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2. Engagements et système d’observation

2.2. L’état des engagements et des prévisions d’émission de gaz à effet de serre

2.2.2. Les engagements de la France

2.2.2.1. Origine des engagements

La Convention Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC ou Convention de Rio), adoptée en 1992, a pour objectif de stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui évite toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique. Cette Convention couvre l’ensemble des gaz à effet de serre non couverts par le protocole de Montréal59, à savoir les gaz à effet de serre direct : dioxyde de carbone (CO2), protoxyde d’azote (N2O), méthane (CH4), chlorofluorocarbones (HFC), perfluorocarbures (PFC) et hexafluorure de soufre (SF6) ainsi que les gaz à effet de serre indirect, SO2, NOx, CO et COVNM.

L’effet de serre de ces divers gaz n’étant pas le même en intensité et en durée, des coefficients d’équivalence ont été adoptés dans le cadre de cette convention (v.

Annexe 3.) de façon a avoir une unité commune de mesure : la tonne de CO2

équivalent (t CO2 éq.)60.

58 V. en « 1.3.2.1. Les analyses coût avantages » une analyse des méthodes du rapport Stern.

59 Protocole de 1987 « relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone » modifiant la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone adoptée en 1985,

60 On trouve parfois l'unité tonne de carbone équivalent (t C éq.). 1TCéq. = 44/12 tCO2éq. = 3,67t CO2

éq.

2.2.2.2. Le protocole de Kyoto

La Convention a été renforcée par l’adoption du Protocole de Kyoto le 11 décembre 1997. Ce Protocole fixe un objectif de réduction pour les émissions agrégées du

« panier » de six gaz à effet de serre direct pour 38 pays industrialisés. Ces derniers se sont engagés à réduire globalement leurs émissions de GES de 5,2 % sur la période 2008-2012, par rapport au niveau de 1990. Pour sa part, l’Union européenne (UE) s’est engagée à réduire ses émissions globales de 8 %.

Pour la France, cet accord fixe un objectif de stabilisation des émissions sur la période 2008-2012 au niveau de 1990 (année de référence). Les émissions prises en compte dans le protocole sont celles qui sont produites dans chaque pays. En particulier :

• Les émissions dues aux transports internationaux aériens et maritimes ne sont pas comptabilisés, compte tenu des difficultés d’imputation aux pays en cause ;

• Les émissions relatives à des produits exportés sont comptabilisées dans le pays d’origine. Les émissions d'un pays ne reflètent pas son « empreinte carbone », c'est à dire l'ensemble des émissions dues à ses consommations finales ( l' « empreinte carbone » des Français était, en 2007, supérieure de 39 % aux émissions produites sur le territoire).

La France et l’Union européenne ont ratifié le Protocole de Kyoto le 31 mai 2002. Le Protocole est entré en vigueur le 16 février 2005.

2.2.2.3. L’évolution du contexte international depuis Kyoto

Depuis le protocole de Kyoto, le contexte international a connu des bouleversements qui changent les données de base de la répartition de l’effort entre les pays. En 1997, les émissions de l’Europe étaient majoritaires dans le bilan mondial, ce qui justifiait qu’elle prît à son compte une part importante de l’effort tandis que la Chine et les autres pays émergents, émetteurs modestes, étaient dispensés d’obligations.

Aujourd’hui, les pays émergents produisent une part majoritaire des émissions avec un taux de croissance préoccupant (7,2 t CO2 éq./habitant en Chine en 2011, supérieure aux émissions moyennes des habitants de l’UE, et en croissance de 9 % par an61). On ne peut plus attendre de la seule Europe une contribution majoritaire à la solution du problème et les pays émergents doivent prendre leur part dans la limitation des émissions.

61 Estimation produite en 2012 par l’agence néerlandaise de l’environnement.

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Émissions dues aux carburants fossiles et au ciment62

Cela étant, un argument tirant motif de la (relative) petite taille de notre pays pour conclure à la vanité des efforts nationaux n’aurait évidemment aucune valeur rationnelle : n’importe quel maire de grande ville chinoise ou n’importe quel gouverneur américain pourrait proférer le même sophisme, fondant ainsi l’inaction universelle…

2.2.2.4. Les recommandations du GIEC et le G8

C’est en considération des différences de coût global évoquées par exemple dans le rapport Stern, montrant que les mesures visant à limiter le réchauffement étaient sur le moyen et long terme globalement beaucoup moins coûteuses que la gestion des conséquences du réchauffement que le G8 a adopté en 2009 la recommandation du GIEC visant à diviser par un facteur 2 les émissions mondiales de GES entre 1990 (année de référence) et 2050, pour ne pas dépasser une concentration de 450 ppm de

62 « annex 1 range » : moyenne des pays de « l'annexe 1 » du protocole de Kyoto.

CO2 éq. dans l’atmosphère. Les émissions ne devront pas dépasser 0,6 t C éq. / habitant (2,2 t CO2 éq.), ce qui pour la France (2,0 t C éq., soit 7,5 t CO2 éq. /habitant en 1990) exige un facteur de réduction environ égal à 4 (« Facteur 4 »). Une telle réduction laisserait espérer une limitation à 2° C environ (entre 1,5° C et 3,9° C) du réchauffement moyen au cours du 21e siècle.

2.2.2.5. Le « facteur 4 » en France, les engagements du « Grenelle » et la loi française

C’est le 19 février 2003, en ouvrant la 20e session du GIEC, que le Président de la République française Jacques Chirac a évoqué la nécessité de diviser les émissions mondiales de GES par 2, ce qui pour la France pouvait signifier une division par

« quatre ou cinq » de ses émissions.

Cet engagement, qui plaçait la France très en pointe sur le sujet, a été inscrit dans la loi POPE du 13 juillet 2005, notamment dans son article 2 :

« (…) La lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 %63 par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France. En conséquence, l'Etat élabore un « plan climat », actualisé tous les deux ans, présentant l'ensemble des actions nationales mises en œuvre pour lutter contre le changement climatique.

En outre, cette lutte devant être conduite par l'ensemble des États, la France soutient la définition d'un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés».

Cet objectif a été réaffirmé au cours du Grenelle Environnement.

En juillet 2008, le G8 s’est rallié à l’objectif de division par deux des émissions d’ici 2050.

2.2.2.6. Le « paquet climat-énergie » européen et les prévisions de l’Union européenne

Les émissions de GES rapportées à la population des différents pays membres de l’Union étant très différentes (5,6 t CO2 éq. en France, 9,6 t en Allemagne), l’Union ne s’est pas donné d’objectif de convergence, mais des objectifs de réduction proportionnelle laissant intactes les différences relatives entre les pays membres.

63 Une diminution de 3 % par an pendant produit effectivement une division par 4 en 45,5 ans.

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(Émissions hors UTCF) Source INSEE, EEA, IEA Eurostat.

L’Union européenne a ainsi adopté un plan d’action (dénommé communément

« Paquet climat-énergie ») en décembre 2008 (directives du 23 avril 2009)64, prévoyant entre autres de réduire les émissions de GES de 20 % au sein de l’Union à échéance de 2020 (décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009), chaque pays recevant des objectifs contraignants (- 14 % pour la France65).

Plus récemment, le Conseil européen du 9 mars 2012 a adopté une « feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 » pour parvenir à un « facteur 5 » en 2050 sur le territoire de l’Union, comportant les « points de passage » suivants pour atteindre le but :

• - 25 % (par rapport à 1990) en 2020,

• - 40 % en 2030,

• - 60 % en 2040,

• - 80 % en 2050.

Pour le moment, ces chiffres n’ont qu’une valeur indicative.

On peut observer que cette trajectoire, comme la plupart des exercices de prévision relatifs au facteur 4, remet à plus tard l’essentiel de l’effort, puisqu’une autre manière de présenter les réductions envisagées est de constater que ces prévisions correspondent à un effort de réduction de :

• - 25 % en 30 ans (1990-2020) pour la période actuelle,

• puis - 25 % en 10 ans (2020-2030),

• puis - 33 % en 10 ans (2030-2040),

64 Le « paquet » comprenait aussi à l’échéance 2020 l’amélioration de 20% de l’efficacité énergétique et une proportion de 20 % (23 % pour la France) d’énergie renouvelable dans le « mix ».

65 Pour les secteurs non visés par les quotas d'émission (v. 4.2.1.1.).

• puis - 50 % en 10 ans (2040-2050),

alors que rien ne permet de penser qu’une réduction de 1 % sera plus facile dans 20 ou 30 ans qu’aujourd’hui…

Ainsi, cet échéancier, non ventilé ni par secteurs ni par pays, reporte l’essentiel de l’effort relatif sur l’avenir lointain, alors que rien n’indique que les gains seront plus faciles plus tard66. La mission rejoint sur ce point les conclusions du rapport de la commission Perthuis considérant que la trajectoire souhaitable pour l’Europe et la France passe plutôt par un effort de - 25 % que - 20 % d’émissions de GES en 2020.

Une trajectoire répartissant également l’effort relatif annuel entre 2012 et 2050 correspondrait à une décroissance des émissions régulière de 3,58 % par an, qui se traduirait par des diminutions de :

- 25 % en 2020,

- 48 % en 2030,

- 64 % en 2040,

- 80 % en 2050.

4. La trajectoire permettant d’espérer l’atteinte les objectifs en 2050 passe vraisemblablement par une diminution des émissions en 2020 de 25 % et non de 20 %, ce qui suppose en chiffres ronds un effort de réduction de 3 % par an (au lieu de 2 %). La France doit défendre cette position dans les négociations européennes.

La « feuille de route » esquisse un partage de l’effort entre secteurs assez peu réaliste, où par exemple toute l’électricité serait décarbonée en 2050, alors qu’on construit encore actuellement en Europe des centrales à combustibles fossiles.

66 Deux arguments militeraient pour un profil différent :

en économie, on rencontre le plus souvent des rendements décroissants : les premiers efforts sont les plus faciles, puis le coût marginal de l’unité gagnée (la t CO2 économisée) augmente.

la t CO2 émise en 2012 crée plus de dommages sur le climat à 2100 que la t CO2 émise en 2050, parce qu’elle agit plus longtemps.

L’argument tiré de la richesse de nos descendants, supposée supérieure à la nôtre, est de l’ordre du souhaitable, et non de la vérité établie. L’espoir d’avancées technologiques facilitant les choses n’est pas non plus de l’ordre du programmable.

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