• Aucun résultat trouvé

Paragraphe I – Les sources de droit international nécessaires à cette interprétation

A. Un droit inhérent à la dignité humaine

Le lien entre le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et le droit à la dignité a déjà été établi dans la jurisprudence québécoise445. Que nous dit le droit international à cet égard ?

L’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme consacre le droit au travail dans ces termes :

1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

La Déclaration reconnaît donc à chaque individu le droit à des conditions « équitables et satisfaisantes de travail », qui sont proches des termes « justes et raisonnables » de la Charte québécoise. Le travail doit aussi permettre à chaque travailleur de vivre et de faire vivre sa famille de façon digne.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels446 consacre le droit au travail en général, de manière non exhaustive, dans son article 6 :

Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.

Au paragraphe 2, les États reconnaissent qu’« en vue d'assurer le plein exercice de ce droit », ils doivent prendre des mesures qui visent à « assurer un développement économique, social et culturel constant » et « des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales. »

En effet, la dignité humaine, entendue ici comme principe selon lequel un être humain doit être traité comme une fin en soi, implique une prise en compte globale de l’individu, non seulement de sa capacité de travail, mais aussi de ses aspirations et autres droits.

446 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. 1966, entrée en vigueur en

La dimension individuelle du droit au travail est élaborée à l’article 7. On retrouve les termes de l’article 46 de la Charte québécoise, mais le droit garanti par le Pacte est plus détaillé :

Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment:

a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs :

i) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu'eux pour un même travail ;

ii) Une existence décente pour eux et leur famille conformément aux dispositions du présent Pacte ;

b) La sécurité et l'hygiène du travail ;

c) La même possibilité pour tous d'être promus, dans leur travail, à la catégorie supérieure appropriée, sans autre considération que la durée des services accomplis et les aptitudes ;

d) Le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés.

Son Comité de supervision rappelle que le droit au travail est un droit fondamental, crucial pour l’exercice d’autres droits de la personne ; « il est inséparable et fait partie intégrante de la dignité humaine »447.

Le droit de pouvoir travailler, dans un emploi librement choisi ou accepté, procure au travailleur et à sa famille non seulement les ressources qui leur permettent de vivre dans la dignité, mais aussi un statut social et une « reconnaissance au sein de la communauté »448, qui sont tout aussi indispensables au sentiment de dignité individuelle.

Le préambule de la Convention sur la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage (no 168) l’exprime dans ces termes : « l’importance du travail et de l’emploi productif dans toute société, en raison non seulement des ressources qu’ils créent pour la

447 CESC. Observation générale n°18: Le droit au travail, E/C.12/GC/18. 2006, par.1. 448 Ibid, par.1.

communauté, mais des revenus qu’ils apportent aux travailleurs, du rôle social qu’ils leurs confèrent et du sentiment de satisfaction personnelle qu’ils leur procurent »449.

Le droit au travail n’est pas « un droit absolu et inconditionnel d’obtenir un emploi », mais il comprend le droit de tout être humain de décider librement d’accepter ou de choisir un travail, ainsi que le droit de ne pas être injustement privé d’emploi450.

Plus largement, la Convention sur les droits des travailleurs migrants promeut des « conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille »451. En vertu de

l’article 64, et sans préjudice des dispositions de l’article 79 de la Convention qui garantissent le droit des États de régir l’admission des travailleurs migrants, les États parties doivent coopérer avec les pays d’origine et tenir dûment compte « non seulement des besoins et des ressources en main-d'oeuvre active, mais également des besoins sociaux, économiques, culturels et autres des travailleurs migrants et des membres de leur famille ainsi que des conséquences de ces migrations pour les communautés concernées ». La Convention sur les droits des travailleurs migrants replace donc le droit au travail dans une perspective sociale, économique et politique plus large que la simple relation privée établie entre l’employeur et l’employé.

B. Un droit source d’obligations immédiates et concrètes pour les

Outline

Documents relatifs