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Doctrine et jurisprudence relatives à l’ancien droit

Le domicile de l’enfant dont les parents n’ont pas un domicile commun

IV. Doctrine et jurisprudence relatives à l’ancien droit

Même si les textes allemand et italien de l’art. 25 al. 1 CC n’ont pas été modifiés, la révision du texte français est décisive car, sous l’ancien droit, la disposition avait été interprétée conformément à son texte français. Cette interprétation était fondée sur le Message du Conseil fédéral de 1979 à l’appui de l’ancienne version de l’art. 25 al. 1 CC, lequel précisait ceci : « Si les père et mère n'ont pas un domicile commun, le projet fixe le domicile de l'enfant sous autorité parentale au domicile du parent qui a le droit de garde, au sens des dispositions sur la filiation (cf. art. 297, 2e al. et 310, CC). L'exercice de fait de la garde ne fournirait pas un critère suffisamment sûr. »5

5 Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse (Effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et successions) du 11 juillet 1979 (FF 1979 II 1324). La version allemande du Message n’a pas un sens différent ;même si le texte allemand n’utilise pas une expression équivalente à « droit de garde », le Message indique aussi clairement que la garde de fait ne suffit pas à déterminer le domicile de l’enfant : « Haben beide Ehegatten die elterliche Gewalt, aber keinen gemeinsamen

LE DOMICILE DE LENFANT DONT LES PARENTS NONT PAS UN DOMICILE COMMUN

Sur cette base, la doctrine – aussi bien en langue allemande qu’en langue française – a interprété l’ancien art. 25 al. 1 CC en ce sens que c’était le domicile du parent qui avait le droit de garde qui était déterminant, même si en fait l’enfant vivait chez l’autre parent ou était élevé par un tiers6. Daniel STAEHELIN, par exemple, oppose ainsi la « formelle Obhutsberechtigung » résultant d’une décision judiciaire ou administrative, qui fonde le domicile de l’enfant, et le lieu de séjour effectif de l’enfant et la garde effective de l’enfant, qui sont sans importance pour le domicile7.

Un arrêt de 2010 du Tribunal fédéral amorça cependant une évolution, dans les termes suivants : « Le droit de garde est une composante de l’autorité parentale. Il consiste en la compétence de déterminer le lieu de résidence et le mode d’encadrement de l’enfant […]. En ce qui concerne le domicile légal dérivé de l’enfant, l’art. 25 al. 1er CC prévoit que, lorsque les parents vivent séparés, l’enfant a pour domicile celui du parent qui a le droit de garde. Pour le surplus, le titulaire du droit de garde est responsable de l’encadrement quotidien, des soins et de l’éducation de l’enfant. A ce sujet, on parle aussi de garde de fait (« faktische Obhut »), qui recouvre partiellement la notion précitée […]. La jurisprudence n’opère généralement pas de distinction entre droit de garde et garde de fait, mais parle le plus souvent de garde, ce qui recouvre l’ensemble des questions juridiques qui y sont liées (choix du domicile8, soins quotidiens, entretien, éducation). »9

Jusqu’à la révision de l’art. 25 al. 1 CC entrée en vigueur le 1er juillet 2014, le critère déterminant était donc le droit de garde sur l’enfant, tel qu’il découlait de l’autorité parentale attribuée à l’un des parents par la loi ou par une décision judiciaire ou administrative. Comme le montre le passage de l’arrêt cité ci-dessus, la jurisprudence ne faisait cependant pas toujours une distinction claire entre « droit de garde » et « garde de fait ».

Wohnsitz, so richtet sich der Wohnsitz des Kindes nach dem Wohnsitz des Elternteils, unter dessen Obhut im Sinne des Kindesrechts es steht ; (vgl. Art. 297 Abs. 2 und Art. 310 ZGB). Auf die tatsächliche Obhut kann in diesem Zusammenhang nicht abgestellt werden, da dieses Kriterium zu unsicher wäre. » (BB 1979 II 1345) La même constatation peut être faite au sujet du texte italien du Message (voir FF 1979 II 1267).

6 Voir HAUSHEER Heinz,REUSSER RuthetGEISER Thomas, art. 162 CC, in Die Wirkungen der Ehe im allgemeinen – Art. 159-180 ZGB, Berner Kommentar, Berne 1999, n. 34/17 ; STAEHELIN Daniel, Art. 25 CC, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, (HONSELL Heinrich, VOGT Nedim Peter et GEISER Thomas), 4e éd., Bâle 2010, n. 5 ; STETTLER Martin, Le droit suisse de la filiation, Traité de droit privé suisse, vol. III/II/1, Fribourg 1987, p. 529; EIGENMANN Antoine, Art. 25, in Commentaire romand, Code civil I (PICHONNAZ Pascal et FOËX Bénédict), Bâle 2010, n. 6 ; DESCHENAUX HenrietSTEINAUER Paul-Henri, Personnes physique et tutelle, Berne 2001, n. 392.

7 STAEHELIN, ad art. 25 n. 5. Cet auteur cite une décision en sens contraire du Conseil d’Etat de Lucerne du 15 mars 1996 (RDT 1997 188), qui est fondée sur la garde de fait de l’enfant ; il s’agissait cependant d’un cas où les parents n’étaient pas séparés judiciairement et où le droit de garde n’avait donc pas été attribué à l’un d’eux.

8 Plus exactement, selon la version originale allemande de l’arrêt, du lieu de résidence (Aufenthaltsbestimmung).

9 ATF 136 III 353, c. 3.2, JdT 2010 I 491.

PAUL-HENRI STEINAUER

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V. L’art. 25 al. 1 CC révisé dans le système du nouveau droit

Comme l’indiquent les explications données par le Conseiller national LÜSCHER, la révision du texte français de l’art. 25 al. 1 CC et, par conséquent, la modification du sens de cette disposition dans les trois langues découlent en réalité de la reprise à l’art. 301a CC du nouveau droit des concepts mis en place par le Tribunal fédéral dans l’arrêt précité. Alors que, sous l’ancien droit, le droit de garde était vu comme une notion distincte de l’autorité parentale et incluait le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, le nouvel art. 301a CC, dans la ligne de cette jurisprudence, lie le droit de déterminer la résidence de l’enfant directement à l’autorité parentale : « L’autorité parentale inclut le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant. » Ce nouvel article figurait, lui, dans le Projet du Conseil fédéral ; ce dernier explique à son sujet que, au contraire de ce qui prévalait sous l’ancien droit, « le juge des divorces ne pourra plus attribuer l’autorité parentale conjointe tout en réservant à un seul des parents le droit de décider du lieu de résidence de l’enfant »10.

Le « droit de décider du lieu de résidence de l’enfant » est ainsi devenu l’une des composantes essentielles de l’autorité parentale, ce qui rend obsolète une notion distincte de droit de garde (au demeurant aussi supprimée dans la note marginale de l’art. 310 CC). Le critère du domicile de l’enfant de l’ancien art. 25 al. 1 CC devait donc être modifié, et il suffisait de le faire en français, dès lors que les textes allemand et italien ne se référaient pas à la notion de droit de garde.

A juste titre, les Chambres n’ont cependant pas remplacé le critère du droit de garde par la nouvelle expression « droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant ». En effet, dès lors que ce dernier droit est désormais lié à l’autorité parentale, si les parents ont l’autorité parentale conjointe mais n’ont pas un domicile commun, ce critère n’aurait pas permis de définir un seul domicile pour l’enfant. C’est pourquoi, le nouveau texte de l’art. 25 al. 1 CC utilise simplement le terme de « garde ». Ce terme ne peut désormais se rapporter qu’à la garde de fait.

Ainsi, Philippe MEIER et Estelle DE LUZE écrivent-ils dans leur ouvrage de 2014 sur le Droit des personnes : « Avec la nouvelle formulation de l’art. 25 al. 1 CC au 1er juillet 2014 et la suppression de la notion de « droit de garde », il est difficile de se référer ici à la garde comme correspondant au droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (cf. art. 310 CC), dont les deux parents

10 FF 2011 8345.

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demeurent en principe titulaires. C’est plutôt à la notion de ‹ garde de fait › que l’on songe. »11