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L’« enquête famille » : le cœur du dispositif méthodologique Sélection des unités familiales à partir de la zone de référence

L’enquête famille concerne huit unités familiales, soit cinq sphères et trois groupes, tels que définis précédemment. Leur sélection s’est faite sur la base de plusieurs critères dont la pertinence a été identifiée en 2012 et 2013 lors de mes premiers travaux (Carte 7).

Mes premiers travaux de terrain dans la vallée du Río Negro en 2012 m’ont permis de raisonner la sélection des unités familiales enquêtées. L’objectif de cette première étude était de comprendre la manière dont la migration s’installait et se construisait au sein des familles et comment était vécue l’expérience migratoire97 (Trousselle, 2012).

Pour ma recherche doctorale, j’ai sélectionné huit sphères familiales en deux temps. J’ai d’abord sélectionné des individus98 sur la base d’entretiens exploratoires en tenant compte de trois critères : i) la diversité des localités de résidence de leurs familles nucléaires dans la vallée Río Negro, sachant que les différentes zones agro-écologiques au sein de la vallée joue sur les activités (notamment agricoles) et les mobilités ; ii) la distance de ces lieux à la frontière et aux routes, et l’accès aux infrastructures de base (eau, électricité, centre de santé). Potentiellement, la proximité à la frontière hondurienne est susceptible d’offrir des opportunités d’émigration ou de mobilités circulaires, et la proximité à la ville ou aux bourgs ruraux permet l’accès aux équipements, aux infrastructures et aux services jouant un rôle sur les logiques de mobilités ; iii) les pratiques de mobilité (diversité des expériences, des formes et des lieux) et de travail (activités agricoles et non agricoles) au sein de ces familles. La combinaison de ces

97 En 2012, je m’étais focalisée sur trois groupes familiaux dont deux « tronqués » et quatre sphères familiales dont trois « tronquées ». Par « tronqué », j’entends le fait que l’information n’avait pu être recueillie pour l’ensemble des membres. Cette première expérience m’a permis de préciser mon unité d’analyse collective pour ma recherche doctorale. En 2013, l’objectif de ma recherche était davantage méthodologique puisqu’il s’agissait d’opérationnaliser sur le terrain le cadre des Sustainable Rural Livelihood. J’ai alors travaillé avec un seul groupe familial.

98 Le premier individu sélectionné est, dans la majorité des cas, devenu l’« Ego » de référence au sein de chaque famille retenue (groupe ou sphère).

98 critères m’a permis de sélectionner une diversité de situations familiales et, en conséquence, de saisir des configurations et des fonctionnements différenciés des systèmes familiaux multi-localisés.

Une fois cette sélection de familles nucléaires stabilisée, j’ai pu élargir le dispositif d’enquête à leurs groupes ou sphères familiales d’appartenance99.

Carte 7 : Localisation des lieux de résidence des unités familiales étudiées dans le site de référence. Source : enquête famille. Réalisation : auteure.

99 Les entretiens exploratoires concernant les individus non retenus pour l’enquête famille ont tout de même servi à documenter les éléments du contexte local ou certaines composantes des systèmes de mobilité et d’activité (voir section 2.3).

99 Les unités familiales initialement sélectionnées se répartissent dans plusieurs communes de la vallée du Río Negro : San Pedro del Norte, San Juan de Cinco Pinos, San Tomas del Norte, Somotillo, Villanueva100. Par ailleurs, comme je le précise plus loin, tous les membres des unités familiales résidant dans la vallée du Río Negro n’ont pas systématiquement été enquêtés (voir section 2.2.2).

Une des originalités (et difficultés) de ma démarche méthodologique consiste dans un premier temps à identifier la composition objectivée de chacune des unités familiales sélectionnées sur la base des liens de parenté. Puis, l’intention était de mener des entretiens auprès d’un maximum des membres de l’unité familiale, quelle que soit leur localisation, dans le temps imparti de mon travail de terrain. Cette démarche a été conditionnée par les moyens financiers et le temps de ma recherche. Il était donc impossible de prétendre à une exhaustivité des entretiens pour l’ensemble des membres des familles. En anticipant cette contrainte, j’ai cherché à ce qu’une diversité de profils d’individus soit représentée au cours de la collecte de données101. De même, la répétition des entretiens auprès d’un nombre important d’individus m’a permis d’atteindre un certain niveau de saturation des informations collectées. J’ai ainsi pu réorienter en permanence la collecte de données afin de privilégier les membres des familles pressentis comme centraux au sein de chaque famille.

Au final, l’enquête famille concerne cinq sphères familiales et trois groupes familiaux (Tableau 5). Les huit unités familiales étudiées regroupent un total de 33 groupes familiaux et de 399 individus. Ce chiffre correspond aux compositions objectivées des unités familiales étudiées, c'est-à-dire à tous les membres identifiés lors de mes entretiens, qu’il s’agisse des individus renseignés (285) ou juste mentionnés (114) (voir section 2.2.2).

100 L’absence d’unité familiale étudiée dans la commune de San Francisco del Norte, s’explique par le fait que j’ai privilégié la commune voisine de San Pedro del Norte au regard des critères retenus et que la phase exploratoire ne m’a pas amené vers cette commune. Les localités indiquées sur la carte où aucun entretien n’a été mené sont celles de Las Mesitas, El Espino, Cayanlipe et La Fragosa. À noter également qu’une partie des membres de ces unités familiales étaient en mobilité au moment de l’enquête.

101 Ces profils d’individus correspondent par exemple aux migrant·e·s et non migrant·e·s ; aux femmes et hommes, aux jeunes célibataires ou aux chef·e·s de famille, aux personnes âgées ou encore aux étudiant·e·s.

100 Unités familiales (SF et GF) Nombre de groupes familiaux Nombre de familles nucléaires composant les groupes Nombre d’individus composant les familles

nucléaires 1 – SF 6 28 124 2 – SF 4* 20 74 3 – GF 1 3 13** 4 – GF 1 8 29 5 – GF 1 2 12 6 – SF 4 10 46 7 – SF 8 11 60 8 – SF 8 10 41*** Total 33 92 399

Tableau 5 : La composition objectivée des unités familiales étudiées102.

Les différents statuts des individus concernés par l’« enquête famille »

Dans l’« enquête famille », tous les membres des familles retenues n’ont pas les mêmes statuts (Tableau 6 et Graphique 3). Je distingue les individus « enquêtés », c’est-à-dire « renseignés directement » à l’occasion d’un ou de plusieurs entretiens menés en face à face. J’identifie ensuite les individus « renseignés indirectement » qui sont ceux pour lesquels un « enquêté » m’a fourni l’information le concernant, celui-ci faisant partie de la même famille nucléaire (conjoint·e, parent) ou du même groupe familial (sœur, frère, grands-parents). Je distingue enfin les individus qui n’ont pas été « enquêtés », ni « renseignés indirectement » mais qui ont été « mentionnés » au cours des entretiens. Je n’ai pas pu recueillir d’information sur ces membres « mentionnés », car ils pouvaient être décédés au moment de l’enquête, en migration hors des sites sélectionnés de l’enquête famille ou parce qu’il existait des conflits familiaux entraînant la rupture de certains liens103 (voir section 4.2.2). D’autres étaient indisponibles au moment de mes passages et enfin, certains ne me sont pas apparus essentiels pour l’étude car leur filiation, la nature des rapports sociaux et le degré de proximité sociale avec la famille d’étude étaient plus lâches104. Au final, seulement 17 individus sur un total de 399 membres composant les unités familiales auraient pu être enquêtés et ne l’ont pas été

102 Les astérisques indiqués dans le tableau sont précisées ci-dessous :

* L’un des frères de la deuxième génération a été rattaché au groupe familial d’une de ses sœurs.

** En réalité, cette unité familiale est composée de 20 individus (et de 4 familles nucléaires) dont 7 appartiennent également à l’unité familiale n°2 au sein de laquelle je les ai comptabilisés.

*** En réalité, cette unité familiale est composée de 47 individus (et de 11 familles nucléaires) dont 6 appartiennent également à l’unité familiale n°7 au sein de laquelle je les ai comptabilisés.

103 Il s’agit par exemple de parents divorcés qui ne peuvent plus voir leurs enfants suite à un conflit conjugal.

101 (4,3% du total). J’ai ensuite épuré mon échantillon des individus renseignés ou mentionnés pour lesquels les informations collectées n’étaient pas fiables105.

Sphère familiale

Total membres de la famille

Membres renseignés Membres mentionnés

n % SF n % SF SF1 124 82 66% 42 34% SF2 74 48 65% 26 35% SF3 13 12 92% 1 8% SF4 29 27 93% 2 7% SF5 12 12 100% 0 0% SF6 46 34 74% 12 26% SF7 60 32 53% 28 47% SF8 41 38 93% 3 7% Total 399 285 71% 114 29%

Tableau 6 : Statuts des individus au sein de l’enquête famille.

Graphique 3 : Membres renseignés et mentionnés par sphères familiales. Source : enquête famille.

Selon les sphères familiales et les groupes, je suis parvenue à enquêter finalement entre 53% et 100% des membres les composant. La majorité d’entre eux correspond à des individus en âge de travailler (de plus de 15 ans). Notons que pour les 33 groupes familiaux concernés par l’enquête, il y a au moins un individu renseigné (à l’exception d’un seul groupe).

102

Le contenu de l’enquête famille

En 2013, comme précédemment expliqué, j’avais déjà conduit une enquête auprès d’une sphère familiale qui avait pour objectif de caractériser son système familial multi-localisé en opérationnalisant l’approche des Sustainable Rural Livelihoods (Trousselle, 2013). Cette enquête m’avait permis de tester différentes méthodes permettant de recueillir des données synchroniques et diachroniques pour caractériser les ressources des individus et des unités familiales, ainsi que leurs activités. J’avais donc déjà pu prendre conscience des difficultés d’enquête, notamment pour obtenir des données diachroniques précises et fiables.

Cette exigence justifie l’ordre des sections du guide d’entretien106 (voir annexe 6). Cela explique aussi que ce guide n’ait été qu’un support servant à me repérer comme le veut la méthode compréhensive. En pratique, le fil de la discussion se faisant, les données énoncées s’enchaînaient, parfois, dans un ordre différent que celui programmé dans le guide d’entretien. Commencer par déterminer la composition familiale objectivée a facilité l’explicitation par l’enquêté des relations sociales liées aux activités et aux mobilités. En effet, ce dernier sachant que j’étais en mesure d’identifier les membres de sa famille, il lui était plus aisé de préciser leurs places dans les différents évènements de sa trajectoire personnelle.

Ensuite, je me suis centrée sur la situation de l’individu au moment de l’enquête, à savoir ses propres activités et ses mobilités mises en œuvre dans l’année, ce qui permettait ensuite d’élargir la discussion aux autres membres de la famille. Cet enchaînement des deux premières sections de l’enquête s’est avéré particulièrement efficace pour la caractérisation des modes de production agricole (pratiques culturales, gestion individuelle ou collective des ressources, règles associées à leur usage).

L’objectif ensuite était de reconstituer les trajectoires de mobilité et d’activité, à partir de l’énonciation des évènements clés de la trajectoire individuelle et familiale. J’ai constaté, dans le processus d’enquête, que l’individu évoquait de façon assez spontanée les moments qui lui

106 Au fil des entretiens, j’ai affiné l’ordre des questions posées. Il s’est avéré être plus efficace de commencer par la composition de la famille. L’identification des différents membres de la famille au début de l’entretien permettait à l’enquêté de les nommer directement lorsqu’il évoquait la mobilisation de son réseau familial pour la réalisation d’activité ou de mobilité. De même, commencer par la caractérisation de la situation des enquêtés au moment de l’enquête me permettait, entre autres, de cibler plus aisément les informations et les mécanismes essentiels à comprendre dans la reconstitution des trajectoires des individus et de l’évolution de l’exploitation agricole par exemple

Le guide d’entretien est composé de 5 sections qui s’ordonnent dans l’ordre suivant : « 1. La cellule familiale : ses ressources et ses activités » ; « 2. Expériences professionnelles et parcours de mobilités » ; « 3. Ressources financières et postes de dépense » ; « 4. Evolution de l’exploitation agricole » ; « 5. Contextualisation et évolution de la mobilité à l’échelle locale ».

103 étaient clefs, ainsi que les ressources qui avaient joué un rôle dans les inflexions de sa trajectoire. De même, en partant de sa situation actuelle, il m’était plus simple de cibler les questions relatives aux situations passées, et d’aborder la trajectoire des autres membres de la sphère familiale (voir annexe 7). La systématisation de l’enquête à l’échelle de la sphère familiale m’a ainsi permis un certain niveau d’exhaustivité des données collectées.

Les enquêtes complémentaires par entretiens : individus