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Dupanloup : silence ou contre-attaque ?

GENÈSE D’UN RÉSEAU

ANNÉE 1836 1840 1841 1842 MOIS ET

C. Dupanloup : silence ou contre-attaque ?

Du repos à la riposte

Il est difficile de savoir si Dupanloup a été mis au courant de la polémique des « vœux du clergé » qui semble être surtout une affaire interne, même si le bref du pape a été publié dans L’Ami de la religion388. Dupanloup semble être pourtant bien informé des affaires parisiennes, même s’il se plaint parfois d’être mis à l’écart des événements et d’être oublié de Montalembert : « écrivez-moi donc où en sont les choses. [...] Que pouvons-nous espérer pour la Liberté de l'Église, et de qui ? »389. Ce qui est certain c’est que Dupanloup ne partage pas les vues de Mgr Affre qui a la réputation d’être favorable au pouvoir et qui en 1848 se montre particulièrement conciliant envers le régime républicain. Même sa lettre du 15 mars rappelle son désir de défendre avant tout les intérêts de la communauté catholique et l’indépendance de l'Église. Rappelons que Mgr Affre a été nommé archevêque de Paris par Adolphe Thiers. De par ses idées avancées et son gallicanisme, il est surnommé « Mgr l’Affreux », « lâche », « incohérent » par les légitimistes et les ultramontains pour la tâche des évêques n’est pas de collaborer avec le gouvernement voltairien mais de les harceler et de les subjuguer390. Mais Mgr Affre, qui tient à ne pas lier la cause de l'Église à celle du trône, accueille favorablement l’avènement de la République391. Bien plus, il s’engage pour la cause sociale aux côtés de Frédéric Ozanam, le fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, prenant conscience de la misère des ouvriers et de la nécessité pour le clergé d’être présent sur la question sociale. Ce n’est sans raison qu’il est élevé au rang de « martyr » de la République et de la Religion à sa mort le 27 juin 1848, lorsqu’il est atteint par une balle alors qu’il se rendait sur les barricades pour essayer de calmer les ouvriers révoltés par la fermeture des Ateliers nationaux.

À ce propos, Montalembert écrit à Dupanloup dans sa lettre du 28 juin : « Aujourd’hui je ne résiste plus au besoin de me rapprocher de vous, en présence de ce grand et merveilleux

388L’Ami de la religion et du Roi, dimanche 9 avril 1848, n°4521, T.137, pp.85-89.

389 AD Côté d’Or, Fonds Montalembert, Pièces 455-456, Lettre de Dupanloup à Montalembert, sans date, adressée à Montalembert, 36 bis rue du Bac, Paris. La lettre finit en ces termes : « Adieu, vous êtes un monstre de ne pas m’écrire. Moi je n’ai à vous donner de nouvelles que des ours et des aigles ».

390 Jacques-Olivier Boudon, L’Épiscopat français à l’époque concordataire (1802-1905), Origines, formation, nomination, Paris, Cerf, 1996, pp.85-106.

391 Jean-Louis Ormières, « Jean-Michel FABRE, (éd.), Mgr Affre. Un archevêque au pied des barricades ! », Archives de sciences sociales des religions, n°152, 2010, pp. 9-242.

événement, de la mort de M. l’archevêque de Paris. Ce pauvre homme dont vous avez dit tant de mal, Dieu l’a jugé digne de la plus belle des couronnes. Assurément, sa mort est la plus belle page de l’histoire de l'Église au XIXe siècle »392. L’impression produite par cette morte, rapporte le comte, est immense sur le peuple et même au sein de l’Assemblée, « où la vanité et la jalousie bourgeoises se sentent humiliées et éclipsées par l’auréole du martyre ». La réponse de Dupanloup est sobre, du moins ce dernier ne cache pas son désaccord avec la politique de son métropolitain : « La mort incomparable de Mgr l’Archevêque, les impressions qu’elle donne à ce Peuple, sont des miracles de miséricorde tels que Dieu en fait quand il vient sauver les gens bon gré mal gré. Tout est du même genre depuis quatre mois. Les hommes ne sont rien, ne peuvent rien, font tous plus ou moins qu’ils ne veulent ; ce qui est une marque égale de faiblesse »393.

Fig. 9 : Casse Frères (éditeur) ; Bes A (éditeur) ; Dubreuil F (éditeur), Sublime dévouement du pieux Archevêque de Paris (23 juin 1848), XIXe siècle, 999.8.68, © Mâcon, musée des Ursulines.

392 AD Côte d’Or, Fonds Montalembert, Pièce 453, Lettre de Montalembert à Dupanloup, mercredi 28 juin 1848, Paris.

Il convient de souligner au passage que la mort de Mgr Affre pousse les amis de Dupanloup à réclamer son retour à Paris : « L’abbé Petétot et l’abbé de Beauvais me communiquent vos lettres. Je vous ai écrit aussi le lendemain de la mort de Monseigneur. Nous nous sommes donc entendus tous trois ensemble. Je ne puis joindre Gaston à l’heure qu’il est ; mais je suis sûr qu’il est de notre avis, que vous reveniez sur le champ à Paris, à moins d’impossibilité physique et absolue. M. Molé, que j’ai vu l’autre jour, est entièrement dans la même pensée ». « Tant de choses se présentent où vous avez votre part d’action et que vous seul pouvez accomplir » affirme le père de Ravignan qui multiplie ses instances sentant l’urgence de la situation, étant donné les réflexions qui se mettent déjà en place pour nominer le successeur de Mgr Affre à la tête de l’archidiocèse de Paris394. Le jésuite craint ainsi la nomination d’un prélat encore plus républicain que ne l’a été son prédécesseur, c’est pourquoi il supplie Dupanloup de revenir afin de renforcer les forces conservatrices du clergé parisien.

La voie choisie par Dupanloup se distingue en effet de celle empruntée par l’archevêque de Paris en février 1848. Il opte plutôt pour la prudence même si, pour autant, il ne rejoint pas complètement les autres évêques dans leur attitude méfiante voire alarmiste. Dupanloup prend un chemin intermédiaire entre la conciliation et le conservatisme. Et comme moyen d’action privilégié, Dupanloup choisit encore de prendre la plume et l’encrier pour participer à cette lutte des idées, comme il l’avait fait en 1844 et en 1845. « Dans une admirable solitude à mille lieues du genre humain, seul avec le Saint-Sacrement dans une petite chapelle, et mes pieux hôtes, dont je vous ai plusieurs fois parlé. J’y voudrais travailler à un grand ouvrage, presque achevé, auquel les terribles circonstances où nous sommes donneraient peut-être utilité mais je ne puis rien faire »395. Pour cela, Dupanloup souhaite premièrement se ménager pour se remettre en bonne santé. Ses maux de tête sont tellement intenses à cette période qu’il pensait même y laisser la vie comme il l’écrit lui-même dans son journal intime, le 8 septembre 1848 (soit huit jours après son retour du Dauphiné et de la Savoie) : « C’est pour me préparer à la mort que j’ai fait cette retraite »396. Sa priorité est donc à ce moment-là de retrouver la santé : « Je vais tâcher de me remettre promptement, afin de revenir un peu vaillant au combat »397. En juillet, Dupanloup constate quelques améliorations et se prépare à rentrer à Paris : « Néanmoins je commence à aller

394 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Ravignan à Dupanloup, 28 juin 1848.

395 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 29 mai 1848.

396 Félix Dupanloup, Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Journal intime.

mieux. Je suis dans un si bon air. Je prends des bains si froids que je finis par me rafraîchir la tête, et je crois sentir un mieux réel ». « Je retourne à Paris avec une santé très bonne, sauf ma tête aussi malade qu’avant. Il y a évidemment un mal local qui résiste depuis longtemps et que je ne sais comment déloger »398. Mais le refuge que Dupanloup a trouvé à la Combe ne lui sert pas seulement de lieu de repos. Il prépare sa contre-attaque.

En effet, Dupanloup désapprouve fortement la Révolution qui vient de s’accomplir. Même si en 1845 dans sa brochure De la Pacification religieuse, il semble réconcilier en théorie Église et Révolution en montrant que le véritable esprit de la Révolution est né et s’accomplit dans la religion catholique, dans les faits Dupanloup reste un légitimiste et un royaliste convaincu, opposé aux idées républicaines, démocratiques ou socialistes. Une position qu’il est difficile pour Dupanloup de tenir en février-mars 1848 alors que la Seconde République vient d’être proclamée avec la bénédiction du clergé de surcroît. Inquiet pour l’archevêché de Paris après la mort de Mgr Affre, Ravignan demande à Dupanloup de revenir le plus vite possible dans la capitale : « Tant de choses se présentent où vous avez votre part d’action et que vous seul pouvez accomplir ». « Il est certain, rapporte le père de Ravignan, cela nous revient de tous les côtés, qu’on songe déjà à donner un successeur à M. l’archevêque. Dans le clergé on parle de provoquer une élection de tous les membres pour présenter des candidats »399. Mais malgré l’appel pressant de Ravignan, Dupanloup veut surtout se concentrer sur sa santé et sur la préparation de son riposte car si les événements l’inquiètent, il les interprète également comme un signe de la Providence. Mais l’ambition de Dupanloup diffère de celle de Mgr Affre, car il ne s’agit pas pour lui d’associer l'Église de France au pouvoir républicain qui se met alors en place mais d’utiliser la libéralisation du pouvoir qui est train de s’opérer pour obtenir la liberté de l’enseignement pour laquelle il se bat depuis 1844.

« Le parti de la Providence »

« Au milieu des utopies, des idées de tout genre, des erreurs, des fables, des terreurs dont nous sommes inondés, ce qui est admirable, écrit Dupanloup, c’est le respect profond, universel et pourtant jusqu’à ce jour, pour Dieu et sa religion. [...] Il est évident que quand toute l’Europe tremble ; que quand toutes les plus puissantes choses tombent par un souffle, c’est Dieu qui souffle.

398 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 20 août 1848.

Je lisais ce matin dans s. f. de Sales un mot d’une politique admirable. Décidément [...] je serai du parti de la Providence »400. La « Providence », du latin providentia, signifie « voir avant le temps ». S’il rejette les idées révolutionnaires, il est intéressant de relever que Dupanloup analyse tout de même la Révolution de 1848 de façon positive d’un point de vue religieux, comme s’il vivait lui-même des temps prophétiques, annonçant la venue d’une ère nouvelle.

On aurait pu penser que le providentialisme de Dupanloup l’incite à la passivité, à devenir spectateur des événements. Bien au contraire, la « Providence », mot clef qui revient à maintes reprises dans sa correspondance, sert à justifier la stratégie établie par Dupanloup pour passer à l’action et obtenir gain de cause dans sa lutte pour la liberté de l’enseignement. Il écrit ainsi : « le succès des élections a exaspéré les révolutionnaires : ils ne veulent pas lâcher leur proie. Et en ce moment, ils préparent tout pour un mouvement contre l’assemblée, si elle ne marche pas dans leurs voies. Je ne puis douter que la guerre civile ne soit imminente ; mais en même temps, je crois au triomphe des modérés et des honnêtes gens, pour le jour de la Providence. Dieu continue à donner des marques sensibles de son intervention en nos affaires »401. « Mon cher ami, écrit-il un autre jour à Montalembert, vous voyez trop en noir : humainement vous avez raison. Providentiellement, j’espère mieux »402. Dupanloup encourage son jeune ami, considérant que la place de Montalembert à l’Assemblée fait partie du plan de la Providence pour leur accorder la liberté de l’enseignement, comme le révèle une lettre du 5 mai 1848 : « Je crois que la divine Providence vous voulait à l’Assemblée. Ménagez-vous y beaucoup. La liberté ! Voilà votre thèse et celle de tous nos représentants. L’égalité, et la fraternité, iront toutes seules, si on veut rester dans les limites du Décalogue. Mais la liberté, voilà ce qui n’ira pas, si on ne combat pas à outrance. De loin, je ne puis m’empêcher de croire aux collisions les plus violentes, afin que l’ordre et la liberté triomphent »403. Précisons que pour Dupanloup revendiquer la liberté comme droit commun est une nécessité car c’est sur ce principe que repose l’édifice des constitutions modernes, mais c’est aussi un fait transitoire destiné à faire accepter les droits du clergé en matière d’éducation404. Or la refonte des institutions en 1848 peut constituer une chance pour les catholiques d’une prise en compte de leurs revendications, d’où l’urgence perceptible dans la correspondance de Dupanloup.

400 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 22 mai 1848.

401 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 4 mai 1848.

402AD Côte d’Or, Fonds Montalembert, Pièce 455-456, Lettre de Dupanloup à Montalembert, 11 juillet 1848.

403 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à Montalembert, 5 mai 1848.

404 Netty du Boÿs, Souvenirs de la Combe (Mgr Dupanloup à la Combe), Paris, Pierre Téqui Libraire-éditeur, 1912, pp. 27-37.

Dupanloup considère qu’il a lui-même un rôle central dans le scénario qui est en train de s’écrire : « Il faut se tenir prêt à agir et à parler pour le Jour de sa miséricorde, si [Dieu] se lève ; ou prêt à souffrir, à expier et à mourir, si c’est le Jour de la Justice »405. Pour Dupanloup, les événements lui semblent de plus en plus favorable à une intervention divine en faveur des catholiques et de la liberté de l’enseignement. En tant d'ecclésiastique du groupe, Dupanloup se pose en visionnaire, attribuant les rôles à chacun : Montalembert à l’Assemblée, Falloux au gouvernement, Les frères Riancey à L’Ami de la Religion, .... La Providence sert ainsi de caution pour agir dans l’espace public. Le « parti de la Providence » dont se revendique Dupanloup peut être défini comme un réseau catholique libéral alternatif aux catholiques libéraux de gauche de tendance démocratique et socialiste, tel Lacordaire mais distinct des catholiques intransigeants qui refusent quant à eux l’existence d’un pouvoir politique indépendant de l’autorité spirituelle de l'Église, comme Veuillot. Dupanloup devient ainsi le membre actif, pour ne pas dire le centre, d’un nouveau courant catholique libéral plus conservateur, aussi appelé « l’aile droite du catholicisme libéral ». Dupanloup travaille également à mobiliser l’épiscopat peu présent sur la scène politique et majoritairement dans l’attente de décisions du pape. Déjà en 1847, dans le cadre de la bataille pour la liberté de l’enseignement secondaire, la passivité des évêques avait été dénoncée : « d’après les renseignements qui m’arrivent de tous les côtés depuis deux mois, les évêques ne veulent plus combattre. Les uns ont rendu honteusement les armes que Dieu a déposées entre leurs mains ; les autres, de guerre lasse, ont déposé les leurs. [...] L’esprit de Tours et de Besançon triomphe. On veut en finir à tout prix : la chambre et le ministère, que ces questions fatiguent et ennuient, voteront à la session prochaine une loi telle quelle pour en être débarrassés, et l’épiscopat, infidèle à toutes ses résolutions et à tous ses antécédents, courbera la tête sous le joug, sans rien dire »406.

Il est vrai que Dupanloup et son acolyte Montalembert s’opposent fortement au système démocratique, communiste et socialiste, surtout à partir du moment où les maximes de la Révolution se tournent contre la propriété. Montalembert devient l’un des orateurs les plus réputés de l’Assemblée pour ses discours visant à endiguer le « péril social rouge », notamment sur les questions de la limitation de la liberté de la presse, de l’enseignement ou encore de la restriction du suffrage universel407. Commentant l’insurrection ouvrière de juin 1848, Montalembert écrit à

405 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 17 juillet 1848.

406 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Montalembert à Dupanloup, 11 octobre 1847.

407 Sylvain Milbach, “Les catholiques libéraux et la Révolution française autour de 1848”, Annales historiques de la Révolution française, 362, 2010, pp. 55-78.

ce propos : « Plus je fréquente cette assemblée, et plus je gémis d’en faire partie ». « Il y a quelques honnêtes gens, et un petit nombre d’hommes de cœur : mais la masse est inerte, inintelligente, sans énergie, sans principes, et comme la France qu’elle représente, voulant l’ordre sans aucune des conditions de l’ordre ». « Tenez pour certain, poursuit Montalembert, que Paris ne résistera pas à une seconde attaque comme celle qu’elle vient de subir ». « Pendant quatre jours les insurgés ont été maîtres de la moitié de la ville : leur stratégie était excellente, leur inhumanité sans bornes, avec cela on vient à bout de tout » explique-t-il avec beaucoup d’ironie. Les insurgés sont dépeints comme des « vrais sauvages », les prisonniers arborant une mine fière et arrogante et ne semblent attendre qu’une chose, leur revanche.

Reprenant les termes de Victor Hugo, Montalembert n’hésite pas à qualifier les journées de juin à la fois de « guerre sociale » et de « guerre servile ». Cette guerre, ils la doivent à Proudhon, auteur de cette « belle définition » qui servit de maxime aux insurgés, « la propriété, c’est le vol ». L’un deux ne déclarait-il pas justement au lendemain de l’émeute qu’il s’était battu « parce que tous les propriétaires sont des voleurs ». Selon Montalembert, les journées révolutionnaires de juin viennent confirmer son opinion selon laquelle la France et même l’Europe sont irrévocablement perdues depuis l’avènement de la République, l’ordre et la propriété étant plus que jamais menacés. Mais il reste tout de même un espoir à ses yeux. Tant que l'Église catholique ne sera pas « le complice ou le courtisan de la démocratie », elle sortira plus grande et radieuse de ce déluge408. Peu de jours après ces troubles, Dupanloup écrivait à la princesse Borghèse : « gardons notre bon sens, qui est la chose du monde la plus difficile à garder au milieu du dévergondage des Idées et des Systhèmes [sic] inconcevables qui apparaissent de toutes parts »409.

Pour Dupanloup et comme pour Montalembert, la religion est le dernier rempart de la société. Comme l’explique d’ailleurs Sylvain Milbach, la religion est considérée comme le fondement de l’ordre social : « quand l’Église est attaquée, c’est de fait le dernier verrou de l’ordre qui saute car l’institution divine est au principe de la société »410. C’est pourquoi Dupanloup se prépare à réagir dès le début de la Révolution. En janvier, il s’apprête à lancer Le Péril Social, un journal dont il aurait été directeur, mais le projet n’aboutit pas. En mars, Dupanloup est sollicité pour être élu à l’Assemblée constituante comme il le révèle dans une lettre à la princesse Borghèse : « On voulait me porter dans deux départements. J’ai refusé. J’aime mieux confesser et prêcher ;

408 AD Côte d’Or, Fonds Montalembert, Pièce 453, Lettre de Montalembert à Dupanloup, 28 juin 1848, Paris.

409 Archives Saint-Sulpice, Fonds Dupanloup, Lettre de Dupanloup à la princesse Borghèse, 22 mai 1848.

et puis ma fatigue est extrême ». Dupanloup finit tout de même en ces termes : « Priez pour que ma résignation soit sincère et constante »411. Dans les jours qui suivent, Dupanloup semble bien réserver la voie politique à Montalembert. En homme de lettres, il opte pour l’écrit public comme c’était déjà le cas dans les années 1840.

Dans la lettre qu’il écrit à Albert du Boÿs, pour accepter son offre d’hospitalité, il apparaît clairement que Dupanloup cherche un endroit en retrait pour organiser ses pensées et écrit un ouvrage qui ne soit pas seulement polémique, ce qui ne ferait que rajouter à la surenchère des idées, mais qui soit un véritable traité sur l’importance de la religion catholique dans la société