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Nous avons d´eja ´enum´er´e les avantages et les inconv´enients de la m´ethode de Trager et Traverso. Rappelons qu’elle est toujours la seule valable pour plus de deux ind´etermin´ees, et sur des corps de toute caract´eristique. Du reste, comme nous l’avons vu, son principe donne des r´esultats satisfaisants dans le cadre de la recherche de facteurs lin´eaires.

Dans le cas des polynˆomes en deux ind´etermin´ees `a coefficients dans lQ , la m´ethode de Dominique Duval que nous avons optimis´ee donne des r´esultats sensiblement meilleurs, tout du moins dans la zone de r´eponse commune aux deux m´ethodes, c’est-`a-dire sur des polynˆomes de degr´e inf´erieur `a 15, avec des coefficients de 3 ou 4 chiffres. Au-del`a, la m´ethode de Duval semble mieux r´esister `a l’accroissement du degr´e (jusqu’`a 20), alors que celle de Trager et Traverso r´esiste mieux `a l’augmentation de la taille des coefficients (jusqu’`a 10 chiffres). N´eanmoins, si les temps de r´eponses restent raisonnables, ce n’est pas le cas de la forme du r´esultat, qui s’av`ere dans la plupart des cas difficilement exploitable.

Ces r´esultats ont pu ˆetre obtenus grˆace notamment `a la performance de l’implantation de Mark van Hoeij pour le calcul de l’anneau des entiers, ainsi qu’`a nos optimisations des

´

etapes suivantes :

– le calcul des constantes par un proc´ed´e de normalisation totalement rationnel sur lQ ; – le calcul d’un facteur absolument irr´eductible par un calcul de r´esultant, l`a encore sur lQ .

Enfin, nos remarques sur le calcul d’une base de l’anneau des entiers par normalisation d’une r´eunion de familles g´en´eratrices d’anneaux d’entiers locaux nous permettent de penser que ce calcul peut encore ˆetre am´elior´e : ces familles peuvent ˆetre calcul´ees en parall`ele, par des moyens sp´ecifiques `a chacune d’entre elles, relatifs par exemple `a la nature du pˆole consid´er´e.

2

Les m´ethodes ´etudi´ees ici, ainsi que la grande majorit´e des autres, reposent sur des fonde-ments alg´ebriques. Elles ont la r´eputation (?) d’ˆetre lentes, ce qui s’explique entre autres par les raisons mises `a jour dans l’´etude pr´ec´edente : en r´esum´e, les structures calcul´ees sont plus complexes que celles r´eellement n´ecessaires. Nous l’avons dit page 25, les cons-tantes peuvent ˆetre caract´eris´ees de diff´erentes mani`eres. Pourtant la “piste” alg´ebrique semble toujours avoir la faveur des chercheurs en calcul formel. Sans doute est-ce dˆu en partie au fait qu’elle repose sur des notions connues, sous une forme ou sous une autre, de beaucoup d’entre eux.

La complexit´e technique de ces notions, qui rebutait les programmeurs, peu d´esireux de s’investir dans un travail d’implantation vou´e `a des r´esultats peu enthousiasmants, semble devoir ˆetre compens´ee par les nouveaux int´erˆets qu’elles suscitent (voir par exemple l’implantation en Axiom de l’algorithme de Brill-Noether par Ga¨etan Hach´e pour les codes g´eom´etriques, qu’il est en train d’adapter pour la factorisation absolue sur les corps finis).

Il serait d’ailleurs plus juste pour la plupart de ces m´ethodes, de parler de m´ethodes alg´ebriques-g´eom´etriques, car elles sont bas´ees sur des propri´et´es de nature g´eom´etrique.

Tout au moins la description des parties “calculatoires” semble plus naturelle du point de vue g´eom´etrique : v´erifier qu’une fonction est enti`ere en une place en calculant une param´etrisation de la courbe (Dedekind-Weber), trouver un point simple sur la courbe (Trager-Traverso), etc.

N´eanmoins, le langage alg´ebrique, bien qu’abstrait, est toujours privil´egi´e pour la forma-lisation et la justification des r´esultats sous-jacents. Ce qui est en partie justifi´e par le fait que les machines ne font pas autre chose que du calcul alg´ebrique.

Notre description du calcul d’une base de l’anneau des entiers normale `a l’infini est un bon exemple de cette double nature alg´ebrique-g´eom´etrique : la description du calcul d’une base de l’anneau des entiers est soit alg´ebrique (m´ethode de Ford-Trager), soit alg´ebrique et g´eom´etrique (m´ethode de Dedekind-Weber-Van Hoeij); la normalisation s’appuie sur des propri´et´es de la courbe `a l’infini ... et est ex´ecut´ee par de l’alg`ebre lin´eaire sur lQ .

Partie II

Irr´ eductibilit´ e Absolue – Test

Probabiliste

Nous pr´esentons un test d’irr´eductibilit´e absolue des polynˆomes `a coefficients dans lQ bas´e sur la r´ealisation de conditions rationnelles. Etant donn´e un polynˆome f `a coefficients entiers, si f est irr´eductible et poss`ede une solution rationnelle simple, alorsf est absolu-ment irr´eductible. De fa¸con usuelle en arithm´etique, nous recherchons ces conditions sur la r´eduction def modulo un nombre premier. Si un tel nombrepest trouv´e, et si le degr´e def ne chute pas par r´eduction modulo p, alors f est absolument irr´eductible.

Cette ´etude est divis´ee en deux parties. Dans la premi`ere, nous rappelons des r´esultats montrant que ces conditions suffisantes d’irr´eductibilit´e absolue sont presque toujours r´ealis´ees : si f est absolument irr´eductible, le crit`ere constitu´e de ces deux conditions est r´ealis´e modulo p pour tout p premier sauf pour un nombre fini. Nous d´eterminons un majorant de l’ensemble des “mauvais” p, fonction du degr´e et de la taille des coefficients def. N´eanmoins, ce majorantB(f) est trop grand pour permettre une recherche effective des conditions modulop pour p sup´erieur `a B(f) .

Nous ´etudions dans la deuxi`eme partie l’occurrence du crit`ere pour des nombres premiers

“al´eatoires”, que l’on choisira petits en pratique. Nous montrons que la probabilit´e que le crit`ere ne soit pas r´ealis´e moduloppour plusieurs nombres premierspdiminue rapidement avec leur nombre, de telle sorte que l’on peut en tirer un test probabiliste efficace de d´etection des polynˆomes absolument irr´eductibles `a coefficients rationnels.

Nous avons implant´e ce test en Maple, et nous donnons en conclusion une liste d’exemples trait´es. Les r´esultats sont tout `a fait convaincants quant `a son efficacit´e.

Chapitre 4

Des conditions rationnelles d’irr´ eductibilit´ e absolue

Cette premi`ere partie est consacr´ee `a l’´etablissement de conditions n´ecessaires et suf-fisantes d’irr´eductibilit´e absolue des polynˆomes `a coefficients entiers. Etant donn´e un polynˆomef enrind´etermin´ees `a coefficients dansZZ, sif est irr´eductible sur lQ et admet une solution simple dans lQr, alors f est absolument irr´eductible. La deuxi`eme condition n’´etant en g´en´eral pas r´ealis´ee, il est naturel de rechercher ces mˆemes conditions sur la r´eduction de f modulo un nombre premierp et d’en d´eduire l’irr´eductibilit´e absolue de f modp, et celle def si son degr´e est conserv´e par la r´eduction.

Apr`es avoir pr´ecis´e les notions et propri´et´es ´evoqu´ees, nous allons rappeler des r´esultats qui montrent que l’irr´eductibilit´e absolue (et donc l’irr´eductibilit´e) de f est conserv´ee modulo p pour presque tout p, et d’autre part que f mod p admet une solution simple dans IFpr, l`a encore pour presque tout p. Ayant ainsi montr´e que l’ensemble des “mau-vaises r´eductions” est fini, nous en donnerons un majorant pour un polynˆome en deux ind´etermin´ees.

4.1 efinitions et propri´ et´ es fondamentales

Soit k un corps, k une clˆoture alg´ebrique de k et x1, . . . , xr (r 1) des ind´etermin´ees sur k. Soit f un polynˆome de k[x1, . . . , xr] . On note deg(f) son degr´e total.

D´efinition 4.1.1 Le polynˆome f est ditabsolument irr´eductibles’il est irr´eductible dans k[x1, . . . , xr] .

D´efinition 4.1.2 Soit P = (a1, . . . , ar) un point de kr tel que f(P) = 0. Le pointP est appel´e solution simple def si l’une des d´eriv´ees ∂x∂f

i(P) est non nulle.

D´efinition 4.1.3 Un point P de kr tel que f(P) = 0 est appel´e solution k-rationnelle def.

Th´eor`eme 4.1.1 Soit k un corps parfait et f k[x1, . . . , xr]. Si f est irr´eductible sur k et admet une solution k-rationnelle simple, alors f est absolument irr´eductible.

Preuve Supposons que f se factorise sur k f =

Yn i=1

fi , fi ∈k[x1, . . . , xr], n 2,

et admette P comme solution k-rationnelle simple. Le point P est alors solution de l’un des facteurs def. Ce dernier ´etant irr´eductible sur k, ses facteurs sont conjugu´es sur k. Le pointP appartenant `akr est alors solution de tous les facteurs. On v´erifie en d´erivant f que ceci contredit l’hypoth`ese que P est solution simple. 2 Notons que l’on retrouve ce r´esultat comme corollaire direct du th´eor`eme 1.1.1 page 14.

Ce r´esultat est remarquable en cela qu’il ´etablit un lien entre deux propri´et´es de na-tures diff´erentes : l’irr´eductibilit´e absolue d’un polynˆome (ou son ´equivalent g´eom´etrique, l’irr´eductibilit´e d’une d’hypersurface), et la r´esolubilit´e de l’´equation associ´ee dans le corps des coefficients.

En caract´eristique nulle, l’existence d’une solution k-rationnelle pour f est sans doute une condition tr`es forte. Consid´erons le cas k = lQ . Un polynˆome f de lQ[x1, . . . , xr] a en g´en´eral peu de chance d’avoir une solution lQ-rationnelle. De plus, le probl`eme qui consiste `a prouver l’existence d’une telle solution est difficile. On pourra lire le chapitre 1 et en particulier la section 6 de [BCh] pour avoir une id´ee de la difficult´e de ce probl`eme.

Par contre, apr`es avoir ramen´e f dans ZZ[x1, . . . , xr] , en le divisant par son contenu, on peut observer les propri´et´es de sa r´eduction modulo un nombre premier. En particulier, l’irr´eductibilit´e absolue def comme polynˆome de IFp[x1, . . . , xr] entraˆıne celle def comme polynˆome deZZ[x1, . . . , xr] .

Th´eor`eme 4.1.2 Soit f un polynˆome de ZZ[x1, . . . , xr] et p un nombre premier.

Si deg(f modp) = deg(f), alors

f modp absolument irr´eductible (i.e. sur IFp)

= f absolument irr´eductible (i.e. sur lQ ).

Pour prouver ce th´eor`eme, nous aurons besoin de rappeler d’importantes notions d’alg`ebre commutative. Dans la suite, r≥1 et X d´esigne la multivariable x1, . . . , xr.

Lemme 4.1.1 Soit A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Soitf ∈A[X]. Si f ne se d´ecompose pas en produit de deux polynˆomes de A[X] de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f), alors f est irr´eductible dans K[X].

Preuve Supposons que f = f1f2 dans K[X] , avec deg(f1) et deg(f2) strictement plus petits que deg(f) . Notons tout d’abord que si degx

i(f1) = degx

i(f) , alors f n’est pas

primitif enxiet se d´ecompose en produit de deux polynˆomes deA[X] de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f) .

Supposons maintenant que degxr(f1) et degxr(f2) soient strictement inf´erieurs `a degxr(f) . Alors f se d´ecompose en produit de deux polynˆomes de K(x1, . . . , xr1)[xr] de degr´es strictement inf´erieurs `a degxr(f) . L’anneauA´etant factoriel, il en est de mˆeme de l’anneau A[x1, . . . , xr1] ([Lan] section V.6 corollaire du th´eor`eme 10), anneau dontK(x1, . . . , xr1) est le corps des fractions. Il ne nous reste alors plus qu’`a conclure que f se d´ecompose en produit de deux polynˆomes deA[x1, . . . , xr1][xr] en appliquant le corollaire bien connu du lemme de Gauss concernant la factorisation sur les anneaux factoriels ([Lan] section V.6

corollaire du lemme de Gauss). 2

Lemme 4.1.2 Soit K une extension alg´ebrique de degr´e fini de lQ , et soitAl’anneau des entiers de K sur ZZ . Soit un id´eal premier de A et A l’anneau localis´e de A en ℘. Si f est un polynˆome de A[X] non d´ecomposable en produit de deux polynˆomes de A[X]

de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f), alors f est irr´eductible dans K[X].

Preuve Il suffit de montrer que A est factoriel et d’appliquer le lemme 4.1.1. Or ZZ est un anneau de Dedekind et A la clˆoture int´egrale de ZZ dans K est aussi un an-neau de Dedekind ([Sam] section 3.4 th´eor`eme 1). L’id´eal premier est ainsi maximal (cons´equence de la d´efinition d’un anneau de Dedekind), et l’anneau local A est un an-neau de valuation ([Mal] section 9.6 exemple 6.20). C’est donc un anan-neau principal, d’o`u

le r´esultat. 2

Lemme 4.1.3 (Crit`ere de r´eduction) Soient A et B des anneaux int`egres, et soit ϕ : A→B

un homomorphisme. Soient K etL les corps des fractions deAet B respectivement. Soit f A[X] tel que ϕ(f) 6= 0 et deg(ϕ(f)) = deg(f). Si ϕ(f) est irr´eductible dans L[X], alors f ne se d´ecompose pas en produit de deux polynˆomes de A[X] de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f).

Preuve Supposons que f se d´ecompose en produit de deux polynˆomes de A[X] de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f) . Soit f1f2 ce produit; alors, ϕ(f) = ϕ(f1)ϕ(f2) . Comme deg(ϕ(f1)) deg(f1) et deg(ϕ(f2)) deg(f2) , notre hypoth`ese implique en fait que deg(ϕ(f1)) = deg(f1) et deg(ϕ(f2)) = deg(f2) , contredisant ainsi l’hypoth`ese

d’irr´eductibilit´e dans L[X] . 2

Preuve du th´eor`eme 4.1.2 Soit K une extension alg´ebrique de degr´e fini de lQ , et soit A son anneau des entiers sur ZZ. Supposons que f se d´ecompose en produit de deux polynˆomes de K[X] de degr´es strictement inf´erieurs `a deg(f) . Le polynˆome f

est un polynˆome de ZZ[X] , donc de A[X] pour tout id´eal premier de A. Soit un id´eal premier de A et ϕ l’homomorphisme canonique de A dans A/℘. Si deg(ϕ(f)) = deg(f) (autrement dit si deg(f mod p) = deg(f) pour p = ℘∩ZZ), on peut appliquer le lemme 4.1.3. Or l’anneau A/℘ est isomorphe `a une extension alg´ebrique de IFp et est ainsi ´egal `a son propre corps des fractions. Si ϕ(f) est irr´eductible dans A/℘[X] , il est irr´eductible dans A[X] . Il ne nous reste plus qu’`a appliquer le lemme 4.1.2 pour

conclure que f est irr´eductible dansK[X] . 2

Cette d´emarche, naturelle en arithm´etique, se justifie pleinement ici aussi : si la fac-torisation rationnelle est par d´efinition li´ee `a un corps particulier (typiquement le corps des coefficients), ce n’est pas le cas de la factorisation absolue. Nous allons voir (sec-tion 4.2) que l’irr´eductibilit´e d’une hypersurface (donc plus g´en´eralement sa d´ecomposition en ´el´ements irr´eductibles) est conserv´ee sur presque tous les corps finis, plus pr´ecis´ement sauf pour un nombre fini d’entre eux. D’autre part, nous verrons aussi qu’un polynˆome absolument irr´eductible `a coefficients entiers a des solutions, en particulier des solutions simples, moduloppour presque tout ppremier, l`a encore sauf pour un nombre fini d’entre eux (section 4.4). Ceci peut ˆetre exprim´e par la proposition suivante :

Proposition 4.1.1 Soit f un polynˆome de ZZ[X] : f est absolument irr´eductible

⇐⇒Pour presque tout p premier

f modp est absolument irr´eductible et

f modp a une solution IFp-rationnelle simple.

La preuve d´etaill´ee de cette proposition fait l’objet des sections suivantes, et sera synth´ e-tis´ee dans la section 4.5.

En appliquant le th´eor`eme 4.1.1 sur IFp on peut reformuler cette proposition pour en faire un test “effectif” d’irr´eductibilit´e absolue.

Proposition 4.1.2 Il existe une borne B(f) telle que pour p sup´erieur `a B(f) : f est absolument irr´eductible ⇐⇒

f modp est irr´eductible et

f modp a une solution IFp-rationnelle simple.

Ce test est effectif dans la mesure o`u on sait tester l’irr´eductibilit´e modulopet l’existence d’une solution IFp-rationnelle simple, et `a condition que l’on puisse calculer B(f) (o`u un majorant) et effectuer ces tests pour p sup´erieur `a B(f) .

La suite de cette premi`ere partie est consacr´ee `a une ´etude succinte de cette borne, et nous allons justement montrer que son ordre de grandeur ne permet pas la mise en pratique du test ci-dessus. Nous nous int´eresserons plus particuli`erement aux cas des courbes (r= 2), qui a sans doute ´et´e l’objet de plus de travaux et pour lesquelles les r´esultats les plus significatifs ont ´et´e obtenus. Le passage `a plus de deux ind´etermin´ees est d’ailleurs

souvent une g´en´eralisation de ceux-ci. Nous ferons aussi quelques remarques sur le lien entre la factorisation absolue d’un polynˆome et la multiplicit´e de ses solutions rationnelles.