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Evaluation de l’efficience économique des programmes de MDE

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 32-37)

1.2 L’évaluation des programmes d’économies d’énergie

1.2.3 Evaluation de l’efficience économique des programmes de MDE

Parce qu’il est impossible d’investir des sommes infinies dans la maîtrise de l’énergie, des critères d’efficience économique sont nécessaires afin de prioriser les programmes de maîtrise de l’énergie ou d’augmentation des capacités de production à mettre en place (coûte-t-il plus cher d’économiser ou de produire un kilowattheure ?). Les Analyses Coût-Bénéfice (ACB) et Coût-Efficacité (ACE) sont des méthodes couramment utilisées pour évaluer l’efficience économique de programmes de MDE.

1.2.3.1. Les Analyses Coût-Bénéfice et Coût Efficacité

L’Analyse Coût-Bénéfice20 (ACB) consiste à évaluer les bénéfices afin de les comparer aux coûts sur la base d’un étalon de mesure commun qu’est l’unité monétaire. L’ACB peut porter sur des projets spécifiques (construction d’une autoroute) mais aussi sur des politiques plus larges telles que la lutte contre le changement climatique. Les deux indices que sont le Ratio Bénéfice Coût (équation (1.1)) et la Valeur Actualisée Nette (équation (1.2)) permettent de synthétiser les résultats d’une ACB. Les projets ou politiques ayant les RBC ou les VAN les plus élevés sont à favoriser ; si les coûts sont supérieurs aux bénéfices (VAN <0, RBC <1), ceux-ci ne remplissent pas le critère coût-bénéfice et ne sont théoriquement pas à réaliser.

RBC i t0

t0 T

Bi

1 a i

i t0

t0 T

Ci

1 a i

(1.1)

VAN

i t0 t0 T

B

i

C

i

1 a

i

V

r

I

0 (1.2)

Avec : a : taux d’actualisation, Bi : bénéfices réalisés durant l’année i, Ci : coûts durant l’année i, t0 : année de mise en place, T : durée du programme, Vr : valeur résiduelle du projet, I0 : investissement initial.

Si l’ACB compare l’ensemble des avantages par rapport à l’ensemble des coûts, l’Analyse Coût-Efficacité (ACE) évalue l’ensemble des coûts relativement à un objectif donné. Dans ce cas, l’objectif d’un projet ou d’une politique représente le bénéfice et tous les autres impacts sont pris en compte en tant que coûts positifs ou négatifs. L’objectif recherché doit alors être exprimé en unités physiques21 et les autres coûts et bénéfices sont à monétiser (Figure 1.13). Ainsi, dans le cas d’un objectif de réduction des émissions de GES, les résultats de l’ACE aboutiront à des coûts (en €) par tonne de GES évitée.

L’ACE permet une optimisation sous contrainte lorsque l’on recherche :

- la manière la plus efficace (à moindre coût) pour atteindre un objectif (par exemple une réduction des émissions de polluants),

- le moyen d’obtenir le bénéfice le plus important (par exemple une réduction des émissions de polluants) avec une contrainte de coût.

Ainsi, si l’ACA adopte un point de vue global (a-t-on une augmentation du bien-être d’un agent privé ou de la société ?), l’ACE adopte une perspective plus restreinte en ciblant les résultats recherchés.

20 Aucune distinction n’est faite entre Analyse Coût Bénéfice et Analyse Coût Avantage.

21 Ce qui constitue un avantage lorsque la monétisation de l’objectif recherché est controversée ou sujette à des incertitudes.

Figure 1.13. Comparaison entre Analyse Coût Bénéfice et Analyse Coût Efficacité

1.2.3.2. Les courbes de coûts de réduction22

Les ratios résultant des ACE ou ACB ne fournissent aucune information concernant les potentiels d’économies d’énergie ou de réduction de pollution atteignables. Ces informations sont pourtant de première importance dans le but de hiérarchiser différentes options et notamment dans le cas d’une optimisation sous contrainte (objectif d’économie d’énergie fixé ou budget fixé).

Il est cependant possible de présenter les résultats sous formes de courbes dites de coûts de réduction.

Les courbes de réduction (des consommations d’énergie, de la pollution) expriment les coûts unitaires de réduction (€/tonne de CO2 évitée, €/kWh économisé) en fonction du potentiel de réduction atteignable. La Figure 1.14 a par exemple était élaborée par Brown et al. (2008) dans le but d’étudier les potentiels de réduction de la consommation résidentielle d’électricité aux Etats-Unis. Chaque barre du graphique représente un ensemble de mesures d’amélioration d’efficacité énergétique pour un usage donné, la hauteur de cette barre exprimant le coût unitaire de l’électricité économisée par cet ensemble de mesures, sa largeur le potentiel d’économie à horizon 2030. Dans cet exemple, les mesures relatives à l’amélioration des postes de télévision et de l’éclairage sont les plus efficientes et celles liées à l’éclairage et à la climatisation ont les potentiels les plus élevés. De plus, pour chacun des usages présentés ici, il est plus avantageux d’économiser un kilowattheure électrique que d’en acheter un (9,4 ct$/kWh).

Figure 1.14. Potentiel de réduction de la consommation résidentielle d’électricité aux Etats-Unis à horizon 2030 (Brown et al., 2008)

22 Conservation supply curves, Abatement cost curves, Energy conserved « supply » curves.

Selon les objectifs de l’étude, ce type de courbe peut être tracé à des échelles géographiques plus ou moins grandes (territoire, bâtiment…) et aborder un ou plusieurs secteurs (transport, bâtiment…).

Elles sont une aide à la décision précieuse dans le but :

- de comparer les coûts de production de l’énergie aux coûts des économies (nous attirons cependant l’attention sur le fait que l’économie d’un kWh ne doit pas être comparée avec la production d’1 kWh car les pertes de transport et de distribution doivent être prises en compte),

- de déterminer la stratégie de moindre coût pour un objectif de réduction donné,

- de déterminer la stratégie engendrant les économies les plus importantes pour un budget donné.

L’effet « tunnel » sur les coûts

Les courbes de coût de réduction sont généralement croissantes, reflétant l’idée que plus l’on souhaitera économiser d’énergie (ou réduire la pollution), plus les coûts marginaux des solutions à favoriser deviendront élevés. Cependant, à partir d’un certain seuil d’économies d’énergie, l’obtention d’économies plus importantes peut se réaliser à un coût marginal plus faible. C’est ce phénomène que Lovins (2004) a théorisé sous le nom d’effet « tunnel » (Figure 1.15).

A titre d’exemple, plus l’enveloppe d’un bâtiment est performante, plus les coûts marginaux sont élevés. Toutefois, il peut exister un niveau de performance permettant d’éviter la mise en place de systèmes de chauffage et de climatisation, entraînant alors une réduction brutale des coûts.

Dans certaines configurations, réaliser des économies d’énergie importantes peut donc s’avérer moins coûteux que de se restreindre à

des niveaux d’économies modérés. Figure 1.15. Description de l’effet « tunnel » sur les coûts de réduction

1.2.3.3. Terminologie retenue pour caractériser les coûts et bénéfices Biens (et services) marchands et non marchands

Dans le cadre de ce travail, nous effectuons une première distinction entre :

- les biens ou services marchands qui sont échangés sur un marché (par exemple les filtres), - les services non marchands qui ne sont pas échangés sur un marché (par exemple la qualité de

l’air, les promenades en forêt, le silence) et auxquels il est généralement délicat de donner une valeur monétaire.

Coûts privés généralisés

Les coûts généralisés font référence aux coûts pris en compte dans le processus de décision d’agents économiques privés. Ces coûts comprennent les coûts de biens ou services marchands (dépenses réelles) ainsi que services non marchands, tels que le confort ou la durée d’un voyage lorsque l’on compare différents modes de transport.

Coûts sociaux et coûts externes

Les coûts généralisés ne reflètent pas nécessairement tous les coûts qu’une décision crée pour la société. Les activités de production d’électricité sont par exemple à l’origine d’impacts ayant des conséquences sur le bien-être de la collectivité parmi lesquels les émissions de polluants, les nuisances sonores ou encore la détérioration des aménités du territoire. Ces impacts sont regroupés sous le terme d’externalités. Il existe une externalité négative (ou positive) lorsque qu’un acteur économique fait supporter un coût (ou apporte un bénéfice) à un autre acteur sans qu’il existe un marché de droits de propriété tel que l’acteur lésé (ou favorisé) puisse se faire payer (ou doive payer) par celui qui le lèse (ou celui qui l’avantage) (Giraud, 2004).

Les coûts des externalités (ou coûts externes) ne sont pas pris en compte dans le processus de décision privé, excepté si les institutions politiques (représentant la collectivité) les ont internalisés (avec des taxes par exemple). Les externalités peuvent être des biens ou services marchands (création d’un logiciel libre) ou non marchands (pollution).

Les coûts (ou bénéfices) sociaux d’une activité comprennent à la fois les coûts généralisés de tous les membres de la collectivité impactés (positivement ou négativement) et l’ensemble des externalités. Le bien-être sociétal est défini comme la somme des externalités et de tous les bien-êtres individuels sans distinction.

Terminologie retenue

Pour la suite du travail, nous retenons la terminologie décrite ci-dessus (et représentée Figure 1.16) pour caractériser les coûts et bénéfices.

Selon les situations (agents économiques privés, collectivité, types de projet), une Analyse Coût-Bénéfice peut être réalisée à partir des coûts généralisés ou des coûts sociaux. Comme l’indique la Figure 1.16, les coûts et les bénéfices à prendre en compte sont alors différents.

Figure 1.16. Terminologie retenue pour caractériser les coûts et bénéfices

1.2.3.4. Les limites de l’ACB

Dernièrement, l’OCDE (2007) a fait appel à des experts pour passer en revue les développements récents intervenus dans le domaine de l’ACB et évaluer l’apport de celle-ci à l’efficience des processus de décision. Si plusieurs gouvernements23 exigent déjà que soit menée une analyse coûts-bénéfices pour de nouvelles réglementations, grands projets, ou mesures environnementales, certains aspects de l’ACB prêtent toujours à débat.

Actualisation, comment traiter les impacts de long terme ?

Les coûts et bénéfices d’un projet ou d’une politique s’étalent dans le temps, intervenant parfois à un horizon temporel très éloigné (le CO2 a une durée de vie dans l’atmosphère d’environ 100 ans, certains déchets nucléaires resteront dangereux pendant plusieurs millénaires...). Dans la pratique, les coûts et bénéfices futurs sont actualisés afin de les comparer à ceux d’aujourd’hui. L’actualisation conduit mécaniquement à minorer les impacts, positifs ou négatifs, d’un investissement, et ce d’autant plus que ces effets se trouvent éloignés dans le temps, ce qui peut paraître en contradiction avec la prise en compte du long terme.

Comme le rappelle l’OCDE (2007), les activités actuelles qui imposent d’importants coûts aux générations futures peuvent sembler insignifiantes dans une analyse coûts-bénéfices. De même, on risque de ne pas prendre des initiatives dont les coûts sont supportés aujourd’hui, mais dont les bénéfices ne seront perçus que par les générations futures.

23 Au Canada, une ACB doit être effectuée pour toutes les propositions réglementaires dont le coût actuel estimé est supérieur à 50 millions de dollars. Aux États-Unis, elle est exigée si la réglementation induit des coûts annuels supérieurs à 100 millions de dollars (ou génère d’autres impacts significatifs tels que des incidences sur l’emploi, sur la compétitivité, etc.).

La relation entre taux d’actualisation et horizon temporel est en fait régie par deux effets contradictoires :

- un effet « richesse » qui suppose que les générations à venir seront de plus en plus riches (progrès technologique…) et incite à faire d’autant moins d’effort que la génération est éloignée,

- un effet « précaution » qui considère les incertitudes sur le niveau de vie des générations à venir (croissance économique, raréfaction des ressources, pollutions globales) et incite à faire des efforts importants pour les générations futures.

De nombreuses discussions portent sur le choix des taux d’actualisation. Philibert (1999) énumère par exemple les arguments en faveur des taux d’actualisation faibles et ceux en faveurs des taux décroissant dans le temps. Il ne retient pas les arguments en faveur d’un taux d’actualisation faible ou nul notamment parce qu’ils impliqueraient davantage de sacrifices pour les générations actuelles, bien que les générations futures puissent être plus riches. Cela reviendrait en effet à consentir beaucoup d’efforts pour le très long terme en sacrifiant le moyen terme. Philibert (1999), ou encore Gollier (2005), recommandent l’utilisation de taux décroissants dans le temps pour des horizons temporels éloignés (supérieurs à 30 ans par exemple). Selon eux, cette pratique permet le meilleur compromis entre ces effets « richesse » et « précaution ».

La pratique de l’actualisation pour les projets impactant le long terme est régulièrement contestée. Une modulation du taux d’actualisation en fonction du temps peut être adoptée pour améliorer les comparaisons intergénérationnelles.

Les coûts et bénéfices sont-ils équitablement répartis ?

Dans une ACB, une mesure publique est jugée économiquement efficiente si les bénéfices procurés par son introduction sont supérieurs aux coûts qu’elle induit, quelle que soit l’identité des « gagnants » et des « perdants ». Par exemple, si une station d’épuration des eaux est installée dans le quartier le plus pauvre d’une ville, on pourrait objecter que si tous les résidents bénéficient d’une eau plus propre, ceux qui vivent à proximité de la station subissent en revanche la vue de cette construction disgracieuse. La valeur de l’immobilier à proximité de la station est appelée à chuter, de sorte qu’en fin de compte, les habitants les plus défavorisés de la ville supporteront une part disproportionnée de la charge financière. Aussi, faut-il garder à l’esprit que l’ACB n’assure pas nécessairement un partage équitable des coûts et bénéfices. Toutefois, il reste possible d’insérer des coefficients de pondération dans le calcul d’ACB (plus élevés pour les coûts et bénéfices associés aux catégories défavorisées) ou à posteriori de mettre en place un système de compensation (OCDE, 2007).

Est-il légitime de baser des décisions politiques sur une analyse monocritère ?

Une analyse monocritère telle que l’ACB ne peut généralement pas suffire à la décision politique. De façon générale, l’ACB doit être vue comme un outil d’aide à la décision. Comme le rappelle Boiteux (2001), « l’intérêt de faire du bilan socio-économique non le critère mais le noyau de l’estimation de la valeur d’un projet, c’est de permettre une analyse des raisons pour lesquelles on est conduit à s’écarter de la solution à laquelle ce bilan aurait conduit, et de pouvoir chiffrer le surcoût de la décision ».

1.2.4 Conclusions

Parce qu’il est impossible d’investir des sommes infinies dans la maîtrise de l’énergie, des critères d’efficience économique sont nécessaires afin de prioriser les programmes de maîtrise de l’énergie ou d’augmentation des capacités de production à mettre en place. Les Analyses Coût-Bénéfice (ACB) et Coût-Efficacité (ACE) sont des méthodes couramment utilisées pour évaluer l’efficience économique de programmes de MDE. Selon les situations (agents économiques privés, collectivité, types de projet), ces analyses peuvent être réalisée à partir des coûts généralisé ou des coûts sociaux. Dans les deux cas, il convient d’effectuer un bilan des différents coûts, ce qui nécessite généralement un exercice de monétisation de biens et services non marchands.

1.3 Formulation des objectifs et développement d’une

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