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CHAPITRE 3 : étude électrochimique d’éléments et d’alliages du bloc p

III. 1 – Caractérisations morphologique et structurale du composé intermétallique InSb . 131

III.2. b – Analyse des deux premiers cycles de l’électrode d’InSb

La figure 3.23 dévoile le premier cycle et la deuxième magnésiation d’une électrode d’InSb cyclée à C/50 face à du Mg en mode galvanostatique (GCPL) ainsi que la capacité incrémentale correspondante. La première magnésiation montre deux régions principales à peine distinctes (figure 3.23a). Cependant, la présence de deux réactions électrochimiques apparaît plus clairement sur la courbe de capacité incrémentale (figure 3.23b), où deux pics à environ 0,16 V vs Mg2+/Mg et 0,07 V vs Mg2+/Mg sont observés. Comme nous l’avons déjà rapporté, les électrodes à base de l’élément In affichent un plateau bien défini autour de 0,09 V vs Mg2+/Mg lié à la réaction biphasique conduisant à la formation de MgIn cristallin (figure 3.3a). Pour les électrodes de Sb, la réaction biphasique avec Mg est prédite à 0,31 V vs Mg2+/Mg pour former le composé Mg3Sb2. Par conséquent, la première région autour de 0,16 V vs Mg2+/Mg (avant x ~ 1,25), semble être liée à la formation de Mg3Sb2. La deuxième région se produisant à un potentiel inférieur autour de 0,07 V vs Mg2+/Mg est dans ce cas associée à la réaction de In avec Mg pour former MgIn. Cela correspond bien à la réactivité électrochimique des éléments In et Sb [1,3] et peut être résumé comme suit :

𝐼𝑛𝑆𝑏 + 2,5𝑀𝑔2++ 5𝑒1

2𝑀𝑔3𝑆𝑏2+ 𝑀𝑔𝐼𝑛 (𝟑. 𝟏𝟎)

Au début de la première magnésiation, le potentiel de la cellule chute rapidement jusqu'à ~ 0,07 V vs Mg2+/Mg (cette valeur varie entre 0,05-0,10 V vs Mg2+/Mg selon la cellule), mais

Figure 3.21 : (a) premier cycle de magnésiation/démagnésiation et deuxième magnésiation du système InSb broyé/Mg. (b) capacité incrémentale correspondante. Régime : C/50, Electrolyte : EtMgCl : Et2AlCl@THF.

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augmente ensuite pour atteindre le premier plateau à 0,16 V vs Mg2+/Mg. Comme déjà montré pour l’In-Pb, ceci peut être lié à l'équilibre entre la nucléation des grains Mg3Sb2 et la croissance subséquente des particules. Les potentiels des réactions biphasiques Mg-In/Sb ne sont pas vraiment stables lors de la première magnésiation, mais finalement, le système atteint une capacité de 535 mAh.g-1, très proche de la capacité théorique de 566 mAh.g-1 (calcul basé sur la formation de Mg3Sb2 et MgIn).

La première démagnésiation (figure 3.23 a et b) affiche au contraire de la décharge deux plateaux bien définis à 0,39 V vs Mg2+/Mg et 0,14 V vs Mg2+/Mg. Compte tenu des valeurs des potentiels de décomposition de Mg3Sb2 [3,5] et MgIn [1,28], le plateau supérieur est attribué à la démagnésiation de Mg3Sb2, tandis que le second est lié au processus de désalliage de MgIn. Le système affiche une polarisation conséquente d'environ 230 mV pour l'alliage Mg3Sb2 et de 80 mV pour MgIn. Le système est peu réversible au premier cycle, avec une rétention de capacité de seulement 39 % (figure 3.23 a). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faible réversibilité :

(i) La forte expansion volumique pendant le premier cycle qui peut entraîner la déconnexion de certaines particules de matière active de la matrice. Cette expansion a été estimée à partir l’équation suivante [21] :

𝑉 = 𝑥𝑧𝑘𝐴+ 𝑣0 (𝟑. 𝟑)

Où V est le volume molaire de l’alliage ou de la solution solide AxM, z est le nombre de charge de l’ion Az+, vo est le volume molaire du métal pur M et kA est le volume occupé par unité de charge stockée dans l’alliage AxM.

Tableau 3.3 : Tableau récapitulatif des volumes molaires des alliages AxM (V), des métaux purs M (vo) ainsi que du pourcentage d'expansion volumique calculé à la magnésiation des composés M.

Phase (AxM) V (AxM) vo (M) % expansion volumique de AxM

Mg3Sb2 39,2 18,2 115 %

MgIn 29,7 15,7 89 %

« MgxInSb » 76.0 41.0 85 %

Les pourcentages d’expansion volumique des différentes phases sont donnés dans le tableau 3.3. Sachant que le pourcentage d’expansion volumique de « MgxInSb » est basé sur une phase hypothétique dans laquelle InSb ne se décompose pas durant la magnésiation, il est plus prudent d’estimer l’expansion volumique de l’InSb en moyennant les expansions de MgIn et de Mg3Sb2. Dans ce cas, l’expansion volumique d’InSb est évaluée à environ 100 %.

137 (ii) La diffusion de Mg2+ peut être également entravée dans certaines larges particules en raison de la diffusion lente du Mg2+ dans les solides [29], impliquant une faible réversibilité.

(iii) Une réactivité aux interfaces et la dégradation de l'électrolyte pourraient également entrainer une consommation irréversible des électrons et /ou des ions Mg2+, impliquant une mauvaise stabilité de l'alliage dans l'électrolyte.

(iv) Enfin l'irréversibilité pourrait résulter de la faible propension du Mg3Sb2 à se démagnésier [3,5]. Ce point sera approfondi par la suite.

Contrairement au premier cycle, la deuxième magnésiation (figure 3.23a) se caractérise par deux plateaux clairement définis autour de 0,30 et 0,08 V vs Mg2+/Mg en accord avec la réactivité de Sb et de In. Ces potentiels de réactions sont identifiés par la présence de deux pics intenses sur la capacité incrémentale (figure 3.23b). Un troisième pic de faible intensité est visible à 0,21 V vs Mg2+/Mg et se traduit par une légère inflexion sur la courbe de deuxième décharge (figure 3.23a). Cette inflexion pourrait indiquer un changement dans les réactions électrochimiques, avec par exemple une réorganisation de la structure du matériau lors de l'alliage, ou une réactivité électrochimique de certaines impuretés possiblement présentes dans la poudre. La formation de phases ternaires du type Mg-In-Sb est aussi envisageable. Ces hypothèses seront discutées plus avant dans le chapitre V. La présence du plateau supérieur à 0,30 V vs Mg2+/Mg démontre que Sb n'est pas seulement actif au premier cycle, mais peut être partiellement réversible lors du second cycle. Cela confirme l'effet bénéfique particulier fourni par la présence de In avec Sb dans le composé intermétallique InSb. Une forte modification de la morphologie du matériau actif [28] lors du premier cycle pourrait expliquer la différence significative observée entre le profil d’évolution du potentiel de la première et de la deuxième magnésiation. En effet, la réaction électrochimique peut provoquer une désagrégation complète des grains initiaux du matériau actif micrométrique, induisant un « broyage électrochimique » du matériau. Ce broyage électrochimique expliquerait les différences de comportement électrochimique entre le premier et le deuxième cycle [28].

Afin d’appréhender les paramètres thermodynamiques et cinétiques de la réactivité d’InSb face au Mg, un cyclage de type GITT a été appliqué (figure 3.24) et comparé au cyclage galvanostatique conventionnel décrit précédemment (figure 3.23a). Contrairement au cyclage conventionnel, les potentiels thermodynamiques des processus d'alliage obtenus en cyclage GITT (figure 3.24) sont clairement définis avec deux plateaux lors de la première magnésiation. Ces plateaux se produisent autour de 0,30 et 0,06 V vs Mg2+/Mg dans le cas du cyclage GITT contre 0,16 et 0,07 V vs Mg2+/Mg pour le cyclage GCPL standard. Les formations successives de Mg3Sb2 et MgIn lors de la magnésiation de InSb sont ici clairement confirmées. La polarisation est réduite à 40 mV pour la formation des deux phases Mg3Sb2 et MgIn par

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rapport à 230 mV vs Mg2+/Mg et 80 mV vs Mg2+/Mg respectivement dans le test GCPL conventionnel. Le profil OCV, en opposition au cyclage GCPL, atteint directement la valeur du potentiel thermodynamique (zoom 1 sur la figure 3.24). La chute de potentiel apparaissant au tout début de la décharge est par conséquent, tout comme pour In-Pb:C, attribuée à un effet cinétique. Pendant l’application du courant, une chute de potentiel est observée puis la courbe remonte lors de l’OCV jusqu’à atteindre le potentiel thermodynamique. Ce phénomène est plus clairement visible sur les encarts de la figure 3.24. Sur ces derniers, une large différence est observée entre les valeurs de potentiel mesurées dans la région de formation de Mg3Sb2 lors de l’application du courant et les valeurs mesurées pendant l’OCV, ce qui révèle une grande limitation cinétique au premier cycle. Cette différence est représentée par le ΔE dans le deuxième encart de la figure 3.24.

De façon similaire à In-Pb:C, le coefficient de diffusion du Mg (DMg) au sein du matériau a été calculé grâce à l’équation (2.2) (chapitre 2, II.4) à partir du profil GITT (figure 3.24). Ce coefficient a été déterminé pour les premières magnésiation et démagnésiation sur plusieurs séquences de pulse/OCV à partir des ΔEt et ΔEs répertoriés dans le tableau 3.4. DMg est compris entre 1,4.10-16 et 9,0.10-15 S.cm-1 (1er tableau du tableau 3.4) pour la première magnésiation. Comme pour In-Pb:C, les valeurs sont basses ce qui reflète la diffusion lente du Mg dans les

Figure 3.22 : Profil GITT (bleu foncé) du premier cycle de magnésiation/démagnésiation d'une demi-cellule InSb/Mg (1 h de réduction/oxydation à C/50 suivie de 2 h de relaxation) comparé à une GCPL classique à C/50 (bleu clair). Electrolyte : EtMgCl : Et2AlCl@THF.

139 solides. Au cours de la charge, les coefficients de diffusion sont plus élevés (2ème tableau du tableau 3.4) au début de la démagnésiation puis diminuent jusqu’à atteindre 8,3.10-16 S.cm-1 en fin de démagnésiation. Cela pourrait indiquer une diffusion plus rapide dans les phases MgIn et Mg3Sb2 que dans l’InSb.

Tableau 3.4 : Tableaux récapitulant pour différents points de la magnésiation (1er tableau) et de la démagnésiation (2ème tableau) les ΔEt et ΔEs déterminés à partir de la figure 3.24 (GITT) et les coefficients de diffusion (DMg) calculés.

MAGNESIATION

Temps (h) x ΔEt (V) ΔEs (V) DMg (cm2.s-1) 84,0 0,6 0,098 6,4.10-4 2,3.10-16 (± 0,3.10-16) 120,0 0,9 0,091 1,0.10-3 7,1.10-16 (± 0.6.10-16) 165,0 1,3 0,085 3,5.10-3 9,0.10-15 (± 0.4.10-15) 330,0 2,2 0,029 8,1.10-4 4,2.10-15 (± 0.1.10-16)

DEMAGNESIATION

Temps (h) x ΔEt (V) ΔEs (V) DMg (cm2.s-1) 372,8 2,1 3,56.10-3 8,5.10-4 1,1.10-12 (± 0,2.10-13) 400,2 1,9 2,86.10-3 2,2.10-4 1,2.10-16 (± 0,1.10-11) 427,8 1,6 1,45.10-2 9,9.10-4 8,9.10-14 (± 6,1.10-14) 454,8 1,4 0,109 7,2.10-4 8,3.10-16 (± 2,2.10-16)

La figure 3.25 illustre le cyclage GITT de la deuxième décharge. Trois plateaux électrochimiques sont présents à 0,32, 0,10 et 0,04 V vs Mg2+/Mg. Sur la base des caractérisations précédentes et des valeurs de potentiel de réaction de Sb et In, le premier plateau est attribué à la formation du Mg3Sb2 et le second au MgIn. La petite inflexion à 0,21 V

vs Mg2+/Mg qui est observée sur la courbe de cyclage GCPL, n’est pas visible sur le GITT. Les électrodes utilisées pour les deux mesures (GCPL et GITT) proviennent de la même synthèse et du même lot de mise en forme d’électrodes. Cette inflexion ne peut donc pas être liée à la réaction d’impuretés présentes dans l’électrode. Il est cependant possible qu’elle soit le résultat d’une réorganisation au sein du matériau nécessitant une légère stabilisation du potentiel et faisant apparaitre une inflexion sur le cyclage GCPL. Au contraire, dans le cas du GITT, l’inflexion n’apparaît pas car cette réorganisation peut se faire au cours des périodes d’OCV. Enfin, le dernier plateau à 0,04 V vs Mg2+/Mg n’est pas le résultat d’une autre réaction électrochimique avec Mg mais un artefact de la mesure. Durant la caractérisation par GITT,

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bien que le potentiel de coupure ait été atteint (à x ~ 2,3), le potensiostat a continué à imposer un courant entrainant l’apparition d’un plateau artificiel.

III.2.c – Analyse des performances et mise en évidence de