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Les droits de la direction

LES OBLIGATIONS

2.2. LES DROITS

2.2.3. Les droits de la direction

La direction a le droit de prendre un ensemble complexe de décisions propres à assurer le maintien et le développement de l’organisation. Les droits de la direction comportent deux volets distincts : les droits rési-duaires et les droits institutionnels. De manière générale, l’expression des droits de la direction ne peut avoir pour effet de contrevenir à la con-vention collective9 ou, évidemment, à la loi. Par exemple, il serait illégal d’obliger un salarié à se soumettre à un test de dépistage de drogues si cette mesure visait à éliminer un candidat susceptible d’être embauché10. 2.2.3.1. LES DROITS RÉSIDUAIRES

Le droit de l’employeur de diriger son entreprise est discrétionnaire en l’absence de dispositions contraires dans la convention. Avec le temps, ce principe a donné lieu à l’élaboration d’une théorie des « droits rési-duaires »11 qui permet à la direction de prendre toutes les décisions néces-saires au bon fonctionnement de l’entreprise, dans le respect des droits accordés aux travailleurs dans la convention collective12. Un employeur ne peut toutefois se livrer à un abus de droit ou faire preuve de mauvaise foi13.

9. Windsor (Ville de) et Syndicat national des employés municipaux de Windsor, R. Marcheterre, arbitre, T.A.=95-05128, 1995-07-31, D.T.E.=95T=1169.

10. Banque Toronto-Dominion c. Commission canadienne des droits de la per-sonne, Juges Robertson, McDonald et Isaac (Juge en chef dissident), C.F.A., A 392-96, 1998-07-23, D.T.E. 98 T 1069.

11. Canron inc. (division des plastiques) et Syndicat du plastique de Saint-Jacques, F. Hamelin, arbitre, T.A.=90-00367, 1990-01-23, D.T.E.=90T=377.

12. Association pour la santé et la sécurité du travail (ASSTAS) et Union internationale des employés professionnels et de bureau, local 57, F.=Hamelin, arbitre, T.A.=90-01664, 1990-05-15.

13. Maison Condelle, division Consoltex inc. et Syndicat canadien des commu-nications, de l’énergie et du papier, section locale 116, A. Corriveau, arbitre, T.A.=95-01596, 1995-02-10, D.T.E.=95T=517.

Droit de diriger ses affaires

En vertu des droits résiduaires, l’employeur a la faculté de diriger ses affaires comme il l’entend pourvu qu’il respecte les droits accordés aux travailleurs par la loi et, spécialement, par la convention collective.

À moins de dispositions contraires dans la convention collective, un employeur peut, par exemple, procéder à des réorganisations administra-tives, mais il est tenu d’agir de bonne foi14. Ainsi, toujours en l’absence de dispositions contraires, l’employeur peut prendre les mesures utiles à la gestion de son entreprise, en voici des exemples :

• choisir ses effectifs ;

• discipliner sur motifs suffisants ;

• terminer des périodes de probation ;

• réaliser des changements technologiques ;

• établir les horaires de travail ;

• gérer la présence au travail et donc contrôler l’absentéisme ;

• fixer des normes de productivité, de qualité et d’excellence.

Un ensemble de pouvoirs légaux

La théorie des droits résiduaires définit les prérogatives de la direction comme étant l’ensemble des pouvoirs légaux propres à la gestion de l’entreprise. Il faut alors retrancher les droits que l’employeur a formel-lement concédés aux travailleurs dans la convention collective de travail.

Dans cette foulée, on dira que ce qui n’est pas expressément prévu dans le contrat collectif fait partie des droits de la direction15.

Un pouvoir qui limite l’intervention de l’arbitre

Dans ce contexte, si un arbitre n’est pas explicitement autorisé à disposer des questions ambiguës, il s’en remettra généralement à l’idée civiliste qu’un employeur peut agir à sa guise dans le respect des stipulations du contrat collectif. Ainsi, en l’absence de dispositions conventionnelles explicites, il fera partie des droits discrétionnaires de la direction de nommer quelqu’un16.

14. Syndicat national des employés de bureau du papier façonné de Windsor et Atlantic Produits d’emballage ltée, J.M. Lavoie, arbitre, T.A. 98-04281, 1998-04-17, D.T.E. 98T-790.

15. Saint-Hyacinthe (Ville de) et Fraternité des policiers de Saint-Hyacinthe, R.=Tremblay, arbitre, T.A.=89-03943, 1989-11-10, D.T.E.=90T=55.

16. Emballages Paper Board inc., division Boxcraft, et Union des routiers, brasseries, boissons gazeuses et ouvriers de diverses industries, local 1999, M. Gravel, arbitre, T.A.=90-01136, 1990-03-27, D.T.E.=90T=679.

Le principe selon lequel ce qui n’est pas prévu dans la convention collective fait partie des droits de la direction n’autorise pas l’employeur à ajouter des dispositions au texte de la convention ou à prendre des déci-sions qui la contredisent dans sa lettre ou dans son esprit. Par exemple, en matière de contrôle de l’absentéisme, s’il était prévu dans la conven-tion collective que l’employé respecte certaines normes lors d’une absence maladie, l’employeur serait mal venu de prévoir des normes différentes au moyen d’une politique interne17.

2.2.3.2. LES DROITS INSTITUTIONNELS

Les droits institutionnels reposent sur le principe que la convention col-lective est la loi des parties et que, par conséquent, celles-ci sont égales devant elle. En d’autres termes, l’employeur et le syndicat sont les sujets de la convention collective de travail. Dans cette perspective, certaines conditions d’emploi non prévues à la convention seront, en cas de litige, partagées davantage selon l’objet de ladite convention. Une interprétation conventionnelle qui se référerait abondamment à l’esprit du Code du travail ne placerait-elle pas les parties « sur un pied d’égalité »18? Droit statutaire et approche institutionnelle

L’évolution du droit statutaire au cours des récentes décennies a favorisé, dans une certaine mesure, l’approche institutionnelle en décrétant des lois qui demandaient aux parties d’être partenaires et qui reconnaissaient les droits individuels. Le droit statutaire est représenté par diverses lois qui ont largement pénétré les milieux de travail comme la Loi sur les normes du travail, la Charte des droits et libertés de la personne ou la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Ce menu législatif compense, jusqu’à un certain point, le mutisme d’une convention collective en exigeant, par exemple, de fournir des préavis aux employés licenciés pour un motif éco-nomique. La pénétration des chartes de droits dans les milieux de travail

17. Montréal (Société de transport de la Communauté urbaine de) et Fraternité des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés des services con-nexes au transport de la STCUM, section locale 1983, R. Tremblay, arbitre, T.A.=90-00211, 1990-01-10, D.T.E.=90T=347.

18. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 85 et Produits forestiers Alliance inc., J. Morency, arbitre, T.A.=95-00642,1995-01-26, D.T.E.=95T=550.

a en outre créé une nouvelle obligation patronale, soit l’obligation d’accom-modement avec le salarié qui invoque ses droits individuels fondamen-taux19. On a ainsi élargi le contenu légal des conditions de travail20. 2.2.3.3. L’APPROCHE DES DROITS RÉSIDUAIRES VERSUS CELLE DES DROITS INSTITUTIONNELS La première approche, dite des droits résiduaires, est la plus répandue. Elle rattache les droits de la direction au droit de propriété et confirme leur prédominance sur toute matière non prévue ou sur toute condition de travail non formellement octroyée aux travailleurs. Quant à l’approche des droits institutionnels, elle autoriserait l’arbitre à se prononcer sur des con-ditions de travail non inscrites dans la convention collective comme les services de stationnement, de cafétéria ou de vestiaires. En pareilles circonstances, la décision de l’arbitre sera rédigée selon l’esprit de la convention21.

2.2.3.4. L’EXPRESSION DES DROITS DE LA DIRECTION

Les droits de la direction fluctuent selon les situations et, plus précisément, selon le contenu de la convention collective. L’expression des droits patronaux sur la vie de travail du salarié est, dans une certaine mesure, fonction du statut de l’employé dans l’entreprise ; par exemple, les droits patronaux sont généralement plus étendus lorsque le salarié n’est pas syndiqué. Dans ce cas, l’employeur peut rompre le lien d’emploi selon sa volonté sous réserve de lois statutaires comme la Loi sur les normes du travail. En outre, l’employeur peut agir en vertu de son pouvoir déci-sionnel inhérent à ses droits de propriété et à sa capacité de payer ; par exemple, il peut s’assurer d’une conduite raisonnable des employés.

Obligation de motiver l’exercice des droits de la direction

Un employeur doit motiver l’exercice de ses droits ; ainsi, l’utilisation des tests psychologiques en contexte d’emploi doit être fondée. Par exemple, il peut être abusif d’exiger un test de santé lorsque l’employeur a en sa possession un avis émis par le médecin. L’obligation de la direction de

19. Commission des droits de la personne c. Commission scolaire Jean-Rivard, Juge Michèle Rivet, T.D.P.Q., Frontenac (Thetford Mines), n°=235-53-000001-942, 1995-06-20, D.T.E.=95T=952.

20. Westroc et Syndicat des travailleurs de l’énergie et de la chimie, local 134 (FTQ), P. Jasmin, arbitre, T.A.=90-01567, 1990-05-11, D.T.E.=90T=953.

21. Corporation de l’École Polytechnique et Syndicat des employés de bureau de l’École Polytechnique, section locale 1604, R. Tremblay, arbitre, T.A.=89-03730, 1989-10-27, D.T.E.=90T=52.

motiver l’exercice de ses droits est d’autant plus nécessaire lorsqu’il s’agit de sujets affectant les droits individuels comme la liberté de religion ou d’association.

Code de discipline

Un employeur peut adopter un code de discipline, mais ce dernier ne saurait transcender la convention collective qui, pour le salarié, demeure essentiellement le recours approprié22. Depuis quelque temps, on accroît l’utilisation de codes de déontologie, surtout en milieu policier où des dis-positions liées à l’éthique ont été décrétées23. Le besoin accru de déonto-logie au travail est ressenti dans le contexte où les entreprises cherchent à rapprocher leur régime de relations de travail des besoins de leur clien-tèle. À des fins déontologiques, les parties peuvent introduire un code de discipline dans la convention collective prévoyant les mesures à prendre selon les actes reprochés. Toutefois, il faudrait s’en tenir à ce code lors de l’imposition d’une mesure disciplinaire.

Expression des droits de la direction à l’extérieur du travail

À l’occasion, les droits de la direction peuvent toucher des activités externes au travail. À titre d’illustration, les parties prévoient parfois l’uti-lisation de l’automobile personnelle comme condition d’embauche. Elles pourraient aussi prévoir le remboursement à l’utilisateur de la surprime d’assurances ainsi qu’une compensation des frais de déplacement. Dans une telle situation, la direction pourrait, en l’absence de dispositions expresses dans la convention collective, intervenir dans les normes d’uti-lisation d’une telle voiture24. Pour que les droits de la direction aient quelque influence sur une activité hors travail, il faut que cette activité se rattache directement aux affaires de l’entreprise par continuum ou sur une autre base.

22. Repper c. Régie intermunicipale du service de protection publique de Dorion-Vaudreuil, Juge G. Arsenault, C.S., Beauharnois (Salaberry-de-Valleyfield), 760-05-000146-892, 1990-03-02, D.T.E.=90T=621.

23. Commissaire à la déontologie policière c. Plourde, G. Vigneault, C.D.P., C94-1547-1, 1995-06-16, D.T.E.=96T=132.

24. Télévision Saint-Maurice inc. et Syndicat des réalisateurs en télévision de CKTM, F. Gauthier-Montplaisir, arbitre, T.A.=1989-01-09, D.T.E.=89T=1014.

Droit de l’employeur de soumettre un grief

L’employeur peut soumettre un grief si le syndicat ne respecte pas les conditions prévues à la convention collective. Cela vaut aussi pour le nouvel employeur qui est lié par la sentence arbitrale ou la convention collective survenue avant son arrivée et qui lui a été léguée par un ex-employeur à l’achat d’une entreprise (art.=45,=C.T.). L’employeur est donc, au plan des griefs, un intéressé au régime de réclamations.