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Dupanloup face aux Trois Glorieuses

GENÈSE D’UN RÉSEAU

Chapitre 2. Dupanloup et la Révolution de Juillet : le combat pour les libertés de l’Église catholique

A. Dupanloup face aux Trois Glorieuses

La maison des Bourbons

Dupanloup reçoit des sollicitations tant de la part de l’abbé-duc de Rohan, devenu archevêque de Besançon et cardinal, que de l’abbé Borderies, devenu évêque de Versailles, pour venir travailler à leurs côtés. Selon Lagrange, Dupanloup refuse leur offre respective pour se consacrer à ses catéchismes, alors « son ambition unique ». Ce sont d’ailleurs ces catéchismes qui lui inspirent ses premiers écrits comme son recueil des Évangiles pour tous les dimanches de

l’année, rédigé vers 1830, et son Manuel des catéchismes publié en 1831158. Pourtant son activité

de catéchiste est loin de le laisser hors de la vie politique du pays. Bien au contraire, elle le mène directement au cœur du prochain grand bouleversement européen, la Révolution de Juillet. En effet, Dupanloup va s’occuper dans le même temps de l’éducation religieuse des héritiers des deux branches de la maison royale de France qui n’allaient plus cesser de s’affronter à partir de 1830, celle des Bourbons et celle des Orléans.

La renommée du catéchiste de la paroisse de la Madeleine est telle qu’il est sollicité pour l’éducation religieuse de la maison royale. Mgr Borderies fait appel à Dupanloup, aux côtés de l’abbé de Moligny, son collègue de la Madeleine, pour le poste d’aumônier de Marie-Thérèse de France, la fille rescapée de Louis XVI, aussi nommée « Madame la Dauphine »159. L’abbé Dupanloup devient également le catéchiste du duc de Bordeaux, Henri d’Artois, le dernier héritier légitime de la dynastie des Bourbons. Henri d’Artois est le fils du duc de Berry, assassiné en 1820, et le petit-fils de Charles X. Il est par la suite plus connu sous le titre de « comte de Chambord ». Il est le dernier espoir des légitimistes jusqu’à sa mort en 1883. En 1826, Henri d’Artois est encore âgé de cinq ans, quand sa gouvernante, Madame de Gontaut, qui éprouve une grande méfiance vis-à-vis de la philosophie des Lumières et des idées nouvelles, décide de faire appel au service de Dupanloup. Comme l’écrit Daniel de Montplaisir dans son ouvrage Le Comte de Chambord, dernier roi de France, « la rapide réputation de pédagogue » de l’abbé Dupanloup semblait désigner comme tout naturellement le vicaire de la Madeleine pour assurer l’instruction religieuse initiale du duc de Bordeaux160.

Sur recommandation de Madame la Dauphine, la duchesse d’Orléans, Marie-Amélie, sollicite Dupanloup pour le catéchisme de ses propres enfants. Dupanloup fut chargé de préparer le duc de Nemours, Louis d’Orléans, le fils puîné de Louis-Philippe, à sa confirmation et la princesse Clémentine, future duchesse de Saxe-Cobourg, à sa première communion. Dupanloup accepte, loin de se douter de la tournure des événements. Comme le précise Lagrange : « La princesse Clémentine fit sa première communion au mois de juin 1830. Bientôt après éclatait la révolution de Juillet ». Lagrange décrit un Dupanloup terrassé par ce nouveau bouleversement institutionnel et social : « Absorbé qu’il était dans ses catéchismes, dédaigneux des journaux, étranger à la politique, cette révolution, quoique déjà pressentie et trop préparée, tomba sur lui comme la foudre. C’était une catastrophe pour la dynastie, pour l’Église et pour lui-même »161.

159 François Lagrange, Vie de Dupanloup, op. cit., p. 104.

160 Daniel de Montplaisir, Le Comte de Chambord, dernier roi de France, Paris, Perrin, 2008, pp. 65-66.

La Révolution de juillet 1830 s’ouvre par trois journées révolutionnaires, appelées les « Trois Glorieuses ». Du 27 au 29 juillet, Paris se soulève contre Charles X suite à la tentative du roi de faire passer en force les ordonnances dites de Saint-Cloud. Ces ordonnances visaient à obtenir de nouvelles élections plus favorables aux ultras, les libéraux ayant remporté une large majorité à la précédente élection législative. Les ordonnances prévoyaient ainsi de suspendre la liberté de la presse, de dissoudre la Chambre des députés et de restreindre le droit de vote. La presse réplique sans tarder. Les auteurs du National, dont Adolphe Thiers, rédigent une protestation contre la dissolution de la Chambre.

Le 27 juillet, l’intervention de la police pour empêcher la sortie de trois journaux, Le National, Le Globe et Le Temps, provoque une émeute populaire qui dégénère en véritable révolution162. Le 31 juillet, Louis-Philippe d’Orléans, fils de « Philippe Égalité » et cousin du roi régnant, fait son apparition publique à Paris, en compagnie du « héros des Deux Mondes », le très populaire général La Fayette. Désigné lieutenant-général du royaume, au balcon de l’Hôtel de ville, autour d’un drapeau tricolore, il assure que « la Charte sera désormais une vérité ». Après avoir renoncé aux ordonnances, Charles X abdique finalement la couronne le 2 août, au profit du duc d’Angoulême son fils aîné puis au profit de son petit-fils le duc de Bordeaux, Henri V, le petit protégé de Dupanloup. Lagrange souligne bien le dilemme auquel Dupanloup se trouve confronté : « Et voilà l’élève de l’abbé Dupanloup appelé soudainement au trône, tandis que le père de ses autres élèves était nommé lieutenant général du royaume »163. Les Chambres, réunies le 3 août, allaient finalement confier le trône de France au duc d’Orléans. La Charte de 1814 connaît des révisions. Le duc d’Orléans s’engage à faire respecter cette nouvelle Charte de 1830. Devenu « roi des Français », il est investi le 9 août au cours d’une cérémonie non religieuse et jure de respecter la Charte révisée. La Révolution est officiellement terminée164.

Avec l’accession du duc d’Orléans au trône royal sous le titre de « Louis-Philippe Ier », Charles X et sa maison quittent le sol français. L’abbé Dupanloup est terrassé par l’exil des Bourbons. Une question le tourmente : « Que vont devenir l’âme qui lui a été confiée, et cette princesse qu’il se plaît à nommer sa bienfaitrice ? »165. En effet, Dupanloup aspire à rejoindre le jeune prince en exil pour continuer son instruction. Lagrange montre un Dupanloup prêt à renoncer

162 Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix (dir), La Liberté guidant les peuples, Les Révolutions de 1830 en Europe, Seyssel, Champ Vallon, pp. 9-31 et pp.61-67.

163 Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, op. cit., p. 107

164 Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix (dir), op. cit., p. 63.

à sa carrière ecclésiastique parisienne pour partager la destinée d’un prince exilé, espérant jouer le même rôle que son modèle Fénelon. Ce dernier avait joué exercé une influence capitale dans l’éducation du duc de Bourgogne, qui devint par la suite archevêque de Cambrai. Pour l’heure, Dupanloup fuit l’insurrection parisienne.

La Révolution de 1830 est en effet très anticléricale. Premier allié de la monarchie ultra de Charles X, l'Église catholique est l’une des cibles principales des insurgés. En effet, la révolte ne s’effectue pas seulement contre l’ordre royal et contre l’imposition fiscale, mais également contre l’emprise cléricale sur le pouvoir et sur la société. L’anticléricalisme serait même « le premier visage de la liberté révolutionnaire dans la France » selon les auteurs de La liberté guidant les peuples. Symboles de l’alliance du Trône et de l’autel, les croix de mission plantées sous la Restauration sont prises pour cible par les insurgés. Les établissements religieux comme le séminaire de Nancy ou le collège jésuite de Saint-Acheul (Amiens) sont pillés par la foule. Les clercs les plus intransigeants sont pris à parti, chassés de leur commune, victimes de charivaris et de pendaisons en effigie. Des arbres de la liberté sont plantés devant leur presbytère166. Selon les spécialistes du catholicisme français, André Latreille et René Rémond, les prêtres n’osent plus sortir en soutane dans les rues de la capitale. L’archevêque de Paris, Mgr de Quelen, dénoncé par affiches et par rumeurs comme ennemi public, doit se cacher. La cardinal Latil s’enfuit en Angleterre et Mgr Forbin-Janson, évêque de Nancy et de Toul, en Amérique167.

Selon les deux historiens, la haine qui se manifeste contre les représentants catholiques chez les insurgés de 1830 est liée avant tout à un climat d’effervescence et expriment moins un rejet total de la religion qu’un désir de voir l’Église catholique se désolidariser du pouvoir politique, ainsi que le relâchement du contrôle social exercé par un clergé intransigeant sur les vivants et les morts, l’imposition du repos dominical, la vogue des missions et des processions expiatoires, les strictes conditions imposées à l’octroi des sacrements. D’après les auteurs, « c’est cette pesanteur, ainsi que le lien réel ou fantasmé entre l’Église catholique et la monarchie déchue qui explique l’ampleur des violences anticléricales des années 1830-1832, dont l’acmé s’est situé en février-mars 1831, avec le sac de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois et ses contrecoups provinciaux ». Croix de mission, fleurs de lys et effigies bourboniennes font l’objet de plusieurs vagues d’iconoclasme dans les années 1830 car les catholiques sont restés en masse carlistes, c’est-à-dire partisans du roi détrôné Charles X, sont hostiles à « l’usurpateur » Louis-Philippe et

166 Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix (dir),op. cit., pp. 61-67.

incriminent la lâcheté d’un gouvernement incapable de protéger le libre exercice des cultes. Le 14 février 1831, suite à la célébration d’un office pour l’anniversaire de la mort du duc de Berry, le palais épiscopal est mis à sac168.

Suivant l’exemple du cardinal de Rohan, qui a fui en Allemagne puis à Rome, Dupanloup décide de quitter un moment Paris pour se réfugier dans son pays natal qu’il n’a pas revu depuis son enfance, la Savoie. Comme l’écrit Lagrange, « Au sortir de la fournaise de Paris en révolution, au milieu des douleurs dont il avait l’âme pleine, ces prairies verdoyantes, ces collines, ces sublimes sommets, ces neiges éternelles, lui parurent plus beaux encore et reposants : l’amour de la Savoie le ressaisit pour jamais, et peu d’années désormais se passeront sans qu’il y revienne »169. Le territoire de la Savoie n’appartient plus au royaume de France à cette époque mais il est gouverné par les rois de Piémont-Sardaigne de 1815 à 1860. Dupanloup ne reste pas longtemps en Savoie. Son but est de rejoindre le cardinal de Rohan, alors réfugié à Fribourg, pour lui faire part de son projet de s’exiler avec la cour pour se dévouer à l’éducation du duc de Bordeaux. Lagrange raconte qu’: « à travers ces courses dans les montagnes, un souvenir l’occupait tout entier : son cœur ne cessait de regarder vers le jeune prince, près de qui il avait commencé une œuvre si importante pour l'Église et pour la France, et si douloureusement arrêté »170. Fort du soutien du cardinal, Dupanloup retourne à Paris et écrit au gouverneur du prince pour lui soumettre sa demande. Mais sa requête est rejetée. En effet, c’est à l’abbé de Moligny, son ami d’enfance et collègue comme catéchiste à la Madeleine et comme confesseur de Madame la Dauphine, que l’éducation religieuse du jeune duc de Bordeaux est confiée171.

168 Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron, Emmanuel Fureix (dir), op. cit., pp. 298-305

169 Ibid., p. 108.

170 Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, op. cit., pp. 108-109.

Fig. 5 : Franz-Xaver WINTERHALTER, Louis-Philippe Ier (1773-1850), roi des Français, la main posée sur la Charte de 1830, 1839, Musée de l’histoire de France. MV 5219. © RMN

La maison des Orléans

Dupanloup échoue donc dans sa tentative de rejoindre la cour en exil. Toutefois, la porte du palais royal lui est encore ouverte, car la duchesse d’Orléans, devenue la reine Marie-Amélie, le rappelle pour continuer le catéchisme de ses premiers fils. Selon Lagrange, de fortes réticences l’animent en raison de son allégeance aux héritiers « légitimes » de la couronne, mais il finit par accepter. Dupanloup est introduit au Palais-Royal, où demeure Louis-Philippe, par un petit escalier dérobé pour préparer la première communion du troisième fils de Louis-Philippe, François d’Orléans, le prince de Joinville. Cette première communion aura effectivement lieu au printemps 1831172. Doit-on voir dans la décision de Dupanloup de continuer à servir les Orléans cet esprit de compromis propre au personnage qui l’amènera à chercher la conciliation entre ses aspirations religieuses et politiques et la nécessité des temps ou doit-on y voir un calcul habile pour s’assurer une carrière dans la nouvelle France religieuse ? La question reste ouverte, même si Dupanloup justifie son choix par un mobile religieux. Comme il l’écrit lui-même au cardinal de Rohan : « Je n’ai pas cru pouvoir refuser mon ministère à une mère vraiment chrétienne, qui me le demandait avec insistance pour ses enfants, au nom de leur salut »173. Dupanloup critique très durement les manifestations successives d’anticléricalisme qui ont lieu au début de la Monarchie de Juillet. Après le sac de Saint-Germain-l’Auxerrois, il exprime son indignation dans une de ses lettres à l’abbé Moligny :

« Oh ! que de tristes choses ! hier encore, à Issy, nous avons vu toutes les croix de Lorette et de toutes les chapelles renversées : cela fendait le cœur. [...] Jusqu’à l’inscription de la petite chapelle Saint-Hyacinthe qui provoqua des ombrages ! “Sancto Hyacintho ! Une femme du peuple s’est écriée que cela voulait dire : Consacrée à ce coquin d’archevêque. La traduction est libre. N’importe ; la garde nationale, qui ne sait pas le latin, s’est hâtée de faire ôter à coups de marteau ces factieuses paroles. Ce que tu ne sais pas, ce que tu ne peux pas savoir, parce qu’il n’y a pas de voix assez courageuse pour le dire tout haut, c’est l’infamie des plus lâches mensonges, c’est l’absurde crédulité de ce peuple, c’est l’impiété de tous. J’en ai été malade d’indignation ; je n’ai pas jamais ressenti un étouffement pareil. Qu’arrivera-t-il ? »174.

Si Dupanloup se montre défavorable au mouvement populaire, il n’en est pas moins hostile au nouveau monarque français. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ne reste pas très longtemps le catéchiste des princes d’Orléans. En effet, en juin 1831, Dupanloup décide d’entreprendre un voyage à Rome, accompagné de l’abbé Emmanuel de Borie, récemment ordonné prêtre et attaché également aux catéchismes de la Madeleine. Quelles sont les raisons qui

172 Ibid., p. 111.

173 Ibid., p. 110.

poussent Dupanloup à s’éloigner de la cour, alors qu’il bénéficie de la faveur du « roi des Français » ? Lagrange apporte une double explication : désir de Dupanloup de voir ses amis exilés dont le cardinal de Rohan et le pape nouvellement élu, Grégoire XVI ainsi que ses problèmes de santé. Mais ces explications ne sont pas suffisantes. Comme le révèle Daniel de Montplaisir dans sa biographie sur Le comte de Chambord, dernier roi de France, Dupanloup restera toute sa vie un légitimiste fervent, bien que critique. Jusqu’en 1873, il fera tout son possible pour que le duc de Bordeaux, appelé plus communément « comte de Chambord », accède au trône de France175. C’est avant tout sa « foi en la monarchie traditionnelle », comme l’écrit Daniel de Montplaisir, qui pousse Dupanloup à chercher la rupture avec la maison d’Orléans.

Plus généralement, l’historien australien Austin Gough a montré le contexte de violence qui oppose les légitimistes aux orléanistes au pouvoir de 1830 à 1848. Les premiers défendant autant la maison des Bourbons que le catholicisme d’Ancien Régime. L’historien reprend ainsi une phrase d’Honoré de Lourdoueix, député et directeur de la légitimiste Gazette de France, selon laquelle : « Du duc d’Orléans à Louis-Philippe l’usurpateur, cette "maudite famille” de sectaires et de crypto-protestants représente “la Révolution affublée d’une couronne” ». Plusieurs arguments constituent la thèse des légitimistes, notamment celui que la bourgeoisie voltairienne de la Monarchie de Juillet est condamnable car affiliée comme un seul homme à la Révolution. Bien plus, la Monarchie de Juillet est coupable car elle a donné son autorisation aux préfets pour que les croix soient abattues avec l’appui des forces armées. En outre, l’État nomme et salarie des « professeurs de panthéisme » qui jettent « dans l’esprit de la jeunesse les germes de l’impiété, de l’athéisme et de la révolte »176. Tels étaient les arguments des ultras déjà sous la Restauration.

Dupanloup semble s’inscrire dans cette ligne de pensée. Ainsi le 14 août 1831, Dupanloup arrive à Rome où il est reçu par le cardinal de Rohan et le lendemain par le nouveau pape qui n’hésite pas à l’appeler « l’apôtre de la jeunesse ». Ce voyage à Rome est immédiatement perçu comme un acte de rébellion par Louis-Philippe. Comme l’explique Lagrange : « Ses relations à Rome avec des évêques ou exilés volontaires déplurent vivement aux Tuileries »177. Dupanloup est mis au banc des accusés, au rang des conspirateurs. Lagrange le concède : « Le fait est que, sans conspirer, il ne se ralliait point à la monarchie nouvelle »178. Dupanloup est ainsi remplacé

175 Daniel de Montplaisir, Le Comte de Chambord, dernier roi de France, op. cit., pp. 463-479.

176 Austin Gough, Paris et Rome. Les catholiques français et le pape au XIXe siècle, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1996, p. 96.

177 Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, op. cit., p. 115.

par l’abbé Guelle comme catéchiste des enfants de Louis-Philippe. Son activité de prêtre et de catéchiste ne s’arrête pas pour autant. Comme le souligne Lagrange, l’abbé Dupanloup réagit à la Monarchie de Juillet en catéchiste, en proposant un « enseignement apologétique pour la jeunesse »179. En effet, pour lutter contre ce que Dupanloup appelle « l’esprit d’impiété » de son époque, l’abbé transforma à la Madeleine le catéchisme de Persévérance des garçons en une petite académie, l’Académie de Saint-Hyacinthe, qui s’inspire directement de l’Académie fondée par l’abbé Teysseire à Saint-Sulpice et qu’il avait lui-même fréquentée. La particularité de cette académie est d’être à la fois un catéchisme par ses chants, ses homélies, ses instructions, ses communions, mais aussi une société littéraire, par ses conférences, ses discussions, ses travaux historiques, philosophiques et religieux. « On y venait de tout Paris ; la chapelle n’y suffisait pas », rapporte Lagrange, précisant que « le jeune comte Charles de Montalembert, déjà pair de France et rendu célèbre par le « procès de l’école libre », qui, sans être de l’Académie de Saint-Hyacinthe, y venait quelquefois, ne put un jour y trouver place »180.

Une sphère d’influence grandissante : de l’abbé au directeur de Saint -Nicolas-du-Chardonnet

En 1834, Dupanloup est nommé premier vicaire à la paroisse Saint-Roch. En charge des sermons et de la direction des consciences des gens du grand monde, l’abbé étend sa sphère d’action et son insertion dans le réseau mondain de Paris. Comme le souligne Lagrange, « Ses relations, qui commençaient à fonder pour l’avenir sa grande influence, s’étendaient donc de plus en plus [...] ; sachant du reste faire tourner ces relations indispensables au bien de la religion »181. Dupanloup intervient notamment lors des grandes étapes de la vie et de la sociabilité aristocratiques, tels les mariages ou les décès. Dans un élan de romantisme mystique, Lagrange rapporte les derniers moments du jeune Albert de La Ferronnays et ceux de la « fille d’un des vieux maréchaux de l’Empire » dont Dupanloup avait fait la première communion182. Dupanloup devient en quelque sorte un guide en matière de spiritualité pour le Paris mondain. À Saint-Roch, Dupanloup développe particulièrement le culte marial. En effet, comme le rappelle Yves-Marie