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Monétisation des externalités liées au changement climatique

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2.4 Monétisation des externalités liées au confort d’été

2.4.3 Monétisation des externalités liées au changement climatique

L’augmentation de la concentration dans l’atmosphère de certains gaz à effet de serre (GES) provenant d’émissions d’origine anthropique (CO2, CH4, N2O…) entraîne l’accroissement de la température moyenne de l’atmosphère. S’il est impossible de prédire avec une certitude absolue quels seront les effets du changement climatique, les connaissances actuelles permettent d’en comprendre les risques.

Le GIEC (Parry et al., 2007) donne ainsi des exemples d’incidences associés à la variation de la température moyenne à la surface du globe sachant que celles-ci varieront selon le degré d’adaptation, le rythme du réchauffement et le mode de développement socio-économique.

2.4.3.1. Les différentes méthodes de monétisation du coût marginal de réduction des émissions de GES

Il existe deux méthodes principales de monétisation des évaluations de GES. La méthode dite des

« coûts des dommages » repose sur la monétisation des impacts du changement climatique. La méthode dite des « coûts de prévention » consiste à calculer le coût marginal que l’on devrait attribuer

56 Pour laquelle l’offre égalise la demande.

57 Vaclav Smil, par exemple : “Historical evidence is thus replete with examples demonstrating that substantial gains in conversions (or material use) efficiencies stimulated increases of fuel and electricity (or additional material) use that were far higher than the savings brought by these innovation” (Smil, 2005).

aux émissions de GES pour atteindre des cibles d’atténuation des émissions (ou en termes de limitation d’augmentation des températures). Ce dernier coût peut être interprété comme le prix d’un permis carbone dans un marché d’échange mondial et idéal.

2.4.3.2. Evaluation du coût marginal d’émissions de GES par la méthode des

« coûts des dommages » Méthode générale

Ce type d’approche relève de l’analyse coûts/avantages : la valeur de la tonne de carbone se mesure au regard de l’impact que l’émission de cette molécule supplémentaire aura sur le bien-être des générations actuelles et futures. La méthode généralement suivie consiste à effectuer une simulation de référence avec un modèle intégré du changement climatique puis une simulation « perturbée » en ajoutant une quantité donnée de carbone dans l’atmosphère (scénario d’émission) sur une certaine période. Le coût marginal est alors calculé en divisant la somme des dommages (sur des horizons temporels et géographiques donnés) par le nombre de tonnes de carbone émises.

Les modèles intégrés du changement climatique

Selon Ambrosi et Courtois (2004), les modèles intégrés du changement climatique cherchent à capturer, dans une architecture cohérente, la chaîne causale qui conduit des déterminants des émissions de gaz à effet de serre aux impacts du changement climatique et à leurs répercussions socioéconomiques. Il s’agit donc d’une approche interdisciplinaire, entre sciences de l’environnement (climatologie, océanographie, écologie. . .) et sciences sociales (économie, sciences et techniques de l’ingénieur…). Une typologie des modèles58 a été effectuée par Rotmans et Dowlatabadi (1998).

Dommages étudiés

Les modèles ne couvrent pas tous les dommages et tous les coûts du changement climatique. Watkiss et al. (2005) ont analysé les impacts évalués par différentes études59 afin de déterminer dans quelle mesure elles peuvent sous-estimer le dommage « total » du changement climatique. Les auteurs classent les impacts en neuf catégories selon :

- l’incertitude pesant sur leur probabilité d’occurrence : impacts prévisible60 (hausse du niveau des mers), impacts pouvant varier61 (sécheresse, tempêtes), variables majeures62 (arrêt de la circulation thermohaline),

- l’incertitude pesant sur leur monétisation : dommages marchands (protection des côtes), dommages non marchands pour lesquels il existe un travail de monétisation (santé, écosystèmes), dommages non marchands pour lesquels il n’existe pas (ou peu) de travail de monétisation (conflits régionaux, pauvreté).

Il s’avère que la très grande majorité des études s’en tiennent à la prise en compte des dommages à la fois marchands et prévisibles (aucune étude ne prend en compte les dommages non marchands pour lesquels il n’existe pas (ou peu) de travail de monétisation et une seule intègre les variables majeures).

Ainsi, les modèles utilisés n’envisagent que les effets les mieux compris et les plus facilement monétisables. Selon les auteurs, il faut donc relativiser les résultats obtenus avec cette méthode, car ils sous estiment très probablement les dommages.

58 Modèles d’orientation macro-économique : représentent sous forme de relations paramétriques relativement simples les phénomènes naturels ; modèles d’orientation géophysique : représentent de manière exhaustive les processus physiques étudiés.

59 Les auteurs ont repris les études analysées par Tol (2005) dont les résultats en termes de coût marginaux de réduction des émissions sont présentés Figure 2.22.

60 “Projection” dans le texte original.

61 “Bounded risks” dans le texte original.

62 “System change & surprises” dans le texte original.

Résultats et incertitudes

Concernant la monétisation du coût marginal d’émission de GES par la méthode de coût des dommages, l’étude la plus complète est celle de Tol (2005) qui effectue une méta-analyse portant sur 28 études d’estimation du coût du carbone (au final 103 estimations - Figure 2.22). Si toutes les études sont prises en compte, la médiane est de 14 $/t et la moyenne de 93 $/tC63. Cependant, après analyse de toutes ces études (taux d’actualisation, robustesse des scénarios d’évolution du climat pris en compte…), l’auteur estime peu probable que le coût de dommage dépasse 50 $/tC (avec notamment des hypothèses typiques d’actualisation).

Figure 2.22. Coût marginal d’émission de gaz à effet de serre provenant de 28 études différentes

(Tol, 2005)

La Figure 2.22 montre une grande disparité des résultats dont les causes principales résident dans : - les scénarios d’émissions de GES retenus,

- le choix du taux d’actualisation,

- l’évaluation monétaire de la vie humaine et notamment la différence entre pays en voie de développement et pays riches,

- l’évaluation monétaire de la biodiversité et des écosystèmes,

- l’incertitude très élevées sur l’occurrence et les impacts d’évènements tels que les cyclones, les sécheresses, l’augmentation du niveau de la mer.

Pour revenir sur l’importance du taux d’actualisation, les dommages évalués adviendront dans un futur éloigné et ont tendance à être minorés par le processus d’actualisation. Le Tableau 2.12 donne des valeurs de coût marginal d’émission obtenues dans le cadre du projet ExternE (CE, 2005a) avec différents taux d’actualisation. Il apparaît que ce coût varie très significativement (d’un facteur 15) en fonction du taux d’actualisation choisi.

Tableau 2.12. Coût marginal d’émissions obtenus pour différents taux d’actualisation (CE, 2005) Taux d’actualisation

0 % 1 % 3 % Coût marginal d’émissions [$/tC] 79,0 25,2 5,1

Enfin, il faut noter que le coût marginal d’émissions est d’autant plus faible que la concentration de GES est faible (et que l’objectif de réduction des émissions est élevé). Comme le montrent les résultats du rapport Stern (Tableau 2.13), les dommages seront moins importants si la concentration s’établit à 450 ppm que si elle augmente jusqu’à 550 ppm. En contrepartie, l’effort nécessaire pour atteindre ces niveaux sera lui plus important (et les coûts marginaux de réduction plus élevés).

Tableau 2.13. Coût des dommages obtenus par Stern (2006) Scénarios

Référence Stabilisation 550 ppm Stabilisation 450 ppm

Coût des dommages [$/tC] 85 30 25

La méthode d’évaluation des dommages s’accompagne donc d’incertitudes importantes (quantification et monétisation) et est empreint d’une certaine subjectivité (taux d’actualisation). Selon Watkis et al.

(2005), les dommages évalués par les études existantes sont très probablement sous-estimés et doivent être considérés avec prudence. A titre d’exemple, Stern (2006) évalue le coût de dommage entre 20 €/tCO2 et 70 €/tCO2.

63 Avec un taux de conversion de 1,2 $ pour 1 € (1990-2004), la moyenne est d’environ 77,5 €/tC soit 21 €/tCO2.

2.4.3.3. Evaluation du coût marginal de réduction64 des émissions de GES par la méthode des « coûts de prévention »

La seconde méthode, dite des « coûts de prévention » (ou « coûts de réduction »), consiste à évaluer le coût nécessaire pour stabiliser les émissions de GES à un niveau donné. Pour reprendre la typologie des méthodes de monétisation des externalités (section 2.2), cette méthode est en quelque sorte basée sur les préférences individuelles (détermination du consentement à payer) alors que celle présentée précédemment est fondée sur l’expertise des dommages.

L’évaluation du coût marginal de réduction peut s’effectuer sur la base des coûts de réduction sectoriels (analyse ascendante). Cela consiste en une analyse technico-économique des différentes options techniques s’offrant à la collectivité pour réduire les émissions de GES et notamment en un classement de ces options en fonction de leur potentiel de réduction des émissions et de leur coût marginal (la Figure 2.23 est donnée à titre d’exemple). La valeur du coût marginal du carbone retenue correspond alors au coût de la dernière option à utiliser pour satisfaire le niveau d’émissions autorisé.

Ainsi, la collectivité est invitée à réaliser toutes les actions dont le coût est inférieur à cette valeur.

Dans le cas de la Figure 2.23 par exemple, sachant que les émissions mondiales en 2030 seront d’environ 55,7 Gt de CO2-eq selon le GIEC (Barker et al., 2007), si un objectif mondial de réduire les émissions de 35 % en 2030 était fixé, alors le coût marginal serait d’environ 10 €/tCO2-eq.

Figure 2.23. Courbe mondiale des coûts d’abattement des GES à horizon 2030 (McKinsey, 2009) L’évaluation du coût marginal de réduction peut aussi être réalisée à partir de modèles macroéconomiques, qui synthétisent l’ensemble du système économique d’une région et calculent un coût du carbone cohérent avec un niveau des émissions à ne pas dépasser (analyse descendante).

L’évolution des émissions est modélisée à partir de différentes variables économiques agrégées, les options technologiques étant représentées implicitement. Les valeurs produites par ces modèles traduisent le signal-prix qu’une économie doit « suivre » pour atteindre un objectif donné de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (Quinet et al., 2008).

64 En anglais : abatment costs.

Kuik et al. (2009) ont récemment effectué une méta-analyse sur des études portant sur l’évaluation du coût marginal de réduction des émissions de GES par la méthode des « coûts de prévention ». Les principaux résultats sont donnés dans le Tableau 2.14. Les causes principales de la dispersion importantes des résultats obtenus résident dans :

- le choix de la cible de réduction des émissions (plus la contrainte sur les émissions est forte, plus les moyens de réduction à mobiliser sont importants et plus la valeur de la tonne de carbone est élevée),

- la détermination du scénario de référence (qui avec la cible détermine le niveau de réduction des émissions à atteindre),

- les hypothèses générales retenues dans les simulations (sur la croissance économique, la structure industrielle, les développements technologiques, le prix de l’énergie…),

- les gaz pris en compte (CO2 uniquement ou plusieurs GES),

- le niveau d’agrégation des modèles : plus le nombre de régions est important, plus la représentation est réaliste en termes de rigidités et de spécificités,

- la différence de méthode adoptée (ascendante/descendante).

Tableau 2.14. Résumé des valeurs de coût marginal de réduction (€2005/tCO2-eq) provenant de différents travaux (Kuik et al., 2009)

Année de référence 2025 2050

Moyenne 24,8 55,8

Médiane 16,2 32,2

Maximum 119,9 209,4

Minimum 0,0 1,4

Ecart-type 27,9 52,9

Nombre de résultats analysés 47 49

Les travaux du groupe III du GIEC (Fisher et al., 2007) comprennent une méta-analyse des principales études (publiées sur une période de cinq ans) portant sur les coûts de réduction dont la Figure 2.24 donne une synthèse. Fisher et al. (2007) concluent sur les valeurs de coûts marginaux suivantes, valeurs qui dépendent de l’objectif de stabilisation65 :

- pour 2030, entre 18 et 85 $/tCO2-eq pour un scénario de stabilisation des concentrations à 550 ppm-eq ; et environ 100 $/tCO2-eq pour un scénario de stabilisation à 450 ppm-eq,

- pour 2050, entre 30 et 155 $/tCO2-eq pour un scénario à 550 ppm-eq et entre 100 et 300 $/tCO

2-eq pour un scénario à 450 ppm-eq.

a) 2030 b) 2050

Figure 2.24. Prix du carbone en fonction des objectifs de réduction

65 Selon le GIEC, l’augmentation de température moyenne du globe sera de l’ordre de 2,8 – 3,2 °C pour une concentration de 535-590 ppm-eq et de 2 – 2,4°C pour une stabilisation des concentrations à 445-490 ppm-eq.

2.4.3.4. Conclusions

Que ce soit par la méthode d’évaluation des dommages ou par la méthode d’évaluation du coût marginal de réduction, les résultats varient significativement selon les études. De façon générale, le coût de la tonne de CO2-eq fluctue de moins de 10 € à plus de 200 €. Il est alors difficile de s’arrêter sur une valeur unique et des analyses de sensibilité devront être effectuées au moment d’utiliser ces données de coûts.

Le Tableau 2.15 regroupe les valeurs dérivées des méta-analyses effectuées par le GIEC (Figure 2.24) qui sont fonction des objectifs de réduction et de l’année de référence. L’objectif de stabilisation des émissions à 450 ppm-eq en 2050, qui correspond à une augmentation de température moyenne du globe de l’ordre de 2 °C, est conforme aux engagements politiques pris au niveau français et européen (ainsi qu’aux recommandations du GIEC). Pour la suite de l’étude, nous retiendrons donc comme valeur du coût marginal de la tonne de CO2-eq, la valeur centrale rapportée par le GIEC pour cet objectif de stabilisation des émissions, c’est à dire 150 €/tCO2-eq. Cette valeur élevée du carbone reflète le caractère ambitieux des objectifs européens de réduction des GES. Elle ne pourrait cependant être internalisée en l'état comme « signal prix » destiné aux consommateurs car cela poserait des problèmes de transition et d’adaptation importants (poids sur la croissance...) 66. C’est pourquoi le Centre d’analyse stratégique (Quinet et al., 2008) recommande une trajectoire de la valeur du carbone partant de 32 €2008/tCO2 en 2010 pour atteindre 100 €2008/tCO2 en 2030, puis 200 €2008/tCO2 en 2050.

Tableau 2.15. Valeurs de coûts marginaux de réduction provenant de méta-analyses Coût marginal de réduction [€/tCO2-eq]67 Sources Objectifs

[ppm-eq] Années de

référence Min. Centrale Max.

550 2030 13 38 63 450 2030 65 106 148 550 2050 22 68 115 (Fisher et al., 2007)

450 2050 74 148 222

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