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Les conclusions à dégager : une convention qui lie dans tous les cas

P ASCAL P ICHONNAZ  C YRIELLE V ERDON

C. L’évolution procédurale liée à l’introduction du Code de procédure civile

III. Les conclusions à dégager : une convention qui lie dans tous les cas

Comme le soulignent l’évolution juridique et l’arrêt du Tribunal cantonal valaisan mentionné ci-dessus, de nombreux arguments plaident pour ne plus maintenir la jurisprudence de l’ATF 135 III 193, qui a instauré un droit de révocation unilatéral en faveur des époux, en dérogation au régime général des conventions, mais aussi à ce qui vaut de toute manière pour les requêtes unilatérales.

On peut résumer ainsi les arguments qui justifient l’évolution de la pratique :

1° Des parties dûment informées sur leurs droits et leurs engagements. On justifiait le délai de réflexion de l’art. 111 aCC et la jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux conventions dans un divorce sur requête commune par la volonté de protéger les parties qui pourraient être contraintes, vu la situation particulière, à des concessions inappropriées ou inéquitables61. Toutefois, lorsqu’une convention a été réfléchie et discutée durant plusieurs mois, par exemple dans une procédure de médiation ou en présence d’avocats, afin de parvenir à un accord qui convienne aux deux parties, il devient difficile de considérer que ces dernières ont encore besoin d’une protection particulière. Dans ces hypothèses en tout cas, les parties sont dûment éclairées sur tous les aspects de leur accord. On est alors loin de la situation, imaginée par le législateur, de parties dans un rapport de force inégal.

D’ailleurs les conséquences pratiques portent à la réflexion. En effet, admettre que les époux puissent renoncer unilatéralement à la convention alors qu’ils étaient accompagnés d’avocats, ou qu’ils ont participé à une procédure de médiation qui s’est bien terminée, reviendrait à ouvrir la porte à toutes sortes d’abus et à encourager une sorte de mauvaise foi des époux lors des négociations. On imagine tout à fait une situation hautement conflictuelle où une partie révoquerait la convention dans un dessein purement chicanier et procédurier ou pour obtenir une ultime concession financière. Au contraire, si une invalidation ultérieure est exclue sous réserve des cas ordinaires de vices de la volonté ou de la demande de non-ratification, on incite les parties à prendre la négociation et l’examen des

61 Cf. les références ad nbp 18 s.

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droits et obligations qui découlent d’un accord au sérieux,à s’informer et aux avocats à renseigner correctement ces dernières.

2° La durée entre l’accord et sa révocation. L’argument en faveur d’une non-révocabilité est encore renforcé lorsque du temps s’est écoulé entre la signature de la convention et sa révocation unilatérale, ou lorsqu’une partie s’est déjà partiellement acquittée des obligations qui sont prévues dans la convention. Comment justifier qu’un accord, non remis immédiatement en cause, voire partiellement exécuté, puisse être unilatéralement écarté en dérogation de tous les principes contractuels ? Il faudrait un besoin de protection accru, que la jurisprudence devrait justifier autrement que par le renvoi à une jurisprudence antérieure, rendue dans un contexte de droit procédural et de droit de fond différent.

3° Le développement de la médiation. La médiation est aujourd’hui envisagée par le législateur comme un moyen approprié pour réduire les conflits entre les parties et la durée des procédures, en réglant les relations et la mise en œuvre des relations personnelles, financières et concrètes avec leurs enfants après le divorce. Or, la médiation ne fait sens que si les parties qui parviennent à un accord sont ensuite liées par celui-ci aux conditions habituelles des conventions. Comment pourrions-nous espérer que les parties cherchent de bonne foi un accord si elles savent qu’elles peuvent ensuite unilatéralement y mettre un terme ? Il semble dès lors tout à fait juste d’imposer qu’une convention provenant d’une procédure de médiation lie les parties, que la convention ait été conclue avant ou pendant la procédure de divorce sur requête commune. A plus forte raison, un accord négocié et encadré par des avocats doit aboutir au même résultat : les parties doivent être liées dès la convention entre elles signée.

4° L’absence de raison de déroger aux principes généraux contractuels. Enfin, contrairement à ce qui prévalait encore sous la procédure de l’art. 111 aCC, la procédure actuelle envisage la convention sur les effets accessoires du divorce comme un contrat entre parties, devant toutefois être ratifié pour que l’on puisse en obtenir l’exécution forcée. Or, un contrat n’est en principe pas soumis à un droit de révocation unilatéral, sauf indication expresse du législateur pour répondre à un déséquilibre structurel et d’information dans la négociation62. En l’espèce comme nous l’avons relevé, il n’y avait aucun déséquilibre structurel ou d’information qui puisse justifier, au sens du droit contractuel, un pouvoir de révocation unilatéral, comme l’envisage toutefois l’ATF 135 III 193.

Pour toutes ces raisons, le moment est venu pour le Tribunal fédéral de modifier sa jurisprudence, notamment rappelée à l’ATF 135 III 193. Celle-ci a été rendue avant l’entrée en vigueur du Code de procédure civile et avant la

62 Cf. en part. les art. 40a ss CO, 16 LCC et 406a ss CO.

LA FORCE OBLIGATOIRE DUNE CONVENTION DE DIVORCE AVANT RATIFICATION

modification de l’art. 111 CC. Admettre la révocation unilatérale de la convention sur les effets accessoires du divorce jusqu’à l’audience dans les procédures de divorce sur requête commune ne se justifie plus.

Désormais, il faudrait considérer que toutes les conventions signées lient les parties dès leur conclusion, quelle que soit la procédure de divorce en cours. Certes, le tribunal pourra toujours retirer toute force obligatoire (avec effet rétroactif) à la convention en refusant de la ratifier. Pour ce faire, il aura procédé à un examen du caractère manifestement inéquitable63. Or, le risque d’un résultat manifestement inéquitable existera surtout lorsque la convention a été conclue sans recours à un avocat ni procédure de médiation. C’est là le rôle du tribunal que d’intervenir pour rétablir un éventuel déséquilibre dans la négociation ou l’information des parties qui s’est concrétisé au fond. Cela n’impose toutefois aucunement de prévoir la possibilité pour les parties de révoquer unilatéralement la convention ; il suffit qu’elles puissent conclure à la non-ratification, comme c’est le cas dans les procédures sur requête commune ou lorsque la convention est conclue par transaction devant le tribunal. Le Tribunal cantonal valaisan a montré la voie en 2015 ; espérons que le Tribunal fédéral entérinera cette solution dans le futur.

63 TF 5A_772/2014, 17.3.2015, c. 7.1.; TF 5A_599/2007, 2.10.2008, c. 6.4.1, FamPra.ch 2009 749;

TF 5C.163/2006, 3.11.2006, c. 4.1; TF 5C.270/2004, 14.7.2015, c. 5.4.2; ég. pour tous les autres CR CC I-PICHONNAZ, ad art. 140 aCC n. 62 ss; FamKomm Scheidung-STEIN-WIGGER, ad art. 279 CPC n. 25 ss; CPC-TAPPY, ad art. 279 CPC n.17;ZPO Komm.-SUTTER-SOMM/GUT, ad art. 179 CPC n. 16 ss;

BSKZPO-SIEHR/BÄHLER, ad art. 279 CPC n. 3.

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