Soit P = (a1, . . . , ar) un point de kr. L’id´eal I({P}) est engendr´e par les polynˆomes x1−a1, . . . , xr−ar, et ainsi, l’id´ealI({P})ν est engendr´e par{(x1−a1)i1·. . .·(xr−ar)ir :
P
jij =ν}.
Nous montrerons qu’un polynˆomef dek[X] admet une solution de multiplicit´e sup´erieure ou ´egale `a n en P si et seulement si f appartient `a I({P})n (proposition 5.4.3). Afin d’all´eger les notations, notons dor´enavant I(P) l’id´eal de {P}.
Il est clair que pour tout couple d’entiers positifs m, n tels que m ≤ n, l’id´eal I(P)m contient l’id´eal I(P)n et ainsi, f admet une solution simple en P si et seulement si f appartient `a l’ensembleI(P)\I(P)2 (qui n’est pas un id´eal).
Notre probl`eme consiste donc `a calculer le nombre de polynˆomes de IFq[X]d appartenant
`
a l’ensemble [
P∈IFq r
I(P)\I(P)2.
Cette question est li´ee au probl`eme classique en g´eom´etrie alg´ebrique qu’est l’appartenance
`
a un id´eal. Il s’agit ici non pas de v´erifier l’appartenance mais de compter le nombre de polynˆomes appartenant `a certains produits d’id´eaux, l’ensemble consid´er´e ci-dessus s’exprimant comme sommes et diff´erences de ces produits.
5.4.2 Ensembles alg´ ebriques – Id´ eaux
Un id´eal I dek[X] en constitue un sous-espace vectoriel sur k, de mˆeme que le quotient k[X]/I. Notons dim(I) la dimension deI et codim(I) la dimension de k[X]/I. Le sous-ensemble k[X]d des polynˆomes de degr´e au plus d de k[X] est un sous-espace vectoriel sur k de dimension d+rr dek[X] (il suffit de voir qu’il est engendr´e par les monˆomes de degr´e au plus d). Soit Id=I∩k[X]d l’ensemble des polynˆomes de I de degr´e au plus d. Les ensemblesIdetk[X]d/Idsont desk-espaces vectoriels de dimension finie et, si dim(Id) est la dimension de Id et codim(Id) la dimension dek[X]d/Id on a
dim(Id) + codim(Id) = dim(k[X]d).
Or, si k est fini, chercher le nombre de polynˆomes appartenant `a Id revient `a chercher la dimension de Id sur k. La fonction qui `a d associe codim(Id) est appel´ee fonction de Hilbert affine de I. Pour d suffisamment grand, cette fonction est polynomiale ([CLO]
section 9.3 proposition 3). Les propositions suivantes vont nous permettre de calculer sa valeur dans le cas o`u codim(I) est finie. Nous pourrons alors d´enombrer l’ensemble des
polynˆomes de IFq[X]d appartenant `a I(P)\ I(P)2 pour d suffisamment grand, et nous verrons comment affaiblir consid´erablement cette contrainte sur d.
La premi`ere de ces propositions fondamentales relie la valeur de codim(Id) `a celle de codim(I) si cette derni`ere est finie, et la deuxi`eme nous donne la valeur de codim(I) dans le cas o`u I est un produit d’id´eaux de points. L’exercice 10 de la section 9.4 de [CLO] prouve en particulier que si codim(I) est finie, codim(Id) = codim(I) pour d suffisamment grand, ce qui suffirait d’ailleurs `a nos besoins. Odoni donne une jolie preuve de la proposition plus pr´ecise suivante.
Proposition 5.4.1 Si codim(I) est finie et si d >codim(I) alors codim(Id) = codim(I).
Preuve [ODO] Lemme 1.1. 2
Il nous reste `a donner la valeur de codim(I) dans le cadre qui nous concerne.
Proposition 5.4.2 Soit P1, . . . , Pn n points de kr deux `a deux distincts et soit I l’id´eal I(P1)ν1∩. . .∩I(Pn)νn :
codim(I) =
Xn i=1
νi−1 +r r
.
La preuve de cette proposition passe par les trois lemmes suivants.
Lemme 5.4.1 Soit I1, I2, . . . , In des id´eaux d’un anneauR deux `a deux comaximaux (i.e.
Ii+Ij =R , i 6=j), on a alors l’isomorphisme suivant : R/
\n i=1
Ii 'Yn
i=1
R/Ii.
Preuve Ceci est une version bien connue du th´eor`eme chinois dont on trouvera la preuve
dans [LAN] section II.2. 2
Lemme 5.4.2 Si I et J sont deux id´eaux comaximaux d’un anneau R, alors Im et Jn sont comaximaux pour tout (m, n).
Preuve Montrons que I etJn sont comaximaux par r´ecurrence sur n. Les id´eauxI etJ
´
etant comaximaux, il existe a∈ I et b ∈J tels que a+b = 1 . Supposons que I etJn−1 soient comaximaux. Il existe alors c∈I et dn−1 ∈Jn−1 tels que c+dn−1 = 1 . On a
c+dn−1 =c+dn−1(a+b) = (c+dn−1a) +dn−1b = 1,
avec dn−1a+c ∈ I et dn−1b ∈ Jn, ce qui prouve que I et Jn sont comaximaux et le
r´esultat. 2
Lemme 5.4.3 Soit P un point de kr : engendr´e par les monˆomes de degr´e ν et est donc l’ensemble des polynˆomes sans terme de degr´e < ν. Il en d´ecoule que les r´esidus des monˆomes de degr´e < ν forment une base isomorphisme est I(P) . Il en d´ecoule que
k[X]/I(P)ν 'k[X]/I(O)ν
et le r´esultat. 2
Preuve de la proposition 5.4.2 On montre ais´ement que si Pi et Pj sont deux points distincts de kr, les id´eaux I(Pi) et I(Pj) sont comaximaux. Il en est alors de mˆeme des id´eauxI(Pi)m etI(Pj)n par le lemme 5.4.2. Les id´eauxI(P1)ν1, . . . , I(Pn)νn ´etant deux `a deux comaximaux, l’application du lemme 5.4.1 donne l’isomorphisme d’anneau
k[X]/
qui est aussi un isomorphisme de k-alg`ebres. La comparaison des dimensions sur k nous am`ene alors `a polynˆomef admet une solution de multiplicit´e sup´erieure ou ´egale `aν enP si et seulement si f appartient `a I(P)ν.
Preuve Le polynˆome f admet une solution de multiplicit´e sup´erieure ou ´egale `aν en P si et seulement si le polynˆome ˜f(X) =f(X+P) (=f(x1+a1, . . . , xr+ar)) admet une solution de multiplicit´e sup´erieure ou ´egale `a ν en O (voir d´efinition 4.3.1).
D’autre part, le polynˆome ˜f admet une solution de multiplicit´e sup´erieure ou ´egale `aν en O si et seulement si ˜f s’´ecrit ˜fν+ ˜fν+1+. . .+ ˜fm o`u les ˜fi sont des polynˆomes homog`enes de degr´e ide k[X] (voir l`a encore la d´efinition 4.3.1). Il est clair que l’id´eal I(O)ν d´ecrit dans la preuve du lemme 5.4.3 est exactement l’ensemble des polynˆomes s’´ecrivant sous cette forme.
Enfin, l’id´eal I(P)ν ´etant engendr´e par {(x1 −a1)i1 ·. . .·(xr −ar)ir : Pjij = ν}, le polynˆome f appartient `a I(P)ν si et seulement si ˜f appartient `aI(O)ν. 2
5.4.3 D´ enombrement (premi` ere partie)
Les propositions 5.4.1 et 5.4.2 vont nous permettre de d´enombrer les id´eaux de points, ainsi que leurs intersections et r´eunions.
Proposition 5.4.4 Soit A un sous-ensemble de n points de IFqr
et d > n. Le nombre de polynˆomes de IFq[X]d s’annulant en tout point de A est
1 q
!n
×#IFq[X]d.
Preuve L’ensemble `a d´enombrer est \
a∈A L’application de la proposition 5.4.2 am`ene `a
codim(I) = X
application directe de la relation liant dimension et codimension. 2 Afin de montrer les r´esultats suivants, nous allons rappeler quelques bases du formalisme de la th´eorie des ensembles, dont on trouvera un d´eveloppement plus d´etaill´e dans [BFR]
(section 3.1). Le symbole A+B repr´esente la totalit´e des ´el´ements de A et B compt´es avec les r´ep´etitions. A−B est l’ensemble des ´el´ements de A n’appartenant pas `a B, et sera utilis´e uniquement lorsque B est un sous-ensemble de A. On peut ainsi ´ecrire
A∪B = A+B−A∩B
De mˆeme, siBi est inclus dans Ai pour tout ide 1 `a n
Ces relations sont compatibles avec le cardinal
#(A+B) = #A+ #B
Ces formules sont bas´ees sur ce que l’on appelle parfois principe d’inclusion-exclusion ([BFR] section 3.2).
Corollaire 5.4.1 Soit A un sous-ensemble de n points de IFqr et d > n. Le nombre de polynˆomes de IFq[X]d ayant au moins une solution dans A est
1− 1− 1 q
!n!
×#IFq[X]d.
Preuve L’ensemble des polynˆomes v´erifiant la condition est E = [
a∈A
I(a)d.
En passant au cardinal, par l’´equation (5.6)
#E =
Pour tout k de 1 `a n, B est un sous-ensemble de k points de A avec k < d et d’apr`es la
dont le calcul, par la formule du binˆome de Newton, conduit au r´esultat. 2 Les proposition et corollaire suivants, concernant les polynˆomes ayant des solutions sim-ples, sont analogues aux proposition 5.4.4 et corollaire 5.4.1. Leurs preuves sont constru-ites sur les mˆemes sch´emas.
Proposition 5.4.5 Soit A un sous-ensemble de n points de IFqr et d > (r + 1)n. Le nombre de polynˆomes de IFq[X]d ayant une solution simple en tout point de A est
1 q − 1
qr+1
!n
×#IFq[X]d.
Preuve L’ensemble `a d´enombrer est, par la proposition 5.4.3, E = \
a∈A
I(a)d−I(a)2d , dont le cardinal vaut (´equation (5.7))
#E =
a aussi pour codimension (n−k) +k(r+ 1) . On en d´eduit son cardinal (voir preuve de et celui de l’ensembleE est donc,
Xn Corollaire 5.4.2 SoitAun sous-ensemble den points de IFqr etd >(r+1)n. Le nombre de polynˆomes de IFq[X]d ayant au moins une solution simple dans A est
1− 1−1 q + 1
qr+1
!n!
×#IFq[X]d. Preuve L’ensemble des polynˆomes consid´er´es est
E = [
a∈A
I(a)d−I(a)2d . L’application de la relation (5.6) donne
E= De la proposition 5.4.5 avec #B =k il vient
# \
On arrive au r´esultat en appliquant l`a encore la formule du binˆome. 2 Rappelons pour terminer que notre objectif est de calculer la proportion de polynˆomes de IFq[X]dayant une solution simple dans IFqr
. L’application du corollaire pr´ec´edent avec A= IFqr et n=qr nous donne cette proportion.
Proposition 5.4.6 si d > (r+ 1)qr, la proportion de polynˆomes de IFq[X]d ayant une solution IFq-rationnelle simple est
1− 1− 1 q + 1
qr+1
!qr
.
5.4.4 D´ enombrement (deuxi` eme partie)
Nous allons montrer maintenant que l’hypoth`ese surdpeut ˆetre consid´erablement affaiblie.
Nous utiliserons pour cela le concept de base de Gr¨obner, en nous r´ef´erant `a [CLO] et plus particuli`erement aux sections 2.5, 2.6 et 2.9.
Fixons sur les monˆomes dek[X] un ordre admissible compatible avec le degr´e. On dispose alors d’un algorithme de division dans k[X] . Etant donn´e un ´el´ementf dek[X] , notons LT(f) le terme de tˆete de f pour cet ordre.
SoitI un id´eal dek[X] . Notons LT(I) l’ensemble des termes de tˆete des ´el´ements deI, et hLT(I)il’ideal engendr´e par cet ensemble. PourS ={f1, . . . , fs}un ensemble d’´el´ements dek[X] , notons hf1, . . . , fsi l’id´eal engendr´e par S.
D´efinition 5.4.1 ([CLO] 2.5 d´efinition 5) Un sous-ensemble G={g1, . . . , gt} d’un id´eal I est une base de Gr¨obner si
hLT(g1), . . . , LT(gt)i=hLT(I)i. De plus, une base de Gr¨obner pour I est une base de I.
Proposition 5.4.7 ([CLO] 2.6 proposition 1) Soit G={g1, . . . , gt} une base de Gr¨obner pour un id´eal I de k[X]et soit f appartenant `a k[X]. Alors il existe un unique polynˆome f¯de k[X] tel que :
(i) Aucun terme de f¯n’est divisible par l’un des LT(g1), . . . , LT(gt). (ii) Il existe h∈I tel que f =h+ ¯f.
Dans ce cas, ¯f est le reste de la division de f par G ind´ependamment de l’ordre des gi
dans l’algorithme de division.
Proposition 5.4.8 Soit G = {g1, . . . , gt} une base d’un id´eal I de k[X]. Si pour tout (i, j), i6=j les monˆomes de tˆete de gi et gj sont premiers entre eux alors
G est une base de Gr¨obner pour I .
Preuve [CLO] 2.9, Proposition 4 puis th´eor`eme 3. 2 Soit I l’id´eal de IFq[X] engendr´e par {xq1−x1, . . . , xqr−xr}.
Proposition 5.4.9 GI ={xq1−x1, . . . , xqr−xr} est une base de Gr¨obner pour I.
Preuve C’est une application directe de la proposition 5.4.8, et ce quel que soit l’ordre
choisi. 2
Notons ¯f le reste de la division de f par GI. Quel que soit i, LT(xqi −xi) =xqi . Par le point (i) de la proposition 5.4.7, ¯f n’est divisible par xqi pour aucun i. Autrement dit, le degr´e de ¯f en chaque variable est strictement inf´erieur `aq, et son degr´e total est au plus r(q−1) .
Lemme 5.4.5 Pour tout point a de IFqr
f(a) = ¯f(a).
Preuve Pour tout ´el´ement e de IFq, eq−e = 0 (petit th´eor`eme de Fermat). L’id´eal I est donc un ensemble de polynˆomes de IFq[X] s’annulant en tout point de IFqr . Or le polynˆome f est ´egal `a h+ ¯f o`u h appartient `a I (proposition 5.4.7). 2 Soit Id=I∩IFq[X]d et soit
R={g ∈IFq[X] : ∀i , degxi(g)≤q−1}.
Autrement dit, R est l’ensemble des restes de la division par GI dans IFq[X] . Pour g appartenant `a R, soit
Cd(g) ={f ∈IFq[X]d : ¯f =g}. Lemme 5.4.6 Si d≥r(q−1), alors :
∀g ∈R , #Cd(g) = #Id.
Preuve D’apr`es la proposition 5.4.7, pour tout f ∈Cd(g) il existeh∈I tel que f =h+g .
Or deg(g)≤r(q−1) et donc pour d≥r(q−1)
deg(f)≤ d⇔deg(h)≤d .
L’application f 7→f−g d´efinit donc une bijection entre Cd(g) etId. 2
Lemme 5.4.7 ∀d≥r(q−1), alors :
#Id
#IFq[X]d
= 1
#R , cette proportion est donc ind´ependante de d.
Preuve IFq[X]d= [
g∈R
Cd(g) et cette r´eunion est disjointe. On a donc
#IFq[X]d= X
g∈R
#Cd(g), et par le lemme 5.4.6 X
g∈R
#Cd(g) = #R×#Id.
2 Proposition 5.4.10 La proportion des polynˆomes de IFq[X]dayant une solution dans IFqr est la mˆeme pour tout d≥r(q−1).
Preuve Soit E l’ensemble des polynˆomes de IFq[X] ayant une solution dans IFqr et Ed = E ∩IFq[X]d. Tous les ´el´ements de Cd(g) ont les mˆemes solutions dans IFqr que g (lemme 5.4.5), ce qui entraˆıne
Ed= [
g∈R∩Ed
Cd(g). Cette r´eunion est disjointe et donc
#Ed= X
g∈R∩Ed
#Cd(g). Par le lemme 5.4.6, X
g∈R∩Ed
#Cd(g) = #{g ∈R∩Ed} ×#Id, et en appliquant le lemme 5.4.7,
#Ed
#IFq[X]d = #{g∈R∩Ed}
#R .
Le r´esultat vient alors du fait que pour tout d ≥ r(q−1) , R est inclus dans IFq[X]d et R∩Ed =R∩E. D’o`u
#Ed
#IFq[X]d = #{g ∈R∩E}
#R .
2 Nous allons maintenant montrer un r´esultat analogue pour les polynˆomes ayant une solu-tionsimple dans IFqr. Le raisonnement est parfaitement similiaire, mais pour conserver le caract`ere simple des solutions, nous allons r´eduire par l’id´eal ad´equat. Consid´erons l’id´eal J engendr´e parGJ ={(xq1−x1)2, . . . ,(xqr−xr)2}.
Proposition 5.4.11 GJ est une base de Gr¨obner pour J.
Preuve C’est une application directe de la proposition 5.4.8. 2 Soit ˜f le reste de la division def par GJ, alors par la proposition 5.4.7
f(X) = ˜f(X) +
Xr i=1
ci(X) (xqi −xi)2.
De fa¸con analogue au cas pr´ec´edent, une cons´equence du point (i) de la proposition 5.4.7 est que le degr´e de ˜f en chaque variable est strictement inf´erieur `a 2q, et son degr´e total est au plus r(2q−1) .
Lemme 5.4.8 Soit a ∈IFqr et j ∈ {1, . . . , r} :
f(a) = 0
∂f
∂xj(a) 6= 0 ⇔
f˜(a) = 0
∂f˜
∂xj(a) 6= 0 . Autrement dit
f a une solution en simple en a ⇐⇒ f˜a une solution simple en a. Preuve On a J ⊂I, etf =h+ ˜f o`u h appartient `a J. D’o`u par le lemme 5.4.5
f(a) = ˜f(a). De plus
∂f
∂xj(X) = ∂f˜
∂xj(X)−2cj(X)(xqj −xj) +
Xr i=1
∂ci
∂xj(X) (xqi −xi)2 et l`a encore en appliquant le petit th´eor`eme de Fermat
∀a∈ IFqr , ∂f
∂xj(a) = ∂f˜
∂xj(a).
2 Soit Jd=J∩IFq[X]d et soit
R˜={g ∈IFq[X] : ∀i , degxi(g)≤2q−1}.
Autrement dit, ˜R est l’ensemble des restes de la division par GJ dans IFq[X] . Pour g appartenant `a ˜R, soit
C˜d(g) ={f ∈IFq[X]d : ˜f =g}. Lemme 5.4.9 Si d≥r(2q−1), alors :
∀g ∈R ,˜ # ˜Cd(g) = #Jd .
Preuve D’apr`es la proposition 5.4.7, pour tout f ∈C˜d(g) il existeh∈J tel que f =h+g .
Or deg(g)≤r(2q−1) et donc pour d≥r(2q−1) deg(f)≤ d⇔deg(h)≤d .
L’application f 7→f−g d´efinit donc une bijection entre ˜Cd(g) etJd. 2 Lemme 5.4.10 ∀d≥r(2q−1), alors :
#Jd
#IFq[X]d
= 1
# ˜R , cette proportion est donc ind´ependante de d.
Preuve IFq[X]d= [
g∈R˜
C˜d(g) et cette r´eunion est disjointe. On a donc
#IFq[X]d= X
g∈R˜
# ˜Cd(g), et par le lemme 5.4.9 X
g∈R˜
# ˜Cd(g) = # ˜R×#Jd.
2 Proposition 5.4.12 La proportion des polynˆomes de IFq[X]d ayant une solution simple dans IFqr est la mˆeme pour tout d≥r(2q−1) .
Preuve Soit ˜E l’ensemble des polynˆomes de IFq[X] ayant une solution simple dans IFqr et E˜d = ˜E ∩IFq[X]d. Tous les ´el´ements de ˜Cd(g) ont les mˆemes solutions simples dans IFqr
que g (lemme 5.4.8), ce qui entraˆıne
E˜d= [
g∈R˜∩E˜d
C˜d(g). Cette r´eunion est disjointe et donc
# ˜Ed= X
g∈R˜∩E˜d
# ˜Cd(g). Par le lemme 5.4.9, X
g∈R˜∩E˜d
# ˜Cd(g) = #{g ∈R˜∩E˜d} ×#Jd,
et en appliquant le lemme 5.4.10,
# ˜Ed
#IFq[X]d = #{g∈R˜∩E˜d}
# ˜R .
Pour tout d≥r(2q−1) , ˜R est inclus dans IFq[X]d et ˜R∩E˜d = ˜R∩E˜. D’o`u
# ˜Ed
#IFq[X]d = #{g ∈R˜∩E˜}
# ˜R .
2 Pour terminer, formulons ce que nous voulions montrer.
Th´eor`eme 5.4.1 Pour d ≥ r(q−1), la proportion des polynˆomes de IFq[X]d ayant au moins une solution dans IFqr est
1− 1− 1 q
!qr
.
Preuve Le corollaire 5.4.1 donne cette proportion pour d > qr et la proposition 5.4.10
dit qu’elle est identique pour toutd≥r(q−1) . 2
Th´eor`eme 5.4.2 Pour d≥r(2q−1), la proportion des polynˆomes de IFq[X]d ayant au moins une solution simple dans IFqr est
1− 1− 1 q + 1
qr+1
!qr
.
Preuve Le corollaire 5.4.2 donne cette proportion pour d > (r + 1)qr et la proposi-tion 5.4.12 dit qu’elle est identique pour tout d≥r(2q−1) . 2
5.5 Encadrement du nombre de polynˆ omes de Ω dont le degr´ e chute par r´ eduction
Rappel:D(p) est l’ensemble des polynˆomes de Ω dont le degr´e est pr´eserv´e par r´eduction modulo p.
Notons D(p)(k) = {f ∈ D(p), deg(f) = k} et D(p)(k) = {f ∈ D(p),deg(f) = k}. Le symbole ] d´esignant la r´eunion ensembliste disjointe,
D(p) =
]d k=0
D(p)(k) et D(p) =
]d k=0
D(p)(k).
N.B:D(p)(k) n’est pas le compl´ementaire de D(p)(k) dans Ω (qui serait not´e D(p)(k) ).
Lemme 5.5.1 Soit v un sous-ensemble de P et Q le quotient deM parQp∈vp :
Preuve D´enombrons tout d’abord D(p)(k) . Soit f appartenant `a D(p)(k) . Alors f s’´ecrit de mani`ere unique sous la forme h+g o`u h est un polynˆome homog`ene de degr´e k dont tous les coefficients s’annulent modulo p, et g un polynˆome de degr´e strictement inf´erieur `a k. Le nombre de monˆomes de degr´e k en r variables est ´egal au nombre de monˆomes de degr´e au plus k en r−1 variables, soit ω(k, r−1) . Notons q = M div p. Il y a qω(k,r−1)−1 polynˆomes homog`enes de degr´e k en r variables congrus `a 0 modulo p (−1 pour ne pas compter le polynˆome nul). D’autre part, le nombre de polynˆomes de degr´e strictement inf´erieur `a k estMω(k−1,r). Ainsi,
Nous avons d´eja vu (th´eor`eme chinois) que tous les coefficients de h sont nuls modulo p pour plusieurs nombres premiers p si et seulement si ils sont nuls modulo leur produit.
Ainsi, par un raisonnement analogue `a celui qui pr´ec`ede,
#\
p∈v
D(p)(k) =Qω(k,r−1)−1Mω(k−1,r). Pour passer `a \
p∈v
D(p) , observons queD(pi)(k) ´etant un ensemble de polynˆomes de degr´e exactement k,
ce qui entraˆıne le r´esultat. 2
Nous allons maintenant donner un encadrement de Pr
Lemme 5.5.2 Soit v un sous-ensemble de P :
la derni`ere ´egalit´e s’obtenant par l’´equation (5.4). En utilisant l’´egalit´e (5.8), on arrive `a
Pr puis, ω ´etant croissant en fonction de k, par
Qω(d,r−1)
En utilisant une fois encore la relation (5.4), on arrive `a Enfin, par l’´egalit´e (5.8),
Pr
Nous allons utiliser les divers r´esultats pr´ec´edents pour tenter de r´epondre aux questions de la page 85 en estimant certaines probabilit´es. R´ecapitulons et pr´ecisons les caract´eristiques de notre espace probabilis´e. L’univers Ω est l’espace des polynˆomes enrvariables de degr´e au plusd, et dont les coefficients sont des entiers de l’intervalle [−b, b] . Nous avons pos´e M = 2b+1 , etM repr´esente alors le cardinal de l’ensemble des coefficients. Le nombre de monˆomes enr variables et de degr´e au plus d ´etantω(d, r) , le cardinal de Ω estMω(d,r). L’ensemble P est l’ensemble des nombres premiers {p1, . . . , pn}, avec i < j ⇒ pi < pj.
On prendra d≥r(2pn−1) pour satisfaire les hypoth`eses relatives aux solutions simples.
On va poser de plus
M =m·Yn
i=1
pi
o`u m est un entier strictement positif. Cette hypoth`ese, qui entraˆıne l’ind´ependance des ensemblesEp∗(corollaire 5.2.3), pr´esente l’avantage de simplifier les calculs et de d´eboucher sur des r´esultats plus explicites. Sans donner plus d’arguments pour justifier ces choix, notons que tout espace Ω fonction deM etd tel que nous l’avons d´efini, peut ˆetre plong´e dans un autre v´erifiant ces deux hypoth`eses. Notons aussi queM ´etant impair, lespi sont impairs.
Commen¸cons par ´evaluer la majoration de Pr(C) donn´ee par l’in´egalit´e (5.3) ´etablie page 87, in´egalit´e que nous allons utiliser aveck =bn2c, ce qui nous autorisera certaines simplifications :
Rappelons que Ip est l’ensemble des polynˆomes irr´eductibles de Ωp et Sp l’ensemble des polynˆomes de Ωp ayant une solution simple dans IFpr. Soit Cp =Ip∩Sp, on a Proposition 5.6.1 Sous les hypoth`eses de d´efinition de Ω :
X
Pour prouver cette proposition, nous aurons besoin de connaˆıtre les variations en fonction
x est positive et d´ecroissante sur ]1,+∞[ . Le produit de deux fonctions positives d´ecroissantes l’est aussi, et donc la fonction
xr
xr+1 . Cette fonction est positive et strictement d´ecroissante sur [2,+∞[ . Alors
`
a partir de l’in´egalit´e suivante, cons´equence de la concavit´e de la fonction ln , ln(1−v)≤ −v ,
il vient la majoration suivante :
u0(x)≤ −r xr−1v(x) +
D’autre part, sachant que la fonctionv(x) est d´ecroissante pourx≥2 , la fonction 1−v(x) est croissante et est donc minor´ee par sa valeur en 2 soit 12 + 2r+11 . En inversant, cette derni`ere quantit´e n’´etant autre que v(x)
x . Il vient alors
Le produit est donc strictement n´egatif, et la fonction fS est d´ecroissante sur [2,+∞[ . 2
et du th´eor`eme 5.4.2 page 110
Les deux quantit´es ci-dessus sont d´ecroissantes en tant que fonction de p (lemme 5.6.1).
Notons W(p) leur somme, il en est de mˆeme pour W(p) et
ce qui nous am`ene `a
puis au r´esultat par la majoration du lemme 5.5.2. 2
• Majoration de Pr(C)
Reprenons l’in´egalit´e (5.3) page 87 : Pr(C)≤ X
Preuve Il suffit d’utiliser les majorations des propositions 5.6.1 et 5.6.2 ci-dessus et de remarquer que
De mˆeme, on a 1 + 6 M est aussi plus grand que 2 et donc
M Enfin, ´etant donn´es deux nombres positifs A etB :
Y En combinant ces majorations, nous arrivons `a
Pr(C)≤ n
Nous pouvons maintenant apporter une r´eponse satisfaisante `a la premi`ere question de notre probl`eme (page 85). En effet, nous avons vu que
PrC|A = 1− Pr (C)
Posons
Yd,r(n) = n bn2c
!bn
2c
Y
i=1
2 2pir+ 1
piω(d,r−1) +e−pi(r−1)
!
.
Majorer PrC|A par Pr(C) peut sembler grossier mais Yd,r(n) d´ecroit suffisamment vite pour que l’on puisse s’en satisfaire. Par exemple (on consid´erera dans les exemples qui suivent queP est l’ensemble des n premiers nombres premiers) :
Y50,2(5)'0,27, Y50,2(7) '0,013 , Y50,2(9)'8,3 10−5.
Ceci est notamment du au fait que Pr(A) est tr`es voisin de 1, confirmant ce que nous laissions entendre `a la section 4.2 : un polynˆome “al´eatoire” a une forte probabilit´e d’ˆetre absolument irr´eductible. Nous pouvons maintenant ajouter `a cela que s’il l’est, il a une probabilit´e tr`es satisfaisante d’ˆetre d´etect´e comme tel.
Afin de mieux visualiser ce r´esultat, nous donnons ci-dessous des graphiques qui repr´ esen-tent l’´evolution de ln(Yd,r(n)) (en ordonn´ee) en fonction den (en abscisse) pour quelques valeurs du couple (d, r) . L’hypoth`ese d > r(2pn − 1) conduit `a pouvoir n´egliger le terme p2pir+1
iω(d,r−1) dans les zones consid´er´ees pourn : les entiersd etr ´etant choisis, pn doit ˆ
etre inf´erieur `a d+r2r . Les courbes repr´esent´ees sont donc `a peu pr`es celles de la partie exponentielle (autrement dit celle qui correspond aux solutions simples). Les “marches”
sont dues au fait que pour n pair, bn+12 c=bn2c, etY(n+ 1) = n+1n+1−bn
2cY(n) .
20 18 16 14 12 10 8 6 4 0 2
0
-20
-40
-60
-80
-100
r=2 d=300
n∈ {1,2, . . . ,20}
12 10
8 6
4 0 2
0
-50
-100
-150
-200
-250
-300
-350
r=3 d=200
n∈ {1,2, . . . ,12}
6 5
4 3
2 0 1
0
-20
-40
-60
-80
-100
-120
-140
r=4 d=50
n ∈ {1,2, . . . ,6}
En ce qui concerne la deuxi`eme question, nous ne sommes malheureusement pas en mesure de donner une minoration de Pr(A) nous permettant de minorer PrA|C. On comprend mieux, au vu des r´esultats obtenus, que cette deuxi`eme question demande un traitement plus fin que la premi`ere. En effet, si comme nous le pensons la r´eponse est positive, `a savoir que les polynˆomes qui r´esistent au test ont une forte probabilit´e d’ˆetre r´eductibles, il nous faut minorer le rapport Pr(A)
Pr(C) par une valeur proche de 1 . En cons´equence, la minoration du num´erateur et la majoration du d´enominateur doivent ˆetre particuli`erement fines, ce qui paraˆıt difficile `a r´ealiser dans les conditions expos´ees ci-dessus.
Cette ´etude confirme ainsi ce que nous conjecturions : si un polynˆome `a coefficients dans lQ est absolument irr´eductible, il peut ˆetre d´etect´e comme tel par des conditions rationnelles simples `a tester, et ce avec une probabilit´e tr`es satisfaisante. De plus une cons´equence du fait que la probabilit´e de r´esistance au test soit d´ej`a tr`es faible pour des petits nombres premiers est que ces tests sont effectu´es efficacement, et que le crit`ere est donc d´etect´e tr`es rapidement. Nous donnons quelques exemples significatifs pour conclure.
Nous pensons que l’´etape suivante serait de s’affranchir des restrictions sur les param`etres relatives `a la construction de l’espace probabilis´e (e.g. d ≥ r(2pn −1)). Ces restric-tions sont li´ees `a des contingences calculatoires et non pas `a la nature du probl`eme.
Les caract´eristiques (d, r et b) de Ω ´etant choisies, on aimerait plutˆot pouvoir se donner l’ensemble P en fonction de ces param`etres et d’une probabilit´e d’´echec du test choisie
Les caract´eristiques (d, r et b) de Ω ´etant choisies, on aimerait plutˆot pouvoir se donner l’ensemble P en fonction de ces param`etres et d’une probabilit´e d’´echec du test choisie