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Chapitre 2 Une nouvelle technique d’interférométrie : PISTIL

2.6 Les différentes propriétés du pistilogramme

2.6.2 Dynamiques accessibles pour la mesure de piston, tip et tilt relatif

Quel que soit les méthodes développées pour analyser le pistilogramme, l’analyseur possède une dynamique des pistons, tips ou tilts relatifs limitée. Nous allons développer dans les sections qui suivent quels sont les éléments limitants de notre analyseur et les moyens disponibles pour augmenter la dynamique de mesure des pistons, tip et tilt relatifs.

2.6.2.1 Piston relatif

L’utilisation d’une technique d’interférométrie afin d’analyser une surface d’onde induit nécessairement une limitation en dynamique de mesures des pistons relatifs.

Si nous rappelons ici la formule d’un pétale obtenue dans l’équation (2-23) dans le cas d’une superposition parfaite des répliques et de la détermination de la valeur au centre du pétale (0,0), c’est-à-dire la mesure du piston relatif 𝑑𝑃𝑖𝑗 seul :

𝐼𝑖𝑗𝜆(0,0, 𝑧𝑜𝑝𝑡𝑖𝑚𝑎𝑙) = 𝑑𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒(0,0) × 2𝐼0× [1 + 𝑐𝑜𝑠 (2𝜋𝑑𝑃𝑖𝑗

𝜆 )] (2-24)

Lorsque nous faisons une estimation du piston relatif 𝑑𝑃̂𝑖𝑗, nous obtenons la formule suivante : 2𝜋𝑑𝑃𝑖𝑗

𝜆 = 2𝜋𝑑𝑃̂𝑖𝑗

𝜆 + 2𝑛𝜋 𝑛 ∈ ℤ (2-25)

Le piston relatif est donc égal à :

𝑑𝑃𝑖𝑗 = 𝑑𝑃̂ + 𝑛𝜆 𝑖𝑗 (2-26)

Le piston relatif est donc connu avec une ambiguïté de λ.

Une manière classique de résoudre cette ambiguïté est d’utiliser une seconde longueur d’onde afin d’augmenter la dynamique de mesure (Polhemus, 1973). Dans sa thèse (Toulon, 2009), B. Toulon a appliqué ce principe à l’interférométrie à décalage quadri-latéral pour la mesure de saut de phase dans le cas d’une surface d’onde segmentée, appelé mode bi-couleur soustractif.

Dans le cas qui nous intéresse, c’est-à-dire la mesure de surfaces d’ondes morcelées, le raisonnement est similaire. L’objectif va être de mesurer le déphasage introduit à une seconde longueur d’onde λ + Δλ, avec Δλ << λ.

Le système d’équation suivant est obtenu pour deux mesures à une longueur d’onde λ et une autre longueur d’onde λ + Δλ :

60 { 𝑑𝑃𝑖𝑗= 𝑑𝑃̂ + 𝑛𝜆 𝑛 ∈ ℤ (1)𝑖𝑗𝜆

𝑑𝑃𝑖𝑗 = 𝑑𝑃̂ + 𝑚(𝜆 + ∆𝜆) 𝑚 ∈ ℤ (2)𝑖𝑗𝜆+∆𝜆 (2-27)

La soustraction de la quantité (1)𝜆 par la quantité 𝜆+∆𝜆(2) donne :

𝑑𝑃𝑖𝑗(1 𝜆− 1

𝜆 + ∆𝜆) =𝑑𝑃̂𝑖𝑗𝜆

𝜆 −𝑑𝑃̂𝑖𝑗𝜆+∆𝜆

𝜆 + ∆𝜆 + 𝑛 − 𝑚 (2-28)

En posant

𝜆𝑣 = 𝜆2

∆𝜆 𝑒𝑡 𝑑𝑃̂ = 𝜆𝑖𝑗𝜆𝑣 𝑣(𝑑𝑃̂𝑖𝑗𝜆

𝜆 −𝑑𝑃̂𝑖𝑗𝜆+∆𝜆

𝜆 + ∆𝜆) (2-29)

Nous obtenons finalement :

𝑑𝑃𝑖𝑗 = 𝑑𝑃̂ + (𝑛 − 𝑚)𝜆𝑖𝑗𝜆𝑣 𝑣 𝑎𝑣𝑒𝑐 (𝑛 − 𝑚) ∈ ℤ (2-30) Le piston relatif 𝑑𝑃𝑖𝑗 est cette fois défini modulo λv, ce qui accroit considérablement la dynamique de mesure. Une application numérique avec par exemple λ = 1064 nm et Δλ = 10 nm, donne λv = 113,2 µm.

Cette augmentation de la dynamique s’apparente à un effet Vernier dont le principe est présenté Figure 2-41.

Figure 2-41 : Schéma représentant l’effet Vernier qui permet d’augmenter la dynamique de mesure du piston relatif grâce à deux longueurs d’ondes λ1 et λ2. Une mesure du piston relatif est effectuée à la longueur d’onde λ1

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(trait rouge), et une autre à λ2 (trait vert). Il existe alors une seule valeur où le trait rouge coïncide avec le trait vert dans l’intervalle –λv/2 et λv/2, où λv est la longueur d’onde virtuelle définie dans l’équation (2-29).

Dans le cas de mesures parfaites du piston relatif à chaque longueur d’onde, seules deux longueurs d’ondes différentes suffisent pour augmenter la dynamique de mesure du piston relatif. En pratique, ces mesures sont entachées d’une erreur due à une incertitude de mesure de l’interféromètre et une incertitude de la longueur d’onde λ, relativement problématique lorsque la valeur du piston relatif est proche de –λ/2 ou λ/2. Celle-ci se trouve alors décalée d’une unité de longueur d’onde en cas d’erreur. Pour pallier ce problème, il faut utiliser une troisième longueur d’onde, judicieusement choisie de telle manière à ce que le piston relatif ne soit pas proche de –λ/2 ou λ/2 pour au moins deux longueurs d’ondes. M. Löfdahl et H. Eriksson (Löfdahl, 2001) proposent en ce sens un algorithme pour résoudre les ambiguïtés de 2π dans le cas d’une mesure multi longueurs d’ondes. À partir d’une estimation de l’erreur de mesure pour chaque longueur d’onde, il devient alors possible de déterminer la dynamique théorique maximale atteinte suivant le choix du nombre et de la valeur des longueurs d’onde.

2.6.2.2 Tip et tilt relatif

Nous allons montrer dans ce paragraphe que les limites en tip et tilt relatifs ont deux impacts sur la formation du système de franges du pétale. Premièrement, un tip ou un tilt de la sous-pupille avec une erreur de pointé (tX,tY), se traduit par une inclinaison de la direction de propagation de la sous-pupille. La conséquence est un mauvais recouvrement des répliques du pétale (Figure 2-42).

Figure 2-42 : Diminution du recouvrement des répliques provenant de la sous-pupille i de centre Mi et de la sous-pupille j de centre Mj. Le diamètre du pétale en rouge devient alors moins important que le diamètre des

répliques.

Le diamètre du pétale en rouge sur la Figure 2-42 devient ainsi égal à 2𝑅𝑡𝑟𝑜𝑢− 𝑀̅̅̅̅̅̅̅𝑖𝑀𝑗. La distance entre les répliques 𝑀̅̅̅̅̅̅̅𝑖𝑀𝑗 avec une erreur de pointé (tX,tY) pour une des deux sous-poupilles i ou j, est égale, dans le repère (x,y,z) centré sur Cij, à :

𝑀𝑖𝑀𝑗

̅̅̅̅̅̅̅ = 𝑧𝑜𝑝𝑡𝑖𝑚𝑎𝑙√(𝑐𝑜𝑠(𝜃)𝑡𝑋)2+ (𝑠𝑖𝑛(𝜃)𝑡𝑌)2 (2-31)

62 Le second impact est une modification de la fréquence et de l’orientation des franges du pétale.

L’équation de l’intensité du pétale (2-32) montre en effet que la fréquence des franges dépend du tip relatif 𝑑𝑡𝑋𝑖𝑗 et du tilt relatif 𝑑𝑡𝑌𝑖𝑗 et donc de l’erreur de pointé des sous-pupilles.

Il faut donc veiller à ce que les critères de dimensionnement de l’interféromètre soient toujours vérifiés, notamment un nombre minimal de franges (paramètre N) correctement échantillonnées (paramètre M), rappelés dans la Figure 2-43.

Figure 2-43 : Critères de limitation de mesures des pétales concernant le nombre minimal de frange N et le nombre minimal de pixel par frange M.

Il existe un couple de valeurs du tip relatif 𝑑𝑡𝑋𝑖𝑗 et du tilt relatif 𝑑𝑡𝑌𝑖𝑗 pour lesquels la fréquence des franges s’annule, nous obtenons alors la teinte plate (les franges disparaissent). Or lorsque nous sommes proches de la teinte plate, il ne peut pas y avoir suffisamment de franges pour pouvoir mesurer correctement le pétale. Il y a donc une limite autour de la teinte plate, représentée par la fréquence porteuse 2/pg, qui dépend de la taille du pétale conditionnant le nombre de franges accessibles.

Ensuite, plus on s’éloigne de la teinte plate, et plus la fréquence des franges du pétale augmente. La limite de mesure est alors imposée par un échantillonnage suffisant qui dépend du nombre de pixels par frange. Si la fréquence des franges devient trop importante, il n’est plus possible de mesurer le pétale, au-delà de cette limite la mesure devient impossible.

Les deux limites précédemment exposées ont été représentées dans la Figure 2-44 en fonction du tip relatif 𝑑𝑡𝑋𝑖𝑗 et du tilt relatif 𝑑𝑡𝑌𝑖𝑗.

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Figure 2-44 : Représentation du domaine de validité de mesure d’un pétale en fonction du tip relatif 𝑑𝑡𝑋𝑖𝑗 et du tilt relatif 𝑑𝑡𝑌𝑖𝑗. En bas, nous avons affiché quelques pétales correspondant à différents couples de valeurs de tip et

tilt relatifs du graphique. Le pétale (0,0), sans tip ni tilt relatif et le pétale A sont dans le domaine de validité. Le pétale B représente un cas où il n’y a pas assez de franges dans le pétale (à l’intérieur du cercle rouge), le pétale

C représente un cas où la fréquence des franges est trop élevée (à l’extérieur du cercle bleu).

Étant donné que nous avons représenté les limites dans le repère (0,𝑑𝑡𝑋𝑖𝑗, 𝑑𝑡𝑌𝑖𝑗), et que le tip et le tilt relatif sont divisés par la longueur d’onde λ dans l’équation (2-32), la position de la teinte plate ainsi que les limites ont donc été multipliées par la longueur d’onde λ sur le graphique Figure 2-44.

Ensuite, la position de la teinte plate est située sur un cercle de rayon 2λ/pg et la position exacte est donnée par l’angle d’orientation des franges θ. Le domaine à l’intérieur du cercle rouge est celui où il n’y a pas suffisamment de franges pour permettre la mesure des pétales, tandis que le domaine à l’extérieur du cercle bleu est celui où la fréquence des franges est trop importante, l’échantillonnage devient alors insuffisant. Les diamètres des cercles rouge et bleu sont déduits à partir de l’équation (2-32) et de l’inégalité Figure 2-43. Le diamètre de la limite intérieure (cercle rouge) vaut 2𝑅 𝑁𝜆

𝑡𝑟𝑜𝑢−𝑀̅̅̅̅̅̅̅̅𝑖𝑀𝑗, et celui de la limite extérieure (cercle bleu) vaut 𝑀𝑝𝑎𝑠2𝜆

𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙.

64 Finalement, l’utilisateur dispose de deux moyens de réglage des erreurs de pointé des fibres lasers. Dans un premier temps, il peut effectuer un réglage grossier pour faire en sorte que les deux répliques du pétale se recouvrent parfaitement, puis un réglage plus fin en mesurant le tip et le tilt relatif du pétale.

2.6.2.3 Ajustement de la sensibilité en tip ou en tilt

Dans la pratique, il sera souvent nécessaire d’adapter les dimensions de la caméra à la surface d’onde morcelée pour que la totalité du pistilogramme se retrouve sur la caméra. Pour cela, nous utilisons un afocal imageur dont la fonction sera d’adapter la surface d’onde morcelée à la bonne taille au niveau du masque de trous.

Cette imagerie, parfois subie, peut être choisie de manière judicieuse. Un exemple unidimensionnel d’une surface d’onde segmentée présentant un piston et un tip est affiché Figure 2-45.

Figure 2-45 : Imagerie d’une surface d’onde segmentée via un afocal de grandissement G. La courbe en bleue représente un piston, tandis que la courbe en rouge représente un tip.

La Figure 2-45 présente l’imagerie d’une surface d’onde présentant un piston et un tip grâce à un afocal de grandissement G. Le théorème de Gouy (Fontanella, 1985) dit qu’il y a conservation de l’amplitude de la phase après passage à travers un système afocal. Dans notre cas, cela signifie que le piston conservera la même valeur, ce qui n’est pas le cas du tip ou du tilt. En effet, l’amplitude est conservée mais les pentes du tip et du tilt se retrouvent multipliées par un facteur 1/G. Dans le cas présenté Figure 2-45, le grandissement étant inférieur à 1, le tip se trouve donc exacerbé au niveau de l’analyseur.

Dans le cas idéal où les répliques sont parfaitement superposées (Mi = Mj,), nous disposons ainsi d’un moyen d’ajustement de la sensibilité de l’analyseur au niveau des tips et tilts. Si l’utilisateur souhaite principalement étudier l’impact des tips et des tilts, il aura tout intérêt à utiliser un système d’imagerie avec un grandissement inférieur à 1 pour les exacerber, tandis que si celui-ci préfère étudier seulement les pistons, il utilisera un grandissement supérieur à 1 afin de minimiser l’impact des tips/tilts.

65 2.6.2.4 Résumé de la dynamique accessible de l’interféromètre

En résumé, l’analyseur permet une mesure du piston relatif à une fraction de longueur d’onde.

Mais grâce à une mesure multi longueurs d’ondes, il est possible d’augmenter considérablement la dynamique. Ce qui signifie que dans le cadre des systèmes de combinaison cohérente à fibres laser, il est possible d’utiliser l’interféromètre au démarrage, lorsque les pistons absolus des fibres laser sont très grands ; et que celui-ci continue à fonctionner lorsqu’il s’agit de mesurer des déphasages fins entre les fibres grâce à la mesure à une seule longueur d’onde.

Concernant la mesure de tip/tilt par dépointé, qui représente un problème fréquent en cophasage de fibres laser, il existe plusieurs méthodes complémentaires suivant l’importance de l’erreur :

- Erreurs importantes (>mrad) : mesurées par le recouvrement des répliques.

- Erreurs fines (quelques dizaines de µrad jusqu’au mrad) : mesurées par analyse du pistilogramme.

- Erreurs très fines (inférieures à la dizaine de µrad) : utilisation du théorème de Gouy pour exacerber les tips/tilts.

L’utilisateur pourra donc utiliser le recouvrement des répliques pour un réglage grossier des tips/tilts de ses fibres lasers, puis analyser le pistilogramme pour un réglage plus fin. Si besoin, il sera possible d’exacerber les tips/tilts grâce au théorème de Gouy en utilisant un système imageur.

Le lecteur aura pu remarquer que nous décrivons l’interféromètre depuis le début de ce chapitre comme étant achromatique grâce au réseau de diffraction. Néanmoins, nous venons de présenter une technique pour augmenter la dynamique de mesure en piston relatif utilisant la variation de ce dernier en fonction de la longueur d’onde, l’interféromètre serait donc devenu chromatique. La section suivante va servir à expliquer ce paradoxe.