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enseignement ?

Appliquée à l’enseignement du mécanisme optique de la vision, cette question n’a pas de réponse immédiate, et les voies à explorer sont nombreuses : utilisation d’un ou de plusieurs textes historiques, récit oral ou écrit d’une découverte, étude documentaire etc. Quelle que soit la modalité choisie, il nous paraît important qu’elle s’inscrive dans une séquence

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Joshua S. et Dupin J.J. Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques (1993), PUF, 2003, p. 337.

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favorisant l’activité de recherche dans une perspective constructiviste299. Autrement dit, une séquence dans laquelle l’élève soit mis en situation de construire de nouvelles connaissances, et qui tienne compte de celles qu’il possède déjà. Or, l’apprentissage des savoirs scolaires procède non seulement d’un acte intra-individuel et privé (le développement cognitif de l’élève dépend des interactions entre ses propres structures cognitives et les informations qui lui viennent de l’extérieur), mais aussi d’un acte collectif et inter-personnel, comme l’ont montré les travaux des psychologues Willem Doise et Gabriel Mugny dans les années 1970300. Cette dimension sociale de l’apprentissage, connue sous le nom de socio- constructivisme, nous apparaît ici essentielle.

1.1. Pour une approche socio-constructiviste

L’idée fondamentale du socio-constructivisme est que les interactions sociales (échanges, débats entre pairs) sont un moteur du progrès cognitif :

A tout moment de son développement, des compétences spécifiques permettent à l’individu de participer à des interactions sociales relativement complexes qui peuvent donner lieu à de nouvelles compétences individuelles qui pourront s’enrichir de nouveau lors de participations à d’autres interactions sociales301.

La rencontre entre pairs autour d’une tâche peut entraîner des progrès cognitifs individuels. Ainsi, les échanges inter-individuels peuvent-ils parfois conduire à certains progrès cognitifs lorsque l’élève est confronté à d’autres points de vue que le sien, c’est-à-dire, lorsqu’un

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Le terme « constructivisme » est utilisé pour la première fois par Jean Piaget au début du 20e siècle. Selon

Piaget, « l’enfant contribue activement à la construction de sa personne et de son univers ». Autrement dit, l’activité de l’élève est un facteur décisif de l’apprentissage. De façon corrélative l’acquisition des connaissances dépend de la structure de pensée de l’enfant, de ce qu’il sait déjà. Cette prise en compte du « déjà-là » de l’enfant s’avère aujourd’hui fondamental dans l’enseignement. Voir à ce sujet Piaget J. De la pédagogie, Odile Jacob, 1998. Signalons que les méthodes dites « constructivistes » sont inspirées des « méthodes actives » revendiquées

dès la fin du 19e siècle par le philosophe et pédagogue Henri Marion : autour de 1880, s'affirme chez plusieurs

auteurs la nécessité de dépasser la tradition de l’enseignement, qualifiée d'empirique et de routinière, et de fonder la pédagogie sur la science. La psychologie devient alors la science toute désignée pour fonder rationnellement la pédagogie. Ces méthodes furent mises en pratique au début du 20e siècle par Célestin Freinet.

300

Doise W et Mugny G. Le développement social de l’intelligence, Paris, Interéditions, 1981. Voir également Perret-Clermont A.N. La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale, Peter Lang, Bern, 1979, Roux J.P. Médiations entre pairs et co-élaboration de savoirs en milieu scolaire, in Education, 9, 1996, 20-22.

301

Doise W. Logiques sociales dans le raisonnement, Delachaux et Niestlé, Neufchâtel, 1993, p. 126. Cette idée est inspirée des travaux de Lev Vygotsky pour qui les fonctions psychiques supérieures (attention, mémoire, pensée verbale etc.) sont directement issues des rapports sociaux par « transformation de processus interpersonnel en processus intrapersonnels », Vygotsky L. (1933), Le problème de l’enseignement et du développement mental à l’âge scolaire, in Shneuwly B. et Bronckart J.P. (eds), Vygotsky aujourd’hui, Delachaux et Niestlé, Paris, 1985, 95-117.

Troisième partie : proposition de séquence

conflit socio-cognitif a lieu durant l’interaction. Ce conflit socio-cognitif se définit par l’hétérogénéité des opinions, des hypothèses ou des réponses des élèves à un même problème. L’efficacité du conflit vient d’une part de ce que la confrontation explicite des points de vue dans la rencontre inter-individuelle rend présentes différentes réponses possibles, et d’autre part, de ce que l’autre fournit, en plus de sa réponse, des indications sur un cheminement de pensée différent. Cette altérité ouvre des voies de résolution nouvelles, et offre à l’élève un cadre de réflexion inédit. Dans ce contexte, l’outil d’enseignement que nous souhaitons élaborer vise une modalité didactique que Joshua et Dupin appellent le « débat scientifique dans la classe » :

Il s’agit d’une référence au débat dans la communauté savante, mais ce n’est qu’une référence : il y a en réalité ici un processus de transposition didactique à l’œuvre concernant la méthode plus que les contenus ; c’est plus la forme du débat qui est transposée que son fond. En effet, ce dernier concerne la construction culturelle des connaissances dans la société savante, alors que sur le plan didactique, seule est concernée l’acquisition des

connaissances déjà établies302.

Les auteurs ajoutent que le débat proposé ne peut être que la conséquence d’une construction artificielle générée par un cadre pédagogique dans lequel la discussion apparaît comme libérée. Le « débat scientifique dans la classe » est créé en référence au « débat dans la communauté savante », c’est-à-dire à ce qu’il est convenu d’appeler une controverse scientifique.

1.2. Intérêt cognitif de l’utilisation d’une controverse scientifique

Du point de vue du contenu, les controverses scientifiques portent sur des énoncés qui visent la production de connaissances durables sur le monde. Selon la définition du sociologue Dominique Raynaud :

Une controverse scientifique est un débat organisé qui se donne pour but des valeurs de connaissance (...) Elle se caractérise par la division persistante et publique de plusieurs

302

Joshua S. et Dupin J.J. Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques, op. cit. p. 336. L’expression « transposition didactique » renvoie aux travaux d’Yves Chevallard. Les mécanismes généraux permettant le passage d’un objet de savoir à un objet d’enseignement sont regroupés sous le nom de transposition didactique. Cette transposition n’est pas un acte de simplification d’objets complexes, mais un acte de contextualisation, et l’objet d’enseignement est intrinsèquement différent de l’objet de savoir qui lui sert de référence puisque son environnement épistémologique est lui-même différent. Voir à ce sujet Chevallard Y. La

Troisième partie : proposition de séquence membres d’une communauté scientifique, coalisés ou non, qui soutiennent des arguments

contradictoires dans l’interprétation d’un phénomène donné303.

Nombreux sont les sujets qui, dans l’histoire des sciences, ont fait l’objet de débats. Ceux-ci s’inscrivent en général dans la durée (entre plusieurs années et plusieurs siècles), et ne s’achèvent que par ce que Raynaud appelle un « règlement ». Ce règlement inclut la résolution du problème posé (elle suppose la plupart du temps la découverte d’une solution rationnelle), mais également l’accord des parties304.

La controverse scientifique en tant que support d’enseignement nous intéresse pour deux raisons. D’abord parce qu’elle est le lieu d’un débat dont la transposition en classe pourrait s’avérer efficace d’un point de vue socio-cognitif ; ensuite, parce que le règlement par lequel elle s’achève pourrait inspirer une stratégie didactique particulière et constituer l’apport extérieur que nous évoquions précédemment.

Dans la situation analysée ici, le débat scientifique dans la classe se construit en référence à la controverse historique. Il s’agit par conséquent de choisir un problème qui, ayant donné lieu à une polémique dans l’histoire des sciences, donne lieu pareillement à un débat au sein de la classe305. Dans le cas particulier de l’enseignement de l’optique, la pertinence d’une telle transposition va donc se trouver suspendue à la connaissance que nous avons des raisonnements des élèves à propos de la vision, et de leur ressemblance éventuelle avec des idées déjà présentes dans l’histoire.

303 Raynaud D. La sociologie des controverses scientifiques, PUF, Paris, 2003, 1-8.

304

Pour une études détaillée des controverse scientifiques, voir Raynaud D. La sociologie des controverses, ibid.

305

On trouvera l’analyse d’une séquence d’enseignement construite à partir d’une controverse historique dans les travaux de Jérôme Viard. Voir Viard J. Peut-on ignorer la cause du rebond ? Une question historique toujours d’actualité, in Viennot L. et Debru C. Enquête sur le concept de causalité, PUF, Paris 2003, 31-55.

Troisième partie : proposition de séquence

2.

Idées des élèves à propos de la vision et