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GENÈSE D’UN RÉSEAU

Chapitre 1. Dupanloup, l’Église de France et la Contre-Révolution de 1815-1830

A. Dupanloup et la Restauration

Pour bien comprendre les combats menés par Dupanloup sous la Seconde République et les réseaux qui s’organisent autour de sa personne de 1848 à 1851, et même jusqu’à la fin de sa carrière ecclésiastique et politique, il est indispensable de revenir sur la formation de sa pensée. Celle-ci prend sa source dans la période qui suit immédiatement la Révolution française, la Restauration. La France est en pleine mutation et en reconstruction. Quelle forme donner à l’organisation politique du pays ? Le modèle républicain avait cédé sa place à l’empire qui avait lui-même fait place au retour des Bourbons. Loin d’être un simple retour au régime absolutiste déchu comme semble suggérer son appellation, la Restauration est marquée par la modernité politique et sociale. Mue par la volonté de relever les défis majeurs de la paix civile et de la reconstruction politique, sociale et religieuse de la France, la monarchie constitutionnelle de la Restauration doit faire face à la collusion entre de nombreux courants d’idées s’affrontant tout particulièrement sur la question de l’héritage révolutionnaire.

Des réseaux se forment et se consolident, on les appelle les « partis ». Se développe par exemple le parti des ultraroyalistes ou « ultras », partisans d’un retour à la société d’Ancien Régime et surtout d’un pouvoir royal et aristocratique fort. Constitués en bonne partie par les « émigrés » de l’ancienne noblesse qui avaient fui la France au moment des événements révolutionnaires, les « ultras » développent une doctrine spécifique s’appuyant un certain nombre d’écrits dont ceux de l’anglais Edmund Burke. Dans ses Réflexions sur la Révolution française

publiées en 1790, celui-ci défend une conception aristocratique de la société qui exclut la notion universelle des droits de l’homme au profit des droits de la communauté, définis en référence aux traditions d’un peuple. Edmund Burke est ainsi à l’origine d‘un courant de pensée appelé à se renforcer au XIXe siècle : le « traditionalisme ». Or la tradition, pour les nobles, repose sur deux piliers principaux : la monarchie et le catholicisme. En 1796, Louis de Bonald s’approprie les idées d’Edmund Burke dans La Théorie du pouvoir politique et religieux, en condamnant l’individualisme et l’égalitarisme révolutionnaire, destructeur d’une société naturellement organisée et hiérarchisée en corps, familles et métiers. Le traditionalisme trouve son plus éminent défenseur en la personne de Joseph de Maistre, auteur en 1797 des Considérations sur la France, dans lequel il soutient que le destin de la France est réglé par un ordre providentiel qu’aucune constitution écrite ne peut venir contester23.

Dans le camp opposé se placent les défenseurs des idées libérales, républicaines et démocratiques. Parmi ces derniers se distingue Adolphe Thiers, futur associé de Dupanloup en 1850 et premier président de la IIIe République en 1871. Pour l’heure, le jeune avocat issu de la bourgeoisie d’affaires de Provence est monté à Paris où il est actif au sein du journal libéral et très anticlérical Le Constitutionnel. Le périodique est certes favorable à la monarchie parlementaire mise en place sous la Restauration mais il aspire à un changement de dynastie. Le duc d’Orléans est son favori. De 1823 à 1827, Thiers publie une gigantesque Histoire de la Révolution française

qui présente cette dernière comme une étape nécessaire dans l’évolution libérale du gouvernement. Aux côtés d’Adolphe Thiers, se trouve Odilon Barrot, un des leaders parisiens du parti libéral, fils d’un député de la Lozère à la Convention, partisan lui aussi du duc d’Orléans24. Odilon Barrot défend une conception laïque de l’État, indépendant de tout attachement à une église et de tout symbole confessionnel et qui doit poursuivre le bien du pays et de ses habitants dans ce monde présent. À charge à chaque individu de régler la question de l’au-delà avec l’Église de son choix. Quant au gouvernement, il doit accepter tous les citoyens à l’égalité civile. La loi doit être athée25.

C’est dans un environnement « ultra » que se fait l’apprentissage de Dupanloup. Bien que de condition modeste, Dupanloup a grandi dans un milieu à la fois très clérical et très aristocratique, deux vieilles institutions nationales marquées par la « grande tribulation »26 de la Révolution française et principaux viviers de la Contre-Révolution. Unis dans une même communauté de malheurs, la noblesse et le clergé n’ont de cesse d’alimenter la « légende noire » des événements révolutionnaires. La réalité est à nuancer. Sur le plan foncier et politique, la noblesse a bien résisté à l’écroulement de l’Ancien Régime. C’est surtout le clergé qui est « le grand perdant de la Révolution », éliminé de la campagne en tant que propriétaire (il possédait 6 à 10 % du sol) par la nationalisation de ses biens, il tend également à l’être de la vie publique, comme le rappelle l’historien Francis Démier27. Ébranlée dans ses fondements par l'instauration de la liberté des consciences et des cultes, affaiblie par la Constitution Civile du Clergé* qui avait divisé ses membres, l’Église de France a conservé un profond ressentiment à l’égard de la Révolution française.

24 François Furet, La Révolution II. Terminer la Révolution, de Louis XVIII à Jules Ferry (1814-1880), Paris, Hachette Littératures, 1988, p.111.

25 Georges Weill, Histoire de l’idée laïque en France au XIXe siècle, Paris, Hachette littératures, 2004, Préface de

Jean-Michel Ducomte, p.29.

26 Dupanloup, L’œuvre par excellence ou entretiens sur le catéchisme, Paris, Douniol 1868, p. 1 27 Francis Démier, La France du XIXe siècle, 1814-1914, Paris, Seuil, 2000, p.45.

Dans leur Histoire religieuse de la France, Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire dressent à grands traits un tableau de la désorganisation progressive des Églises au sortir de la Révolution et de l’Empire. Si en 1789, le catholicisme est la religion du « roi très chrétien », son influence est omniprésente, bien que contestée. À partir de 1790, la sécularisation est en marche dans les consciences, surtout dans celles des élites. Plusieurs secteurs de la société sont ôtés à l’autorité des institutions religieuses. L’Église catholique n’est plus la gardienne de l’état civil. Il n’est plus nécessaire d’avoir recours à ses services pour la naissance, le mariage et la mort. L’enseignement et l’assistance sont grandement déconfessionalisés. Certaines pratiques et croyances religieuses sont néanmoins tenaces. Ainsi les tentatives de laïciser le calendrier et les fêtes se sont heurtées à la résistance des populations. Sous l’Empire, les cultes catholique, protestant (luthérien et réformé), puis israélite (1808) sont officiellement reconnus. Les clercs sont néanmoins salariés, d’abord les évêques et les curés puis les desservants. Néanmoins les officiants des cultes autres que catholique ne le sont pas28. Il faut ainsi atténuer l’idée d’un effondrement - réclamé ou combattu - de l’Église catholique au sortir de la Révolution française, un effondrement souvent instrumentalisé dans le discours des clercs sous la Restauration pour obtenir plus d’avantages. Dans la première partie de la vie Dupanloup, l’Église de France bénéficie tout de même d’une position favorable malgré l’anticléricalisme du « parti » libéral.

Le contexte historique de son enfance : l’héritage de la Révolution et de la Contre -Révolution

L’enfance de Dupanloup se déroule à l’époque de la monarchie de Louis XVIII, une monarchie qui tente de concilier l’héritage libéral de la Révolution et l’héritage catholique de l’Ancien Régime. En effet en avril 1814, la monarchie est restaurée au profit de Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI, guillotiné en 1793. Un temps inquiétés par la tentative de retour au pouvoir de Napoléon Ier durant la période dite des « Cent-Jours », de mars à juillet 1815, les Bourbons sont ensuite définitivement rétablis sur le trône de France pendant près de quinze ans. Le « retour des Lys » à la tête du gouvernement est loin d’apaiser les tensions au sein du pays. La fin de l’année 1815 est ainsi marquée par la revanche des royalistes sur les bonapartistes. Cette « Terreur

28 Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire (dir), Histoire religieuse de la France, 1800-1880, Toulouse, Éditions Privat, 2000, p.15-16.

blanche », ainsi qu’elle fut nommée par opposition à la « Terreur » de 1793, fait de nombreuses victimes dans le Midi ou en Vendée. Le 25 juin 1815, une centaine de Mamelouks de l’ex-Garde impériale est décimée à Marseille. Pour enrayer ce mouvement de Terreur, Louis XVIII donne d’abord satisfaction au parti royaliste en prenant une série de mesures répressives à l’encontre des « complices » de « l’usurpateur » à savoir des magistrats, des préfets, des pairs et des généraux de Napoléon Ier dont le général Ney29. À partir de 1816, la situation se stabilise. Louis XVIII évince progressivement le « parti de l’Ancien Régime ». Sa ligne politique s’inspire du « parti des doctrinaires » représenté par Royer-Collard, Guizot, Jordan, le comte de Serre, de Broglie et Barante. Rejetant l’idée de démocratie, les « doctrinaires » sont partisans d’une monarchie tempérée. Ils défendent à la fois un pouvoir monarchique fort et des principes fondamentaux de 1789 : « égalité devant la loi, égalité fiscale, égalité devant les emplois, libertés civiles, défense de l’ordre à la lumière de la raison, garantie de l’exercice des libertés publiques, équilibre des pouvoirs ,... »30.

L’historien spécialiste de la noblesse, Bertrand Goujon, met également en avant la ligne libérale suivie par le gouvernement de Louis XVIII dans son analyse des monarchies postrévolutionnaires, celle des derniers Bourbons de 1815 à 1830 et celle de Louis-Philippe de 1830 à 184831. Le terme de « monarchie postrévolutionnaire » forgé par Bertrand Goujon évoque la complexité de la période succédant à l’épopée révolutionnaire qui est une « restauration » des Bourbons et non celle de l’Ancien Régime. La monarchie instaurée en 1815 n’est pas un rejeton de l’époque prérévolutionnaire, ni une simple transition entre des régimes républicains. Elle constitue bien plutôt un temps inédit d’expérimentation du parlementarisme. C’est ce que tend à démontrer depuis une vingtaine d’années l’historiographie nationale qui s’était pendant longtemps désintéressée de la Restauration, comme de tous les autres régimes emportés par des Révolutions32. Entrée dans la modernité économique - avec les prémices de la Révolution industrielle - et à l’origine d’un foisonnement intellectuel, littéraire et artistique, la France de la Restauration doit néanmoins faire l’apprentissage difficile du système représentatif et de la liberté de la presse. La Révolution française ayant marqué une véritable césure dans la société française, la Restauration inaugure un nouveau type de gouvernement en France, une monarchie que Francis

29 Francis Démier, La France du XIXe siècle,1814-1914, Paris, Seuil, 2000, p.73.

30 Ibidem, p.77.

31 Bertrand Goujon, Monarchies postrévolutionnaires 1814-1848, Histoire de la France contemporaine, T. 2, Paris, Seuil, 2012, p.71-121.

32 Matthieu Brejon de Lavergnée et Olivier Tort (dir), L’Union du Trône et d l’Autel ? Politique et religion sous la

Démier n’hésite pas à qualifier de « libérale », car elle entend instaurer un compromis entre les principes de l’Ancien Régime et ceux de 178933.

C’est en effet une monarchie constitutionnelle et parlementaire qui est mise en place par Louis XVIII. Celle-ci a pour socle la Charte « octroyée » par Louis XVIII dès le 4 juin 1814. Le roi reste le centre des institutions mais son pouvoir exécutif et législatif est limité par un ministère et par le pouvoir législatif de deux Chambres, la Chambre des Pairs et la Chambre des députés, ces derniers étant élus au suffrage censitaire. Le nouveau régime cherche non plus à instituer une souveraineté absolue ou individuelle, mais un équilibre des pouvoirs destiné à garantir la liberté des citoyens. Louis XVIII ne désire pas faire table rase des 26 ans de passé révolutionnaire et impérial qui ont suffi à donner une nouvelle mouture à la société française. Le roi multiplie les concessions envers les libéraux au grand mécontentement des ultra-royalistes. En effet, sous la Restauration, émerge une nouvelle génération d’intellectuels libéraux qui estime l’avènement de la « classe moyenne » et le déclin de l’aristocratie comme inéluctable. Le protestant François Guizot, dont le père a été guillotiné pendant la Terreur, prédit dans ses ouvrages le triomphe progressif de la civilisation bourgeoise et l’affranchissement de l’esprit humain. Benjamin Constant, « le grand pédagogue national de la liberté », qui incarne la continuité de la Révolution française avec la Restauration, défend les idées libérales à la Chambre des députés depuis 181934. Les « partis » (le terme n’existe pas encore à l’époque au sens actuel d’organisation structurée dont les membres mènent une action collective dans la société afin de réaliser un programme politique) de droite et de gauche rythment la vie parlementaire mais leur farouche opposition rend difficile l’instauration d’un compromis au sein du gouvernement représentatif35.

Dans ces nouvelles institutions, les pouvoirs publics ménagent la religion car elle est facteur d’ordre et de paix civile. Pour l’Église également, entretenir des rapports étroits avec l’État est primordial pour ne pas perdre son influence et son autorité morale sur la société. S’ouvre ainsi un long débat sur les modalités d’une possible alliance entre le Trône et l’Autel, débat qui perdure durant tout le XIXe siècle et dans lequel Dupanloup est appelé à prendre une part très active. Dans la Charte, Louis XVIII prend soin de faire une place à l’Église catholique, surtout en réponse à la pression des ultra-royalistes qui forment un front commun avec le clergé. Bien que d’inspiration

33 Francis Démier, La France du XIXe siècle,1814-1914, Paris, Seuil, 2000, p.70.

34 Jean Garrigues et Philippe Lacombrade (dir), La France au XIXe siècle, 1814-1914, Paris, Armand Colin, 2003, 2ème édition, pp.30-31. Jean Guarrig

35 François Furet, La Révolution II. Terminer la Révolution, de Louis XVIII à Jules Ferry (1814-1880), Paris, Hachette Littératures, 1988, p.51.

libérale, la Charte offre ainsi de nombreux avantages à l’Église. Les principes du Concordat de 1801 sont consolidés.

Ce traité signé entre le pape Pie VII et Napoléon Ier, le 26 messidor an IX (15 juillet 1801), pose les fondements de la nouvelle organisation des cultes. Il est maintenu sous les gouvernements ultérieurs jusqu’à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Dans le Concordat, la religion catholique y était définie comme « religion de la grande majorité des citoyens français ». Les « dissidents » religieux, tels les protestants ou les juifs, étaient néanmoins protégés par les articles organiques rajoutés au Concordat sans consultation du pape le 8 avril 180236. Le Concordat avait réorganisé la structure même de l’édifice ecclésiastique en prévoyant un nouveau découpage des diocèses et en définissant leur organisation interne. Il fixait le renouvellement complet de l’épiscopat en énonçant les devoirs du clergé vis-à-vis de l’État et en délimitant les pouvoirs des évêques désignés par le gouvernement et institués de façon canonique par le pape. La réorganisation matérielle de l’Église était également prise en compte et la question des biens nationaux réglée. Le clergé recevait désormais un traitement de l’État auquel il prêtait serment de fidélité et les édifices du culte étaient mis à la disposition des évêques37.

Louis XVIII essaie d’établir un nouvel accord en 1817 visant à rétablir l’autorité du roi sur l’Église de France. Le Concordat est signé mais pas validé en raison de la conjoncture politique38. Le monarque français s’en tient alors aux clauses du Concordat de 1801, en ajoutant toutefois trente nouveaux diocèses portant leur nombre total de 50 à 80. Il continue à garantir à chaque citoyen la faculté de professer sa religion avec une entière liberté et accorde une même protection à chaque culte. Toutefois la « religion catholique, apostolique et romaine » dispose d’un statut honorifique supérieur car elle n’est plus seulement la « religion de la grande majorité des Français » mais reconnue comme « religion de l’État ».

La Charte consolide également l’administration centralisée de l’Empire en maintenant le Code civil, même si de nombreuses concessions sont accordées à l’Église catholique. La loi du 8 novembre 1814 rétablit ainsi l’obligation du repos dominical et celle du 8 mai 1816 abolit le divorce (celui-ci est rétabli en 1884 par la loi Naquet). Certes l’Université napoléonienne, l’institution chargée de piloter l’ensemble de l’administration scolaire, la « fille exécrée de la Révolution », a survécu elle aussi. Si l’État monarchique se réserve un droit de contrôle, l’Église

36 Gérard Cholvy et Yves-Marie Hilaire (dir), Histoire religieuse de la France, 1800-1880, Toulouse, Éditions Privat, 2000, p. 31-42.

37 Nadine Vivier (dir), Dictionnaire de la France du XIXe siècle, Paris, Hachette Supérieur, 2009, p.

catholique n’est plus exclue. Mgr Frayssinous, évêque d’Hermopolis, est ainsi nommé ministre des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique (1824-1827). Ce dernier n’hésite pas par ailleurs à supprimer l’École Normale Supérieure et à suspendre les cours de Victor Cousin et de François Guizot. Dans l’enseignement secondaire, les collèges royaux, qui ont remplacé les lycées, côtoient les petits séminaires. Administrés par les évêques, ces derniers sont théoriquement réservés exclusivement à l’éducation des futurs prêtres. Ils constituent en quelque sorte l’antichambre des grands séminaires. Dans les faits, les petits séminaires accueillent les enfants des bonnes familles de France car ils représentent un plus faible coût, une plus grande proximité mais surtout ils offrent une alternative à l’enseignement public jugé subversif39.

L’enseignement primaire se partage entre les Frères des Écoles chrétiennes et les écoles laïques soutenues notamment par la Société pour l’instruction élémentaire. Cette Société, fondée en 1815 avec l’appui du duc d’Orléans, reçoit pendant un moment le soutien du gouvernement de Louis XVIII qui souhaite encourager en France l’établissement d’écoles élémentaires en faveur des plus démunis, plus particulièrement la classe ouvrière en plein essor sous la Restauration40. Pour la plupart interdites sous l’Empire, les congrégations dont celle des Jésuites se développent à nouveau. En 1825, Mgr Frayssinous réussit à faire voter une loi fixant les conditions d’autorisation et d’accroissement des congrégations féminines41.

D’abord plutôt libéral et modéré avec les ministres d’État, Richelieu et Decazes, le gouvernement prend une orientation conservatrice à partir des années 1820. Grâce à la loi sur le « double vote » du 29 juin 1820 la fraction la plus riche de l’aristocratie est dotée d’un pouvoir accru. Le pouvoir des ultras se renforce de 1822 à 1827 avec le nouveau ministre d’État, Joseph de Villèle42. Le 16 septembre 1824, Louis XVIII décède et laisse le trône à son frère le comte d’Artois, tête de file des ultra-royalistes. Le nouveau roi prend le titre de Charles X. Un décalage se créé entre la modernisation économique, sociale et culturelle du pays et la politique de réaction menée par les ultras, protectionniste sur le plan économique et décentralisée sur le plan institutionnel. Plusieurs lois répressives sont votées. La liberté individuelle est suspendue et la

39 André Latreille et René Rémond, Histoire du catholicisme en France, la période contemporaine, Paris, Spes, 1962, pp. 234-238.

40 Carole Christen, “L’Éducation populaire sous la Restauration et la monarchie de Juillet”, La Révolution française, [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 20 juin 2013. URL : http://lrf.revues.org/905.

41 André Latreille et René Rémond, Histoire du catholicisme en France, op. cit., pp. 238-248.

42 Francis Démier, La France de la Restauration, 1814-1830. L'impossible retour du passé, par Francis Démier, Gallimard "Folio", 2012.

détention sans jugement de personnes accusées de complot contre le roi autorisée. La presse est soumise à l’autorisation préalable et à la censure. L’Université est étroitement surveillée.

En janvier 1825 est votée la loi du sacrilège qui réprime les vols et les profanations perpétrés dans les églises. Ce crime de « sacrilège » avait été banni du droit français en 1791. Le code pénal de Napoléon punissait l’outrage aux objets d’un culte autorisé dans les lieux servant à son exercice, mais cette loi de 1825 visait exclusivement les objets de culte du rite catholique. Les sanctions sont lourdes, le vol de vases vides est puni par une peine de travaux forcés. Le projet initial de la loi prévoyait même la peine de mort pour la profanation des hosties consacrées. La