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translanguaging sur la surcharge cognitive

Chapitre 4 : Cadre méthodologique et choix des données

4.3. Choix des méthodes pour le recueil de données : du point de vue de la situation

4.3.3. Les entretiens

Le deuxième volet de notre protocole consiste en une série d’entretiens compréhensifs semi-dirigés (Kaufmann, 1994) lors desquels les enseignants sont amenés à parler de leurs propres choix et pratiques.

39 Voir chapitre 2 (2.2.3).

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4.3.3.1. Plan d’entretien

Nous avons créé un plan d’entretien40 qui nous a servi de guide pour les grandes parties à traiter. Comme A. Blanchet et A. Gotman (2012, pp. 58) le décrivent, il s’agit d’y écrire les thèmes, les questions que l’on souhaite explorer d’une part et d’autre part les stratégies pour « maximiser l’information obtenue sur chaque thème ». L’entretien étant semi-dirigé, notre objectif est de laisser parler les enseignantes et de les relancer si nécessaire. L’objectif de ces entretiens est de compléter et croiser ce que nous avons observé. L’entretien est « conçu pour apporter une information biographique » (Blanchet et Gotman, 2012, pp. 17). En effet, nos entretiens cherchent à croiser les pratiques des enseignantes avec leur discours sur ces dernières. Dès lors, le discours produit est à dominante référentielle, soit plutôt descriptif et narratif (Blanchet et Gotman, 2012, pp. 30) dans la mesure où les enseignantes sont amenées à parler de leurs propres pratiques mais aussi de leurs propres expériences personnelles. Ce dernier point rejoint ce que D. Bertaux (2010) appelle « les récits de vie » qui permettent, dans notre contexte, de faire le lien entre choix extérieurs (éléments issus de la formation, de l’institution…) et choix plus personnels (éléments issus d’expériences personnelles).

4.3.3.2. Enjeux des entretiens

Les entretiens ont donc été réalisés après les observations afin que ces entretiens viennent éclairer ces dernières. Le choix de cet ordre permet également que les questions et la discussion n’influent pas sur les pratiques observées. F. Cicurel (2011, pp. 54) souligne à ce sujet, en le posant comme limite du « dire » sur l’agir, que le discours de l’enseignant sur son action risque de consister moins en une explication de l’action qu’en une construction postérieure à celle-ci dans la mesure où il n’est pas habitué à verbaliser son

« faire ». Ces données sont intéressantes car elles se présentent comme des auto-commentaires sous forme de justifications, d’explications, de critiques ou de reconstructions de leurs propres pratiques ou d’ « auto-consignes » (Lumbroso, 2010) sur leurs pratiques à venir. Le moment de la mise en discours est donc à prendre en compte avec un certain recul. Ce phénomène de reconstruction est, cependant, vu comme

40 Voir annexe n°3.1. (cf. volume 2 p.277)

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« normal » et logique par M. Blais et S. Martineau (2006) qui, dans leur article sur l’analyse inductive, montrent que « le sens est attribué a posteriori dans une construction mentale qui s’effectue à l’occasion d’une expérience, laquelle est mise en relation avec des expériences antérieures ». A. Blanchet et A. Gotman (2012, pp. 23) décrivent également les discours recueillis lors des entretiens comme des « faits de paroles » qui « concernent les systèmes de représentations (pensées construites) et les pratiques sociales (faits expérimentés) ». B. Lahire (2011) rejoint cette notion de construction du sens des expériences en mettant en regard les paires action-discours sur l’action, et passé-présent de l’acteur. Il inscrit sa réflexion dans une discussion construite sur les théories de Hume et Halbwachs pour montrer une certaine disposition de l’individu liée à ses expériences passées. Le passé est alors vu comme une dimension « incorporée » alors que le présent, lui, est « contextuel ». Ces deux dimensions se rencontrent donc dans l’action et les choix qui en sont l’origine. Dans ce cheminement, B. Lahire, tente de trouver un équilibre entre ces deux pôles en se distanciant de Bourdieu, qui, à travers la notion d’habitus, surévalue, selon lui, l’impact du passé par rapport au présent sur les actions des individus. En effet, analyser des situations uniquement sous le prisme du « passé » serait nier l’influence du contexte actuel (expérience présente ou discours présent), qui, à son tour, deviendra expérience passée « incorporée ». B. Lahire, ici, décrit d’ailleurs comme le présent n’est pas à prendre comme une conséquence de causes à trouver dans le passé incorporé mais plutôt un élément définissant « ce qui, du passé incorporé, peut être actualisé » (Lahire, 2011, pp. 47). Ceci est à prendre en compte de façon significative lors des entretiens suivant les observations car une partie du discours sera construit à partir de l’ « incorporé » mais la discussion présente, qu’est l’entretien, jouera le rôle actif, activateur venant modifier/(re)construire la perception d’une situation et, par conséquent, transformer le discours sur la pratique passée.

Afin d’obtenir plus de recul et une vision plus globale du « dire » des enseignants, nous avons choisi d’inclure deux dimensions dans les entretiens. Il s’agit d’une part d’écouter les enseignantes dans une « réflexion-évaluation » de leurs pratiques (Cicurel citée dans Lahire, 2011) associée à des passages de récits de vie (Bertaux, 2010).

L’enseignante est alors amenée à s’exprimer d’une manière générale sur ses pratiques et ses conceptions du travail d’enseignant de langue et littérature dans ce contexte sur les divers points de la démarche didactique observée (voir la grille-guide pour les observations ci-dessus). Puis, au fil de la discussion, l’entretien cherche, d’autre part, à questionner les pratiques à partir d’exemples concrets sélectionnés dans les enregistrements effectués lors

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des observations. Il s’agit alors de poursuivre les entretiens dans une approche d’ « auto-confrontation » (Cahour citée dans Bigot et Cadet, 2011). Les enseignantes peuvent alors commenter, éclairer, mettre en mot – et peut-être, en effet, (re)construire – l’observable par les multiples dimensions non-observables qu’elles sont les seules à pouvoir expliciter ou interpréter à travers un métadiscours. En effet, comme le souligne J. Rey-Debove (citée dans Portine, 1997) au sujet du métalangage, le recours au « méta » est nécessaire

« lorsqu’il faut ajuster le discours à ce qu’il est censé désigner et signifier pour rappeler, pour apprendre pour désambiguïser ». Cette fonction correspond aux objectifs des entretiens. Ces discours sur les pratiques permettent alors d’analyser plus profondément les choix effectués, appliqués ou non, en saisissant mieux les motivations sous-jacentes.

Le croisement des données recueillies pour les enseignantes – par observations et entretiens – permet également de questionner l’importance de la relation entre les choix et le profil de l’enseignante sur les pratiques, notamment par rapport à sa formation initiale et son discours sur la discipline.

4.4. Choix des méthodes pour le recueil de données : du point de vue de la situation d’apprentissage

Après avoir explicité nos méthodes pour le recueil de données concernant l’enseignement, il nous faut maintenant nous placer dans la perspective de l’apprentissage.

Cette dimension fait bien sûr partie des observations décrites dans la section précédente, cependant d’autres données, entièrement axées sur l’apprenant et son apprentissage sont également à considérer.

4.4.1. Le questionnaire

Nous avons distribué un questionnaire aux étudiants avant le premier cours pour étudier leurs représentations de la littérature ainsi que leurs attentes pour ce type de cours.

F. de Singly (2012, pp. 17) montre que si l’entretien est une méthode à privilégier pour le recueil de données portant sur des justifications, le questionnaire, est quant à lui, plus adapté pour relever les « perceptions ». Par ailleurs, ayant été enseignante dans ce

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département, certains étudiants nous connaissent. Le questionnaire est donc également un moyen d’anonymiser les discours car étant donné le rapport pré-existant, certains étudiants ne répondraient peut-être pas aussi librement en face-à-face.

Le questionnaire41 a été réalisé sur Google Docs. Il est divisé en trois parties : une partie sur ce que la littérature représente pour l’étudiant, une partie sur la littérature dans son parcours scolaire et universitaire, et une troisième partie sur sa pratique de la lecture.

Le questionnaire est précédé de deux questions sur le profil de la personne afin de connaître son âge et ce qui l’a motivée à choisir un cursus de français à l’université.