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POUR LES PATIENTS ATTEINTS DE TOC

II. Ce que je prévois de faire

1. Façonnage d’un protocole de recherche biomédicale

1.3. Ali baba et les 40 toqueurs

1.3.2. Toi, tu entres, toi, tu sors !

J’ai précédemment défini le nombre de patients atteints de TOC dont j’avais besoin pour mon protocole. Mais alors, est-ce que tous les toqués peuvent participer ? Non, il faut montrer patte blanche, il y a des critères de sélection, comme à l’entrée d’une discothèque : si tu as des basquets, tu n’entres pas. Là, c’est un peu pareil, si tu as moins de 18 ans, que tu es trop vieux ou que tu prends de la drogue, tu n’entres pas. La plupart de ces règles sont en vigueur dans tous les protocoles. Voici donc le dress-code prévu par Ève pour pouvoir participer au protocole :

Critères d’inclusion

- Patients souffrant de TOC vérificateurs (diagnostiqués par un psychiatre ou un psychologue) - Suivis ou ayant consulté à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière,

- Age compris entre 18 et 50 ans, - Parlant suffisamment bien le français,

- Ayant donné leur consentement pour participer à l’étude Critères d’exclusion

a) D’ordre général :

- Age des patients inférieur à 18 ans ou supérieur à 50 ans

- Patients chez lesquels la date de début d’un traitement par antidépresseur est inférieure à un mois

b) Autres pathologies comme :

- Autres troubles de l’Axe I du DSM-IV

- Sans antécédent d’épisode maniaque ou hypomaniaque, de trouble psychotique, d’addiction aux drogues ou à l’alcool

- Maladies somatiques ou autres, avec ou sans traitement en cours, mais étant susceptibles d’altérer la réactivité à la tâche présentée

33 Le but du CPP est également d’avoir une preuve suffisante, donc i.e. à coût à peu près minimal pour le patient, mais également pour les personnels, l’administration les budgets publics, etc.

J’ai légèrement refaçonné les critères d’inclusion et d’exclusion établis par ma Médiatrice culturelle. J’ai décidé d’autoriser les patients parlant moins bien le français, venant d’ailleurs que de notre hôpital et plus vieux à participer. En revanche, j’ai exclu les patients ayant des TOC peu sévères, ceux déjà suivis en TCC, les femmes enceintes, les claustrophobes, les tatoués et tous ceux ayant du maquillage permanent sur les paupières ou des éclats d’obus dû à une blessure de guerre ou une autre explosion (j’expliquerai pourquoi après)

Voici donc ci-dessous les critères stricts de sélection des patients :

Critères d’inclusion pour le groupe de patients atteints de TOC : ! avoir entre 18 et 65 ans;

! répondre aux critères diagnostiques du DSM-IV pour le TOC (300.3 ; MINI 5.0.0);

! présenter un score total à l’échelle d’appréciation de la sévérité du TOC (Y-BOCS) compris entre 20 (qui correspond à la valeur seuil d’inclusion dans les essais thérapeutiques définissant l’existence de symptômes obsessionnels compulsifs cliniquement significatifs interférant avec la vie du patient) et 30 (qui correspond à une sévérité du trouble très importante) ;

! avoir des symptômes de vérification ;

! comprendre et accepter les contraintes de l’étude; ! donner son consentement écrit à l’étude.

Critères de non inclusion pour le groupe de patients atteints de TOC : ! présenter une affection organique majeure, et notamment neurologique ;

! présenter une des contre-indications à un examen en IRM34 (pacemaker, objets métalliques, clips chirurgicaux,…) ;

! répondre aux critères diagnostiques correspondant à un trouble principal actuel de l’axe I du DSM-IV parmi : abus ou dépendance à l’alcool ou à une autre substance, épisode hypomaniaque, épisode dépressif majeur, trouble de l’humeur ;

! répondre au critères diagnostiques correspondant à un trouble principal actuel ou passé de l’axe I du DSM-IV parmi : syndrome psychotique, épisode maniaque ;

! Etre suivi actuellement en thérapie cognitive et comportementale par un psychologue ; ! Avoir un traitement médicamenteux non stabilisé deux mois avant l’inclusion dans le

protocole ;

! présenter un risque suicidaire moyen ou élevé évaluée à l’aide de la section correspondante de l’entretien psychiatrique structuré nommé Mini International Neuropsychiatric Interview (M.I.N.I. 5.0.0.);

! être hospitalisé sous contrainte selon les modalités de l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) ou hospitalisation d’office (HO);

! Etre enceinte.

Critères d’exclusion et/ou de sortie de l’étude : - Claustrophobie ;

- Anomalie cérébrale à l'examen IRM (dans ce cas, une consultation spécifique d’annonce et d’orientation est prévue) ;

- Absences répétées aux séances de thérapie : plus de 3 absences consécutives non rattrapées dans la semaine ou plus de 5 absences depuis le début de la thérapie ;

- Dans le cas d’une exclusion ou sortie d’étude, que se soit par volonté du participant ou de l’expérimentateur, un débriefing est proposé par la psychologue.

Pourquoi être aussi sélectif ? Parce qu’on fait un Essai Contrôlé Randomisé (ECR) ! On fait comme tout le monde ! On veut pouvoir comparer nos résultats avec ceux des autres ! On veut avoir un échantillon de population propre, homogène, on veut diminuer la variabilité interindividuelle, on veut garantir des résultats généralisables.

Ça reflète moins la réalité des patients atteints de TOC ? Ça introduit un biais de représentativité ? Ah oui, peut-être, c’est vrai que, selon Falissard (Falissard 2009) des

patients sans comorbidité35, sans dépression, sans abus d’alcool, et qui acceptent de venir aux rendez-vous ne se rencontrent principalement que dans les essais cliniques !

Peut-on vraiment dire qu’on évalue l’efficacité d’un traitement (innovant ou pas) lorsqu’on exclut d’emblée les patients qui ont une comorbidité par exemple ?

En fait, la plupart des personnes souffrant de TOC ont des comorbidités. Les enquêtes épidémiologiques suggèrent qu'au moins 50% des personnes atteintes de TOC ont au moins une autre maladie associée (Abramowitz, Taylor et al. 2009) telles que les troubles anxieux (Hollander 1997), les troubles des conduites alimentaires, les tics, la dépression et le trouble bipolaire qui sont surreprésentés chez ces patients. La moitié des patients atteints de TOC souffre d’un trouble anxieux associé (Steketee, Eisen et al. 1999) et 75% à 82% développent à un moment de leur vie un épisode dépressif majeur (Crino and Andrews 1996) in (Foster and Eisler 2001).

L’abus ou la dépendance à l’alcool est également plus fréquente chez les patients atteints de TOC que dans la population générale (Torres, Prince et al. 2006). 20 à 30% patients atteints de TOC ont une histoire actuelle ou passée de tics (Abramowitz, Taylor et al. 2009).

Au vu de ces considérations épidémiologiques, il semble donc que le vrai patient atteint de TOC soit un patient comorbide, ce que souligne Guy Darcourt répondant aux questions de Jean-Michel Thurin36 sur l’utilisation des classifications :

« Cette sélection (DSM) est surtout destinée à la recherche (thérapeutique,

biologique ou clinique) et elle peut apporter de la clarté. Mais cela suppose aussi que les cas sélectionnés - parce que caractéristiques et suffisamment sévères - soient représentatifs des cas moins typiques ou plus légers. C’est comme si on expérimentait les traitements anticancéreux uniquement dans les formes métastasées en estimant que ce qui convient pour elles conviendra pour les formes localisées, ce qui serait une erreur. Prenons l’exemple des TOC. Les critères diagnostiques exigés sont tels que peut-être la moitié des patients qui nous consultent pour des troubles obsessionnels n’ont pas leur place dans cette catégorie. Ils ont pourtant besoin de soins, mais est-ce les mêmes que ceux dont relèvent les vrais TOC ? ».

35 Coexistence temporelle de deux ou plusieurs troubles psychiatriques ou de la personnalité. 36Interview disponible sur le site : http://193.49.126.9/Recherche/PLR/PLR52/PLR52.html

Ces considérations cliniques suggèrent qu’il serait pertinent de ne pas fixer des critères d’inclusion ou d’exclusion aussi stricts, dans un souci de représentativité de l’échantillon sélectionné37. D’ailleurs, des études récentes ont indiqué que les techniques d’exposition et de prévention de la réponse en TCC ont des résultats positifs qui ne se limitent pas à des échantillons hautement sélectionnés de patients atteints de TOC (Franklin, Abramowitz et al. 2000) ; (Valderhaug and Götestam 2007).

Néanmoins, ces études ne sont pas ce qui se fait le plus fréquemment dans le domaine, et mon protocole doit respecter le plus possible les canons en vigueur pour pouvoir exister (il faut qu’il soit validé par l’INSERM) et pour être audible par le reste de la communauté. Seuls les patients respectant strictement les critères que j’ai fixés pourront donc entrer dans le protocole.

1.4. Nous avons les moyens de vous faire parler !