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Le défi pour l'estimation de la biomasse aérienne des forêts denses humides à l'échelle

CHAPITRE 4 : CARTOGRAPHIE DE LA STRUCTURE DES FORÊTS DENSES HUMIDES

4.4.6 Le défi pour l'estimation de la biomasse aérienne des forêts denses humides à l'échelle

La précision et l'exactitude de nos prédictions de biomasse aérienne répond aux critères d'admissibilité de l'IPCC pour une méthode de suivi, notification et vérification, à savoir, ne pas dépasser 20 % d'erreur relative (50 t/ha d'erreur absolue) pour des forêts avec des AGB supérieures ou égales à 250 t/ha (Houghton et al, 2009). Nos prédictions d'AGB à l'échelle régionale présentent une erreur relative de 11%, ce qui est assez similaire à celles des prédictions issues de données Lidar, généralement déclarées d'environ 20% (Goetz et Dubayah 2011 ; Zolkos et al. 2013). Cela a donc confirmé, malgré des limites, le potentiel des données optiques THR pour cartographier l'AGB des forêts denses humides. De plus, notre modèle présente une RMSE égale à 40,5 t/ha, alors que la plupart des études reportent des RMSE supérieures (voir Guitet et al. 2015). En outre, contrairement à notre cas, la majorité des études qui présentent une RMSE inférieure à 75 t/ha, comprennent différents types de végétation très contrastés comme les savanes, les forêts ouvertes ou les jeunes plantations, réduisant ainsi mécaniquement la RMSE absolue (e.g. Clark et al. 2011 ; Mitchard et al. 2011), ou prédisent l'AGB à partir de relations allométriques basées uniquement sur le DBH. De fait la non prise en compte des variations de la densité du bois et de la hauteur des arbres diminue artificiellement la variance réelle (e.g. Sales et al. 2007 ; Baccini et al. 2008 ; Clark et al. 2011).

Cependant, la proportion de la variance expliquée par les indices de texture était plus faible que dans certaines études qui ont prédit l'AGB à partir de la méthode FOTO. (Proisy et al. 2007 ; Ploton et al. 2012 ; Bastin et al. 2014 ; Singh et al. 2014, 2015). Ceci peut s’expliquer par le fait que notre étude a été réalisée en zone montagneuse (topographie très variable) sur des forêts denses humides présentant une diversité structurale élevée, localisées sur de vastes étendues, et fragmentées par d'autres types de végétations qui ont dû être pris en compte dans l’analyse de la texture pour des raisons techniques expliquées précédemment (page 102). Ainsi le modèle d'AGB a été appliqué sur cette gamme de texture très hétérogène, et non par classes de texture, ce qui serait une perspective comme montré par les résultats de Bastin et al. (2014). Pour notre étude, le nombre de parcelles par classes de texture (3 à 6 parcelles) aurait été trop limitant. Ainsi notre zone d'étude concentre toutes les contraintes rencontrées par les études citées précédemment. De plus, en comparaison des forêts denses humides d'Amazonie, d'Afrique Equatoriale, d'Asie du Sud ou du Sud-est, les arbres des forêts denses humides néo-calédoniennes présentent, pour un DBH donné, des hauteurs d'arbres plus petites et des aires de couronnes plus faibles (Blanchard et al. 2016), et elles sont caractérisées par une densité de tiges très élevée (voir Chapitre 3 et Ibanez et al. 2016a). L'AGB des grands arbres (DBH ≥ 40 cm) représente entre 16 et 81 % de l'AGB totale des parcelles d'1 ha de forêts denses humides matures (55% en moyenne). Aussi même si les gros arbres représentent une part importante de l'AGB totale, elle est tout de même moindre que celle observée dans la plupart des études, généralement supérieure à 70 % (e.g. Chave et al. 2001 ; Paoli et al, 2008 ; Slik et al, 2013 ; Bastin et al. 2015).Ces différences architecturales et la probable erreur résultant de la contribution de la biomasse des arbres de petites tailles (non visibles en canopée) pourraient donc également expliquer le plus faible R2 observé dans le modèle de prédiction des AGB des forêts denses humides néo-calédoniennes, en comparaison aux études citées ci-dessus.

Au-delà des contraintes citées précédemment nous avons tenté de quantifier les principales sources d'erreur associées aux différentes étapes pour prédire à grande échelle l'AGB des forêts denses humides néo-calédoniennes afin d'améliorer notre modèle. Les erreurs de mesure des variables prédictives (DBH, hauteur, densité de bois) du modèle de biomasse aérienne ne sont a priori pas

avec l'erreur du modèle de prédiction de l'AGB à partir des indices de texture. Deux principales sources d'incertitude doivent être envisagées. D'une part, à l'échelle de l'arbre, l'erreur associée au modèle de prédiction de la hauteur (H) des arbres à partir du DBH, notamment vis-à-vis des arbres appartenant aux strates de sous-bois et de sous-canopée qui présentent une allométrie DBH-H différente de celle des arbres de canopée (Blanchard et al. 2016), or un seul modèle a été utilisé pour prédire les hauteurs et il a principalement été paramétré à partir d'arbres de canopée. De plus, la plupart des forêts denses humides se situent sur la chaine centrale, or des études antérieures ont démontré que l'allométries DBH-Hauteur variait avec la topographie, avec pour un diamètre donné des arbres plus courts sur des pentes raides que sur des pentes douces, à l’instar des résultats, en Inde, de (Robert et Moravie 2003). Ces différences dans l'architecture des arbres (i.e. allométrie DBH-H) ont une influence sur les estimations des biomasses aériennes. D'autre part, à l'échelle du paysage, une deuxième source d'erreur tient à l'utilisation du modèle de prédiction de l'AGB à large échelle, au-delà de son domaine de validité. L'AGB maximum utilisée pour paramétrer ce modèle était de 395 t/ha, or l'AGB de la parcelle d'Atéou était par exemple de 474 t/ha et on peut supposer qu'une partie des forêts denses humides néo-calédonienne est une AGB supérieure à 395 t/ha.

4.5 Conclusion

Les résultats de ce chapitre montrent que des caractéristiques texturales, extraites des images optiques THR Pléiades permettent (1) de fournir une cartographie fiable de l’emprise spatiale des forêts denses humides par rapport à d’autres formes de couvert végétal, (2) de capturer la diversité structurale des forêts denses humides, (3) de prédire les biomasses aériennes des Forêts denses humides dans la gamme de valeurs décrites par les parcelles de terrain dont nous disposions et (4) d'offrir des perspectives pour le premier bilan des stocks de carbone des forêts denses humides calédoniennes