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1. Éléments de méthode

1.3. Les approches économiques globales

1.3.3. Les différentes catégories de coûts

Les différents types de coûts présents dans les modèles sont tout d’abord les coûts directs industriels et financiers des mesures techniques spécifiques : ce sont des coûts microéconomiques (coûts initiaux de mise en place d’une nouvelle technologie plus coûts énergétiques et de fonctionnement annuels). Ils sont en général calculés en valeur actualisée sur l’ensemble du cycle de vie d’une technique ou d’un projet.

Pour évaluer ces coûts, on adopte le point de vue des entreprises qui les supportent et on ne considère que les éventuels gains futurs de coûts de fonctionnement. À chaque investissement peuvent ainsi être associés à la fois un niveau de réduction d’émissions de GES par rapport à une tendance préétablie et une valeur actualisée nette. Cela permet de construire une courbe de coût technique reliant le coût de l’investissement au niveau de réduction espéré par rapport à un scénario de référence.

Concrètement, il existe au moins trois méthodes pour construire une telle courbe :

• Approche partielle : chaque option technologique est évaluée séparément et les résultats sont comparés projet par projet, soit à un projet de référence soit à un scénario de référence. L’absence de prise en compte des interdépendances entre les actions conduit à une technique d’évaluation simple mais peu satisfaisante.

• Approche rétrospective : on compare un scénario d’abattement à un scénario de référence défini au préalable. Le premier incorpore un cadre d’analyse des usages énergétiques qui autorise la prise en compte des interdépendances dans le système énergétique. L’approche partielle précédente constitue la première étape de cette méthode, puis différentes options sont envisagées de manière

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incrémentale dans l’ordre de leur efficacité énergétique. C’est mieux, mais plus compliqué et pas nécessairement réaliste.

• Approche intégrée : chaque point de la courbe de coût est la solution minimisant les coûts du système énergétique total en intégrant à la fois l’offre et la demande. Les options technologiques sont classées comme précédemment, puis des paniers de technologies sont construits pour simuler un grand nombre de scénarios d’émission et calculer les coûts associés. Enfin, le scénario à moindre coût est retenu pour chaque niveau d’abattement et une courbe enveloppe des coûts d’abattement est ainsi construite.

Ces coûts dépendent donc de données technico-économiques ainsi que de la valeur retenue des taux d’intérêt et du taux d’actualisation. Ils peuvent être négatifs si, par exemple, les économies d’énergies rendues possibles par l’adoption d’une nouvelle technologie représentent un montant supérieur à celui de la mise en place de cette technologie.

On peut s’interroger sur la pertinence d’une démarche consistant à classer les coûts en fonction de leur seule valeur actualisée nette (VAN). En effet, si ce critère est bien celui que recommande la théorie économique en avenir certain, les industriels, en pratique, tiennent compte d’autres critères. L’incertitude croissant avec l’échéance, à aversion du risque donnée et pour une même VAN, ils préféreront le projet dont le

« temps de retour sur investissement » est le plus court. Cela illustre le caractère insuffisant de la VAN pour construire une courbe de coût technique réaliste.

La question qui se pose ensuite est l’affectation de la totalité de ces coûts à la politique de lutte contre l’effet de serre. En effet, ces investissements peuvent être décidés par les entrepreneurs pour un ensemble de raisons parmi lesquelles figure le respect d’une contrainte d’émission de GES. Il convient donc avant toute chose de s’interroger sur le caractère isolé de la mesure envisagée ou de son intégration à un ensemble d’autres mesures. Dans ce dernier cas, l’attribution d’une partie des coûts à la mesure précisément étudiée est délicate : c’est la difficulté classique des « coûts liés », qui n’a généralement pas de solution satisfaisante.

La meilleure évaluation de coûts techniques est fournie par les modèles

«ascendants » (« bottom-up ») qui décrivent finement les technologies potentielles.

Naturellement, au-delà de 2050, l’évaluation des coûts techniques par cette approche pragmatique n’est pas fiable et l’utilisation de ces modèles pour une évaluation des coûts à très long terme paraît hasardeuse.

En outre, la période d’étude étant longue, il faut actualiser les valeurs des tonnes de carbone abattues. En effet, une tonne abattue aujourd’hui n’est pas équivalente à une tonne abattue dans dix ans. En principe, seules des considérations physico-climatiques devraient permettre de résoudre cette question en fournissant le coefficient d’équivalence entre ces deux tonnes. Mais les règles du marché font croître le prix de la tonne de carbone au rythme du taux d’actualisation. Pour réaliser une courbe de coût dans un cadre « bottom-up », il convient donc de définir des hypothèses sur l’évolution du prix du carbone et la courbe trouvée dépend de ces hypothèses.

On définit ensuite les coûts pour un secteur donné, obtenus dans le cadre d’une analyse d’équilibre partiel, généralement effectuée par un modèle sectoriel qui intègre un ensemble de mesures afin d’obtenir des représentations cohérentes pour un secteur de l’économie. L’élaboration de ces scénarios utilise bien quelques indicateurs macroéconomiques (comme le taux de croissance) mais ils ne prennent pas en

compte les interactions entre le secteur considéré (énergie, transport, agriculture) et le reste de l’économie.

1.3.3.2. Les coûts macroéconomiques

La mise en œuvre d’une mesure de réduction des GES peut avoir des impacts au-delà du secteur où elle est intervenue. Ces effets, dits « d’équilibre général », se traduisent par une modification de l’ensemble des prix et une réaffectation de l’ensemble des ressources lorsqu’on modifie l’équilibre sur un seul marché. La prise en compte de l’ensemble de ces modifications nécessite un modèle macroéconomique dont l’objet principal, en économie dite « fermée », sans échanges internationaux, est précisément l’étude de ces interactions. Cette prise en compte des effets d’équilibre général est centrale, car ils peuvent modifier jusqu’au signe des évolutions obtenues dans le cadre d’un modèle d’équilibre partiel. L’intégration dans un cadre d’équilibre général permet de voir comment le choc introduit sur un marché se répercute sur les autres pour aboutir à une modification du niveau et de la composition du PIB. En outre, seuls des modèles d’équilibre général calculable (MEGC) permettent d’étudier l’impact de l’utilisation des recettes engendrées par une éventuelle taxe sur les émissions ou un marché de permis d’émissions négociables vendus aux enchères.

Dans les modèles qui fournissent de tels coûts, le lien entre le coût marginal calculé et le coût total calculé en points de PIB n’est plus direct. En effet, dans les MEGC, le coût marginal est calculé en fixant différents niveaux de taxe et en calculant les niveaux d’abattements correspondants. Il s’agit donc d’un « prix implicite » ou encore « prix fictif » (shadow price) pour le producteur qui rend compte d’un coût technique de réduction des émissions. Le coût total exprimé en termes de points de PIB témoigne d’un coût macroéconomique après prise en compte des effets retour, notamment via une modification de la fiscalité. Il ne correspond donc pas à l’intégrale sous la courbe de coût marginal d’abattement (CmA). Le coût marginal macroéconomique associé au coût total exprimé en points de PIB et qui représenterait la perte de revenu engendrée au niveau macroéconomique par l’abattement d’une tonne supplémentaire n’est jamais présenté. Il convient de garder à l’esprit que dans tous ces modèles, selon les scénarios de référence par rapport auxquels les coûts sont calculés, une même perte exprimée en termes de points de PIB peut cacher un coût total très différent, mais reflète mieux la notion d’effort qu’un coût total exprimé de manière absolue.

1.3.3.3. Les coûts en bien-être

Les modèles représentant un monde économique « ouvert », c’est-à-dire comportant des échanges internationaux, sont plus complexes encore. En termes statiques, en l’absence de mobilité du capital, les coûts en bien-être d’une politique d’abattement dans une économie ouverte peuvent se décomposer en deux : les coûts qui apparaissent dans une économie fermée et la modification des termes de l’échange, lesquels constituent le premier canal de transmission des effets d’entraînement. Les termes de l’échange évoluent en faveur du pays qui subit la contrainte environnementale et le bien-être est réduit dans les autres pays (et réciproquement, lorsque la contrainte affecte le bien importé par les pays subissant la contrainte).

L’introduction de la mobilité du capital complique encore l’analyse. Outre les coûts de production et les termes de l’échange, la contrainte sur le carbone modifie les taux de retour du capital dans les pays subissant la contrainte relativement à ceux qui ne la subissent pas. La mobilité des capitaux renforce la restriction qu’impose la contrainte

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environnementale sur la frontière des possibilités de production tandis qu’elle

« agrandit la frontière de production » des autres. Les balances des paiements sont modifiées, les soldes des comptes des transactions courantes des pays contraints se détériorent tandis que ceux des comptes financiers s’améliorent à la suite de l’accroissement de leurs investissements étrangers.

1.3.4. Des liens complexes entre les concepts et des erreurs dans