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Essai de parangonnage avec l’Allemagne et le Royaume-Uni

4.1. Allemagne : le consommateur allemand paiera-t-il pour la transition énergétique ?

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Aujourd’hui un Allemand émet en moyenne 9 t CO2 éq. contre 5,8 t CO2 éq. pour un Français.

L’Allemagne a entamé une transition énergétique qui doit lui permettre d’ici 2050 à la fois de renoncer au nucléaire (le démantèlement est annoncé avant 2022) et de décarboner son énergie pour réduire ses émissions de GES. Dès 2010, le vaste plan « Energiekonzept » a défini 4 objectifs :

• les EnR fourniront 18 % de l’énergie finale consommée en 2020 et 60 % en 2050 ;

• la demande énergétique doit baisser de 20 % en 2020 et 80 % en 2050 (baisses de 10 % et 25 % pour la consommation électrique, mais de 20 % et 80 % pour la chaleur dans le bâtiment) ;

• l’intensité énergétique (consommation d’énergie nécessaire pour générer 1 euro de PIB), doit diminuer de 2,1 % par an ;

• les émissions de GES doivent baisser de 40 % d’ici 2020, 55 % à 2030 et 80/95 % en 2050 par rapport à 1990.

Cet ambitieux programme nécessite à la fois un recours accru dans un premier temps au charbon, au gaz et au lignite (environ 30 000 MW de centrales thermiques fossiles sont en construction ou en projet), et un développement à marche forcée des EnR : l’Allemagne vise une proportion d’éolien, de solaire, de biomasse et d’hydraulique de 80 % dans son mix électrique 2050, contre 20 % en 2011, et 35 % en 2020.

Cette politique est essentiellement soutenue par des tarifs très élevés de rachat de l’électricité, assumés par le consommateur, pour financer les énormes investissements de production et de transport nécessaires175: le coût de l’abandon du nucléaire est estimé entre 200 et 400 Md € par une étude récente des opérateurs de réseau, de son côté la banque KfW évalue les coûts de la transition vers les énergies renouvelables entre 350 Md € et 420 Md € d’ici 2022. Pour ne pas handicaper la compétitivité de l’industrie, les clients électrointensifs et les grands industriels bénéficient déjà d’allègements qui devraient être augmentés pour compenser l’augmentation prévue des prix (+70 % d’ici 2025). C’est donc, finalement, le client domestique qui devra payer la facture, qui pourrait augmenter d’au moins 70 % d’ici 2025. L’EEG (équivalent de notre CSPE) représente déjà 15 % de sa facture mensuelle. Elle pourrait augmenter de 40 % entre 2011 et 2012, ce qui commence à éroder le consensus fort jusqu’ici sur cette politique et pose la question de la précarité énergétique.

174 Source : note d’analyse n° 281 du CAS septembre 2012.

175 Le coût pour le consommateur allemand (244€/MWh) est déjà presque double de celui payé en France (129 €MWh), et les primes tarifaires liées aux EnR sont doubles à peu près des tarifs de rachat français.

4.2. Royaume-Uni

Aujourd’hui un Britannique émet en moyenne 10,7 t CO2 éq. (chiffres 2008). Ce chiffre élevé est dû à la production et à la consommation d’énergie, historiquement liée au charbon, depuis 20 ans davantage tournée vers le gaz et les EnR.

En 2008 le « Climate Change Act » a établi des objectifs de réduction des émissions (les « carbone budgets ») qui visent à réduire de 80 % les émissions en 2050 :

Budget carbone

En 22 ans, entre 1990 et 2012, les émissions ont été réduites de près d’un quart, par fermeture des centrales à charbon et développement des EnR qui atteignent 10 % de la capacité et du nucléaire qui a déjà atteint 16 % des capacités et doit encore progresser. Les émissions du bâtiment ont reculé de 16 % et celles de l’industrie de 46 % (par délocalisation d’industries lourdes). Les émissions agricoles ont été réduites de près d’un tiers (diminution du secteur laitier).

Pour la période 2012-2020 : les priorités affichées du plan carbone rendu public en décembre 2011 sont :

• l’isolation des bâtiments existants, car 37 % des émissions sont liées à l’habitat (l’objectif est de réduire de 24 % à 39 % les émissions entre 2009 et 2027),

• le remplacement du charbon par du gaz et de l’éolien off shore,

• la réduction de 17 % à 28 % des émissions du transport entre 2009 et 2027 (elles représentent 25 % des émissions) en s’appuyant sur l’efficacité des moteurs et les biocarburants de 2e et 3e génération (algues). Une réduction des émissions (de 20 à 24 % de 2009 à 2027) sans désindustrialiser en incitant les industries à user des EnR (« renewable Heat Incentive » équivalent à notre fonds chaleur) et en ayant recours à la CSC pour les centrales à gaz et à charbon.

• L'évolution du mix énergétique d’ici 2030 en ayant recours au nucléaire 10 à 30 GW, aux énergies renouvelables (35 à 50 GW), charbon et gaz équipés de CSC.

Le Royaume-Uni, qui n’a pas connu de construction de centrales nucléaires depuis plus de 10 ans, souhaite renouveler son parc électrique, mais a cruellement besoin d’investisseurs étrangers pour atteindre ses objectifs de production nucléaire. Après

Rapport n°008378-01 Le facteur 4 en France : la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre

à l'horizon 2050

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l’abandon en mars dernier d’un projet de grande ampleur qui aurait dû être mené par les entreprises allemandes RWE et E.ON, EDF Energy a exprimé des doutes sur son engagement sur le sol britannique, attendant la réforme EMR (« electricity market reform ») et notamment les « Contracts for Difference » (CfD), des instruments long-terme visant à fournir des conditions stables et prévisibles permettant d’inciter les entreprises à investir dans les énergies faibles en carbone. La loi sur l’énergie, présentée au Parlement le 29 novembre, comprend les mesures nécessaires pour réformer le marché de l’électricité et « attirer £ 110 milliards d’investissement dont nous avons besoin dans cette seule décennie pour remplacer notre infrastructure énergétique vieillissante avec un mix énergétique plus diversifié et à faible émission de carbone, tout en minimisant les factures des consommateurs ».

Entre 2020 et 2050, l’objectif est de décarboner l’économie en remplaçant l’énergie fossile par de l’électricité verte, des biocarburants durables et de l’hydrogène.

Le plan carbone contient un grand nombre de mesures (plus de 120), mais leur financement dans le temps n’est pas garanti et, là comme ailleurs, les investisseurs se plaignent de la non permanence des dispositifs de soutien (le Md £ pour soutenir un démonstrateur de CSC a par exemple été remis en cause), la crise ayant contraint le pays à renoncer à certaines mesures (fiscalité verte, etc.).

Selon le « Carbon Plan », atteindre les objectifs en 2025 (50 % de réduction) ne devrait pas avoir d'impact supplémentaire sur les finances publiques d'ici 2015 (date des élections), mais nécessitera ensuite une décennie de déploiement massif des technologies clés : smart grids, CSC, etc.

5. Ressource d'avenir ou menace climatique : les hydrates de gaz