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Les enquêtes complémentaires par entretiens : individus ressources et acteurs clés

Les entretiens auprès d’acteurs clefs et d’individus ressources en complément de l’enquête famille avaient un double objectif : éviter un enfermement dans les strictes logiques familiales en resituant les individus dans un rapport à d’autres environnements sociaux, et analyser les éléments relatifs au temps des lieux et au temps géographique qui influencent, d’une manière ou d’une autre, les pratiques et les représentations des individus. Au total, j’ai enquêté 93 individus ressources et acteurs institutionnels au cours des différentes phases de la collecte de données.

Entretiens renseignant les pratiques et le vécu de la mobilité spatiale

J’ai d’abord enquêté 30 individus107 au profil très divers mais tous en migration au moment des enquêtes (au Costa Rica, à Saragosse en Espagne et à La Nouvelle-Orléans aux États-Unis). Je me suis également intéressée à des migrants de retour ayant eu une ou plusieurs expériences migratoires en Espagne (Saragosse) et aux États-Unis (Indianapolis, Dallas, Miami). Enfin, j’ai enquêté des individus non migrants restés dans les localités alors que leurs proches étaient en migration. Tous ces informateurs étaient capables de m’informer sur leur rôle dans la mise en œuvre et l’organisation des pratiques de migration108. Ils avaient aussi en commun de ne pas entretenir de liens avec les enquêtés de l’enquête famille.

Pour conduire les entretiens auprès des individus ayant des expériences de mobilité, je me suis fondée sur la section 2 et la section 5 du guide d’entretien de l’enquête famille (voir annexe 6). L’objectif était d’identifier leurs parcours de mobilité et de saisir les éléments

107En 2012, j’ai également élaboré un questionnaire pour prendre la mesure de la mobilité au sein des ménages de la vallée du Río Negro qui s’est adressé à 76 ménages.

108 Ils ont permis d’éclairer plus spécifiquement la dialectique et l’articulation « du partir et du rester » sur laquelle je reviens dans le chapitre 8 (Cortes, 2000; Glick Schiller et Fouron, 2001; Dureau, 2013; Trousselle, 2016).

104 relatifs à leurs expériences et leurs vécus. J’ai également collecté des données me permettant de qualifier les ressources et les activités en mobilité. Les non migrants m’ont permis de renseigner les relations familiales et les liens à distance en l’absence de certains membres, ainsi que les transformations des systèmes d’activités (développement/suspension d’activités, apports de nouvelles ressources).

Entretiens renseignant les activités et les conditions d’emploi

J’ai mené par ailleurs des entretiens auprès de 44 individus109 renseignant plus spécifiquement certaines activités agricoles et non agricoles, notamment sur les conditions et les modalités de travail dans les différents secteurs d’activité. Dans la zone de référence, je me suis focalisée sur des activités clés ou émergentes comme les activités minières, de services (taxis, « tricycles ») et d’élevage de crevettes (voir chapitre 6). En complément, j’ai également enquêté des employeurs de main-d’œuvre immigrante dans les sites de destination migratoire, me fournissant des informations sur les conditions à la fois d’embauche et de travail dans différents secteurs (restauration, aide à la personne, construction, agriculture entrepreneuriale), ainsi que sur les filières d’emploi, formelles et informelles110. Pour conduire ces entretiens, je me suis fondée sur la section 1 du guide d’entretien. Il convient de noter que les individus enquêtés lors des collectes de données de 2012 (137 individus) et 2013 (51 individus) ont été également des personnes ressources ayant permis de documenter les pratiques de mobilité et les activités.

Entretiens renseignant les contextes

Au total, 19 acteurs institutionnels ont été enquêtés, membres des personnels de mairies, d’universités ou d’associations (coopératives d’élevage, collectifs associatifs d’appui aux migrants).

109 L’enquête famille a permis de caractériser de façon assez exhaustive les différentes activités exercées par les membres des sphères familiales. Néanmoins, ces entretiens ont permis d’apporter des informations complémentaires sur certains emplois ou activités.

110 Tout au long de ma thèse je fais référence à la formalité et l’informalité des emplois exercés par les habitants originaires de la vallée du Río Negro dans les différents lieux de l’espace de dispersion. Je considère qu’un emploi est formel s’il est reconnu et réglementé par la législation du pays concerné (par exemple au travers du code du travail). Cela renvoie également à l’existence d’un contrat écrit de travail ; le versement d’une rémunération et l’accès aux bénéfices sociaux tels que, par exemple, la sécurité sociale, la retraite, les congés payés, etc. Il existe des degrés de formalité et d’informalité que je précise en fonction des situations évoquées.

105 J’ai ainsi conduit 6 enquêtes auprès de maires et de fonctionnaires111 des bourgs des communes de la zone de référence, de manière à saisir les dynamiques socio-économiques et les enjeux de développement local. J’ai mené 6 autres enquêtes avec des universitaires au Nicaragua et aux États-Unis, parallèlement à de nombreuses discussions plus informelles (en particulier à l’Institut Nitlapán112 à Managua) pour replacer, à différentes échelles et dans des temporalités plus longues, les transformations territoriales liées aux dynamiques agricoles, rurales et migratoires.

En revanche, j’ai choisi de limiter les entretiens avec des représentants d’organisations de développement (ONG ou autres) intervenant dans la vallée du Río Negro, redoutant que leurs modes d’implication dans la zone créent un biais dans mon travail de recherche113. Toutefois, dans les sites de destinations migratoires (Nicaragua, Costa Rica, États-Unis, Espagne), j’ai enquêté des représentants de collectifs associatifs (églises, associations de défense des droits des immigrés), lesquels m’ont aussi permis de rencontrer des migrants avec lesquels je n’avais pas de contacts depuis le Nicaragua. Ces entretiens m’ont permis de collecter des données sur les raisons et les modalités des relations des migrants avec ces organisations. Ainsi, j’ai enquêté au total 7 membres d’associations, via un guide d’entretien spécifique (voir annexe 8).

3. Justification du choix des sites d’enquête hors zone d’étude

Une fois établie la géographie de dispersion des familles nucléaires enquêtées, l’enjeu était de choisir les sites d’enquête hors de la zone de référence. Ne pouvant pas logistiquement me rendre dans les 65 localités des 8 pays recensés, ce choix s’est fait sur la base des lieux de

111 Les fonctionnaires rencontrés étaient en charge du cadastre, de l’instauration et du suivi de projets agricoles (banque de semences, projet de plantation de pin).

112 Depuis les années 1960, le Cirad et l´institut de Recherches Appliquées pour le Développement Local Nitlapán ont construit différentes coopérations technico-scientifiques centrées sur des thèmes en lien avec l’agriculture. En 2011, l’arrivée de Sandrine Fréguin-Gresh à l’institut Nitlapán a permis de consolider cette collaboration. Grâce à ce partenariat, j’ai pu être accueillie à l’institut Nitlapán, échangeant sur mon travail avec certains chercheurs et techniciens et bénéficiant de l’accès à la bibliothèque et à un bureau.

113 Par exemple, les populations désignées comme « pauvres » ou « isolées », identifiées comme bénéficiaires de projets, sont souvent les mêmes d’un projet à l’autre et d’une association à l’autre. Cela s’explique par les conditions parfois difficiles d’accès à la population dans les temps impartis des projets, qui conduisent les associations à remobiliser toujours les mêmes bénéficiaires. De plus, le peu d’évaluation ex post des projets réalisés, ne permet pas de questionner les impacts de ces derniers à l’échelle locale, ni de s’interroger sur les inégalités d’accès à ces projets humanitaires pour les populations de la zone d’étude. J’ai souhaité m’extraire autant que se peut de ces logiques et pratiques du développement en menant mon travail de terrain en autonomie ou avec l’appui unique de l’institut Nitlapán.

106 résidence et d’activités les plus fréquentés par les membres mobiles de l’enquête famille114. Les sites retenus, par ailleurs, avaient l’avantage d’illustrer les étapes récentes de la recomposition du champ migratoire des Nicaraguayens, telles qu’évoquées dans le chapitre 1.

Les sites d’enquête dans l’espace de dispersion régional