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2. Une histoire des théories de la vision ou comment la

2.6. En conclusion

C’est sur cette controverse à propos de la vision nocturne du chat que s’achève notre histoire du mécanisme optique de la vision. A partir de l’étude du cheminement rationnel de la pensée historique située entre le 5e siècle avant J.C. et le 17e siècle, nous avons cherché à montrer comment la lumière est devenue le stimulus de la vue. En particulier, nous avons souhaité faire ressortir les éléments qui ont favorisé l’émergence d’une explication du mécanisme de la vision rationnellement acceptable, du moins du point de vue du rôle joué par la lumière. Le mécanisme de la vision est un processus à la fois physique, physiologique et psychologique, et il aura fallu plus de vingt siècles pour que ces trois disciplines s’interpénètrent en une explication cohérente, sans que l’une ou l’autre ne soit privilégiée. Vingt siècles donc pour qu’à un traitement géométrique et presque métaphysique de la vision succède un traitement quantitatif où physique, physiologie et psychologie se retrouvent liées tout en s’arrogeant des champs d’étude bien spécifiques.

296 Kepler J. Paralipomènes, op. cit. chapitre V, p. 313.

Deuxième partie : histoire des théories de la vision

A partir du moment où Descartes admet que la lumière est le stimulus de la vue, ce n’est pas seulement son interaction avec l’œil qu’il prend en compte, comme le faisaient Alhazen et Kepler avant lui, mais son interaction avec tout le système visuel. Mais avant cela, avant que la dimension physio-psychologique ne soit rationnellement intégrée à l’explication du mécanisme de la vision, il aura fallu tout le génie d’Alhazen pour parvenir à penser l’œil comme récepteur d’une entité provenant des objets et indépendante de ceux-ci. A partir du 11e siècle, la vue ne procède plus d’un contact direct entre œil et objet (quel que soit le sens considéré, depuis ou vers l’œil), mais d’un contact entre l’œil et une entité intermédiaire diffusée par les objets éclairés : la lumière. Que l’interprétation géométrique et quasi physiologique proposée par Alhazen soit fausse, il n’en demeure pas moins que la vision s’explique désormais d’un point de vue physique par une entrée de lumière dans l’œil, ce qui constitue l’une des avancées conceptuelles de l’histoire des sciences les plus remarquables : la lumière (et donc la vision) devient géométrisable et quantifiable, et la science classique occidentale peut dès lors s’intéresser aux effets de la lumière sur les organes de la vision et sur la sensation visuelle, mais également à la nature de la lumière elle-même. Elle peut également mettre un terme à la controverse persistante du sens de la vue. C’est le cheminement rationnel qui conduit Alhazen à rompre avec les théories antiques de la vision dont nous souhaitons nous inspirer pour construire notre outil d’apprentissage. Rappelons que l’objectif de connaissance visé par cet outil est le suivant : « pour voir un objet, il est nécessaire que de la lumière provenant de cet objet pénètre dans l’œil ». Comme nous avons pu le voir tout au long de ce parcours historique, l’entrée de lumière dans l’œil est une condition certes nécessaire à la vue, mais non suffisante. Pourtant, nous faisons le choix de nous limiter à cette condition nécessaire. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous ne nous intéresserons pas au rôle du système visuel. Par conséquent, notre outil d’apprentissage intègrera les éléments historiques suivants :

La vision est une passion ; comme tous les autres sens, elle est le résultat de l’action d’un agent extérieur sur un organe spécifique.

Certaines parties de l’œil (notamment la pupille) se modifient en fonction de la quantité de lumière qui les atteint.

La vue est affectée par une lumière trop forte.

Troisième partie : proposition de séquence

TROISIEME PARTIE : L’enseignement du mécanisme

optique de la vision, un apport de l’histoire des sciences

L’acquisition du mécanisme optique de la vision nécessite que l’élève rompe avec ses propres représentations et qu’il construise un modèle dans lequel la lumière devient le vecteur de l’information visuelle, une entité invisible qui relie l’objet regardé à l’œil de l’observateur. Or comme nous le rappellent Samuel Joshua et Jean-Jacques Dupin, le processus intellectuel qui conduit à l’élaboration d’un modèle requiert parfois un apport extérieur :

En général, un apport extérieur s’avère indispensable à une étape ou à une autre du processus [de modélisation], apport qui non seulement guide ou réoriente les élèves, mais modifie radicalement le cadre de leur réflexion. Il s’agit alors de faire passer sous la gestion des élèves des modélisations avancées par le professeur. Mais comme cette introduction répond à un questionnement qui a été longuement mûri, on peut espérer ancrer plus

aisément ce nouveau modèle dans un espace de sens pour les élèves298.

Dans le cas qui nous occupe, l’histoire des sciences va être utilisée comme apport extérieur. Une exposition explicite de la démarche d’Alhazen devrait permettre à l’élève de s’approprier un modèle de la vision rationnellement acceptable. L’objet de cette partie est de définir et d’évaluer une modalité d’utilisation de l’histoire des théories de la vision qui puisse favoriser cette appropriation.

1.

Enseignement assisté par l’histoire des