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Chapitre 5 - Variations sur le Système :

2. Modification des gels macroscopiques

2.3. Adhésion par interactions ioniques

Pour poursuivre l’étude de l’influence du type d’interactions physiques mises en jeu à l’interface gel/brosse sur l’adhésion du système, nous avons envisagé l’utilisation d’interactions ioniques entre les chaînes de polymères chargés. D’après les travaux de Levada et al., l’énergie d’une liaison

ionique formée entre un cation ammonium et un anion carboxylate, respectivement portés par des chaînes polymères, est en moyenne 10 fois plus élevée (~ 100 𝑘𝑇) que l’énergie d’une liaison hydrogène entre deux groupements amino et carboxyl non chargés [7]. En reprenant le calcul de l’énergie d’adhésion maximale d’un gel (Chapitre 2), au contact d’une brosse dont la totalité des unités monomères interagit par liaison ionique, avec une énergie par liaison de 100 𝑘𝑇 (Eq 2.4), 𝑊𝑎𝑑ℎ𝑡ℎé𝑜𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 est de 18 J.m-2. Théoriquement, un système gel/brosse basé sur des interactions ioniques devrait être nettement plus adhésif que le système neutre de référence [gel de PDMA/brosse de PAAc/ 𝑝𝐻 = 2].

Pour vérifier expérimentalement cette hypothèse, nous avons mesuré l’énergie d’adhésion en solution aqueuse à 𝑝𝐻 = 6, entre une brosse de PAAc et un hydrogel cationique de P(MAETAC-co-AAm)(synthèse décrite dans le chapitre 2).

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A 𝑝𝐻 = 6, la brosse de PAAc (pKA ~ 5,5) est en grande partie ionisée. La surface modèle est chargée négativement et les deux surfaces en contact peuvent donc interagir en formant des liaisons ioniques.

Nous avons montré que le pourcentage de MAETAC qui compose l’hydrogel (donné par la valeur de z avec z = 25, 50 et 75 %) a des conséquences sur les propriétés de gonflement et les caractéristiques élastiques du réseau tridimensionnel. Dans ce paragraphe, nous étudions l’influence de la concentration en monomères chargés 𝐶’ sur les propriétés d’adhésion du système [P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝑧-R2/Brosse de PAAc/𝑝𝐻 = 6] en fonction du temps d’immersion (Figure 5.8) pour les paramètres de référence de Probe-Tack.

Figure 5.8 Suivi cinétique d’adhésion du système [P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝒛-R2/Brosse de PAAc ionisée] en solution aqueuse à 𝒑𝑯 = 6, pour un pourcentage massique de charges dans le gel égal à I 25 (), I 50 () et I 75 (). Les tests de contact plan-plan sont effectués avec les paramètres de mesure de référence.

Après 2 minutes d’immersion, à l’état hors équilibre initial, 𝑊𝑎𝑑ℎ augmente avec le pourcentage de motifs chargés introduits lors de la synthèse du gel de P(MAETAC-co-AAm). L’énergie d’adhésion est de l’ordre de 120 mJ.m-2 pour la composition I 25, 𝑊𝑎𝑑ℎ = 160 mJ.m-2 pour I 50 et elle atteint 590 mJ.m-2 lorsque le pourcentage en monomères chargés par rapport à la

179 concentration totale en polymère est de 75 %. Au cours de l’immersion, on constate que si l’énergie d’adhésion mesurée pour les formulations I 50 et I 75 décroît en fonction du temps (même comportement que pour le système neutre de référence). En revanche l’énergie d’adhésion de la formulation I 25 reste constante. Ainsi pour des temps d’immersion de plusieurs heures, l’énergie d’adhésion pour I 25 est toujours égale à 120 mJ.m-2, mais elle n’est plus que de 4 mJ.m-2 pour I 50 et négligeable pour I 75. Il y a une inversion des performances adhésives à l’équilibre de gonflement par rapport à l’état initial hors équilibre : un gel moins chargé devient plus collant.

Pour tenter d’expliquer ces résultats, nous avons comparé la concentration massique en charges 𝐶’, la densité surfacique de chaînes élastiques Σ et le module 𝜇 des formulations P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝑧-R2 entre l’état initial hors équilibre (𝑡𝑖𝑚𝑚1 = 2 min) et l’état d’équilibre, obtenues à partir des mesures de gonflement sur les réseaux tridimensionnels (Tableau 5.2).

Formulation

P(MAETAC-co-AAm)_P20-C’𝒛-R2 I 25 I 50 I 75

Etat initial hors équilibre (𝒕𝒊𝒎𝒎𝟏 )

𝑊𝑎𝑑ℎ𝑡𝑖𝑚𝑚1 (mJ.m-²) 120 160 590

𝐶′(𝑡𝑖𝑚𝑚1 ) (wt%) 5,0 8,6 10,4

Σ(𝑡𝑖𝑚𝑚1 ) (1017.chaîne.m-2) 4,2 3,1 1,6

𝜇0 (kPa) 92 75 48

Etat d’équilibre de gonflement

𝑊𝑎𝑑ℎ𝑒𝑞 (mJ.m-²) 120 4 0

𝐶′𝑒𝑞 (wt%) 3,3 2,6 3,3

Σ𝑒𝑞 (1017.chaîne.m-2) 2,8 0,8 0,4

𝜇𝑒𝑞 (kPa) 64 85 86

Tableau 5.2 Energies d’adhésion et caractéristiques physico-chimiques des gels

P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝒛-R2 en conditions immergées à 𝒑𝑯 = 6. Les résultats sont présentés pour deux états de gonflement distincts : à 𝒕𝒊𝒎𝒎𝟏 = 2 min et à l’équilibre de gonflement.

A l’état initial hors équilibre, l’écart entre l’énergie d’adhésion de I 25 et I 75 peut être attribué au nombre d’interactions ioniques formées à l’interface gel/brosse différent (directement lié à la concentration massique d’unités chargés dans l’hydrogel). Il est à noter qu’à 𝑡𝑖𝑚𝑚1 , la formulation

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I 50, contenant 10 wt% de fonctions ioniques à l’état de préparation, ce que correspond une concentration molaire en unités chargés MAETAC de l’ordre de 0,12 mol.L-1, présente une énergie d’adhésion quasiment deux fois supérieure à un gel de PDMA_P10-R2, dont la concentration molaire en unités DMA est de l’ordre de 1 mol.L-1. Ainsi, à concentration molaire nettement plus faible en unités susceptibles de participer à l’adhésion macroscopique du système, le système ionique est plus collant que le système neutre de référence. Ce résultat semble confirmer le calcul théorique de départ.

Lorsque l’équilibre de gonflement est atteint (~ 3 h d’immersion), la dilution des unités chargées dans le gel I 75 est très importante. Cela implique une diminution de la concentration massique en fonctions ioniques au cours de l’immersion très élevée (de 15 wt% à 3,3 wt%). Cette dilution pourrait à elle seule expliquer l’annulation totale de 𝑊𝑎𝑑ℎ pour I 75. Toutefois, si l’on compare la concentration massique en unités ioniques dans les gels I 25, I 50 et I 75 à l’équilibre de gonflement, elles apparaissent comme étant sensiblement équivalentes (~ 3 wt%). L’argument de la dilution de la concentration en motifs chargés dans le réseau tridimensionnel pour expliquer la perte d’adhésion n’est dans ce cas pas satisfaisant. En revanche, la dilution a un effet important sur la variation de la densité surfaciques de chaînes élastiques.

D’après le modèle de Lake et Thomas, l’énergie élastique dissipée dans le matériau lors de la rupture de l’interface est directement reliée à la densité surfacique de chaînes élastiquement actives dans le réseau réticulé. A l’équlibre de gonflement, la densité surfacique de chaînes élastiques est 7 fois plus importante dans I 25 que dans I 75 et 3,5 fois plus élevée que celle de I 50. Ainsi même si la concentration massique en unités chargés est légèrement plus faible qu’à l’état initial hors équilibre, le nombre de liaisons ioniques créées semble être suffisant pour maintenir l’adhésion intial ; ce n’est a priori pas le cas pour I 50 et I 75.

Par ailleurs, les données de compression sur les gels de P(MAETAC-co-AAm)_P20-I𝑧-R2 indiquent que les chaînes polymères au sein des formulations I 50 et I 75 sont particulièrement étirées à l’équilibre de gonflement (𝜇𝑒𝑞 > 𝜇0). Leur mobilité est réduite et la probabilité d’interaction polymère/polymère plus faible.

181 Compte-tenu des conclusions du chapitre 4 sur l’influence probable du fux de gonflement sur la déstabilisation des sphères d’hydratation, il semblerait que dans le cas du système [P(MAETAC-co-AAm)_I25/brosse/𝑝𝐻 = 6] et en l’absence de perte d’adhésion au cours de l’immersion, les interactions polymère/eau entrent moins en compétition avec celles polymère/polymère que pour le système neutre. L’énergie d’une liaison ionique étant plus grande que l’énergie d’une liaison hydrogène, les interactions ioniques polymère/polymère sont d’avantage favorisées en solution par rapport aux interactions polymère/eau.

2.4. Conclusion

Si la modification du mode de synthèse de l’hydrogel de PDMA n’a pas eu d’effet significatif sur l’adhésion mesurée en conditions immergées, l’utilisation d’un hydrogel viscoélastique, à la fois hydrophile et hydrophobe, permet d’obtenir un système gel/brosse très collant sous l’eau .En effet, la concentration très importante en fonctions chimiques susceptibles d’interagir par liaisons hydrogène, la faible teneur en eau et la dissipation viscoélastique ont pour conséquence des valeurs d’énergie d’adhésion à l’état initial hors équilibre de l’ordre du J.m-2. Cependant cela n’a pas permis d’éviter la perte d’adhésion lors du gonflement, même si les valeurs à l’équilibre restent très élevées par rapport au système de référence. L’absence de perte d’adhésion a été observée dans le cas du système ionique gel/brosse pour un gel faiblement chargé et peu gonflé. Le système ionique met en jeu des énergies d’interaction 10 fois supérieures à celles obtenues dans le système de référence.

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