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Chapitre 1 : Problématique de recherche

1.3. Dispositifs visant la participation à la formation de la main-d’œuvre

1.3.1. Dispositifs destinés à la main-d’œuvre

Les dispositifs en matière de formation destinés à la main-d’œuvre sont pour la plupart des mesures incitatives, non coercitives, car ils supposent généralement une demande volontaire de formation de la part de la main-d’œuvre (OCDE, 2005). Nous verrons deux dispositifs destinés à la main-d’œuvre : le compte individuel de formation et le congé de formation.

1.3.1.1. Compte individuel de formation

Le compte individuel de formation consiste en une formule d’épargne dont l’objectif est de financer des activités de formation (OCDE, 2005). Les cotisations peuvent provenir de différentes sources, dont l’État ou les entreprises, mais principalement des titulaires eux- mêmes, c’est-à-dire de la main-d’œuvre. L’épargne ainsi accumulée est exclusivement destinée à financer des activités de formation.

L’arrivée des comptes individuels de formation correspond à un changement de logique étatique, un passage de la protection sociale à l’autonomie individuelle et financière. Comparée à la logique de protection sociale, la logique nouvelle cherche à accroître l’autonomie et les opportunités des individus (Boychuk, 2004; Dufour, Boismenu et Noël, 2003; Gautié et Perez, 2010; Monchatre et Tallard, 2013). Dans un contexte de restrictions des finances publiques, le rôle que l’État tente de jouer avec ce dispositif est d’inciter les titulaires de ces comptes individuels à développer des habitudes d’épargne aux fins de formation. Dans cette optique, l’État fournit en amont aux individus les conditions nécessaires à leur prise en main financière (Bélanger, 2005; Gautié et Perez, 2010; Rubenson et Desjardins, 2009). Les dispositions du compte individuel de formation cherchent non seulement à encourager les habitudes d’épargne chez les plus démunis, mais également à favoriser l’autonomie financière face au coût de la formation (Bélanger, 2005; Gautié et Perez, 2010). Nous pouvons constater que l’acteur étatique joue un rôle central dans le développement de ce dispositif.

L’avantage de ces comptes est qu’ils peuvent être modulés par l’État en fonction de critères d’attribution qui favorisent des catégories de main-d’œuvre susceptibles de ne pas participer à des activités de formation. À l’inverse, lorsque les comptes individuels de formation sont à caractère universel, ils risquent d’être accaparés par une partie de la main-d’œuvre qui pourrait facilement s’acquitter des coûts de la formation. Pareille situation s’est produite dans le cadre du programme Individual Learning Account (ILA) au Royaume-Uni, lancé à la fin des années 1990, lorsque des individus hautement qualifiés et ayant des salaires élevés se sont dotés de ces comptes. Cette catégorie de main-d’œuvre avait largement assez de connaissances et de

revenus pour participer à la formation sans cette aide. De plus, une contribution étatique très faible ou nulle au compte individuel, comme dans le cas du dispositif ILA au Royaume-Uni, ne favorise pas nécessairement la main-d’œuvre à faible revenu qui n’a pas la capacité d’épargner (OCDE, 2005). De fait, les catégories de main-d’œuvre à faibles revenus n’ont pas bénéficié financièrement du dispositif ILA. Ces comptes individuels de formation suscitent donc des critiques, particulièrement en ce qui concerne la capacité variable de la main- d’œuvre à prendre en main son autonomie individuelle et financière.

Les critiques soulèvent également des questions touchant à l’accès à de l’information et à des services-conseils pour se doter d’un compte individuel de formation (Gautié et Perez, 2010). Heckman et Smith (2004) suggèrent que des coûts substantiels sont associés au simple fait de se renseigner sur les dispositifs institutionnels en matière de formation et les modalités qui en régissent l’accès. Par conséquent, la main-d’œuvre ayant moins de ressources à consacrer à la recherche de cette information est moins susceptible de participer à la formation. Enfin, des coûts substantiels sont également associés au traitement de l’information, particulièrement chez les personnes ayant de très faibles niveaux de scolarité ou de compétences linguistiques. Les probabilités de prendre connaissance et de se doter d’un compte individuel pour participer à des activités de formation varient en fonction de ces facteurs individuels.

Des situations où les comptes individuels de formation requièrent l’accompagnement de l’État vont à l’encontre des objectifs de ce dispositif, qui sont d’inciter la main-d’œuvre à une plus grande autonomie individuelle et financière. Un tel accompagnement serait coûteux pour l’État dans un contexte de restrictions budgétaires, mais il pourrait fournir une contrepartie financière ciblée sur des catégories de main-d’œuvre à faibles revenus ou offrir un crédit d’impôt aux entreprises qui cotiseraient à ces comptes (Charest, 2006). La complexité d’administration des comptes individuels de formation requiert un niveau élevé de contrôle de la qualité pour prévenir les risques de fraudes et d’erreurs. C’est en effet à la suite de malversations financières qu’a pris fin le dispositif ILA au Royaume-Uni (Gautié et Perez, 2010; OCDE, 2005).

Les comptes individuels de formation comportent donc des limites importantes, c’est-à-dire qu’ils peinent à cibler les bonnes catégories de main-d’œuvre, celles qui ont de faibles taux de participation à des activités de formation.

1.3.1.2. Congé de formation

Le dispositif du congé de formation consiste à fournir du temps - arrêt ou réduction du temps de travail - pour que la main-d’œuvre puisse participer à des activités de formation, tout en garantissant son retour à l’emploi. Contrairement au dispositif du compte individuel de formation, dans lequel l’État joue un rôle clé, le congé de formation est caractérisé par le rôle central dévolu à l’entreprise. Pour des raisons opérationnelles, les entreprises ont un rôle cardinal, notamment dans l’autorisation du congé de formation destiné aux employés (OCDE, 2005). Ce rôle des entreprises découle du fait qu’elles doivent veiller au suivi des opérations, s’assurer de la redistribution du travail et assumer ainsi les coûts de la formation.

Pour des raisons stratégiques, les employeurs supervisent le choix du contenu de la formation. L’employeur peut exiger que le contenu de la formation corresponde à ses besoins spécifiques. Il réduit ainsi les risques de voir l’employé quitter l’entreprise pour un emploi plus lucratif après la formation et se positionne pour obtenir un rendement sur son investissement en formation. Les employeurs peuvent donc privilégier l’accord des congés de formation en se basant sur la supervision du contenu de la formation.

Par ailleurs, la recension des différents dispositifs de congé de formation menée par l’OCDE (2005) montre que la durée de service d’un employé pour un même employeur est un critère significatif d’admissibilité au congé de formation. La durée de service requise peut être nulle ou aller jusqu’à 10 ans, comme en Finlande. L’admissibilité à un congé de formation requérant une durée minimale de service pour le même employeur semble indiquer que ce dispositif s’adresse principalement aux catégories de main-d’œuvre permanente bénéficiant de l’appui

de leur employeur depuis un certain temps. Un emploi stable offrira ainsi davantage de possibilités de formation à l’employé qu’une relation de travail à court terme.

La durée du congé de formation est un autre aspect important. L’OCDE (2005) montre que la durée des congés de formation peut varier considérablement, de cinq jours à une année complète (OCDE, 2005). La littérature indique que la durée de la formation des personnes peu qualifiées, sans diplôme, est un élément majeur de leur capacité à acquérir des compétences de base (Maxwell, 2006). En effet, il est démontré que le manque de compétence interpersonnelle et le taux d’analphabétisme très élevé chez les personnes peu qualifiées et sans diplôme font en sorte qu’une formation de courte durée est insuffisante (Maxwell, 2006). Sachant que le congé de formation nécessite généralement l’autorisation de l’employeur, nous présumons que, pour des raisons de rentabilité économique, celui-ci n’accordera pas de congé de longue durée aux catégories de main-d’œuvre peu qualifiées. Par conséquent, le dispositif de congé de formation peut ne pas répondre aux besoins des personnes peu qualifiées, sans diplôme, lesquelles participent en moins grand nombre à des activités de formation.

Enfin, considérant les défis que les PME doivent relever pour offrir des activités de formation, nous présumons que le congé de formation ne peut contribuer à accroître l’investissement en formation. Une manière pour les PME de contourner les obstacles serait d’intégrer une politique d’État à ce dispositif, tel qu’un système de rotation des postes combiné à une aide financière publique, par exemple en remplaçant un employé en congé de formation par un chômeur touchant des prestations d’assurance-emploi (OCDE, 2005).

À moins d’innover et d’accorder par exemple un droit individuel au congé de formation indépendant du lien d’emploi, il semble que ce dispositif soit limité pour traiter les problèmes de participation à la formation et qu’il contribue par conséquent faiblement au développement des compétences de la main-d’œuvre (Charest, 2006; Desjardins et al., 2007; Myers et DeBroucker, 2006). Les objectifs sous-jacents à ce dispositif paraissent inciter les employeurs à offrir un congé de formation davantage à leurs employés permanents, performants et loyaux,

lesquels assurent une meilleure rentabilité économique sur l’investissement en formation. Enfin, le congé de formation semble mal adapté aux PME.