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Dupanloup et le réseau sulpicien : du catéchisme à la catéchèse

GENÈSE D’UN RÉSEAU

Chapitre 1. Dupanloup, l’Église de France et la Contre-Révolution de 1815-1830

B. Dupanloup et le réseau sulpicien : du catéchisme à la catéchèse

Dupanloup évolue au cœur du réseau sulpicien. Son parcours est tout particulièrement marqué par les institutions et par quelques-unes des grandes figures de la Compagnie. Saint-Sulpice représente ainsi le point de départ d’un cheminement qui l’amène à épouser toujours plus la cause de l'Église de France, d’abord comme catéchiste, puis comme prêtre et évêque. C’est Dupanloup lui-même qui le remarque le premier : « Le nom de Saint-Sulpice doit m’être cher jusqu’au dernier soupir. J’y ai trouvé tous les biens de Dieu : d’abord à la grande époque de ma première communion, qui fut un temps de miséricorde infinie ; puis à mon entrée en philosophie, à Issy ; puis à toutes mes ordinations ; puis enfin aux catéchismes, que j’ai commencé à faire au Grand Séminaire de Paris, et qui furent si doux, si utiles à mon âme »86. Or la Compagnie est à l’époque l’incarnation du traditionalisme politique et religieux, porteuse d’une idéologie farouchement opposée à la Révolution et à son héritage.

Le catéchisme de Saint-Sulpice

Pour le jeune Dupanloup, Saint-Sulpice est avant tout un lieu où « où l’on peut espérer d’être estimé et aimé, si l’on mérite de l’être, [...] où l’on regarde de près et avec amour le fond des âmes, où la sagesse, la vertu, la docilité sont en honneur, où on les enseigne, où on les inspire, où on les pratique ; où on aime, où on estime même ceux qui ne sont pas encore bons, mais qui veulent le devenir, et en qui on trouve d’heureux commencements et de la bonne volonté »87. C’est tout l’idéal d’une éducation classique de l’honnête homme de la Renaissance développée par les congrégations enseignantes sous l’Ancien Régime. Dupanloup éprouve en outre un attachement particulier à ses catéchistes de Saint-Sulpice qui l’ont poussé à choisir la voie de sacerdoce mais qui ont également comblé l’absence de la figure paternelle. Parmi les personnes qui ont fortement influencé Dupanloup, on peut citer l’abbé Teysseire (ou Teisseire). Comme il l’écrit lui-même : « Ce fut M. Teysseire, un homme qui devait avoir sur moi et mes destinées une grande influence, surtout après sa mort, qui me porta au vif de l’âme le coup le plus fort que j’aie alors reçu »88.

86 Ibid., p.48.

87 Ibid., p.15.

Né à Grenoble en 1785, Paul-Émile Teysseire est issu de la noblesse de robe de l’Ancien Régime. Son biographe, l’abbé Paguelle de Follenay, inscrit délibérément son histoire dans la lutte de l’Église contre la sécularisation de la société. La Révolution française y est présentée comme le triste événement qui fit sombrer la famille de Teysseire dans la misère et la désolation. Le tableau de l’Église de France au début de la Restauration est dressé en termes très lyriques et manichéens. Ainsi « la religion semblait tuée dans l’opinion publique par les sarcasmes spirituels du philosophe de Ferney, tuée dans la société par la destruction de l’ancien ordre de choses, et enfin tuée dans la pensée des savants par les progrès de la science ». « Le clergé avait été décimé par la révolution » conclut l’abbé Paguelle de Follenay89. Mais Paul-Émile Teysseire apparaît comme le héros qui a su se hisser au plus haut du nouveau système scientifique pour finalement en reconnaître la vanité et en dénoncer les travers. Il intègre en effet la prestigieuse École polytechnique, école d’ingénieurs et d’officiers, fondée par la Convention en 1794. L’abbé Paguelle insiste sur tout ce qui distingue le jeune homme qui a gardé sa piété catholique des autres élèves, « jeunes démocrates animés de toutes les passions révolutionnaires ». Les jeunes patriotes, qualifiés de vulgaires et rudes, sont opposés à Teysseire, bon chrétien policé, « que ses tendances personnelles, son éducation et les traditions de sa famille rendaient étranger à ces goûts démocratiques ». Le gouvernement démocratique n’était pas à ses yeux un dogme de foi90. Une brillante carrière s’offre tout de même à Paul-Émile, avec son entrée à l’École des Ponts et Chaussées et son retour à Polytechnique en tant que répétiteur, c’est-à-dire professeur non-titulaire. Mais le jeune ingénieur du ministre des travaux publics choisit finalement de se consacrer à l’état ecclésiastique.

Il s’attache d’abord à la Congrégation, association fondée en 1801 par le père Bourdier-Delpuits réunissant laïcs et ecclésiastiques ultras et traditionalistes dans une défense commune de la religion. En 1806, il entre au séminaire de Saint-Sulpice, « la grande école du clergé français »91, qui se rélève à peine de ses ruines sous l’égide de l’abbé Émery. Paul-Émile Teysseire accède à la prêtrise en 1811 et deux ans plus tard il est nommé directeur des catéchismes de la Compagnie. Il devint également membre de la chapelle de Louis XVIII et de Charles X92. L’abbé Teysseire se distingue tout particulièrement en s’attaquant à un vaste chantier en suspens depuis le Concordat

89 Abbé Joseph Paguelle de Follenay, M. Teysseyrre, … sa vie, son œuvre, ses lettres, Paris, Poussielgue, 1882, p. 36

et p.154.

90 Ibid., p.35-36.

91 Ibid., p.154.

92 Lestang, Examen consciencieux de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, Paris, Imp. de Moquet et Comp., 1838, p.2.

de 1802 : « la mise en œuvre de la pastorale de l’enfance » pour reprendre les termes du jésuite Paul Broutin93. Ce dernier considère Teysseire comme l’un des initiateurs du mouvement catéchistique au début du XIXe siècle. Face à l’hétérogénéité des diocèses redécoupés par le Concordat et la grande diversité des catéchismes propre à chaque territoire, Portalis, alors ministre des cultes avait décidé la constitution d’une seule liturgie et d’un seul catéchisme pour tous les diocèses de France. C’est tout d’abord l’abbé d’Astros de l’archevêché de Paris qui s’attèle à cette tâche en rédigeant le « catéchisme impérial ». Ce dernier tente de concilier le catéchisme de l’Ancien Régime établi sur l’enseignement de Bossuet et de Fleury et les devoirs dus à l’empereur et à sa dynastie. Rejeté par le pape, ce catéchisme ne subsista pas à la chute de l’Empire en 1815.

Dès 1807, alors qu’il est encore séminariste, Teysseire se voit confier le catéchisme des filles puis celui des garçons. C’est en effet la coutume de la Compagnie de confier aux élèves du séminaire la tenue des catéchismes de la paroisse sous la direction de l’un de leurs maîtres. Avec l’aide de l’abbé Fayet, le prédécesseur de Dupanloup sur le siège épiscopal d’Orléans, Teysseire fonde le catéchisme de persévérance des garçons. Jusque-là le catéchisme dit de persévérance, celui qui suit la première communion, n’était suivi réellement que par les filles. Ce catéchisme de persévérance des jeunes gens prit d’abord le nom d’Académie de Saint-Sulpice. Pour les fêtes et les communions générales, les personnages religieux les plus considérables qui constituaient alors « la gloire du clergé de France » étaient invités aux réunions de persévérance tels que l’abbé Frayssinous, Charles de Ramond-Lalande, le futur archevêque de Sens, l’abbé Borderies, Maurice de Bonald, le futur cardinal-archevêque de Lyon. Plus tard en 1831, à la paroisse de la Madeleine, Dupanloup s’inspire de cette Académie qu’il a lui-même fréquentée en fondant l’Académie de Saint-Hyacinthe94.

L’abbé Teysseire fut également le fondateur d’un petit séminaire qui porte le nom de Petite communauté des clercs de Saint-Sulpice. Située 20 rue du regard, cette école était destinée à « chercher et à soutenir des vocations sacerdotales » selon les termes de Lagrange. D’après ce dernier, l’école fournit également des clercs à la chapelle royale. Teysseire avait confié la direction de cette école à l’abbé Poiloup. Piété, travail, respect : le même esprit que celui de Saint-Sulpice y règne. En tant que catéchiste de Dupanloup, l’abbé Teysseire encourage fortement celui-ci à intégrer la petite communauté, ce qui est chose faite en octobre 1815. Selon Lagrange, c’est depuis

93 Paul Broutin, “Le mouvement catéchistique au XIXe siècle”, Nouvelle Revue Théologique, n° 5, 6, 7, mai-juin 1960, p.494-512, 607-632, 699-715.

cette période que Dupanloup ne pense plus qu’au sacerdoce95. Avant 1830, date à laquelle la Petite communauté devint un important collège, on ne peut y faire que les classes de grammaire. Après la quatrième, les élèves passent alors au petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Quand Dupanloup y fait son entrée, c’est au tour de l’abbé Borderies de le marquer durablement.

Au petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet

Saint-Nicolas-du-Chardonnet est initialement un séminaire fondé au XVIIe siècle en pleine Contre-Réforme par Adrien de Bourdoise, contemporain de Jean-Jacques Olier. Le séminaire est situé dans la rue Saint-Victor, à côté de l’église du même nom. L’établissement vise tout d’abord à réunir les prêtres de la paroisse de Bourdoise afin d’établir une vie commune placée sous l’égide su curé et favorisant la régularité des ecclésiastiques et l’apprentissage de leurs fonctions, entre autres les offices de la paroisse et le catéchisme96. Par la suite, la maison devint plus largement une pépinière de jeunes ecclésiastiques jouant un rôle similaire au séminaire de Saint-Sulpice, même si son influence fut moins grande. Le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ne survit pas à la Révolution. En 1811, le bâtiment de la rue Saint-Victor est donné au diocèse de Paris pour servir de petit séminaire97. Ainsi le 4 novembre 1811, une poignée d’élèves y font leur entrée pour faire leurs humanités98. Les débuts du petit séminaire sont assez difficiles.

Lorsque Dupanloup intègre le petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, c’est le sulpicien l’abbé Thavenet qui en est le supérieur et Antoine-Philippe Frère le directeur. Le petit séminaire est caractérisé par des études classiques très fortes, ce qui n’est pas pour déplaire à Dupanloup. Pierre Schoenher, un ancien professeur du même séminaire, rapporte qu’au mois d’octobre 1818, Thavenet vit arriver à Saint-Nicolas, « un adolescent de seize ans et demi, qui, transporté de la Savoie à Paris, avait fait de brillantes études de grammaire à la petite communauté

95 Ibid., p.26.

96 Dominique Julia, “L’éducation des ecclésiastiques aux XVIIe et XVIIIe siècles”, Problèmes de l’histoire de

l’éducation. Actes des séminaires organisés par l’École française de Rome et l’Università di Roma (janvier-mai

1985), Rome, Publications de l’École française de Rome, 1988, pp.141-205.

97Ernest Renan, “Le petit séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Souvenirs d’enfance et de jeunesse”, Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1880, p. 68-94.

98 Pierre Schoenher, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, 1612-1908, T.II, Petit Séminaire, 181-1908, Paris, Société Saint-Augustin, 1911, p. 60.

de la rue du Regard et y avait conquis le premier rang quoiqu’il eût E. Cauchy comme concurrent »99.

C’est à Saint-Nicolas que Dupanloup apprend à côtoyer les classiques antiques tels que Virgile, Cicéron, Homère, Tite-Live et Tacite et les classiques modernes tels Corneille et Racine. Deux auteurs, Bossuet et Fénelon, le marqueront tout spécialement par leurs écrits pédagogiques notamment Fénelon avec ses Fables, Les Aventures d’Aristonoüs, Les aventures deTélémaque ou encore L’Existence de Dieu100. Enthousiasmé par ses études littéraires, Dupanloup est également soutenu par Étienne-Jean-François Borderies, vicaire général de Mgr Quélen, archevêque de Paris, et spécialement chargé de la surveillance des études au petit séminaire : « le 24 janvier 1821 : je passai un examen devant M. Borderies. Quel jour dans ma vie ! … J’avais trouvé un père », […] j’avais trouvé quelqu’un qui m’aimait, qui aimait et estimait en moi ce qu’il y avait de bon pour le rendre meilleur. Il en avait le désir, l’espoir, et me le faisait sentir. C’est tout le secret de l’action sur les âmes. Je lui dois tout [...] »101.

L’abbé Borderies fut successivement vicaire de la paroisse Saint-Thomas d’Aquin en 1801, vicaire général de Paris en 1819 et évêque de Versailles en 1827102. Au petit séminaire, Dupanloup avait d’autres protecteurs comme Mgr de Quélen en personne, Mgr Frayssinous et l’abbé duc de Rohan-Chabot. L’influence de l’abbé Borderies se fit surtout sentir comme directeur de conscience de Dupanloup. « À celui qui dirigea sa conscience aux grandes heures de ses ordinations, écrit Paul Broutin, Mgr Dupanloup a voué un culte de reconnaissance. Dans la vie qu’il raconta dans ses conférences aux prêtres avant de l’écrire [...], on peut deviner la valeur et le rôle de ce chef dans l’oeuvre des catéchismes ». En effet une fois devenu évêque d’Orléans, Dupanloup rend hommage à ses maîtres de pensée en rassemblant d’une part la correspondance de Teysseire et en rédigeant d’autre part une vie de Monseigneur Borderies. Celle-ci ne vit pas le jour mais fut publiée à titre posthume en 1905 par des partisans de Dupanloup.

La Révolution française et ses conséquences tiennent la première place dans le récit développé par Dupanloup dans LaVie de Monseigneur Borderies, évêque de Versailles. Borderies y est à la fois dépeint comme martyr et comme croisé lancé à la reconquête des terres catholiques tombées aux mains de l’ennemi révolutionnaire et anticlérical. Alors qu’il est prêtre et professeur

99 Ibid., p.93-94. Cette comparaison avec un des plus éminents représentants de la science positiviste est loin d’être anodine. Frère du mathématicien Auguste-Louis Cauchy, Eugène Cauchy est lui-même élu membre de l’Académie des Sciences morales et politique.

100 Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, op. cit., pp.35 et 57.

101 Dupanloup, Journal intime, op. cit., p..26.

au collège Sainte-Barbe, Borderies refuse ainsi de prêter serment à la Constitution civile du clergé et émigre. Après le 9 thermidor et la mort de Robespierre, Borderies revient en France avec l’ambition de ramener la jeune génération au catholicisme. À son retour, Dupanloup rapporte que : « L’indifférence du dix-huitième siècle y régnait encore. Voltaire et Rousseau y avaient gardé leur prestige ; le changement des mœurs et des croyances et le retour religieux, dont les progrès ont été si fortement ressentis et si universellement reconnus, n’étaient pas même commencés. Des hommes, que les leçons terribles de la Révolution n’avaient pas suffi à instruire, agitaient encore dans l’ombre la passion antireligieuse, et parfois même mélangeaient d’athéisme les enseignements qu’ils devaient consacrer aux arts, à la littérature et à l’histoire. Pour obtenir quelque succès dans des salons bien fréquentés, il était avantageux de rééditer de joyeux blasphèmes et quelques bons mots impies sur l’Église et son fondateur »103.

Mû par la conviction que toute la vie est contenue dans l’enfance comme le fruit dans la fleur, que l’avenir d’une société dépend des jeunes générations, Borderies accorde une importance capitale à l’éducation religieuse de l’enfant. Il se voue ainsi à restaurer et rénover l’œuvre des catéchismes à la Sainte-Chapelle puis à Saint-Thomas d’Aquin en tant que premier vicaire. Comme l’écrit Dupanloup : « Si au commencement de ce siècle, la Providence parut vouloir ranimer, dans l’Église de France, cette flamme sacrée du zèle catéchistique, ce ne fut pas sans raison profonde. S’il fallait réformer au dix-septième siècle, au dix-neuvième il fallait pour ainsi dire recréer ; les catéchismes furent un des moyens dont se servit la Providence, et M. Borderies fut un des plus grands catéchistes de cette époque ». Pour Dupanloup, l’enjeu du catéchisme n’est pas seulement d’enseigner des vérités élevées à des enfants, d’âges et d’instructions diverses, mais de les intéresser voire de les passionner pour cet enseignement. Il estime que l’abbé Borderies a su relever ce défi. Ce dernier cherchait il est vrai à créer une émulation parmi les enfants qui suivaient ses catéchismes en les rassemblant dans une chapelle spéciale, en attirant leur attention par des distinctions, des récompenses et des fêtes104. Selon les éditeurs de la Vie de Mgr Borderies, ce dernier sut attirer et retenir autour de lui les enfants des familles les plus distinguées autant que les enfants des plus modestes artisans de quartiers. « Ces catéchismes furent véritablement une création »105.

Les méthodes de Borderies nous sont données à voir au travers du catéchisme de persévérance qu’il installa à Saint-Thomas d’Aquin, Il avait lieu chaque dimanche après les

103Dupanloup, La Vie de Monseigneur Borderies, évêque de Versailles, Paris, Pierre Téqui, 1905, pp.58-59

104 Ibid., pp.90-105.

vêpres* et jusqu’à sept heures du soir. Il fut bientôt fréquenté par 500 enfants de très bonnes familles parisiennes car comme le révèle Dupanloup, au catéchisme du dimanche : « chacun avait sa place marquée, et comme il était nécessaire de ne point laisser pêle-mêle les enfants des grands seigneurs avec ceux du peuple, quelquefois assez sales, M. Borderies savait ranger tout le monde de manière à ne blesser personne »106. Ces longues séances du catéchisme étaient jugées nécessaires pour « agir fortement sur les enfants ». Après la récitation de prières et le chant des cantiques (dont quelques-uns avait été composés par l’abbé Borderies), la première heure était consacrée à la récitation du catéchisme et des textes bibliques. Puis vient le moment de l’instruction dogmatique suivie d’une prière (Pater ou Ave). Le chant des vêpres étaient suivies de l’homélie*107. Dupanloup se délecte de toutes les anecdotes propres à montrer le « charme inexplicable des catéchismes » de l’abbé Borderies pour éveiller l’esprit des plus jeunes, mais aussi pour maintenir un ordre parfait parmi cette assemblée de 500 enfants, notamment en se servant de ses sourcils qui se fronçaient encore plus que d’habitude si des enfants se dissipaient pendant la partie de l’instruction ainsi que des remontrances rares mais rédhibitoires.

Pour préparer la première communion, considérée comme le premier rapprochement entre l’enfant et Dieu, l’abbé Borderies mit l’accent sur le catéchisme de semaine, car il marque la fin de l’éducation religieuse de l’enfant. Comme l’explique Dupanloup : « si même ils ne nous échappent pas complètement, les nécessités de la vie, les vanités qui dominent le monde ne tardent pas à les réclamer. Les plus zélés eux-mêmes n’apparaissent bientôt sans retour si l’on n’a pas su garder profondément leurs âmes ». C’est pour cette raison que l’abbé Borderies avait conçu le catéchisme de semaine comme une « œuvre de conversion totale »108. Pour ce faire, il faisait tout pour rendre ce catéchisme aussi intéressant et agréable qu’il était important et sérieux mettant en place « des instructions variées, des avis intéressants, de beaux cantiques, des lectures saintes et curieuses, des histoires édifiantes, des prix, des encouragements de tout genre »109. Le catéchisme de semaine devenait ainsi une affaire de paroisse. Dupanloup compte parmi les premiers bénéficiaires de ce catéchisme de « conversion totale ». Préoccupé par la formation d’une élite intellectuelle capable d’affronter à armes égales les tenants de l’ordre idéologique, social et politique nouveau, l’abbé Borderies a su calmer de main de maître les hésitations du jeune Dupanloup qui bien que satisfait de sa formation, n’en éprouvait pas moins des doutes sur le choix

106 Ibid., p.101.

107 Ibid., p.116.

108 Ibid., pp.138-139.

de la prêtrise comme vocation future110. Dupanloup se dirige alors vers l’étape ultime avant son ordination : le grand séminaire.

Le grand séminaire

Le grand séminaire du diocèse de Paris est directement tenu par les Sulpiciens. Il est réparti en deux maisons : celle de Paris et la succursale d’Issy. Selon Lagrange, il est moins le séminaire de Paris que celui de la France111. Il rassemble ainsi des jeunes gens venus de nombreux autres diocèses français. En octobre 1821, Dupanloup débute au grand séminaire par une année de philosophie et une première année de théologie à Issy, succursale de Saint-Sulpice. Il y reçoit la tonsure et les ordres mineurs. Dupanloup devient alors « l’abbé Dupanloup ». En 1823, il reçoit