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Etude comparée des systèmes neutres gel/brosse et gel/gel

Chapitre 5 - Variations sur le Système :

3. Adhésion gel/gel

3.1. Etude comparée des systèmes neutres gel/brosse et gel/gel

Dans un premier temps, nous avons estimé l’influence du changement de surface modèle sur l’adhésion en comparant l’évolution cinétique de 𝑊𝑎𝑑ℎ d’un hydrogel macroscopique de PDMA_P10-R3 au contact d’un gel mince de PAAc de 70 nm d’épaisseur sèche, par rapport au cas classique du système [PDMA_P10-R3/Brosse de PAAc (𝛾 = 6 nm)]. Les résultats en solution acide (𝑝𝐻 = 2) en fonction du temps d’immersion sont donnés en Figure 5.9.

Figure 5.9 Suivis cinétiques d’adhésion entre un PDMA_P10-R3 et une brosse de PAAc de 6 nm d’épaisseur à sec () et entre un PDMA_P10-R3 et un gel mince de PAAc de 70 nm d’épaisseur à sec () en solution aqueuse à 𝒑𝑯 = 2 pour les paramètres de mesure de référence.

183 Pour un gonflement proche de celui de l’état de préparation, juste après immersion en solution, l’énergie d’adhésion du PDMA_P10-R3 est cinq fois plus élevée au contact du gel mince de PAAc par celle obtenue au contact de la brosse de PAAc. Dans les deux cas, au cours de l’immersion, 𝑊𝑎𝑑ℎ diminue. L’adhésion avec le film mince de gel ne modifie en rien l’organisation structurale de l’eau dans le système en sphères d’hydratation. En l’absence de flux, la quantité d’eau liée par unité monomère, qui augmente au cours du gonflement, entraîne une diminution de la probabilité de formation des liaisons hydrogène entre les chaînes polymères hydratées. La perte d’adhésion est cependant plus importante pour le système gel/gel puisque 𝑊𝑎𝑑ℎ𝑒𝑞 ~ 100 mJ.m-2, soit une perte relative entre l’état initial hors équilibre et l’état d’équilibre d’un facteur 5 pour le système gel/gel, contre un facteur 3 dans le cas du système gel/brosse. Toutefois, l’énergie d’adhésion du système gel/gel à l’équilibre est égale à celle du système gel/brosse à l’état initial hors équilibre, c’est-à-dire avant dilution et en présence d’un flux de gonflement maximal. Ainsi, même si l’adhésion avec le film mince de gel ne permet pas d’empêcher la perte d’énergie d’adhésion au cours du temps d’immersion, il permet toutefois d’augmenter l’énergie d’adhésion du système à l’équilibre d’un facteur 2,5.

Une première hypothèse pour expliquer la différence entre les deux systèmes est directement liée à la nature de l’interphase créée entre la surface modèle et l’hydrogel macroscopique. Au contact d’un hydrogel, en solution aqueuse à 𝑝𝐻 = 2, Sudre et al. ont établi que les chaînes de la brosse de polymère gonflent d’un facteur 2,5. L’épaisseur de la brosse gonflée dans le gel de PDMA, qu’on peut supposer équivalente à l’épaisseur de l’interphase, est de l’ordre de 15 nm. Dans le cas du contact entre gels réticulés, nous savons que les deux surfaces présentent un certain nombre de défauts structuraux, en particulier des chaînes pendantes. Ainsi les travaux de thèse de Mengxing Li ont démontré, pour des épaisseurs sèche inférieures à 100 nm, l’existence d’une couche de chaînes « libres » partiellement réticulées en surface des gels minces de polymère, correspondant à 10-15 % de l’épaisseur gonflée du réseau (Figure 5.10). Au-delà d’une épaisseur sèche de 100 nm, on peut supposer que la couche de chaînes libres du gel mince gonflé n’excède pas une valeur limite de l’ordre de 40 à 50 nm d’épaisseur diffuse.

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Figure 5.10 Représentation schématique de la couche diffuse en surface du gel mince de PAAc due à la présence de défauts structuraux.

Compte-tenu de son gonflement, un gel mince de 70 nm dans l’air présentera une épaisseur gonflée en solution d’environ 175 nm, soit une couche diffuse de polymère d’environ 30 nm. En supposant que l’ordre de grandeur est le même pour le gel macroscopique, on peut estimer l’épaisseur de l’interphase gel/gel de l’ordre de 40 nm. La concentration en motifs susceptibles d’interagir avec le gel macroscopiques par liaisons hydrogène est par conséquent plus grande lors du contact avec le film mince de gel de PAAc (Figure 5.11).

Figure 5.11 Comparaison de l’interphase créée pour le système gel/brosse (gauche) et pour le système gel/gel (droite).

La seconde hypothèse avancée pour expliquer la différence de comportement adhésif observé en fonction de la surface modèle est liée au type de contact mis en jeu. Dans le cas du contact gel/gel, les deux surfaces sont élastiques et donc déformables. Au cours de la phase de

185 décollement, l’énergie dissipée dans les deux gels lors de la rupture des liaisons hydrogène est plus grande que pour le système brosse/gel, où seul le gel macroscopique est susceptible de se déformer.

Pour discuter ces hypothèses, nous avons étudié l’évolution des propriétés d’adhésion, au cours de l’immersion en solution à pH = 2, d’un système gel/gel pour des gels minces de PAAc d’épaisseurs croissantes. Les valeurs de 𝑊𝑎𝑑ℎ après 3 minutes d’immersion en solution et à l’équilibre de gonflement en fonction de l’épaisseur de la surface modèle sont présentées en Figure 5.12.

Figure 5.12 Energies d’adhésion des systèmes gel PDMA_P10-R3/gel PAAc pour différentes épaisseurs sèches du film mince comparées à l’énergie du système de référence gel

PDMA_P10_R3/brosse en solution à pH = 2] à l’état initial hors équilibre et à l’état d’équilibre de gonflement.

Dans les deux états de gonflement étudiés, l’énergie d’adhésion de PDMA_P10-R3 augmente avec l’épaisseur du film mince de PAAc. Si l’épaisseur du gel mince augmente, les dimensions caractéristiques de l’interphase créée entre le gel mince et l’hydrogel macroscopique sont relativement similaires quelle que soit l’épaisseur de la couche réticulée. Par conséquent, l’augmentation de 𝑊𝑎𝑑ℎ en fonction de l’épaisseur du film mince de polymère ne peut être expliquée par une plus grande probabilité de former des interactions favorables entre les deux surfaces lorsque le gel mince devient plus épais. La première hypothèse semble donc partiellement mise en défaut.

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D’un point de vue purement mécanique, lorsque le film mince de PAAc est plus épais, il devient également plus déformable. Aussi pendant la phase de décollement du poinçon, la dissipation de l’énergie stockée lors de la rupture des liaisons hydrogènes formées entre les deux gels est d’autant plus importante que le matériau est déformable, c’est-à-dire que le film mince de polymère est épais.

Ainsi l’énergie d’adhésion à l’état initial hors équilibre, mesurée entre un film mince de PAAc d’épaisseur sèche de 450 nm (épaisseur gonflée ~1,1 µm), et un hydrogel macroscopique de PDMA_P10-R3, est de 3,5 J/m². Cette énergie d’adhésion exceptionnellement élevée pour une mesure en solution et pour un système mettant en jeu des interactions de type liaisons hydrogène, nous a contraints à interrompre le suivi cinétique d’adhésion prématurément. En effet la surface du gel macroscopique a été endommagée lors de la mesure, signe d’une rupture cohésive de l’interface gel/gel, comme le montre la Figure 5.13. L’énergie d’adhésion mesurée au cours du décollement du poinçon est de l’ordre de grandeur des énergies de fracture des hydrogels non renforcés, compris entre 1 J.m-2 (PAMPS) et 10 J.m-2 (PAAm) [8]

Figure 5.13 Surface endommagée de l’hydrogel macroscopique de PDMA à l’état de gonflement initial hors équilibre après contact en solution acide avec un film mince de PAAc d’épaisseur sèche 450 nm pour les paramètres de mesure de référence (gauche). Gel mince de PAAc utilisé pour le contact et pollué par l’arrachage d’une partie du gel macroscopique (droite).

La partie supérieure arrachée de l’hydrogel reste accrochée au film mince de PAAc de manière irréversible, même après immersion de la surface polluée dans l’eau pendant plusieurs jours. Ce type de comportement a précédemment été observé en mucoadhésion par Ponchel et al. à

l’interface d’un système (PAAc-hydroxypropyl méthylcellulose)/muqueuse [9]. Ce comportement serait dû à la combinaison de deux mécanismes : l’interaction de nature chimique entre les

187 groupements fonctionnels du polymère et la muqueuse et l’interpénétration des chaînes de PAAc dans le mucus, favorisant la formation d’un grand nombre d’enchevêtrements.

Pour accéder à l’énergie d’adhésion du système gel/gel à l’équilibre de gonflement, nous avons immergé l’hydrogel de PDMA_P10-R3 en solution aqueuse pendant une semaine, puis un test d’adhésion a été effectué entre le film mince d’épaisseur sèche 450 nm et le PDMA_P10-R3_eq.

La valeur de 𝑊𝑎𝑑ℎ mesurée est de 335 mJ.m². Comparé aux valeurs précédemment obtenues pour des gels de PDMA à l’équilibre de gonflement, le système gel/gel apparaît comme étant 10 fois plus adhésif à l’équilibre de gonflement. Toutefois, si le système semble très prometteur, l’énergie d’adhésion décroît toujours de manière importante au cours de l’immersion du système gel/gel en solution aqueuse, indépendamment de l’épaisseur du film mince.