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Diversité des méthodes de recueil de données au travers des quatre enquêtes

Nous avons vu dans la partie précédente les avantages des enquêtes-ménages transport vis-à-vis des autres sources de données qu’il est possible de rencontrer dans le domaine des transports et de la mobilité. Nous allons dans cette partie tenter d’aller plus avant dans leur description pour être en mesure de pointer les différentes variantes en termes de techniques de recueil de l’information, car ces différences peuvent avoir in fine des conséquences sur les résultats et leur comparaison.

1. Les étapes de la réalisation des enquêtes-ménages

transport

La construction des enquêtes-ménages transport relève d’un processus long et complexe. Les différentes étapes d’ordre technique à la charge des responsables de sa réalisation sont (chronologiquement) les suivantes [C.E.R.T.U., 1998]:

• Découpage géographique (aire d’enquête et zones fines) et échantillonnage

• Elaboration du questionnaire (avec tests éventuels sur de petits échantillons)

• Recrutement et formation du personnel d’encadrement et des enquêteurs

• Réalisation de l’enquête en tant que telle (suivi et contrôle de la collecte des données)

• Saisie informatique des données

• Apurement et travail complémentaire sur les variables

• Préparation des facteurs de redressement (coefficients de pondération)

A l’issue de ce processus sont disponibles les données brutes apurées de l’enquête. Les étapes décrites ici sont toutes des sources potentielles de biais et peuvent avoir des conséquences sur les données en bout de ligne. En découpant la production de données en plusieurs phases,

nous souhaitons rendre compte de la complexité qui y est associée. La première étape - le découpage géographique et l’échantillonnage - doit répondre à des objectifs de représentativité et de validité statistique. Elle est relativement bien documentée, mais reste délicate dans la mesure où les choix réalisés à cette étape sont définitifs et ne pourront être reconsidérés dans la suite du processus. Une bonne relation doit être établie entre enquêteur et enquêté pour que ce dernier consente à se prêter à l’exercice en donnant les renseignements les plus fiables et précis possibles. L’enquêteur a alors une double responsabilité puisqu’il doit parallèlement gérer la confrontation entre les propos de l’individu et le cadre de l’enquête dont il dispose. Sa formation doit donc tenir compte de cette double compétence à assumer. Concluons en rappelant l’ampleur du travail d’apurement à effectuer pour corriger les diverses erreurs présentes dans les données.

2. La variabilité des méthodes de recueil de données

Il existe trois grands types de recueil de données associés aux enquêtes-ménages transport. Nous allons les expliciter maintenant en faisant ressortir quelques-uns de leurs avantages et de leurs inconvénients marquants [C.E.R.T.U., 2004] :

L’entretien en face-à-face réalisé au domicile. Il s’associe à des questionnaires

complets, pouvant être longs, et permet d’interroger plusieurs personnes au cours du même entretien. L’enquêteur peut montrer des supports aux enquêtés pour les aider dans leurs réponses (en particulier pour la localisation des activités dans la ville) et il est en mesure d’exercer un contrôle des réponses données. L’organisation des rendez-vous peut être compliquée (avec des absences éventuelles), et le coût par enquêté est relativement élevé.

L’enquête téléphonique. Elle est rapide et peu chère (ce qui permet de manipuler des

effectifs importants) mais le questionnaire doit être court. Les listes rouges, le développement de l’usage des téléphones mobiles dans certains pays occidentaux mais aussi le faible taux d’équipement en téléphones en Afrique sont des sources de biais importants. Le contrôle de l’enquêté est finalement moindre et le taux de non-réponse est souvent important.

L’enquête épistolaire auto-administrée. Elle est légère à mettre en place et peut être

associée à des questionnaires assez longs (l’enquêté choisit le moment pour y répondre). L’enquête doit être attrayante et les destinataires intéressés pour qu’ils acceptent de se prêter à l’exercice. Les taux de réponse associés sont assez faibles en

effet (ce qui peut induire des biais importants selon les non-répondants) et les délais sont longs.37

Le choix du médium par lequel l’enquête est menée a des conséquences importantes sur la nature et la qualité des données obtenues. Revenons pour en prendre conscience sur les différentes étapes nécessaires à la réalisation des enquêtes-ménages. En termes de fiabilité, une forte incertitude plane à la fois sur la capacité, mais aussi sur la bonne volonté de l’enquêté pour se souvenir et donner les renseignements demandés (question de confiance, d’intimité, etc.) : contrôle et flexibilité de la part de l’enquêteur sont donc souhaitables. Les échanges entre enquêteur et enquêtés permettent à ce niveau une plus grande fiabilité. Dans nombre de questionnaires, les enquêteurs peuvent faire part de leurs doutes quant aux réponses données dans une case réservée à cet effet. Si l’enquêté a fait preuve de mauvaise volonté (ce qui a pu être relevé par l’enquêteur) et que plusieurs réponses posent problème, il sera possible de statuer en connaissance de cause. Ces remarques renforcent l’importance de la formation des enquêteurs, et du nombre le plus limité possible d’intermédiaires entre l’enquêté et le responsable de l’enquête. La réalisation des entretiens téléphoniques par des entreprises de sondages doit être suivie de près par les responsables de l’enquête (il s’agit de prendre garde à ce que la divergence des intérêts de chacun ne soit pas une source supplémentaire de biais).

Ces quelques généralités sur les enquêtes-ménages et la diversité de recueil de l’information associée permettent de replacer dans leur contexte les quatre enquêtes que nous utilisons dans ce travail de recherche.

3. Les enquêtes-ménages de Niamey, Puebla, Lyon et

Montréal

Les enquêtes-ménages utilisées dans ce travail sont différentes les unes des autres. Les responsables et les financeurs ne jouent pas le même rôle d’un point de vue institutionnel, les moyens engagés sont donc très variables. A Montréal (1998) et Lyon (1994-1995), les responsables des enquêtes sont les entités administratives responsables de l’organisation des transports dans leur métropole, ce sont donc respectivement l’A.M.T. et le SY.T.R.A.L.. Dans le cas des deux villes du Sud, la situation est différente puisque ce sont des structures de recherche en bonne partie situées dans des villes du Nord qui ont réalisé les

37 Il existe une méthode intermédiaire entre le face-à-face et l’approche épistolaire, à savoir la méthode dite Drop-off (DO), où un contact existe entre l’enquêteur et l’enquêté, mais ce dernier remplit seul le questionnaire et le renvoie ensuite [New South Wales Department of Transport, 1996].

ménages. Il s’agit du Groupement Interuniversitaire de Montréal (G.I.M.) pour l’enquête-ménages de Puebla (1993-1994) et du Laboratoire d’Economie des Transports (L.E.T.) pour Niamey (1996). Le tableau 1 présente une synthèse de quelques caractéristiques des enquêtes-ménages des quatre villes choisies.

Le L.E.T. a organisé l’enquête à Niamey (1996). Les enquêtes étaient menées en face à face au domicile des enquêtés, du 26 novembre au 11 décembre 1996, par les enquêteurs de la division des statistiques [Diaz Olvera & alii, 1999]. Répartis dans 29 zones, 750 ménages comportant 2 732 individus (ayant réalisé 9 116 déplacements en tout) ont été interrogés. C’est l’enquête présentant les effectifs les plus faibles. Seuls les membres des ménages âgés de 14 ans et plus ont été enquêtés, aussi bien les jours de semaine que les week-end. Contrairement aux autres enquêtes que nous utilisons, l’ensemble des quartiers de l’aire urbaine n’a pas été enquêté. Une typologie a priori des territoires urbains niaméens a permis, sinon de viser une représentativité des populations, de prendre en compte la diversité des espaces. Nous reviendrons par la suite sur les conséquences de ce choix en termes de traitement de données. Si les effectifs et la couverture spatiale de l’enquête ne sont donc pas très bons, la diversité et la précision des questions offrent à l’analyste une grande liberté pour les traitements secondaires.

Tableau 1 : Enquêtes-ménages à Montréal, Lyon, Puebla et Niamey

Villes Année de l’enquête Responsables de l’enquête Nombre d’individus enquêtés

Niamey 1996 L.E.T. 2 732 personnes

Puebla 1993-1994 G.I.M. 14 818 personnes

Lyon 1994-1995 SY.TR.A.L. 13 997 personnes

Montréal 1998 A.M.T. 164 075 personnes

L’enquête-ménages réalisée à Puebla du mois de novembre 1993 au mois de février 1994 a été conduite par le Groupement Inter-universitaire de Montréal, dans le cadre du programme de Partenariat en Développement Urbain associant des unités de recherche mexicaines et québécoises. L’enquête a donc été réalisée par des chercheurs des deux nationalités. L’Université Autonome de Puebla et le Gouvernement de l’Etat de Puebla y ont activement participé. Les entretiens ont eu lieu en face-à-face au domicile des enquêtés. 3 505 ménages ont répondu, ce qui correspond à 14 818 individus et 27 603 déplacements. Chaque membre des ménages ayant plus de 5 ans a été enquêté. Les revenus ne font pas partie des variables

demandées, pour des raisons de fiabilité des réponses données. Cette lacune impose l’utilisation de proxys tels que le niveau d’éducation ou la catégorie socioprofessionnelle (C.S.P.).

Dans le cas de l’enquête lyonnaise, la maîtrise d’ouvrage a été confiée au SY.T.R.A.L. mais il était assisté par la Direction Départementale de l’Equipement du Rhône (D.D.E. 69), le Centre d’Etudes Techniques de l’Equipement de Lyon (C.E.T.E.) et l’Agence d’Urbanisme de la Communauté Urbaine de Lyon (AG.UR.CO.). La maîtrise d’œuvre a quant à elle été confiée à l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques Rhône-Alpes (I.N.S.E.E.) et au C.E.T.E.. La mise en œuvre a été conforme à la méthodologie nationale des enquêtes-ménages du C.E.R.T.U. [1999]. Les enquêtes ont donc été menées comme à Niamey et Puebla au domicile des enquêtés, du milieu du mois de novembre 1994 au début du mois d’avril 1995 [I.N.S.E.E. & alii, 1995]. Pendant cette période, 6001 ménages ont été enquêtés, ce qui représente 13 997 individus et 53 216 déplacements.

Dans le cas de Montréal, et pour la première fois en 1998, l’enquête est plus précisément le résultat d’une implication conjointe de plusieurs acteurs publics (se référer à la description des transports publics montréalais pour les sigles) : l’A.M.T., la S.T.C.U.M. (devenue S.T.M.), la Société de Transport de la Rive-Sud de Montréal (devenue R.T.L.), la Société de Transport de la ville de Laval (S.T.L.), le Ministère des Transports du Québec (le M.T.Q.) et le Ministère des Affaires Municipales et de la Métropole (M.A.M.M.) [A.M.T., 2000]. Ces différents acteurs ont des implications variables. Le M.T.Q. est l’un des plus importants et a contribué au financement de l’enquête à hauteur de 70 %. Le coût de l’opération est sans aucun doute le plus élevé des quatre enquêtes-ménages que nous utilisons, il atteint 1,1 millions de dollars canadiens. Le questionnaire est administré par téléphone et les réponses sont directement saisies sur informatique. Une géo-localisation immédiate des sites a été rendue possible grâce au système MADITUC (Modèle d’Analyse Désagrégée des Itinéraires de Transport Urbain) développé par l’équipe de R. Chapleau à l’Université de Montréal. Le choix d’une enquête téléphonique présente des avantages et des inconvénients déjà évoqués en partie. La flexibilité de l’administration des questionnaires permet dans un premier temps de limiter les coûts par enquêté donc de tabler sur un échantillon important (65 227 ménages, soient 164 075 individus et 383 552 déplacements). Chaque ménage, prévenu précédemment par un courrier, choisit un enquêté référent qui va préciser les parcours de l’ensemble des membres. Ce principe implique assez directement, pour les enquêtés non-référents, une sous-estimation des déplacements intermédiaires en général, et de leurs petits déplacements à pied

en particulier. Une prise de position plus forte à l’avenir de la Ville de Montréal devrait être associée à une prise en compte de ce biais (cet acteur a tout intérêt en effet à ce que les petits déplacements à pied soient mieux appréhendés). L’enquête a été réalisée de fin-août à mi-décembre 1998, ce qui correspond donc à la période automnale. Pour limiter la durée de l’entretien téléphonique, les responsables de l’enquête montréalaise ont décidé de faire l’impasse sur un certain nombre de variables, jugées insuffisamment fiables. C’est le cas en particulier des durées de déplacements (les heures d’arrivée n’ont pas été demandées) et des revenus. Ces derniers ont été évalués grâce à une mise en parallèle des données de l’enquête-ménages (grâce à leur grande précision géographique) avec celles du recensement de la population effectué en 2001.

Les différences d’effectifs et de variables disponibles dans les enquêtes de chaque ville limite a priori la comparaison directe des données. Les tendances mises en exergue peuvent cependant être confrontées en structure, pour une analyse comparative à vocation compréhensive. Celle-ci s’articulera autour de plusieurs typologies.

III. Techniques et choix d’analyse

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