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CHAPITRE 3 : étude électrochimique d’éléments et d’alliages du bloc p

II. 2 – Analyse par spectroscopie de rayon X (XAS)

II.2. a – Etude operando et in situ

La première partie de cette expérience s’est focalisée sur une étude operando qui consistait à faire cycler des électrodes d’InSb autosupportées face à du magnésium tout en mesurant les signaux XAS sur plusieurs points de la cellule (chapitre 2, III.2.b.3.c). Une cellule particulière a été conçue afin de mettre en place l’expérience sur la ligne de lumière (chapitre 2, III.2.b.3.b). La courbe du cyclage électrochimique de InSb dans cette cellule (sous faisceau), illustrée sur la figure 4.19, montre une première magnésiation de 1,2 Mg2+. Cette valeur est limitée du fait de la masse importante de l’électrode autosupportée (InSb/PTFE/C), de façon identique aux électrodes employées lors des caractérisations par DRX operando. Notons par ailleurs que durant l’expérimentation, le monochromateur a cessé de fonctionner, entrainant la mise en pause de la mesure électrochimique durant la réparation avant la reprise de l’expérience. Cette pause de 12 h au cours de la première magnésiation est visible à x= 0,8 sur la figure 4.19.

Une analyse par DRX ex situ en fin de cyclage (tout début de la deuxième démagnésiation) a été effectuée sur l’électrode après le démontage de la cellule operando cyclée sous le faisceau synchrotron (figure 4.19). Les phases attendues en fin de magnésiation sont bien présentes (figure 4.20) avec InSb, Mg3Sb2 et In. MgIn est absent ce qui est cohérent avec les résultats de DRX ex situ. La DRX valide donc le fait que l’électrode a bien été magnésiée au cours du cyclage sous le faisceau, comme le montre d’ailleurs le profil électrochimique.

Figure 4.19 : Cycle de magnésiation/démagnésiation du système InSb/Mg à C/100 pendant les mesures XAS operando en transmission. Les astérisques représentent les pauses dans la mesure électrochimique durant le cyclage du fait de coupures de faisceau sur la ligne. Electrolyte : EtMgCl : Et2AlCl@THF.

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II.2.a.1 – Effet de la coupure de la mesure électrochimique

La figure 4.21 présente les spectres EXAFS collectés au seuil K de Sb lors du cyclage operando, sur une électrode vierge (noir), avant (x=0,7, vert) et après (x=0,9, rouge) la coupure de l’électrochimie, ainsi qu’à la fin de la magnésiation (violet). Le spectre EXAFS à x=0,7 ne révèle aucune modification du signal, suggérant étonnamment qu’aucun changement structural n’a eu lieu au cours du cyclage. Curieusement, les spectres sont modifiés après la coupure, à x=0,9,

Figure 4.20 : Diffractogramme collecté au début de la deuxième démagnésiation d'une électrode cyclée durant l’analyse XAS operando à C/100. Les barres verticales indiquent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), Mg3Sb2 (vert), Sb (rose) et In (ocre).

Figure 4.21 : Spectres EXAFS (pondérés en k2) collectés au seuil de Sb sur une électrode vierge d’InSb (noir), avant et après la coupure de l’électrochimie à x= 0,7 (vert) et x= 0,9 respectivement (rouge), et en fin de première magnésiation (violet) pendant la mesure

175 un très léger déphasage et une réduction de l’intensité sont observées. En fin de magnésiation, les oscillations du spectre EXAFS sont légèrement moins intenses. Ce n’est donc qu’après la coupure du faisceau (point à x =0,9) que les spectres EXAFS rendent compte des modifications structurales liées aux réactions électrochimiques au point de mesure. Il semble donc que la coupure de l’électrochimie (durée de 12 h) et l’arrêt du faisceau aient permis au système de revenir à l’équilibre, en entrainant la diffusion du Mg dans tout le système et une homogénéisation des phases au sein de l’électrode, menant ainsi à des modifications des spectres EXAFS.

Remarque : au cours de l’expérience, deux cellules électrochimiques étaient en cours de

cyclage simultanément. Sur chacune des cellules deux points de mesures étaient analysés soit quatre points au total. L’effet présenté ici sur un point d’analyse a été observé sur les quatre points des deux cellules et au deux seuils (seuils K de In et Sb).

II.2.a.2 – Mesure operando sur le système, effet de faisceau ?

Afin de comprendre le phénomène s’étant déroulé au sein de notre système durant la mesure

operando, une comparaison des spectres EXAFS collectés au seuil K de In sur des électrodes

stoppées au même état de magnésiation et cyclées operando (en cellule sous faisceau), in situ (en cellule hors faisceau) et ex situ (préparée au préalable en laboratoire) a été réalisée (figure 4.22). Alors que le spectre de la cellule operando est similaire à celui de l’électrode vierge, le spectre EXAFS ex situ (spectre vert, figure 4.22) présente un léger déphasage par rapport à l’électrode vierge, surtout sur les premières oscillations (entre 2,5 et 6,6 Å). L’amplitude des oscillations est bien moins importante que celles des spectres EXAFS de l’électrode vierge ainsi que de l’électrode cyclée operando. Curieusement, pour le même état de magnésiation, les

Figure 4.22 : Spectres EXAFS (pondéré en k2) collectés au seuil K de In sur une électrode vierge d’InSb (bleu), et sur des électrodes à x= 0,8 pendant la mesure operando (rouge), in

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spectres de l’électrode ex situ présentent donc des changements bien plus importants que ceux de l’électrode ayant été cyclée durant la mesure operando.

Sachant que l’analyse par DRX en fin de cyclage operando montre que l’électrode a bien été magnésiée, pourquoi le spectre EXAFS de l’électrode acquis operando (à x = 0,8) est-il comparable à celui de l’électrode vierge ?

Afin de répondre à cette question, nous avons dans un deuxième temps réalisé un cyclage dans la cellule operando, mais cette fois-ci hors du faisceau (nommé ici étude in situ). À la suite du cyclage, stoppé à un stade de magnésiation de x = 0,8, la cellule a été transférée rapidement (< 3 min) sur la ligne de lumière afin de limiter au maximum le temps de relaxation avant l’acquisition des spectres EXAFS (seuils K de In et Sb). La courbe violette sur la figure 4.22, représentant la mesure in situ, est proche (déphasage et oscillation) de celle de l’électrode ex

situ mais se différencie en revanche des spectres de l’électrode vierge et du cyclage operando.

En effet, le spectre de l’électrode in situ montre des oscillations d’intensité bien moins importantes et un déphasage. Ces résultats laissent entendre qu’aucune, si ce n’est une très faible activité électrochimique s’est déroulée dans la cellule operando sur les points de mesure XAS, contrairement aux électrodes ex situ et in situ. L’application prolongée du faisceau de rayons X de grande énergie sur la cellule en un point précis a par conséquent stoppé l’activité électrochimique au point de mesure (figure 4.23), alors que les résultats électrochimiques et DRX en fin de cyclage operando montrent que le reste de l’électrode a globalement été magnésiée.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que l’absence d’activité électrochimique au point de mesure est liée à l’énergie apportée par le faisceau de rayon X. En considérant le flux de photons, la taille et l’énergie du faisceau, nous avons estimé (équation 4.3) qu’une dose de 72 MGy est reçue au point de contact avec le faisceau lors de la première magnésiation [7] (équivalente à ~1MGy par mesure de 10 min). Cette dose, bien plus importante que celle obtenue pour la DRX

operando (28 kGy), peut être responsable d’un échauffement très important au contact du

faisceau traversant la cellule et peut entrainer une évaporation de l’électrolyte, très volatile (température d’ébullition du THF : 66 °C). Un phénomène de radiolyse pourrait être aussi à

Figure 4.23 : Schéma représentant le cyclage d'une électrode sous faisceau de rayon X pendant le mesures EXAFS.

177 l’origine de cet effet de faisceau. La radiolyse est une transformation d’un milieu sous l’effet de l’energie de rayonnements ionisants. L’énergie de ces rayonnements peut alors rompre, modifier ou former des liaisons chimiques au sein des molécules et créer des espèces radicalaires hautement réactives [10,11]. La radiolyse peut être à l’origine d’une dégradation de l’électrolyte et stopper le cyclage au point de contact entre le faisceau et l’électrode. A titre de comparaison, l’équipe de Sophie Le Caër qui travaille sur l’étude des processus de vieillissement dans les batteries lithium-ion par radiolyse, a montré qu’une exposition à 200 kGy [12] entraine déjà de nombreux phénomènes de dégradation au sein d’électrolytes à base d’éthylène carbonate (EC) dont la température d’ébulition (246 °C) est bien supérieure à celle du THF (66 °C).

En conclusion, les résultats des caractérisations par XAS operando s’avèrent ici non exploitables. Les spectres EXAFS au seuil K de In ne sont pas présentés ici car ils conduisent aux mêmes conclusions que celles obtenues au seuil K de Sb. L’application répétée du faisceau X sur l’électrode affecte considérablement les réactions électrochimiques au point de mesure, les rendant quasi inexistantes. Ainsi, bien que ces mesures ne soient pas utilisables dans notre cas, nous démontrons que pour les systèmes électrochimiques au magnésium, les mesures par XAS operando sont à utiliser avec précaution et peuvent être non représentatives de l’activité électrochimique réelle de la cellule. Ce type de problèmes lié aux mesures operando est très peu référencé dans la littérature. Il est néanmoins crucial de les prendre en compte afin d’analyser avec véracité les résultats des caractérisations operando [8,9]. Pour la suite, nous avons donc focalisé notre étude sur des analyses ex situ.