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La détermination de la contribution 1) Les critères théoriques…

E STELLE DE L UZE 1

E. La détermination de la contribution 1) Les critères théoriques…

Le Message du Conseil fédéral a le mérite de la transparence en reconnaissant d’emblée que le calcul de la contribution de prise en charge s’avère

« problématique »59. Après avoir rejeté deux méthodes de calcul dont les avantages du schématisme entraînaient avec eux les inconvénients de la rigidité : les méthodes dites des « coûts d’opportunité »60 et des « coûts du marché »61, le Message dresse le constat selon lequel « il manque pour l’heure une méthode convaincante, reposant sur un concept suffisamment abouti, pour estimer la valeur monétaire de la prise en charge des enfants »62.

A défaut de proposer une méthode de calcul de la contribution de prise en charge63, le Message fournit plutôt une liste de critères aux autorités chargées d’appliquer le nouveau droit, auxquelles il laisse un large pouvoir d’appréciation dans la détermination du montant idoine64. Ces critères, qualifiés d’« Anhaltspunkte » dans la version allemande du Message65, sont les suivants : - C’est aux parents de l’enfant de garantir que sa prise en charge soit

effective et d’en assurer les frais66.

- Lorsque la prise en charge est réalisée par le père ou la mère de l’enfant, ce parent va généralement réduire (ou renoncer à augmenter) son activité lucrative et ne pourra pas subvenir lui-même à l’intégralité de ses besoins67. La prise en charge de l’enfant implique par conséquent que la

59 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534).

60 La première consiste à calculer la part de revenu à laquelle le parent qui prend l’enfant en charge renonce en raison de la prise en charge. Cette méthode ne peut, selon le Conseil fédéral, pas convenir car elle aboutirait à des montants très différents selon les qualifications des parents concernés et pourrait, dans certains cas, aboutir à des montants si élevés qu’il ne serait pas possible de les réclamer au débirentier, MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534).

61 La seconde méthode a pour but de calculer les coûts engendrés si l’enfant était confié à des tiers – crèche, maman de jour,… – durant le temps de la prise en charge et de donner ce montant au parent qui permet, par sa prise en charge, de ne pas solliciter ces tiers. Outre la difficulté d’arrêter précisément le nombre d’heures consacrées exclusivement à la prise en charge de l’enfant (de nombreuses activités bénéficiant tant à l’enfant qu’au parent qui le prend en charge), la valorisation monétaire de ces heures pose également problème, le choix de la valeur de référence – tarif horaire d’une maman de jour, tarif d’une crèche privée, … – ne pouvant pas être objectivement justifié et variant grandement d’une région du pays à l’autre, MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (534 s.).

62 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : GUILLOD, Neuchâtel, p. 22 ss ; HAUSHEER, p. 1569 ; RÜETSCHI/SPYCHER, p. 159 ; RUMO-JUNGO/HOTZ, p. 10 ss.

63 BÄHLER, p. 321.

64 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : HUBER/MURPHY, p. 37.

65 Botschaft des Schweizerischen Bundesrates zu einer Änderung des Schweizerischen Zivilgesetzbuches (Kindesunterhalt) vom 29. November 2013, BBl 2014 529 (554). Voir également : ALLEMANN, N 15 ; HUBER/MURPHY, p. 37.

66 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

67 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

ENTRETIEN DE LENFANT: ÉVOLUTION EN COURS

contribution en faveur de l’enfant comprenne le montant nécessaire au parent qui s’occupe de l’enfant pour subvenir à ses propres besoins tout en s’occupant de l’enfant68.

- La contribution de prise en charge est versée dans l’intérêt de l’enfant uniquement et non pas dans l’intérêt du parent qui s’occupe de l’enfant69. - La contribution de prise en charge est due uniquement si la prise en charge a lieu à un moment durant lequel le parent pourrait sinon exercer une activité lucrative70.

- La contribution de prise en charge n’est pas une rémunération du parent qui prend en charge l’enfant71.

- La décision relative à la répartition de la prise en charge de l’enfant et donc de la contribution de chaque parent à cette prise en charge dépend dans une grande partie de l’organisation familiale avant la séparation72. - La détermination du montant de la contribution de prise en charge est

subordonnée en premier lieu au critère du bien de l’enfant73.

Ces lignes directrices permettent de cerner, sur un plan théorique, la manière dont la contribution de prise en charge doit être appréciée. Elles ne permettent pas, d’un point de vue pratique, à l’autorité compétente de se fonder sur un calcul objectif pour fixer la contribution de prise en charge ou, au moins, de déterminer un montant de départ qui serait ensuite adapté en fonction de chaque situation concrète.

2) …et leur mise en œuvre

Sur la base de ces critères théoriques, il reste à déterminer comment l’entretien doit être réparti entre les parents puis comment il doit être calculé.

Pour déterminer le montant de la prise en charge de l’enfant lorsque c’est le père ou la mère qui s’en charge, le Conseil fédéral distingue deux situations74 :

- le parent qui prend en charge l’enfant ne dispose pas d’un revenu professionnel parce qu’il se consacre entièrement à l’enfant, ni d’un revenu provenant d’une autre source ;

68 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535). Voir également : BÄHLER, p. 320 ; HAUSHEER, p. 1569 ; HUBER/MURPHY, p. 37.

69 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (535).

70 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536). Voir également : BÄHLER, p. 320. Ce point ne manquera pas de soulever d’intéressantes questions pendant les heures scolaires : doit-on considérer que le parent gardien peut exercer une activité lucrative pendant ces heures et dans quelle mesure ? Au sujet de ces questionnements, voir : SPYCHER, p. 22.

71 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

72 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

73 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (536).

74 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

ESTELLE DE LUZE

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- les parents exercent tous deux une activité professionnelle et soit l’un d’eux prend seul en charge l’enfant, soit ils s’occupent tous les deux de manière déterminante de l’enfant.

Dans le premier cas de figure, le Conseil fédéral propose de se fonder, comme point de départ, sur le minimum vital du droit des poursuites ; le montant sera ensuite augmenté en fonction des circonstances75. Il faut alors distinguer les critères à prendre en compte pour fixer la contribution d’entretien de l’enfant de ceux utiles à la fixation de la partie de cet entretien qui ne concerne que la contribution de prise en charge. Pour fixer le montant de la contribution d’entretien de l’enfant, la notion du train de vie des parents reste déterminante76, ce n’est toutefois pas le cas pour la détermination de la contribution de prise en charge77. Le parent qui prend l’enfant en charge78 n’a en effet pas le droit, grâce à la contribution de prise en charge, de bénéficier de l’éventuel train de vie (très) élevé de l’autre parent ; ce qui compte, c’est uniquement qu’il puisse subvenir à ses besoins tout en prenant en charge l’enfant79. La prise en considération du train de vie antérieur à la séparation pourra toujours se faire dans le cadre de la contribution d’entretien de l’art. 176 CC ou, après divorce, de l’art. 125 CC80.

Lorsque les parents exercent tous deux une activité professionnelle, soit le second cas de figure envisagé dans le Message du Conseil fédéral, le calcul de la contribution de prise en charge « se fera sur la base du montant qui, selon les cas, manque à un parent pour couvrir ses propres frais de subsistance »81. Si les deux parents travaillent et se partagent la prise en charge de l’enfant, il se peut que l’un des deux ne parvienne pas à subvenir à ses besoins ; dans ce cas, une contribution de prise en charge peut être demandée à l’autre parent82. Cette solution permet d’éviter au parent ne parvenant pas à subvenir à ses besoins de devoir augmenter son taux de travail au détriment de la prise en charge de l’enfant, ce qui pourrait par ailleurs avoir pour conséquence que l’enfant devrait être pris en charge par des tiers avec les frais (peut-être inférieurs !) que cela engendrerait83. Finalement, si le parent qui prend en charge l’enfant dispose de ressources suffisantes pour la couverture de ses besoins, aucune contribution de prise en charge ne sera demandée à l’autre parent84.

75 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (556 s.).

76 Voir également : ATF 116 II 110 c. 3, JdT 1993 I 162 ; HAUSHEER/SPYCHER, n. 06.132.

77 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

78 Et qui bénéficie donc indirectement de la contrbution de prise en charge allouée à l’enfant.

79 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

80 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

81 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

82 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

83 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557).

84 MCF Entretien de l’enfant (supra note 3), FF 2014 511 (557). Voir également : BÄHLER, p. 320.

ENTRETIEN DE LENFANT: ÉVOLUTION EN COURS

Le Conseil fédéral ne propose pas de méthode de calcul pour les situations dans lesquelles le parent débiteur ne dispose pas des ressources financières suffisantes pour assurer le paiement de la contribution de prise en charge85. Il rappelle dans ce contexte que c’est à l’autorité d’application que revient la responsabilité de déterminer le droit à une contribution de prise en charge et, le cas échéant, d’en arrêter le montant86.

Sur la base de ces recommandations de calcul ainsi que des critères énumérés plus haut, la contribution de prise en charge correspond toujours au moins à la différence entre les revenus et le montant du minimum vital du parent gardien, pour autant naturellement que cette différence soit négative.