• Aucun résultat trouvé

a) Espaces sociau

Dans le document LYON AU XIX° SIECLE: LES ESPACES D'UNE CITE (Page 176-178)

Dans les descriptions de Lyon au début du XIX° siècle, c'est à dire celles des guides touristiques puisque le type littéraire de la "description de Lyon" n'apparaît qu'au tournant des années 1830, la division socio-spatiale de la ville n'est pas ignorée. Si on en reste le plus

souvent à des qualifications sommaires du type "quartier bien habité", "quartier des plus riches", "faubourg populeux", certains espaces n'en sont pas moins qualifiés précisément. Bellecour le quartier de la noblesse, des propriétaires et des rentiers, les Terreaux et leur annexe de Saint- Clair qui regroupent les comptoirs et les domiciles des banquiers, des négociants et des fabricants, la rue Mercière et son petit commerce se détachent du lot dés le début du siècle et les Lettres à ma fille... de Mazade D'Avèze en 1814. On retrouve un schéma encore plus simple dans les rapports préfectoraux, soucieux de donner une image claire de la société urbaine. Le préfet de Brosses, écrivant au ministre de l'Intérieur le 12 novembre 1825, établit la classification spatiale suivante: dans l'arrondissement du Nord "le commerce vivifie tout", dans celui du Sud "la fortune et la considération appartiennent aux notabilités territoriales" et dans celui de l'Ouest "des hommes laborieux, voués aux fonctions de la magistrature, du barreau, aux études du

cabinet, forment avec les propriétaires de second ordre une population vivant d'une médiocrité paisible" (361).

On le voit, il n'est pas alors question des populations ouvrières, ni même de la masse des artisans. Les hommes de lettres aussi bien que les hauts fonctionnaires se préoccupent avant tout de situer les forces sociales et politiques importantes. Cochard, Fortis ou Chambet pour ne citer qu'eux reprennent ces partitions majeures. Ce n'est que lentement que sont désignés d'autres espaces typés. Ainsi Fortis est le premier en 1821 à souligner la coloration ouvrière des quartiers Saint-Paul et Saint-Georges de la rive droite de la Saône. Il y va en partie de la chronologie de la formation des espaces ouvriers: les ouvriers en soie ne se concentrent à La Croix-Rousse qu'à partir des années 1820. Mais ce sont surtout les mouvements sociaux des années 1830 qui font surgir les quartiers ouvriers sur ces cartes en textes que nous délivrent nos auteurs. C'est bien sûr le cas chez ceux qui comme Villermé, Reybaud ou Audiganne, viennent enquêter sur les classes laborieuses. Mais c'est aussi chez tous ceux qui parlent de

Lyon que La Croix-Rousse, "acropole de la soie", devient incontournable. Les concentrations ouvrières de Vaise ou de La Guillotière, moins imposantes tant en nombre qu'en leurs

manifestations, apparaissent aussi petit à petit. Les nouvelles secousses de 1848 et 1849 contribuent à la présence accrue de ces quartiers ouvriers dans les divers textes consultés, avec un basculement progressif en faveur de La Guillotière. La partie Sud de celle-ci (3° arrondissement) est désormais décrite comme le quartier ouvrier par excellence, selon une évolution qui correspond à la place croissante qu'elle occupe, tant dans la localisation des implantations industrielles que dans le mouvement politique ouvrier (lieux de réunion, grèves...). Sur la même rive, le quartier des Brotteaux prend lui aussi un relais, celui de quartier phare de "l'aristocratie d'argent" (362), en lieu et place de celui de Saint-Clair. Petit à petit, c'est une cartographie du riche et du pauvre qui s'impose, cette typologie quartiers chics/quartiers pauvres qui oriente encore aujourd'hui notre regard sur la ville.

Les groupes intermédiaires, moins concentrés peut-être, mais surtout moins présents dans l'histoire de la ville, n'apparaissent qu'occasionnellement. Alors que les guides touristiques des trois premières décennies s'efforçaient d'associer à chaque espace délimité une activité professionnelle dominante (à Serin le commerce des vins, à Saint Jean le barreau, à la rue Longue les toiliers, etc.), ce souci s'estompe. Le petit commerce de la rue Mercière disparaît des textes en même temps que la rue perd son rôle d'artère commerçante principale (363), la population d'employés et d'ouvriers qui peuple une partie des Brotteaux (dans les rues autres que les grands axes) n'est évoquée que rarement. A la répartition professionnelle succède la répartition sociale, au métier la classe.

La polarisation spatiale du regard observateur suit ainsi les grandes interrogations sociales qui traversent le siècle. Il laisse donc de nombreux angles morts dans l'espace urbain, ignorant les espaces dont la coloration ne ressort pas à ces grands conflits qui le préoccupent, entre bourgeoisie et aristocratie d'abord, entre nantis et démunis ensuite. La rive droite de la Saône dans son ensemble, le centre ville même après sa rénovation et la banlieue qui n'est pas encore rouge échappent le plus souvent à ces partitions sociales de l'espace. La ville se résume alors en Bellecour, Croix-Rousse, Brotteaux et Guillotière. Petites gens, employés, artisans, c'est tout ce monde de "la médiocrité physique et morale" (dixit de Lamerlière) qui s'estompe.

361

Archives Nationales, F1bII Rhône 13.

362

Comme le dit Emmanuel VINGTRINIER en 1898, en parlant des cochers de fiacres, "Avenue de

Noailles!" ou "Place Bellecour" sont deux annonces de courses qui font miroiter la perspective d'un bon

Dans le document LYON AU XIX° SIECLE: LES ESPACES D'UNE CITE (Page 176-178)