’accueil.

Or,

[…] Un sondage récent laisse prévoir une grande masse de candidatures en provenance de l’Ecole de culture générale. […] Si la situation contraint l’IES à recourir, lors de la pro-chaine rentrée scolaire, à des critères supplémentaires de sélection, il faut craindre qu’un nombre relativement élevé de candidats en provenance de l’ECG en fasse les frais. Il est évident, en effet, qu’un haut degré de scolarisation, une maturation personnelle souvent 143 Source : Rapport d’activité de l’Institut d’études sociales 1963-1964, p. 2.

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liée à l’âge et plus poussée, enfin des motivations bien intégrées constituent des critères importants. Face à ceux-ci, un certain nombre d’élèves de l’ECG pourraient se trouver moins bien placés que d’autres candidats 144.

La question sera débattue au sein de la commission des études de chaque école de l’IES sans que puisse être apportée de solution concrète au di-lemme posé par Yves de Saussure et, au regard de la part prise par le DIP dans le subventionnement de l’IES, il n’est pas envisageable de fermer les portes à ces candidats issus de l’ECG. La conséquence de cette situation est la mise en place d’un numerus clausus de fait, au vu des capacités d’accueil de l’IES, qui conduit à reporter d’une année l’entrée en formation des can-didats admis surnuméraires. La problématique posée en 1975 par l’arrivée des candidats provenant de l’ECG n’est pas sans écho avec la situation po-sée à la HETS dès 2009 avec la décision de la HES-SO visant à différencier les candidats issus de la voie spécifique et ceux de la voie non spécifique 145. En effet, cette décision induit que les candidats issus de la voie spécifique sont dispensés des examens d’aptitude et autres exigences d’admission, hormis la possession du titre spécifique ; ce qui conduit à une explosion des candidatures de porteurs de maturité spécialisée délivrée par les ECG. La HETS se retrouve alors confrontée au même problème que ses prédéces-seurs de 1975.

INTEREC : l’harmonisation des conditions d’admission

La mise en place d’INTEREC en 1980 conduit les écoles de l’IES à harmoniser les conditions d’admission et à mettre en place une procédure d’admission INTEREC commune ; chaque école doit donc abandonner l’une ou l’autre de ses particularités : l’Ecole de service social accepte d’admettre le diplôme de culture générale et le CFC, l’Ecole d’éducateurs abandonne l’examen psy-chologique, l’Ecole d’animateurs renonce à la participation des étudiants dans le processus d’admission. L’âge d’admission est fixé à vingt ans 146 et la procédure comporte l’exigence d’une expérience professionnelle comme salarié d’une durée de quatre mois, un entretien d’admission avec un res-ponsable de formation de l’Ecole concernée et une épreuve de groupe (mise

144 Source : PV du comité de direction du 05.12.1974.

145 Les candidats de la voie spécifique sont porteurs d’un titre du Secondaire II orienté vers les études HES choisies (en l’occurrence, CFC assistant socio-éducatif et maturité professionnelle santé et social ou certificat ECG option socio-éducative et maturité spécialisée travail social) ; les candidats de la voie non spécifiques sont porteurs d’un autre titre du Secondaire II (maturité gymnasiale, autre maturité professionnelle ou autre maturité spécialisée, ou titre équivalent).

146 Vingt-quatre ans pour les candidats à la formation en emploi.

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en situation des candidats). Cette procédure demeure inchangée jusqu’en 1994, année où est introduite une épreuve supplémentaire écrite, l’épreuve de synthèse, qui vise à vérifier la capacité de compréhension et de mise en forme d’un texte lié au champ social à partir d’un support écrit ; l’épreuve permet aussi de vérifier la capacité de positionnement des candidats ainsi que la maîtrise du français écrit ; en effet, les difficultés en la matière signa-lées dès la création de l’Ecole sont toujours d’actualité dans les années 1990 et l’IES souhaite en faire un critère d’admission, aux côtés des motivations et des compétences relationnelles.

Une procédure romande

Le passage en HES, en 2002, est marqué par une refonte totale de la pro-cédure d’admission de chacune des écoles sociales romandes – qui pré-sentaient des différences notables – puisque cette dernière sera désormais identique pour toutes les écoles du secteur Travail social, mais aussi de la Santé. La procédure est simplifiée et ne comporte plus que trois étapes : évaluation de l’autobiographie, participation à un entretien avec deux évaluateurs (un représentant de l’Ecole et un représentant des milieux professionnels) et l’exigence d’une pratique professionnelle de quarante se-maines, dont au moins vingt semaines dans le domaine santé-social. L’IES-HETS abandonne dès lors l’épreuve de groupe et l’épreuve de synthèse et la dénomination du poste de responsable de la sélection est remplacée par celle de responsable des admissions. La décision prise par la HES-SO en 2009 de différencier les voies d’accès (cf. supra) supprime donc le passage obligé par ces trois étapes pour les candidats issus de la voie spécifique, et ces derniers se voient donc admis en formation sur la seule base de la pos-session du titre exigé. L’engorgement prévisible des Ecoles de travail social se confirme rapidement, notamment pour les deux écoles qui présentent déjà les plus grands effectifs : Lausanne et Genève, conduisant à des récla-mations qui remontent jusqu’aux chefs des départements de l’instruction publique de différents cantons. Les choses prenant une tournure politique, le comité stratégique de la HES-SO 147 décide dès lors, en novembre 2011, de placer la filière Bachelor en travail social comme étant une filière à régula-tion. Cette dernière décision conduit le domaine Travail social à devoir re-penser la procédure d’admission en vigueur sous l’angle des exigences liées à une régulation des candidats et à renoncer – notamment pour des raisons

147 Actuel Collège gouvernemental : instance romande de surveillance politique et de pilotage stratégique de la HES-SO, composée des chefs des départements cantonaux en charge de la formation.

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économiques et organisationnelles 148 – à maintenir les examens d’aptitudes (autobiographie et entretien) au profit d’une procédure permettant de déter-miner plus rapidement les candidats admis à la formation. La solution rete-nue consiste à faire passer aux candidats des tests psychotechniques sur ordinateur conduisant à un classement romand des candidats à accepter en formation, en fonction du nombre de places disponibles annoncées dans les écoles. Cette procédure est externalisée et confiée à une entreprise privée, qui propose la première passation dès le printemps 2013.

Ce n’est pas seulement la procédure qui change, c’est aussi la philosophie de l’admission des candidats : l’Ecole ne sélectionne plus les candidats en fonction de critères liés aux aptitudes personnelles, à la motivation et aux représentations du champ professionnel ; désormais, elle admet toutes les personnes qui remplissent les conditions formelles liées au titre et à la pra-tique professionnelle antérieure exigés. Les questionnements formulés dès les années 1950 sur la sélection des « futurs bons étudiants et bons profes-sionnels » n’ont, dès lors, plus lieu d’être dans une procédure qui valorise un classement des candidats effectué par un ordinateur en fonction des per-formances individuelles de chacun à l’aune de la performance collective du groupe, le tout au travers de tests psychotechniques informatisés desquels le jugement humain de l’évaluateur est banni.

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