Etats
Ratification,
Adh´esion
`
a la CMB
Juridiction nationale
/
Largeur de la mer
territoriale
Juridiction nationale
/
Largeur de la ZEE
Zone de pˆeche
Maroc Signataire
Loi n°1-73-211 de 1973
/
12 milles marins
Loi n°1-81 du 8/04/1981
/
200 milles marins
(limite externe non sp´ecifi´ee en
M´editerran´ee)
Pas de juridiction
Espagne Adh´esion le
15/01/1997
Loi n°10/1977
du 4/01/1977
/
12 milles marins
Loi n°15/1978 du 20/02/1978
(non applicable en M´editerran´ee)
/
200 milles marins
D´ecret royal n°1315/1997
du 1/08/1997 modifi´e par le
d´ecret royal n° 421/2000 du
31/03/2000
Tableau I.2 –Juridiction et zones maritimes de l’Espagne et du Maroc. Source : Chevalier 2005.
L’ˆılot du Persil, gros caillou de 13 hectares, toujours d´ecouvert, `a 200 m de la cˆote marocaine et `a
6 km `a l’Ouest de Ceuta, a cristallis´e les tensions entre les deux voisins. Le 10 juillet 2002 un escadron
de l’arm´ee marocaine y d´ebarque afin d’ y ´etablir un poste de contrˆole dans le cadre de la lutte
contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine. La situation est consid´er´ee par les Espagnols
comme une invasion marocaine. L’affaire n’a ´et´e r´esolue qu’avec la m´ediation am´ericaine r´etablissant
lestatu quo, soit aucune pr´esence sur l’ˆılot. L’ˆılot est en fait dans les parages d’une limite possible du
couloir transversal que souhaiterait l’Espagne entre Algeciras et Ceuta alors que le Maroc l’utiliserait
volontiers et, l’utilise d’ailleurs, comme point d’appui de sa ligne de base droite. Ce rocher qui reste
d´ecouvert `a mar´ee haute mais qui ne se prˆete pas `a l’habitation humaine ou `a une vie ´economique
propre pourrait ˆetre entour´e d’une mer territoriale selon l’article 121 de la CMB (Gutierrez Castillo,
2003).
Enfin, Didier Ortolland et Jean-Pierre Pirat (2007), dans l’Atlas g´eopolitique des espaces
maritimes, mentionnent l’importance de l’ˆılot d’Alboran. C’est un ˆılot d’environ un km
2, id´ealement
plac´e pour surveiller les flux du d´etroit, en plein milieu de la mer d’Alboran, `a 45 mn de la cˆote
espagnole et `a 35 mn de la cˆote marocaine. Son appartenance `a l’Espagne n’est pas vraiment contest´ee
par le Maroc mˆeme s’il a d´ej`a fait l’objet de revendications
10. Ortolland et Pirat signale qu’”il serait de
l’int´erˆet de l’Espagne qu’un plein effet lui soit accord´e, mais cela ferait passer la ligne de d´elimitation
`
a mi-chemin entre la cˆote marocaine et Alboran soit `a 17,5 milles des cˆotes du Maroc”, situation qui
pourrait relancer les pr´etentions marocaines.
Ainsi, dans la pratique chacun a adopt´e, unilat´eralement, ses fronti`eres maritimes. Toute
d´elimitation officielle d’espaces maritimes dans le d´etroit est alors exclue tant que les questions de
souverainet´e ne sont pas r´egl´ees (Guti´errez Castillo, 2006). Mais l’absence d’accord sur les eaux de
Ceuta, de Gibraltar, des ˆılots fait que ces eaux n’ont finalement pas de statut. Dans une zone o`u les
activit´es ill´egales animent la mer, la situation peut ˆetre pr´ejudiciable. La figure I.12, sur laquelle les
fronti`eres maritimes du Maroc et de Gibraltar sont extrapol´ees, propose une projection des zonages
possibles dans la mer d’Alboran et le d´etroit de Gibraltar. Les fronti`eres maritimes andalouses sont
reproduites d’apr`es Suarez de Vivero (1983).
10. Abdeljamil Benjelloun, Approches du colonialisme Espagnol dans l’ex Maroc khalifien, Rabat, ed Okad, 1988 cit´e
dans Zurlo, 2005.
Figure I.12 –Projection des zones maritimes du d´etroit de Gibraltar et de la mer d’Alboran. Sources :
Suarez de Vivero, 1983; Mare¨ı, 2009.
Conclusion
Ainsi l’imbroglio g´eopolitique qui demeure autour du d´etroit en fait un lieu de tensions latentes
mais aussi un lieu de m´elange. M´elanges culturels, imbrications territoriales, brassages humains, jeu
de dominant / domin´e, p´eriode d’´eloignement / rapprochement entre les deux rives ont produit un
”espace mosa¨ıque”. Aujourd’hui cet espace a du mal `a se structurer et c’est peut ˆetre dans cette
diversit´e qu’il faut chercher une mani`ere de le construire et de l’habiter.
2.5 Une complexit´e spatiale projet´ee en mer 61
Deux p´eriodes de l’histoire semblent essentiels dans la construction de cet espace. La premi`ere est
le Moyen-ˆage avec les cycles de conquista /reconquista entre les riverains du d´etroit. Si cette p´eriode
est marqu´ee par des tensions politiques et un temps long de supr´ematie musulmane, elle est aussi une
p´eriode de d´eploiement du commerce entre les deux rives de la M´editerran´ee. C’est le commerce entre
Al-Andalus et le Maghreb qui am`ene la frappe de l’or en Europe et la naissance du r´eal, du florin,
du ducat (Dufourcq, 1975). La M´editerran´ee cesse d’ˆetre lamare nostrum h´erit´ee des Romains et elle
devient le th´eˆatre d’affrontement en particulier dans le cadre de la course mais sans v´eritablement
se transformer en champ de bataille puisque le commerce m´editerran´een et une certaine culture
m´editerran´eenne ´emergent des contacts permanents entre les deux rives. En t´emoigne la naissance
de la lingua franca, langue mixte qui connaˆıt ses balbutiements au Moyen-ˆage et qui devient entre
la fin du XV
e
et la fin XVIII
e
si`ecle ”une langue commune av´er´ee, document´ee, entre Occidentaux et
Orientaux, entre Europ´eens et gens d’Islam, un ph´enom`ene qui peut sembler aujourd’hui proprement
inou¨ıe” (Dakhlia, 2008). Cette langue partag´ee ´etait surtout parl´ee dans un domaine littoral
circum-m´editerran´een. Elle a servi `a v´ehiculer les id´ees et a nourri et anim´e les actions et transactions entre
les riverains du bassin. C’est surtout une langue de commerce, une langue de gens de mer qui t´emoigne
de la possible naissance d’objet commun entre des soci´et´es diff´erentes.
Enfin, sur les rives du d´etroit, conquista etreconquista laissent des traces p´erennes,Djebel Tariq
et les enclaves espagnoles d’Afrique. Ces territoires vivent aujourd’hui des situations de m´etissage et
de multilinguisme, preuve que les difficult´es actuelles sont surtout politiques puisque sur le terrain des
soci´et´es originales se sont compos´ees.
La seconde p´eriode est celle du d´etroit sous domination europ´eenne. La dichotomie du royaume
ch´erifien qui en r´esulte cr´ee une v´eritable rupture ´economique entre les deux Maroc. Le Maroc
m´editerran´een est demeur´e pauvre et rural, alors que le Maroc atlantique a continu´e `a ˆetre le cœur
battant de l’´economie nationale. Dans le monde arabe, cette p´eriode est aussi celle des r´esurgences
des sentiments identitaires et d’affirmation des diff´erences culturelles avec le Nord de la M´editerran´ee.
Une M´editerran´ee, zone de fracture, surgit de la seconde moiti´e du XX
e
si`ecle.
Les chapitres 1 et 2 ont alors r´ev´el´e une structure spatiale habit´ee par diff´erents syst`emes qui se
sont ajout´es les uns aux autres. Ils ont ´egalement soulign´e les contrastes entre les deux rives et les
contentieux qui en font, malgr´e une histoire partag´ee, un espace de conflits : conflits d’usage, conflits
politiques, conflits id´eologiques, conflits sociaux. Pourtant, il existe un terrain d’uniformit´e presque
parfaite entre les deux rives du d´etroit, il s’agit de l’espace physique, du site qui a servi d’appui `a
la construction de cet espace en quˆete de territorialit´e. Ce dernier ne vient pas toujours faciliter les
choses. Il peut `a certains ´egards ˆetre un facteur explicatif de la r´epartition des hommes et des activit´es
et `a d’autres ˆetre un facteur de risque.
Chapitre 3