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Effet de l'environnement et de la topographie sur la structure des forêts denses humides . 164

CHAPITRE 5 : LES DRIVERS DE LA DIVERSITÉ STRUCTURALE DES FORÊTS DENSES

5.2.1 Effet de l'environnement et de la topographie sur la structure des forêts denses humides . 164

traverse la Grande Terre du nord-ouest au sud-est. Nous avons donc cherché à comprendre quelles étaient les principales variables abiotiques qui généraient la diversité structurale de ces peuplements forestiers à l'échelle d'une chaîne de montagne. La variabilité de la structure des forêts denses humides a été abordée à partir d'indices de texture obtenus par analyse de texture du grain de la canopée, réalisée avec des images satellitaires Pléiades à très haute résolution spatiale sur une zone d'étude de 812 km2 (voir Chapitre 2).

5.2 Méthodes

5.2.1 Effet de l'environnement et de la topographie sur la structure des forêts denses humides

L'influence de l'environnement et de la topographie sur la texture de la canopée et donc indirectement sur la structure des forêts denses humides a été explorée, au travers de l’analyse des variations des indices de texture au sein des 812 km2 de forêts denses humides couvertes par les images Pléiades disponibles. Dans une première étape exploratoire, afin de mettre en évidence les relations potentielles entre les indices de texture PC1 et PC2 et les variables environnementales et

côté) des huit images satellitaires étudiées. Pour rappel, l’indice de granulosité PC1 décrit le gradient du grain de la canopée depuis les textures fines (valeurs négatives de PC1) vers les textures grossières (valeurs positives de PC1). L'indice d'hétérogénéité PC2 traduit un gradient du grain de la canopée depuis les textures homogènes et de grain intermédiaire (valeurs négatives de PC2) jusqu’aux textures hétérogènes (valeurs positives de PC2).

Les variables environnementales retenues comprenaient les précipitations (en mm), l'insolation potentielle annuelle moyenne (en kWh.m-2) et l'altitude (en m) (Tableau 5.1, Figure 5.1). L'altitude a d'une part été utilisée comme " proxy " de la température de l'air (une diminution d'environ 0,6°C tous les 100m d'altitude est attendue, voir Terborgh 1971 ; Bush et al. 2004). Celle-ci est l'un des facteurs les plus importants qui commandent les processus écologiques clés dans les écosystèmes montagneux, tels que l'évapotranspiration, la fixation et la décomposition du carbone, la productivité et la mortalité des plantes (Chen et al. 1999). D'autre part l'altitude a également été utilisée comme " proxy " de la puissance des vents, la vitesse des vents augmentant avec l'altitude (Lawton 1982 ; Friend et Woodward 1990 ; Arya 1998). En effet, les données de température et de vents ne sont pas disponibles sur notre site d'étude (trop peu de stations météorologiques sur la chaîne de montagnes qui traverse la Grande Terre), et les produits mondiaux tels que ceux fournis par WorldClim sont peu fiables sur les îles océaniques isolées avec des stations météorologiques éparses (Hijmans et al. 2005). Les variables topographiques retenues comprenaient l'inclinaison de la pente (en °) et l'indice topographique d'humidité (CTI, pour compound topographic index, sans dimensions).

Tableau 5.1 : Description des gammes de valeurs des 6 variables environnementales et topographiques utilisées pour expliquer la variabilité des indices de texture sur les 8 images satellitaires étudiées.

Variables

prédictives Altitude (m) Pente (°) CTI

Insolation (kWh/m2)

Précipitations (mm) Min Max Min Max Min Max Min Max Min Max Tous les sites 3 1373 0,3 61 4 15 530 1987 1361 3309 Aoupinié 136 983 1 61 5 12 530 1877 1767 2576 Arago 41 947 0,5 47 5 13 908 1855 1758 2300 Forêt Plate 166 777 0,6 44 5 14 1137 1811 1507 1960 Tiwaé 3 1015 0,7 49 5 15 881 1935 1883 2696 Bouirou 86 737 0,3 42 5 15 1134 1820 1416 1979 La Guen 99 1104 1 51 4 13 1036 1987 1880 3309 Jiève 80 945 2 48 5 12 973 1854 1781 2230 Atéu 8 1373 0,8 54 5 15 777 1954 1361 2609

Figure 5.1 : Distribution des six variables environnementales et topographiques à partir des pixels (50 m de résolution) de forêts des huit images satellitaires étudiées.

L'extraction d'une valeur de chaque variable environnementale et topographique a été réalisée par croisement des coordonnées du centre des imagettes des rasters d'indices de texture avec les rasters des six variables environnementales et topographiques, à l'aide du package 'raster' du logiciel R (3.1.2, R Development Core Team 2014), version 3.2.5. Notons qu'avant cette étape, les emprises des rasters de texture ont été limitées à l'emprise du raster des forêts denses humides (digitalisé par photo interprétation visuelle à une résolution au 1/ 3000ème). Les imagettes ont ensuite été classées pour chaque variable environnementale et topographique, selon des intervalles de classes choisis arbitrairement tout en visant une certaine régularité des bornes (Tableau 5.2). Enfin les classes ont été superposées aux ACP des spectres-r de Fourier des imagettes de canopée, en attribuant une couleur

spécifique à chaque classe, le rôle de cette représentation graphique étant de voir si un gradient environnemental ou topographique se superposait aux gradients de texture.

Tableau 5.2 : Bornes des classes utilisées pour l'affichage de chaque variable environnementale ou topographique sur l'ACP des spectres de Fourier.

Variables Bornes des classes Altitude (m) <200 400 600 800 1000 1200 1400 ≥1400

Précipitations (mm/an)

<1600 1800 2000 2200 2400 2600 2800 3000 3200 ≥3200 Insolation (kWh/m2) <1000 1150 1300 1450 1600 1750 1900 ≥1900

Orientation des pentes Nord/Sud (°) >270 ≤90 >90 ≤ 270 Pente (°) <10 20 30 40 50 ≥50 CTI <5 6 7 8 9 10 11 12 13 ≥14 Rappelons que les angles azimutaux soleil-capteur des huit images étudiées sont dans une configuration angulaire " forward ", visée avant, (angle > 140°) qui permet de négliger les variations induites par la " Bidirectional texture fonction (BTF) " sur la texture (voir Barbier et Couteron 2015), et sont de plus compris dans un faible intervalle, entre 146,33° et 149,21° (Tableau 2.1 du chapitre 2), nous permettant d'une part de travailler sur l'ensemble des images et d'autre part de les comparer.

5.2.2 Contribution des variables environnementales et topographiques sur la variabilité des indices de texture

Dans une deuxième étape, afin de comprendre comment les indices de texture PC1 et PC2 varient le long des gradients environnementaux et topographiques par rapport à 188668 pixels de résolution 50 m, nous avons utilisé des " boosted regression trees " (BRT). Les BRT combinent les points forts des modèles d’arbres de régression, qui relient la variable prédite aux variables prédictives

apprentissage la performance prédictive du modèle (Elith et al. 2008). Ce type de modèle a été préféré à un modèle de régression multiple classique au vue de la grande taille de notre jeu de données, des relations potentiellement non-linéaires entre les variables prédites et prédictives, de la présence d'interactions entre les variables prédictives, et de la présence de nombreux " outliers " parmi le très grand nombre de pixels considérés.

Les BRT ont été appliqués sur les indices de texture PC1 et PC2 avec en variables explicatives l'altitude, l'insolation potentielle annuelle moyenne, la précipitation annuelle moyenne, l'inclinaison de la pente et le CTI. L'orientation de la pente a été retirée des modèles BRT car c'était l'unique variable discrète et redondante avec l'insolation. Cette analyse a été réalisée sur les surfaces de forêts denses humides des huit sites étudiés, correspondant aux emprises des images satellitaires Pléiades, sur l'ensemble des sites, ainsi que sur chaque site pris individuellement. En effet, les huit sites étudiés ne sont pas caractérisés par les mêmes gammes de valeurs des cinq variables explicatives étudiées (Figure 5.1). Par exemple le site de Forêt Plate est caractérisé par des gammes restreintes d'altitude (entre 166 et 777 m), d'insolation (entre 1137 et 1811 kWh/m2) et de précipitations (entre 1507 et 1960 mm/an). A l’inverse, le site d’Atéu est caractérisé par une large gamme d'altitude (entre 8 et 1373 m), le site de l'Aoupinié par une large gamme d'insolation (entre 530 et 1977 kWh/m2) et le site de La Guen par une large gamme de précipitations (entre 1880 et 3309 mm/an). Les modèles BRT ont ainsi été appliqués, après calibration globale, sur chaque site individuellement afin de vérifier que l'influence de certaines variables prédictives n'a pas été omise du fait de la globalisation des gradients environnementaux et topographiques. Enfin, sur la base de notre expérience du terrain, nous avions posé l'hypothèse selon laquelle la texture de la canopée serait plus grossière dans les talwegs que sur les crêtes. Un BRT a ainsi été calibré à une échelle spatiale plus restreinte : le versant. La zone d'étude correspondante a été pré-seléctionnée en fonction de la topographie, en choisissant une zone contenant une succession de talwegs et de crêtes. Elle a été choisie sur un flanc du massif du Panié (Site de la Guen) orienté sud-ouest (Figure 5.2). Son emprise couvre une superficie de 2,85 km2 et les variables environnementales et topographiques qui la caractérisent son décrites dans le tableau 5.3.

Figure 5.2 : Extrait de l'image THR Pléiades, seul le canal panchromatique est présenté. La zone indiquée par les pointillés rouges correspond à la zone d'étude utilisée pour tester l'effet du CTI et de la pente sur les gradients de textures PC1 et PC2.

Tableau 5.3 : Descriptions des variables environnementales et topographiques qui caractérisent la zone d'étude utilisée pour tester l'effet du CTI et de la pente sur les gradients de textures PC1 et PC2.

Altitude (m) Pente (°) CTI

Insolation (kWh/m2) Précipitations (mm/an) Min 311 3 5 1181 2687 Max 866 38 12 1803 3101

Tous les modèles ont été ajustés avec le logiciel R (3.1.2, R Development Core Team 2014), version 3.2.5, à l'aide du package " dismo " (Hijmans et al. 2016). La stochasticité du BRT est contrôlée par un " bag fraction " qui indique la proportion de données à sélectionner à chaque étape. Un " bag fraction " de 0,75 a été utilisé, ce qui signifie que, à chaque itération de la procédure de boosting, 75% des données ont été tirées au sort sans remplacement dans l'ensemble du jeu de données d'apprentissage. Le " learning rate " (lr) utilisé pour réduire la contribution de chaque arbre lorsqu'il est ajouté au modèle, a été fixé à 0,01. Le nombre d'arbres (nt) maximal pour la prédiction optimale a été limité à 2000. Enfin, le " tree complexity " (tc) qui se réfère au nombre maximal de nœuds dans un arbre individuel et qui contrôle le niveau maximal d'interaction qui peut être quantifié, a été fixé à 10. Les valeurs de ces paramètres ont été déterminées afin de trouver la combinaison de paramètres qui minimisait l'erreur de prédiction (erreur minimum pour les prédictions des échantillons indépendants, c’est-à-dire non impliqués dans la calibration du BRT).

Les contributions des variables prédictives sont basées sur le nombre de fois qu'une variable est sélectionnée pour une division, pondérée par l'amélioration du modèle au carré résultant de cette division, moyennée sur tous les arbres (Friedman et Meulman 2003). L'influence relative (ou contribution) de chaque variable prédictive est normalisée de sorte que la somme des contributions soit égale à 100.

La visualisation des modèles ajustés dans un modèle BRT est facilement obtenue en utilisant des fonctions de dépendance partielle qui montrent l'effet d'une variable explicative sur une variable expliquée après avoir pris en compte les effets moyens de toutes les autres variables explicatives utilisées dans le modèle BRT. Bien que ces graphiques ne représentent pas parfaitement l’effet de chaque variable explicative (en particulier si ces variables sont fortement corrélées) (Friedman 2001 ; Friedman etMeulman 2003), ils vont ici faciliter l'interprétation des patrons de distribution des indices de texture le long des gradients environnementaux et topographiques.

5.3 Résultats

5.3.1 Exploration des relations entre les gradients environnementaux et topographiques et