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Dualité de formes Ŕ On connaît l’hyperbole de Tarrible relative au mandat : « la

Dans le document Les libéralités à trois personnes (Page 58-61)

Section I : Les techniques retenues I : Les techniques exclues

53. Dualité de formes Ŕ On connaît l’hyperbole de Tarrible relative au mandat : « la

personne du mandataire disparaît comme un échafaudage devenu inutile après la construction »1. La

représentation est ainsi décrite comme un mécanisme fondé sur la transparence du représentant. Car, en définitive, le représentant s’efface pour ne laisser que le représenté. Cependant, cette technique de rapatriement des effets de l’acte juridique passé par autrui qu’est la théorie de la représentation n’opère pas toujours de façon identique. Au vrai, deux hypothèses peuvent être envisagées. Soit le représentant agit au nom et pour le compte du représenté, et la représentation est parfaite2. Soit le représentant agit en son nom mais pour le compte du représenté, et la

représentation est imparfaite3.

La représentation est parfaite lorsque le représentant révèle sa qualité au tiers avec lequel il contracte et ne le fait pas dans son propre intérêt, mais pour le compte du représenté4. Elle

suppose la réunion de trois conditions. D’abord, le représentant doit être investi d’un pouvoir de représentation5. Ensuite, il est nécessaire qu’existe une intention de représenter, celle-ci devant

être partagée par le représentant et les tiers-contractants. Cela suppose que le représentant révèle sa qualité et que les tiers-contractants acceptent de s’engager contemplatio domini, c’est-à-dire en considération de la personne du représenté. La mise en œuvre de la représentation parfaite suppose, enfin, que le représentant exprime une volonté exempte de vices. S’opère alors une substitution de la volonté du représentant à la volonté du représenté6, telle que l’envisage l’article

1984 du Code civil à propos du contrat de mandat. Précisément, la représentation parfaite est une dans les codes. Le principe de la représentation a aboli et remplacé le principe romain de la non-représentation, il n’y a qu’à enregistrer ce résultat sans le faire passer par le crible de la logique ».

1 P. A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, préc., t. XIV, p. 596.

2 Certains auteurs préfèrent employer les termes « immédiat » (J. Carbonnier, Droit civil, Les biens. Les obligations, t.

II, préc., spéc. n°1033 p. 2127) ou « direct » (H. Nicolaneo, De la représentation indirecte, thèse Paris, 1912)

3 Certains auteurs recourent aux termes « médiat » (J. Carbonnier, préc.), « indirect » (H. Nicolaneo, De la

représentation indirecte, préc.), ou « optionnel » (J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, 3ème éd., LGDJ, 2001,

n°937 et s. p. 1010 et s.), voire de « mandat sans représentation » (A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, 9e éd., 2011, n°984 et s. p. 478 et s. ; F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, préc., spéc. n°660 p. 551 ; M.-L. Izorche, « A propos du “mandat sans représentation” », D. 1999.

Chron. 369).

4 A. Rouast, Rapport français sur « la représentation dans les actes juridiques », Travaux de l’Association Henri Capitant, 1949, p. 110 et s. ; M. Storck, Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques, préf. D. Huet-Weiller, LGDJ, 1982, n°130 et s. p. 97 et s. ; Ph. Didier, De la représentation en droit privé, préf. Y. Lequette, LGDJ, 2000, n°103 et s. p. 68 et s ; J. Carbonnier, Droit civil, Les biens. Les obligations, t. II, préc., n°1033 p. 2127 et s. ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, préc., spéc. n°936 p. 1009 ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les

obligations, préc., spéc. n°804 p. 423 ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, préc., spéc. n°175 et s. p. 179

et s.

5 F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, préc., spéc. n°177 p. 179. 6 E. Pilon, Essai d’une théorie de la représentation dans les obligations, préc., n°31 et s.

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technique d’« effacement »1 en ce sens que la personne du représentant s’efface pour ne laisser place

qu’à celle du représenté. En somme, tout se passe comme si le représenté était partie à l’opération depuis le départ, et qu’au contraire, le représentant n’y a jamais été partie. Partant, l’acte accompli par le représentant avec autrui produit son effet créateur de droits et d’obligations directement dans le patrimoine du représenté. L’activité juridique du représentant se confond ainsi avec celle du représenté.

La représentation est imparfaite lorsque le représentant a le pouvoir d’accomplir en son nom propre des actes juridiques ou matériels pour le compte du représenté2. Il y a représentation, non

pas de la volonté d’autrui, mais seulement de ses intérêts3. Telle est la situation créée par le contrat

de prête-nom4, suivant lequel l’un agit pour le compte d’un autre en dissimulant sous sa propre

personnalité le véritable intéressé à l’opération ; de la déclaration de command5, en vertu de

laquelle l’acquéreur d’un bien déclare qu’il traite pour autrui, mais n’indique pas au vendeur l’identité du candidat à l’acquisition ; du contrat de commission6 que l’article L. 132-1 du Code de

commerce définit comme le contrat par lequel une personne Ŕ le commettant Ŕ donne à une autre personne Ŕ le commissionnaire Ŕ le pouvoir d’accomplir un acte en son propre nom pour le compte du commettant. On ne retrouve pas la transparence caractéristique de la représentation parfaite. Au contraire, le représentant fait ici écran entre les tiers et le représenté. En ce sens, la représentation imparfaite se caractérise par une réalisation en deux temps. D’abord, le

1 A. Sériaux, Contrats civils, PUF coll. Droit fondamental, 2001, p. 333 et s.

2 J. Carbonnier, op. cit. ; J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, op. cit. ; J. Huet, Les principaux contrats spéciaux, 2ème éd.,

LGDJ, 2001, n°31127 et s. p. 1083 et s. ; Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, op. cit. ; F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit.. Pour une critique de cette conception, voir Ph. Didier, De la représentation en droit privé, préc., spéc., n°118 et s. p. 80 et s. L’auteur considère notamment que le terme représentation « imparfaite » entraînerait une certaine confusion en raison de son utilisation au début du siècle dernier dans un sens différent. La représentation imparfaite n’était qu’une représentation in utilibus, de sorte qu’elle ne jouait que si le représenté y trouvait un avantage (voir notamment M. Oudinot, De la représentation imparfaite en droit français, thèse Paris, 1909, p. 133 et s.). L’ambiguïté paraît néanmoins levée si l’on en juge les analyses convergentes des auteurs contemporains.

3 Sur cette distinction, voir G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil d’après le traité de Planiol, t. II, préc., spéc. n°206 et . p. 87 et s.

4 P. Lerebours-Pigeonnière, Du prête-nom, thèse Caen, 1898 ; F. Leduc, « Réflexions sur la convention de prête- nom », RTD civ. 1999. 283 ; D. L’Hote, Essai d’une théorie générale de l’interposition de personne, de l’action en nom propre pour

le compte d’autrui, thèse Nancy, 2002.

5 E. Foucault, De la vente avec élection de command, thèse Paris, 1893, p. 6 et s. ; A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils

et commerciaux, préc., spéc. n°985 p. 482 et s. ; F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux,

préc., spéc. n°662, p. 577 ; J. Huet, Les principaux contrats spéciaux, préc., spéc. n°31126 p. 1082 ; Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, préc., spéc. n°535 p. 287.

6F. Derrida, « Les obligations du commissionnaire », in Le contrat de commission, Etudes de droit commercial, sous la dir. de J. Hamel, Dalloz, 1949. ; A. Ponsard, « Le contrat de commission dans le Code de commerce », études préc., p. 55 et s. ; B. Starck, « Les rapports du commettant et du commissionnaire », études préc., p. 148 et s. ; M.-P. Dumont,

L’opération de commission, préf. J.-M. Mousseron, Litec, Bibl. dr. entr., 2000 ; G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, t. 2, 17ème éd., par. Ph. Delebecque et M. Germain, 2004, n°2632 et s. p. 660 et s. ; A. Bénabent, Les contrats civils et commerciaux, préc., spéc. n°986 p. 479 ; F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux,

préc., spéc. n°663 et s. p. 553 et s. ; J. Huet, Les principaux contrats spéciaux, préc., spéc. n°31128 et s. p. 1083 et s. Sur le principe que le commissionnaire agit en son nom, voir Cass. Com, 21 nov. 1956, Bull. civ., III, n°303 ; 19 mars 1958, Bull. civ., III, n°130; 6 juill. 1960, Bull. civ., III, n°279 ; 15 juill. 1963, Bull. civ., III, n°378 ; 3 mai 1965, Bull. civ., III, n°280 ; 10 févr. 1970, D. 1970. 392.

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représentant imparfait traite avec le tiers, puis il transfère à son représenté le bénéfice du contrat. C’est donc en la personne du représentant que naissent les droits et obligations. Dans cette perspective, l’acte accompli par le représenté a pour effet de le rendre titulaire de droits et obligations. C’est ainsi qu’il est le seul garant1 des actes réalisés pour le représenté et qu’il est en

droit d’exercer contre les tiers contractants toutes les actions issues du contrat qu’il a conclu. Mais s’il n’y a pas représentation quant aux effets personnels des actes accomplis par le représentant, il en est autrement du point de vue de leurs effets réels2. Les droits réels acquis ou cédés pour le

compte du représenté ne transitent nullement dans le patrimoine du représentant3. Ils sont

transmis directement de la tête du tiers à celle du représenté (cas de représentation pour l’acquisition) ou de la tête du représenté à celle du tiers (cas de représentation pour la cession). Il y a bien là un effet de la représentation en ce sens que le représentant s’efface pour que les effets réels de son acte se développent directement dans le patrimoine du représenté.

54. Rôle de l’intermédiaire-représentant. Ŕ Le rôle de l’intermédiaire d’une libéralité à trois personnes ne se borne pas, on l’a dit, à celle d’un intermédiaire passif ; il doit nécessairement jouer, en ce qui concerne la libéralité que le disposant consent au bénéficiaire, un rôle actif. Aussi, n’est pas une libéralité à trois personnes celle à la conclusion de laquelle intervient un représentant soit du disposant soit du gratifié. L’intermédiaire n’est en effet nullement le pivot de l’opération, le catalyseur de la libéralité. Sans doute sa présence peut-elle être parfois très utile.

1 Voir en ce sens les obligations de délivrance et de garantie des vices dont est tenu le commissionnaire : Cass. com., 7 mai 1962, Bull. civ., III, n°240 ; 15 juill. 1963, Bull. civ., n°378.

2 La distinction est souvent présentée pour expliquer le contrat de commission, voir notamment M. Storck, Essai

sur le mécanisme de la représentation dans les actes juridiques, préc., spéc., n°316 et s. p. 234 et s. ; Ph. Didier, De la représentation en droit privé, préc., spéc., n°116 et s. p. 78 et s. ; M.-P. Dumont, L’opération de commission, préc., spéc.,

n°623 et s. p. 479 et s. ; du même auteur, JCl. Contrats-Distribution, fasc. 830, 2004, n°86 et s. Relevons néanmoins que cette distinction n’est pas appropriée pour décrire les effets de la déclaration de command. Si le nom du command est révélé dans le délai imposé, alors seul celui-ci se trouve engagé ; si en revanche tel n’est pas le cas, le commandé demeure seul tenu de tous les effets du contrat. Plutôt qu’une représentation imparfaite, il est donc préférable de voir dans ce mécanisme une représentation conditionnelle (M. Storck, Essai sur le mécanisme de la représentation dans les actes

juridiques, préc., spéc. n°295 et s. p. 220 et s. ; H. L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. III, vol. 2, 1980, par M. de

Juglart, n°1429 ; A. Bénabent, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, préc., spéc. n°985 p. 479) ou optionnelle (J. Ghestin, C. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, préc., spéc. n°955 p. 1026). S’agissant de la convention de prête- nom, d’aucuns pourraient contester cette distinction au motif que le tiers de bonne foi dispose d’une option : soit il méconnaît l’acte secret, et le prête-nom, sans pouvoir lui en opposer le contenu, est seul engagé envers lui ; soit il se prévaut de cet acte, et c’est le maître qui est directement lié par l’acte conclu par le prête-nom. Il faut en réalité combiner notre distinction et la théorie de la simulation. Ce n’est qu’en vertu de cette dernière que le tiers de bonne foi dispose de cette option. Autrement dit, la mise en œuvre de la théorie de la simulation a pour effet d’atténuer la distinction entre les effets personnels et réels de l’acte ostensible, nullement de la remettre en cause.

3 Voir ainsi pour le contrat de commission : Cass. crim., 18 nov. 1882, D. 1883. 1. 230 ; Cass. civ., 26 mai 1913,

DP 1914. 1. 305 ; Cass. com., 7 mars 2000, Bull. civ., IV, n°46 ; M.-P. Dumont, L’opération de commission, préc., spéc.

n°276 et s. p. 229 et s. Plus généralement, voir F. Auckenthaller, « Commettant, commissionnaire à la vente : détermination du véritable titulaire de la créance envers le tiers contractant », D. 1998. chron. 53. Pour la convention de prête-nom : Cass. Civ., 20 avr. 1959, JCP 1959. II. 11146, note E. Becqué ; Cass.civ. 1ère, 19 juin 1984, Bull. civ., I,

n°205 ; Cass. Com., 21 févr. 1995, n°93-12786 ; Paris, 11 juill. 1990, D. 1991. 33, note Ch. Larroumet. Comp. toutefois Cass. Req., 10 févr. 1936, DP 1937. 1. 92, rapport E. Pilon.

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L’intervention d’un représentant peut ainsi permettre la conclusion d’une donation alors même que l’une des parties ne peut être corporellement présente1, ou encore lorsque l’objet de la

donation est dématérialisée2. Mais ce ne sont là que des contingences matérielles. Autrement dit,

le représentant qui intervient pour favoriser la conclusion de la libéralité ne joue aucun rôle dans l’économie propre de la libéralité.

Il en est tout autrement au moment de l’exécution de la libéralité. A ce stade, l’intermédiaire- représentant peut en effet jouer un rôle actif dans l’économie de la libéralité. Cela correspond à l’hypothèse d’une libéralité adressée directement au gratifié, mais dont la mise en oeuvre procède du concours d’un tiers, lequel agit alors en qualité de représentant. Ce faisant, l’intermédiaire apparaît comme un gestionnaire de biens pour le compte du gratifié.

55. Figures des libéralités à trois personnes dans lesquelles l’intermédiaire est

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