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Caractérisation mécanique de la structure des gels

Chapitre 1 – Hydrogel et Adhésion : Au Fil de l’Eau

1. Physico-chimie du système

1.2. Hydrogels macroscopiques

1.2.2. Caractérisation mécanique de la structure des gels

Le degré de réticulation moyen des gels synthétisés dans le paragraphe précédent est caractérisé par des mesures de compression. Les échantillons sont préparés dans des moules cylindriques étanches et utilisés sans aucune découpe supplémentaire [5] (Figure 2.2). Les dimensions des cylindres sont mesurées avant chaque test et sont d’environ 8,8 mm de diamètre et 10 mm de hauteur, à l’état de préparation.

Figure 2.2 Moule étanche constitué d’une seringue et de deux pistons pour la synthèse des échantillons pour les tests de compression [5].

Dans un soucis de clarté, seuls les résultats relatifs aux hydrogels neutres de PDMA et ioniques de P(MAETAC-co-AAm) sont présentés.

Principe de la méthode

Les tests de compression sont réalisés entre deux plaques de verre à température ambiante. Les échantillons sont préalablement immergés dans de l’huile de paraffine de sorte à éviter une éventuelle évaporation d’eau au cours de la mesure et assurer la parfaite lubrification des surfaces au contact. L’échantillon ne peut pas adhérer au verre et ne subit aucune déformation « tonneau ». Le test est conduit dans les conditions idéales de compression uniaxiale [6].

Pendant l’analyse, les faces du cylindre de gel et les plaques de verre sont amenées au contact. La mesure est alors conduite à vitesse constante (50 µm.s-1) jusqu’à une force limite, dépendant de l’échantillon, dans son domaine élastique.

Les données brutes obtenues par ces mesures sont présentées sur la Figure 2.3. La convention utilisée ici consiste à considérer positives les valeurs de force et déplacement obtenues en compression.

Afin de s’assurer de la reproductibilité, trois échantillons par synthèse sont sollicités, et au moins deux synthèses différentes sont effectuées pour chaque composition.

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Figure 2.3 Données brutes obtenues par tests de compression uniaxiale d’un hydrogel recouvert d’huile paraffine entre deux plaques de verre à la vitesse constante v = 50 µm/s.

A partir des données brutes, et connaissant les dimensions initiales de l’échantillon, il est possible de calculer les contraintes nominale et vraie:

𝜎𝑛𝑜𝑚𝑖𝑛𝑎𝑙𝑒 = 𝐹

𝑆0 Eq 2.8

Avec : S0 = aire initiale des faces au contact 𝜎𝑣𝑟𝑎𝑖𝑒= 𝐹 𝑆 = 𝐹 𝑆0× 𝜆 Eq 2.9 Avec : 𝜆 = 0=0− 𝛿 0 Eq 2.10 h = hauteur de l’échantillon

La contrainte vraie est calculée en faisant l’hypothèse d’incompressibilité pour les hydrogels avec un coefficient de Poisson 𝜍 = 0,5 (le volume initial du gel est égal au volume final après sollicitation V0 = Vf).

Comme montré sur la Figure 2.4, la contrainte nominale et la contrainte vraie sont tracées en fonction de la déformation, ε, considérée ici positive et définie comme :

𝜀 =0− ℎ

0 =𝛿

0 Eq 2.11

La contrainte vraie présente un domaine élastique linéaire plus étendu que la contrainte nominale du fait de la correction appliquée sur l’aire des surfaces de contact au cours de l’analyse. La

59 régression linéaire effectuée sur la contrainte vraie permet l’obtention du module d’Young, E, du

matériau sollicité par application de la loi de Hooke (σ = E.ε).

Figure 2.4 Contraintes nominale et vraie en fonction de la déformation, ε, calculées à partir du test de compression présenté en Figure 2.3.

Néanmoins, du fait de caractéristiques expérimentales inévitables, telles que les forces capillaires ou une possible irrégularité des faces de l’échantillon, il est rare de pouvoir associer une force nulle à un contact total. Afin d’éliminer une déviation du résultat mesuré, une correction du déplacement est effectuée pour chaque échantillon de façon à obtenir une force nulle pour un déplacement nul. Une nouvelle régression linéaire est ensuite opérée sur la contrainte vraie corrigée calculée à partir du nouveau déplacement permettant ainsi d’obtenir la valeur corrigée du module d’Young (Figure 2.5).

Figure 2.5 Contrainte vraie corrigée en fonction de l’élongation, λ, calculée à partir du test de compression présenté en Figure 2.3.

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Finalement, en considérant la relation entre le module d’Young, E, et le module de cisaillement 𝜇,

il vient 𝐸 = 2𝜇(1 + 𝜍). En faisant l’hypothèse d’incompressibilité pour nos matériaux (𝜍 = 0,5), on obtient pour le module élastique : 𝐸 = 3𝜇.

Gels de PDMA

A partir des courbes moyennes Force-Déplacement obtenues en compression à l’état de préparation, juste après la synthèse des hydrogels, les modules de cisaillement ont été calculés pour les formulations PDMA_ P𝑥-R𝑦 et reportés dans le Tableau 2.5.

Dans la série PDMA_P10-R𝑦, le module de cisaillement augmente avec le pourcentage de réticulant passant de 13,5 à 36 kPa pour un taux de réticulation de 1 à 3 mol%. Or le module de cisaillement est proportionnel à la concentration en chaînes élastiquement actives. Lorsque le taux de réticulation augmente, la densité de chaînes élastiques augmente, et confère davantage d’élasticité au réseau, ce qui est vérifié expérimentalement.

D’autre part à taux de réticulation constant (P𝑥-R3), l’augmentation de la concentration en polymère de 10 à 20 wt%, entraine une augmentation importante du module de cisaillement de 36 à 127 kPa.

La valeur du module de cisaillement à l’état de préparation est un bon indicateur des caractéristiques structurales du réseau obtenu après polymérisation.

En supposant l’ensemble des chaînes formées au cours de la synthèse élastiquement actives, le modèle du réseau fantôme relie directement le module de cisaillement à l’état de préparation à la concentration en chaînes élastiques [7] :

𝜇0 = �1 −2𝑓� × 𝑅𝑇 × 𝜈

Eq 2.12

avec 𝑓, la fonctionnalité du réticulant (𝑓 = 4 dans le cas du MBA); R, la constante des gaz parfaits ; T, la température et 𝜈 la concentration molaire en chaînes élastiquement actives.

61 A partir de la concentration molaire en chaînes élastiques, il est possible de déterminer deux grandeurs caractéristiques nécessaires à la suite de notre travail ; d’une part la densité surfacique de chaînes élastiques (Eq 2.13) et d’autre part la masse molaire moyenne entre nœuds de réticulation (Eq 2.14).

La densité surfacique de chaînes élastiques Σ est donnée par la relation :

Σ = 𝜈 × 𝑁𝐴 × ξ Eq 2.13

où 𝑁𝐴 est la constante d’Avogadro et 𝜉 ~ 10 nm représente la distance caractéristique d’interpénétration des chaînes polymères de la surface modèle dans l’hydrogel.

La relation entre le module de cisaillement à l’état de préparation et la masse molaire moyenne entre nœuds est déduite de l’équation 2.12 :

𝜇0 = �1 −2𝑓� 𝑅𝑇 𝜗𝑠𝑝é𝑝𝑜𝑙𝑀𝑋𝑒𝑥𝑝

1

𝑄0 Eq 2.14

avec 𝜗𝑠𝑝é𝑝𝑜𝑙 le volume spécifique du polymère (0,95 cm3.g-1 dans le cas du PDMA) et 𝑀𝑋𝑒𝑥𝑝 la masse molaire moyenne entre deux points de réticulation. 𝑄0 est le gonflement volumique à l’état de préparation du gel.

Il est possible de comparer cette valeur « expérimentale » avec la masse molaire moyenne entre nœuds hypothétique (𝑀𝑋𝑡ℎ) défini à partir de la composition de la formulation en monomères :

𝑀𝑋𝑡ℎ =2 𝑀𝑓0[𝐷𝑀𝐴][𝑀𝐵𝐴] Eq 2.15

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Les masses molaires entre nœuds expérimentales et théoriques, les degrés de polymérisation moyens 𝐷𝑃����, les concentrations molaires 𝜈 et les densités surfaciques en chaînes élastiquement actives Σ pour les hydrogels de PDMA sont présentés dans le Tableau 2.6. Le taux de réticulation effectif est déterminé et comparé au taux de réticulation théorique.

Formulation PDMA P10-R1 P10-R2 P10-R3 P15-R2 P15-R3 P20-R3 µ𝟎 (kPa) 13,5 26 36 57 79 127 𝝂𝟎 (mol.m-3) 11,0 20,9 29,5 46,3 64,6 101,2 Q0 10,8 10,7 10,5 7,1 6,9 5,2 𝚺𝟎 (1017.chaîne.m-2) 0,7 1,3 1,8 2,8 3,9 6,1 𝑴𝑿𝒆𝒙𝒑(kg.mol-1) / 𝑫𝑷�����𝒆𝒙𝒑 8,9 / 90 4,7 /47 3,4 /34 3,2 /32 2,4 /24 2,0 /20 𝑴𝑿𝒕𝒉(kg.mol-1) / 𝑫𝑷�����𝒕𝒉 5,0 / 50 2,5 / 25 1,7 / 17 2,5 / 25 1,7 /17 1,7 / 17 𝟏𝟎𝟎 𝑴𝑿𝒕𝒉 𝑴𝑿𝒆𝒙𝒑 56 53 50 78 71 85 R (mol%) théorique/effectif 1 / 0,6 2 / 1,1 3 / 1,5 2 / 1,6 3 / 2,1 3 / 2,6

Tableau 2.6 Détermination du taux de réticulation effectif à partir des données de compression et de gonflement à l’état de préparation de PDMA_P𝒙-R𝒚.

La masse molaire moyenne entre nœud expérimentale est supérieure à la masse théorique pour l’ensemble des formulations PDMA_P𝑥-R𝑦. Le module de compression expérimental est par conséquent inférieur à la valeur attendue, ce qui implique l’existence de défauts structurels dans les gels. Le taux de réticulation effectif est inférieur au taux de réticulation théorique d’environ 50% pour la série P10-R𝑦. Cet écart se réduit lorsque la concentration en polymère augmente pour P𝑥-R3, atteignant 84 % pour P20.

Gels de P(MAETAC-co-AAm)

Des tests de compression ont été menés sur des gels de P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝑧-R2 à l’état de préparation. Pour pouvoir exploiter les résultats et quantifier l’efficacité de la réticulation, il est nécessaire de déterminer au préalable pour chaque formulation les valeurs des volumes spécifiques du polymère (𝜗𝑠𝑝é𝐶𝑧). Pour ce faire, la méthode d’incrémentation de Durchshlag et Zipper [8] a été appliquée dans un premier temps au calcul des volumes spécifiques des homopolymères PAAm et PMAETAC. Les valeurs calculées pour les deux polymères sont respectivement 𝜗𝑠𝑝é𝑃𝐴𝐴𝑚 = 0,74 𝑐𝑚3. 𝑔−1 et 𝜗𝑠𝑝é𝑃𝑀𝐴𝐸𝑇𝐴𝐶 = 0,82 𝑐𝑚3. 𝑔−1. L’équation 2.16 donne

63 l’expression de 𝜗𝑠𝑝é𝐶𝑧, le volume spécifique du copolymère P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝑧-R2, en fonction du pourcentage massique en monomère chargé dans le réseau :

𝜗𝑠𝑝é𝐶𝑧 = 100 × 𝜗𝑧 𝑠𝑝é𝑃𝑀𝐴𝐸𝑇𝐴𝐶+ (1 −100) × 𝜗𝑧 𝑠𝑝é𝑃𝐴𝐴𝑚 Eq 2.16

Les résultats de compression des gels de P(MAETAC-co-AAm) sont présentés dans le Tableau 2.7. A concentration massique totale en polymère et à taux de réticulation constant, le module de cisaillement à l’état de préparation diminue lorsque le pourcentage massique en monomère chargé augmente dans le réseau. Cette différence peut être attribuée à l’écart entre les masses molaires des deux monomères MAETAC (𝑀0 = 207,7 𝑔. 𝑚𝑜𝑙−1) et AAm (𝑀0 = 71,1 𝑔. 𝑚𝑜𝑙−1). Ainsi théoriquement, la masse molaire moyenne entre nœuds augmente avec le pourcentage d’unités chargées présentes dans le réseau.

A partir des équations 2.14 et 2.15, la masse molaire moyenne entre nœuds de réticulation expérimentale est calculée et comparée à la masse théorique.

Formulation

P(MAETAC-co-AAm) P20-I25-R2 P20-I50-R2 P20-I75-R2

µ𝟎 (kPa) 92 75 48 𝝂𝟎 (mol.m-3) 73,2 60,7 38,8 Q0 6,2 6,0 5,9 𝚺𝟎 (1017.chaîne.m-2) 4,4 3,7 2,3 𝑴𝑿𝒆𝒙𝒑(kg.mol-1) / 𝑫𝑷�����𝒆𝒙𝒑 2,9 / 34 3,5 /33 5,5 /39 𝑴𝑿𝒕𝒉(kg.mol-1) / 𝑫𝑷�����𝒕𝒉 2,1 / 25 2,7 / 26 3,5 / 25 𝟏𝟎𝟎 𝑴𝑿𝒕𝒉 𝑴𝑿𝒆𝒙𝒑 72 77 65 R (mol%) théorique/effectif 2 / 1,4 2 / 1,5 2 / 1,3

Tableau 2.7 Détermination du taux de réticulation effectif à partir des données de compression et de gonflement à l’état de préparation de P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝒛-R2.

Bien que les modules de cisaillement diffèrent de manière significative d’un échantillon à l’autre, ceux-ci ne font que refléter la variation de la masse molaire moyenne des motifs de répétition, qui augmente fortement avec le taux de MAETAC. Si l’on discute en termes de degré de polymérisation moyen entre nœuds, pour s’affranchir des variations importantes de masses molaires des unités monomères, les valeurs expérimentales issues des mesures de compression

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sont alors comparables pour les trois réseaux ioniques et similaires à celles des gels neutres de PDMA obtenues pour des formulations équivalentes (P20-R2). Il s’en suit que les rendements de réticulation restent élevées (70 à 80%) pour toutes les synthèses réalisées à des concentrations de 20% en masse.

Pour les gels neutres et ioniques, l’écart entre les valeurs de taux de réticulation théoriques et expérimentales indique la présence de défauts ou inhomogénéités dans l’hydrogel. Largement décrits dans la littérature, leur présence trouve une explication dans le mécanisme de la réaction de polymérisation. Lors de la synthèse de gels en batch, à partir de monomère ou de polymères, l’incorporation des molécules de réticulant est statistique, sans qu’aucun contrôle ne puisse être effectué sur celle-ci. Un classement de la nature des défauts présents dans les gels a été proposé par Shibayama [9]. Les inhomogénéités peuvent être spatiales, topologiques (boucles, chaînes pendantes, réticulations multiples ou enchevêtrements [9,10]) et de connectivité.

Figure 2.6 Types d’inhomogénéités présents dans les gels [11].

L’apparition de ces défauts est susceptible de modifier considérablement les propriétés macroscopiques des gels. Ils peuvent se traduire par une perte de transparence due à l’apparition de zones concentrées en polymères éventuellement diffusantes [12,13] ou par une diminution du nombre de chaînes participant à l’élasticité. De manière quantitative, les taux de réticulation effectif obtenus pour nos gels de PDMA sont en très bon accord avec les valeurs reportées par Gundogan et al. qui ont mené une étude systématique sur les gels de PDMA en balayant une large gamme de concentrations en monomères lors de la synthèse (de 10 à 90 wt%) [14].

Pour nos systèmes, nous avons montré que sur les formulations les plus concentrées, il était possible de minimiser la présence des défauts dans le réseau.

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