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Dans son entreprise maritime l’Angleterre ne trouve gu`ere de concurrent avant le d´ebut du XXe

si`ecle. Elle fera alors tomber l’une apr`es l’autre les places strat´egiques de la M´editerran´ee et

de l’oc´ean Indien. Apr`es Gibraltar, Corfou, Malte et Suez, elle s’installe `a Aden, Hormuz, Singapour,

Taiwan. Elle cr´ee, en deux si`ecles, le plus vaste empire de l’´epoque contemporaine. Lorsqu’elle intervient

dans les ambitions coloniales des autres puissances europ´eennes, c’est plus pour pr´eserver son domaine

maritime que pour acqu´erir de nouvelles colonies. L’Angleterre endosse ainsi le rˆole de gendarme du

monde.

2.3 L’acc´el´eration des pr´etentions europ´eennes en M´editerran´ee

D`es le XVIII

e

si`ecle, l’expansionnisme colonial europ´een s’est tourn´e vers l’Afrique du Nord. Il

est acc´el´er´e au XIX

e

si`ecle par la France qui s’installe en Alg´erie d`es 1830. `A partir de ce pays,

elle ´etendra son influence en Tunisie puis au Maroc. Les aspirations ´egyptiennes quant `a elles sont

consacr´ees par le creusement de l’isthme de Suez. Avec ce canal, la situation du d´etroit de Gibraltar

devient v´eritablement strat´egique et la M´editerran´ee commence `a prendre les formes d’un champ de

bataille. L’exemple de l’instauration des protectorats fran¸cais et espagnol au Maroc t´emoigne des

subtils rapports de force entre les puissances coloniales. D’un cˆot´e, il y a celles qui souhaitent avoir

des installations p´erennes en Afrique du Nord et de l’autre celles qui veulent pr´eserver une nouvelle

voie majeure de la navigation mondiale.

Le destin du Maroc est scell´e le 16 janvier 1906 `a la conf´erence d’Algeciras (cf. fig. I.9 et fig.

I.10). Elle ´etablit les limites du futur protectorat franco-espagnol en respectant une grande partie les

arrangements des conventions franco-anglaises d’avril 1904 (Zimmermann, 1904). Ces dispositions

bilat´erales r`eglent les modalit´es d’occupation de l’Egypte par la Grande-Bretagne et pr´epare le

protectorat de la France sur le Maroc, en ´ecartant les autres puissances europ´eennes et en sauvegardant

les int´erˆets espagnols sur le Nord du Maroc. Int´erˆets qui confortent les pr´etentions anglaises sur la

M´editerran´ee, puisque la France principale puissance concurrente ne s’installera pas sur le d´etroit.

L’Angleterre reconnaˆıt alors le droit de la France, voisine du Maroc `a l’Ouest, d’´etendre sa domination

sur l’empire ch´erifien et signe la convention de Constantinople d’octobre 1888 garantissant le libre

passage du canal de Suez. Ainsi les deux puissances s’assurent mutuellement de ne pas se concurrencer

dans la colonisation des deux pays et de respecter les int´erˆets ´economiques et diplomatiques de l’autre

signataire dans le pays conquis. Cet accord, qui est presque un ´echange du Maroc contre l’Egypte,

survient dans un contexte d’occupation de l’Afrique par les grandes puissances europ´eennes et une

p´eriode de partage du continent lors de diff´erentes conventions (Conf´erence de Berlin 1884, Trait´e

anglo-portugais 1891 et Convention du Niger 1898.).

Les protectorats fran¸cais et espagnol sont officiellement instaur´es par le trait´e de F`es le 30 mars

1912. L’Espagne donne ainsi un arri`ere-pays `a ces pr´esides, le Rif. C’est une r´egion montagneuse,

pauvre, difficilement exploitable et habit´ee par une population berb`ere qui m`enera de nombreuses

actions de r´esistance au protectorat.

Le trait´e ´etablit ´egalement un certain nombre de normes internationales, discut´ees `a la conf´erence

d’Algeciras en 1906, afin d’apaiser les rivalit´es europ´eennes sur le royaume ch´erifien qui est un des

derniers pays africains `a se partager. Le d´etroit de Gibraltar est d´esign´e ”zone d´emilitaris´ee” sur

laquelle il est interdit d’´elever toutes fortifications et une responsabilit´e partag´ee pour l’entretien du

phare du Cap Spartel, construit entre 1861 et 1864, est instaur´ee. Enfin Tanger, sorti de la sc`ene

internationale depuis le d´epart des Anglais y revient d’une mani`ere originale.

2.3 L’acc´el´eration des pr´etentions europ´eennes en M´editerran´ee 49

Figure I.9 –Le d´etroit de Gibraltar entre 1912 et 1956.

En effet, la ville de Tanger est retir´ee du protectorat pour devenir une zone internationale qui doit

garantir l’ouverture de l’´economie marocaine. Le trait´e d´efinissant le ”Statut de la Zone Internationale

de Tanger” est sign´e, le 18 d´ecembre 1923, par le Royaume-Uni, l’Espagne, la Belgique, la Hollande,

les ´Etats-Unis, le Portugal, l’Union Sovi´etique, la France et l’Italie. La ville est dot´ee d’un conseil

municipal compos´e `a la fois des consuls des puissances et de repr´esentants marocains. Elle poss`ede

´egalement son autonomie financi`ere. Cet ´episode de l’histoire de la ville de Tanger, constitu´ee en

r´epublique internationale, administr´ee par plusieurs pays pendant 33 ans, est une exp´erience unique

dans l’histoire. Tanger devient pendant cette p´eriode une v´eritable cit´e bancaire et surtout un paradis

fiscal. ”On pouvait ´echanger quasiment toutes les monnaies du monde. Les ´echoppes qui proposaient

cette transaction se multipli`erent et l’on pouvait lire sur les tableaux noirs, le cours des ´echanges

mondiaux afficher `a tout moment sa vraie valeur” (Metalsi et Leroux, 2007). Mais le port de Tanger

ne connaˆıt pas le d´eveloppement imaginable pour une telle ville. Il reste un petit port d’importation qui

permet de subvenir aux besoins d’une ville sans ressources naturelles. `A l’inverse, le port de Casablanca

b´en´eficie d’un d´eveloppement en grande pompe sous le protectorat fran¸cais et, depuis, il demeure le

premier port marocain. Le statut de ville internationale prend fin avec l’ind´ependance du Maroc en

1956. `A l’ind´ependance, la population de Tanger est de 150 000 habitants dont 42 000 ´etrangers :

30 000 Espagnols, des Fran¸cais, des Portugais, des Anglais, des Italiens, des Am´ericains ainsi que des

r´efugi´es d’Europe centrale, d’Asie et d’Am´erique latine (Metalsi et Leroux, 2007). Tanger endosse le

rˆole d’une ville porte. Elle est devenue une ville cosmopolite, un lieu de passage pour les voyageurs,

fonction qui perdure aujourd’hui.

Pendant toute cette p´eriode d’acharnement des grandes puissances `a se tailler la part du lion,

le Maroc trouve un alli´e pr´ecieux dans les ´Etats-Unis d’Am´erique, nouvel ´Etat, anticolonialiste,

proclamant officiellement sa solidarit´e avec le Maroc face aux app´etits coloniaux des puissances

europ´eennes. Le pr´esident am´ericain Th´eodore Roosevelt refuse de reconnaˆıtre le protectorat fran¸cais

et espagnol jusqu’en 1917, date `a laquelle il y consent avec certaines r´eserves. Les ´Etats-Unis conservent

ainsi les droits sp´eciaux que leur conf`erent les trait´es ”d’amiti´e, de navigation et de commerce” de 1787

et de 1836 conclu avec le Maroc, premier pays `a reconnaˆıtre l’ind´ependance des ´Etats-Unis en 1776

(Azzou, 2005). Ce sont l`a, en quelque sorte, les premiers pas am´ericains en M´editerran´een.

Figure I.10 – Carte des chemins de fer du Maroc en 1949 repr´esentant les trafics de voyageurs pendant le protectorat franco-espagnol. Source : Rouxet al., 1955.

La carte permet d’avoir une vue plus large sur la zone du protectorat espagnol, fine bande dans une

r´egion montagneuse, difficile d’acc`es `a l’exception des zones cˆoti`eres. L’action espagnole dans le Nord

du Maroc s’appuie alors essentiellement sur les villes cˆoti`eres, Ceuta, Melilla, T´etouan, Larache mais

les investissements espagnols resteront tr`es limit´es. Au Nord, seule la ville internationale de Tanger

est alors reli´ee au chemin de fer national par la ligne Tanger-F`es en 1927. `A l’inverse, la France au Sud

b´en´eficie du cœur ´economique du pays et participe `a son d´eveloppement, le d´eploiement du chemin

de fer est un exemple de l’action fran¸caise. Sous concession fran¸caise, trois compagnies se partagent

l’exploitation du r´eseau ferr´e. Elles permettent la mise en œuvre de trois lignes majeures : la ligne

Tanger-F`es (310 km), la ligne cˆoti`ere Casablanca-Rabat-Kenitra (130 km) prolong´e jusqu’`a Petitjean

pour relier la ligne Tanger-F`es et la ligne orientale de F`es `a Oujda (320 km) qui permet la liaison

avec le r´eseau alg´erien (C´el`erier, 1923). Apr`es la d´eclaration d’ind´ependance, l’´Etat a rachet´e ces trois

compagnies et a institu´e par dahir du 05 aoˆut 1963 l’Office National des Chemins de Fer Marocain

(ONCF)

4

. Cette diff´erence de dotation en infrastructures de transport entre le Nord et le Sud du

2.4 L’affirmation des ´Etats-nations, un processus inachev´e 51

pays est un aspect qui perdure aujourd’hui et qui commence juste `a ˆetre corrig´e par les projets qui

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