• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 3 : étude électrochimique d’éléments et d’alliages du bloc p

I. 2 – Analyse des mécanismes de réactions de InSb

La réactivité électrochimique du composé intermétallique InSb envers Mg a été décrite au chapitre 3, III et a montré une synergie entre les éléments In et Sb sur plus de 40 cycles de magnésiation/démagnésiation. Les courbes électrochimiques et les plateaux de réactions laissent présager que les phases Mg3Sb2 et MgIn se forment lors des réactions d'alliage entre InSb et Mg. Ces conclusions sont confrontées ici à des mesures DRX ex situ obtenues sur des électrodes composites d’InSb cyclées à un régime de C/50.

Afin de suivre les composés formés au cours de la magnésiation de InSb et ainsi nous éclairer sur les mécanismes de réaction, les cellules ont été arrêtées à différents stades de la magnésiation, comme l’illustre la figure 4.4.

L’évolution des phases lors de la première magnésiation est discutée ci-dessous :

1. Au début de la magnésiation, jusqu'à la réaction de ∼1 Mg2+, une forte diminution du pic de diffraction de InSb (10,9 °) est observée. Au même moment, des réflexions à 10,3, 11,2 et 11,7 ° apparaissent (figure 4.4). Elles sont caractéristiques de la formation de Mg3Sb2 et confirment donc la magnésiation de Sb pour former ce composé, en accord avec les données électrochimiques. Simultanément, un autre pic de diffraction correspondant à l'indium métallique surgit à 15,0 °. La présence d’In élémentaire indique qu’un phénomène d’extrusion du métal de l'alliage InSb se produit pendant la magnésiation, comme cela a déjà été vu pour la lithiation d'InSb [4].

2. Après l’insertion d'environ 1,5 Mg2+, les phases Mg3Sb2 et In sont toujours détectées, tandis que l'intensité du pic de diffraction caractéristique de InSb à 10,9 ° diminue, dénotant une proportion plus importante de matériau actif réagissant avec Mg2+. 3. Après une magnésiation complète (~2 Mg2+), les phases Mg3Sb2 et In sont toujours

visibles. Le pic de diffraction de InSb reste présent ce qui révèle qu’une partie du matériau actif n'a pas réagi. Là encore, alors que le profil électrochimique et les données

154

de DRX ex situ des électrodes d’In et d’In:C (chapitre 3, I.1 figure 3.3 et chapitre 4 figure 4.2) suggèrent la formation de MgIn cristallin lors de la réaction d’In avec Mg, seule une modeste contribution de MgIn cristallin est détectée (figure 4.4) avec l’apparition de faibles réflexions à 9,3, 12,8 et 15,6 ° (MgIn, P4/mmm). Notons que le pic de diffraction de Mg3Sb2 à 15,2 ° est proche de la réflexion principale de MgIn à 15,6 ° et de In à 15,0 °, ce qui rend malheureusement l'analyse des phases relativement complexe. Ces mesures en fin de magnésiation ont été répétées plusieurs fois afin de valider ou d’infirmer la présence de MgIn cristallin. Les pics de diffraction caractéristiques de MgIn n'ont été observés sur aucun autre échantillon entièrement magnésié (figure 4.5). De façon analogue aux électrodes de In-Pb, ces mesures appuient l’hypothèse de l’existence de MgIn en grande partie sous forme amorphe, conséquence d’une amorphisation induite par la réaction électrochimique lors de la première magnésiation de InSb.

Figure 4.4 : Diffractogrammes collectés sur des électrodes composites à base d'InSb stoppées à différents états de magnésiation à un régime de C/50. Les barres verticales représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), de MgIn (orange), de In (ocre), de Sb (rose) et de Mg3Sb2

(vert).

155 En complément, nous avons également étudié les phases formées à la fin du premier cycle après l’extraction complète des ions Mg2+ (figure 4.6). Fait intéressant, la démagnésiation des phases MgIn et Mg3Sb2 lors de la première charge ne produit pas de Sb et d’In élémentaires, mais régénère le composé intermétallique InSb, mécanisme similaire au cas de In-Pb. Néanmoins, les phases Mg3Sb2 et In sont encore présentes, ce qui démontre une démagnésiation incomplète et concorde avec la forte irréversibilité observée au premier cycle (chapitre 3, III.2.b).

Figure 4.5 : Diffractogramme collecté à la fin de la première magnésiation d'une électrode cyclée (GCPL) dans une cellule InSb/Mg à C/50. Les barres verticales représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), Mg3Sb2 (vert), Sb (rose) et In (ocre).

Figure 4.6 : Diffractogrammes collectés sur la poudre d’InSb, à la fin des première magnésiation et démagnésiation sur des électrodes cyclées (GCPL) dans une cellule InSb/Mg à C/100. Les barres verticales représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), Mg3Sb2 (vert), Sb (rose) et In (ocre).

156

Comme observé dans le chapitre 3, les courbes de cyclage d’électrodes d’InSb en mode GITT présentent un profil différent de celles obtenus en mode GCPL avec l’apparition de plateaux de réactions aux potentiels thermodynamiques des réactions de Sb et de In. À la suite de cette étude, nous avons souhaité identifier les phases présentes dans un échantillon complètement magnésié en mode GITT afin de les comparer à celles visibles en fin de magnésiation sur l’échantillon cyclé en mode GCPL. La figure 4.7 représente les profils DRX des échantillons GITT et GCPL obtenus à la fin de la première magnésiation. Tout d’abord, nous remarquons que les phases Mg3Sb2 (10,3, 11,2 et 11,7 °) et In (15.0 °) sont présentes dans les deux cas. D’autre part, il est intéressant de noter que le diffractogramme de l’échantillon GITT est différent de celui de l'échantillon GCPL. Le profil DRX de l'échantillon GITT comprend des pics de diffraction mieux définis, révélant des phases hautement cristallines. Plus important encore, la principale différence est la présence sans ambiguïté de trois réflexions à 9,3, 12,8 et 15,6 °, correspondant au MgIn. La cristallisation de MgIn dès la première magnésiation est clairement mise en évidence sur l'échantillon GITT, dans lequel l'électrode atteint un état d’équilibre et où la diffusion n’est pas limitante. Au contraire, la cristallisation du MgIn au cours de la première magnésiation dans l'échantillon GCPL est très limitée, sinon inexistante (figures 4.6 et 4.7).

La production de MgIn sous forme amorphe dans l’échantillon cyclé en mode GCPL parait contre-intuitive car les magnésiations d'In (chapitre 3, I.1), d’In:C (figure 4.2) et de l’alliage InBi [21] conduisent à la formation de MgIn cristallin. Cependant, de façon similaire à In-Pb,

Figure 4.7 : Diffractogrammes collectés sur des électrodes en fin de magnésiation cyclées en mode GCPL et GITT. Les bâtons représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), Mg3Sb2 (vert), Sb (rose) et In (ocre).

157 la capacité extraite d'InSb, 535 mAh.g-1 (chapitre 3, III.2.b), ne peut être justifiée seulement par le processus d'alliage/désalliage de Sb avec Mg. La proportion attendue du profil électrochimique et de la capacité récupérée suggère indirectement une amorphisation électrochimique de la phase MgIn. La cristallisation de MgIn est donc cinétiquement dépendante, se traduisant par l’amorphisation ou la cristallisation de la phase MgIn en fonction de la vitesse de charge appliquée lors du premier cycle.

Dans le chapitre 3 (III.2.b), nous avons mis en évidence une différence entre les profils d’évolution du potentiel des première et deuxième magnésiations avec la présence de deux plateaux de réactions bien définis et d’une inflexion (figure 4.8.a). Ici nous avons suivi l’apparition des phases au cours de cette deuxième magnésiation afin de savoir si celle-ci suit des mécanismes de réactions différents. La figure 4.8.b montre les diffractogrammes collectés à différents stades de la magnésiation au cours de la deuxième décharge. L’évolution des phases est assez similaire à celle de la première magnésiation avec l’apparition de Mg3Sb2 et de In corrélée avec la diminution de l’intensité du pic de diffraction de InSb. Au niveau de

Figure 4.8 : Diffractogrammes collectés sur des électrodes composites à base d'InSb stoppées à différents états de magnésiation au cours de la deuxième décharge à un régime de C/50. Les barres verticales représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), In (ocre), Sb (rose) et Mg3Sb2 (vert).

158

l’inflexion aucune phase intermédiaire ni aucune impureté ne sont détectées, cette inflexion serait donc due soit à une réorganisation de la structure du matériau lors de la réaction d'alliage soit à la formation de phases ternaires Mg-In-Sb amorphes. Etonnamment en fin de deuxième magnésiation, trois réflexions à 9,3, 12,8 et 15,6 °, correspondant à la phase P4/mmm de MgIn cristallin apparaissent en opposition à la fin de la première décharge.

La phase MgIn n’est alors amorphe que lors du premier cycle. Les facteurs limitants la cristallisation de MgIn lors de la première magnésiation doivent encore être pleinement rationalisés et nécessiteraient des analyses complémentaires. Cependant, nous pouvons suggérer que cette amorphisation est liée à deux facteurs plus ou moins corrélés : (1) l’énergie que doit apporter le système pour entamer la nucléation et la cristallisation de la phase MgIn et (2) la grande différence de structure cristalline entre InSb et MgIn.

1- Dans un alliage, la croissance d’une phase β au sein de la phase initiale α débute par la création d’un point de nucléation. La croissance de la phase dans le matériau initial génère une interface entre les deux phases. Afin d’entamer la nucléation et la cristallisation de la nouvelle phase β, le système doit dépasser une barrière d’énergie [5,6]. Cette barrière d’énergie permettant la nucléation est notamment dépendante de l’énergie d’interface ou de l’énergie de déformation élastique (contraintes) émanant de la transformation de phase, et des éventuels défauts (ex : joints de grain, dislocations) du matériau [5,6]. Dans les métaux, les énergies d’interface sont très grandes, engendrant des barrières d’énergie conséquentes. Ainsi la formation de phases amorphes y est thermodynamiquement plus favorable [6]. L’InSb broyé présente de nombreuses contraintes et dislocations engendrées par le broyage, et une taille de cristallites initiale très petite, impliquant de nombreuses zones d’interfaces entre les cristallites, que nous pouvons considérer comme amorphes. La barrière d’énergie d’interface étant trop importante, le système est incapable de fournir l’énergie nécessaire pour dépasser cette barrière et conduit à la formation de la phase MgIn sous forme amorphe. La présence de joints de grain amorphes entre les cristallites doit également favoriser l’amorphisation de la phase MgIn.

2- Les différentes structures cristallines des matériaux de départ pourraient expliquer l’amorphisation de MgIn. La structure cristalline cubique de InSb (F4̅3m) est éloignée du MgIn tétragonal (P4/mmm). La formation électrochimique de MgIn implique donc de grands changements dans la structure cristalline, engendrant une grande barrière d’énergie que le système doit dépasser pour cristalliser la phase MgIn.

Au cours du chapitre 3 (III.2.b) l’hypothèse d’un broyage électrochimique du matériau lors du cyclage a été mise en avant afin d’expliquer les différences de comportement électrochimique entre le premier et le deuxième cycle. Cela semble validé ici. Ce broyage entrainerait une

159 restructuration complète et un relâchement des contraintes au sein du matériau et donc une diminution de la barrière d’énergie ce qui favoriserait la cristallisation de MgIn. Les mécanismes de réactions sont donc identiques entre les différents cycles, cependant, le broyage électrochimique se déroulant au cours de la première magnésiation favorise la cristallisation du MgIn pour les cycles suivants.

A la suite de cette analyse nous avons voulu également identifier les phases présentes après plusieurs cycles de charge/décharge et à différents régimes. Des électrodes à base d’InSb ayant subi 17 cycles à C/50 ou 45 cycles à C/25 ont été caractérisées par DRX (figure 4.9). En comparaison de la première démagnésiation à C/50, nous remarquons qu’après 17 cycles les proportions de Mg3Sb2 et d’In après extraction des ions Mg2+ sont bien moins importantes, signifiant qu’une plus grande fraction d’InSb est reformée en fin de démagnésiation. Ceci souligne la meilleure réversibilité des réactions après plusieurs cycles et est corrélé à l’augmentation progressive des capacités au cours du cyclage (chapitre 3 (III.2.c)), très certainement liée au broyage électrochimique du matériau lors des cycles électrochimiques permettant une diffusion plus efficace des ions Mg2+ dans l'électrode. A un régime plus élevé, après 45 cycles à C/25, les intensités des pics de diffraction de Mg3Sb2 et de In sont au contraire plus importantes, révélant une réversibilité plus limitée, ce qui est cohérent avec l’analyse en puissance des performances exposée dans le chapitre 3 (III.2.c) où une diminution régulière de la capacité est observée avec l'augmentation de la densité de courant.

Figure 4.9 : Diffractogrammes collectés sur des électrodes en fin de démagnésiation cyclées en mode GCPL à C/50 et C/25 pendant 17 et 45 cycles respectivement. Les bâtons représentent les positions de Bragg de InSb (bleu), MgIn (orange), Mg3Sb2 (vert), Sb (rose) et In (ocre).

160

Pour conclure, en couplant la caractérisation DRX ex situ et les données électrochimiques, nous pouvons proposer des chemins de réaction pour la première magnésiation de InSb basés sur deux réactions biphasiques successives régies par la magnésiation de Sb et de In. Tout d'abord, une extrusion d'In se déroule de façon quasi simultanée avec la formation de Mg3Sb2

cristallin. Puis une transformation incomplète de l’In extrudé conduit à une phase de MgIn amorphe lors du premier cycle en mode cyclage galvanostatique (GCPL) puis cristallin lors des cycles suivants ou en mode GITT.

𝑰𝒏𝑺𝒃 + 3 2𝑥 𝑀𝑔

2++ 3𝑥𝑒→ (1 − 𝑥)𝐼𝑛𝑆𝑏 + 𝑥 (1

2𝑴𝒈𝟑𝑺𝒃𝟐) + 𝑥𝐼𝑛 (𝟒. 𝟏) 𝑥𝐼𝑛 + 2𝑦𝑒+ 𝑦 𝑀𝑔2+→ 𝑦𝑴𝒈𝑰𝒏 + (𝑥 − 𝑦)𝐼𝑛 (𝟒. 𝟐)