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LES CARACTÉRISTIQUES ORGANISATIONNELLES DES RELATIONS DE TRAVAILDES RELATIONS DE TRAVAIL

DE LA CONVENTION COLLECTIVE

1.2. LES CARACTÉRISTIQUES ORGANISATIONNELLES DES RELATIONS DE TRAVAILDES RELATIONS DE TRAVAIL

Au cours du siècle dernier, les relations de travail ont subi des transfor-mations importantes, et ce, à plusieurs égards (Murray et Da Costa, 1996).

La pratique des rapports collectifs dans une entreprise a fait apparaître un besoin réel de partenariat. Ce nouveau besoin détermine dorénavant le mode d’échanges des parties et repose sur le désir de ne pas revivre les échecs antérieurs. C’est en effet à la suite d’âpres luttes que les syndicats sont parvenus à obtenir un degré acceptable de reconnaissance et à faire progresser la cause ouvrière. L’État mit par la suite de l’ordre dans le régime de rapports collectifs. Dans le contexte présent, négocier une convention collective prévoyant des conditions de travail raisonnables ne pose plus vraiment de problèmes en comparaison des difficultés que l’on a dû surmonter dans la première moitié du XXe siècle.

1. Charte des droits et libertés de la personne, L.R.Q., c. C-12, Les lois du travail, 8e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001-2002.

2. Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S-2.1, Les lois du travail, 8e=édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001-2002.

3. Pour comprendre l’évolution des relations industrielles en contexte américain, voir : Sous la direction de R. Blouin, J. Boivin, E. Déom et J. Sexton, Les rela-tions industrielles : 50 ans d’évolution, Québec, Presses de l’Université Laval, 1994, 842 p.

1.2.1. Le monopole de représentation

De nos jours, il est admis qu’un salarié ne peut appartenir qu’à un seul syndicat pour un emploi donné ; celui-ci le représente exclusivement auprès de l’employeur. Il devra, bien sûr, contribuer à ce qu’il en coûte pour cette représentation selon un mode de retenue salariale à la source en acceptant les cotisations fixées en assemblée générale par son syndicat.

Dans un milieu de travail où plusieurs syndicats sont accrédités, un com-missaire du travail peut, à la demande des parties, décider quel syndicat est habilité à parler au nom d’un travailleur.

Le principe de l’exclusivité de la représentation trouve un nombre élevé d’applications pratiques. Par exemple, le droit du travailleur de sou-lever un grief est limité par celui de l’organisme syndical de ne pas le porter en arbitrage sous réserve de la possibilité du salarié d’en appeler, lors de mesures disciplinaires, au tribunal du travail pour défaut de représentation4. Le syndicat peut aussi soumettre une plainte formelle au nom d’un employé sans avoir à obtenir au préalable l’autorisation de l’intéressé. Dans ce même sens, un travailleur syndiqué ne peut négocier lui-même ses conditions de travail avec son employeur. Ce droit revient donc au syndicat qui le représente.

Un syndicat est donc investi d’une compétence précise pour exercer sa fonction représentative. Ce mandat n’est ni théorique ni philosophique ; il permet d’entreprendre des actions concrètes pour améliorer les condi-tions dans lesquelles évoluent les travailleurs. Nous ne cherchons pas ici à formuler une appréciation subjective de l’exclusivité de l’action syndi-cale ; des employeurs croient sûrement, à l’occasion, qu’elle va trop loin, alors que des syndicats la perçoivent comme timide.

1.2.2. L’unité d’accréditation dans un établissement

La relation collective s’organise d’abord au niveau de l’établissement.

Plusieurs raisons justifient l’existence d’une activité syndicale à ce palier.

1. L’unité d’accréditation regroupe des salariés qui ont à peu près les mêmes besoins ou les mêmes préoccupations selon le principe com-munément appelé « de la convergence d’intérêts socioprofes-sionnels ». Ce principe réduit implicitement la taille de l’unité représentative au niveau de l’organisation. De toute manière, c’est à ce niveau que l’accréditation syndicale est généralement accordée et que la convention collective trouve son application.

4. Voir l’article 47.3, du Code du travail du Québec relativement à la plainte au ministre en matière de renvoi ou de sanction disciplinaire, L.R.Q., c. C-27.

2. La convention collective, qui constitue l’une des résultantes for-melles des rapports collectifs, vise à résoudre les problèmes de rela-tions de travail vécus quotidiennement. Il faut qu’elle tienne compte des conditions de travail des employés ainsi que de leurs attentes relativement à l’exécution de leurs prestations de travail.

Prise en compte des besoins locaux

Cette idée de faire correspondre le plus possible les dispositions du con-trat collectif à des besoins locaux convergents est tellement ancrée que la formation de plusieurs unités d’accréditation pour un établissement donné est autorisée dès que les exigences rattachées à l’accomplissement du poste de travail se différencient de manière significative. La multiplication des unités syndicales s’observe particulièrement dans certains milieux de travail comme les centres hospitaliers à cause de leur dimension corpora-tiste. Ainsi, chaque équipe de professionnels, déjà regroupés en corpo-ration, est représentée par un syndicat distinct (p. ex., syndicat des ergothérapeutes, des infirmières, des physiothérapeutes ou des tech-niciens). Traditionnellement, des catégories professionnelles comme celles des ingénieurs ou des policiers ont formé des groupes distincts. Non seu-lement l’accréditation est-elle émise pour une entreprise, mais en outre, d’autres unités syndicales surgissent volontiers à l’intérieur du même milieu. Une telle « balkanisation » ou subdivision rassure les travailleurs sur l’étendue et la portée de leur convention collective. Les besoins par-ticuliers de chaque groupe de travailleurs doivent donc être considérés dans la formulation de l’unité d’accréditation qui servira d’assise à la convention collective.

Les critères servant à déterminer l’unité d’accréditation appropriée ont été établis initialement dans les affaires Coca-Cola ltée5et Sicard inc6. Ces critères sont les suivants :

• la volonté des employés visés et de l’employeur ;

• la structure industrielle ;

• la similitude des conditions de travail ;

• les expériences en milieux semblables ;

• la paix industrielle.

5. International Union of United Brewery, Flour, Cereal, Soft Drink and Distillery Workers of America, Local 239, c. Coca-Cola ltée, dans Conseil des relations de travail du Québec, No. 3932-2, R.-520 (1962).

6. Syndicat national des employés de Sicard et Syndicat national des machi-nistes c. Association internationale des travailleurs de métal en feuilles et Association internationale des machinistes et Sicard inc. (1965), R.D.T. 353.

Si la convention collective trouve une application localisée, il existe, dans le secteur public, une pratique centralisée des négociations qui, poussée à l’extrême, laisse planer des doutes sur la pertinence de constituer systématiquement des unités syndicales reconnues strictement pour un établissement donné. Dans ce contexte de centralisation de la négociation collective, les services syndicaux de conseils techniques sont souvent regroupés dans les centres urbains. En outre, il arrive parfois que le repré-sentant de l’unité syndicale locale, surtout si elle est de taille réduite, se sente peu concerné par les questions de relations de travail, soit par manque d’intérêt ou de connaissances en relations industrielles. Le salarié en est ainsi quitte pour requérir ses conseils à distance. Il faut toutefois être prudent à ce propos ; le degré de satisfaction du travailleur à l’égard de son syndicat et de sa convention collective, peut fluctuer sensiblement selon les lieux et les circonstances.

Dans un contexte où la négociation s’effectue sur une base secto-rielle ou nationale, pour des secteurs aussi vastes que la construction ou les services de santé, la convention collective ne peut satisfaire a priori aux critères d’un texte accessible et souple prévoyant les conditions d’emploi des salariés pour un site industriel donné.

1.2.3. Un régime bilatéral ou trilatéral à potentiel conflictuel

Le régime des rapports collectifs est représenté par deux ou trois parties selon le cas : d’une part, l’État législateur, l’État employeur et le syndicat pour le secteur public ; d’autre part, des parties patronale et syndicale, conseillées et guidées par l’État, lequel intervient comme arbitre en cas de blocage dans les échanges.

En principe, l’État ou les organismes tiers comme l’arbitre de dif-férends ou de griefs ne sont pas subjectivement engagés dans l’échange ou, en d’autres termes, ils sont impartiaux. En effet, l’État joue principa-lement un rôle de soutien pour les parties contractantes ou négociantes dans un régime à deux parties.

Dans le secteur privé, le régime de relations de travail est bilatéral ; il est représenté par deux parties : l’employeur et le syndicat. Essentiel-lement, leur tâche consiste à élaborer, interpréter et renouveler la conven-tion collective. Pour cela, ils font appel à l’État (et à ses organismes) qui peut, dans les circonstances, jouer un rôle consultatif ou décisionnel mais en principe impartial. Dans le secteur public, le gouvernement s’est vu maintes fois obligé de légiférer pour imposer les conventions collectives à ses salariés, une opération où les rôles étatiques entraient nettement en conflit, c’est-à-dire les rôles d’État employeur et d’État législateur.

Ambiguïté des rôles étatiques

Dans la fonction publique (les fonctionnaires), le secteur parapublic (les hôpitaux ou les commissions scolaires) ou le secteur péripublic (Hydro-Québec), l’État est à la fois législateur et employeur. La partie patronale a donc une double identité lorsqu’elle négocie avec le syndicat, d’où son caractère trilatéral. À titre de législateur, elle sera très sensible à l’humeur de l’opinion publique en ce qui a trait à certains aspects du régime de relations de travail comme l’action de grève et le respect des services essentiels. En tant qu’employeur, l’État embauche, rémunère, congédie et, dans l’ensemble, cherche à minimiser ses coûts. Ces deux rôles ont tôt fait d’entrer en conflit dès que le renouvellement des conventions collectives publiques pointe à l’horizon.

L’État s’accommode parfois difficilement de ses rôles d’employeur et de législateur ; quelques événements sont très révélateurs à ce sujet.

Depuis le début des années 1980, on assiste à une forme de réajustement dans les régimes de conditions de travail antérieurement stables tant dans les secteurs privé que public. L’État a d’ailleurs posé des gestes coûteux politiquement au cours de la décennie 1980-1990 soit en diminuant les salaires de ses employés, soit en décrétant unilatéralement les conventions collectives après une négociation infructueuse. Ces deux rôles étatiques d’employeur et de législateur ont donc un impact énorme sur le régime de relations de travail.

En clair, au niveau public, un syndicat négocie avec un employeur qui peut en tout temps utiliser sa capacité législative pour réaliser ses propres objectifs de négociation. Cette possibilité est plus réelle lorsque le budget gouvernemental est déficitaire et que les citoyens manifestent de l’impatience devant les conséquences que peuvent avoir les grèves sur la quantité des services disponibles (les services de santé, l’électricité, l’éducation, etc.). En outre, plusieurs domaines d’emplois se sont préca-risés surtout dans le secteur privé malgré l’émergence d’une haute technologie pouvant permettre le versement de salaires élevés.

Un régime potentiellement conflictuel

Le régime, qu’il soit privé ou public, conserve un caractère potentiellement conflictuel. Dans une perspective classique, les travailleurs louent leurs services moyennant rémunération7. L’employeur les rémunère avec l’idée

7. L’article 2085 du Code civil du Québec prévoit expressément que le

« contrat de travail et celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige […]

moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction de […]

l’employeur ». Code civil, L.Q., 1991, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001-2002.

légitime de faire un profit. Pour cela, il utilise les capacités professionnelles des employés, bénéficie de l’usufruit de leur labeur et peut en disposer.

En effet, il peut les congédier pour cause ou les mettre à pied pour des motifs financiers. Les systèmes de participation des employés aux béné-fices réduisent les conflits d’intérêts patrons-salariés, mais ne les éliminent pas ; ces formules sont émergentes et demeurent peu courantes dans les milieux de travail.