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Chapitre 1 : Problématique de recherche

1.4. Système institutionnel de formation de la main-d’œuvre au Québec

1.4.1. Les acteurs du système de formation

1.4.1.1. L’État

Le partenariat institutionnel est au cœur du système de formation encouragé par l’État québécois, qui y joue un rôle actif (Monchatre et Tallard, 2013). En appuyant un partenariat institutionnel, le gouvernement du Québec a priorisé l’implication d’une diversité d’acteurs en mesure d’adapter la formation aux besoins du marché du travail. La Loi du 1 % reflète la vision de l’État, qui voulait stimuler la formation de la main-d’œuvre.

Cependant, il faut savoir que, depuis 1995, le développement du système de formation québécois s’est inscrit dans un processus de décentralisation de l’État (Bernier, Racine, Béji et

Lapointe, 2011). Par exemple, avant d’appuyer le partenariat institutionnel en matière de formation de la main-d’œuvre, l’État québécois s’est retiré d’une grande partie du financement de la formation, dont il a transmis la responsabilité aux entreprises. En ce sens, l’État québécois agit conformément à un système de formation où chacun des acteurs doit contribuer d’une manière ou d’une autre à défrayer le coût général, car tous en tirent avantage. Par ailleurs, suite au rapatriement par le gouvernement provincial des mesures pour l’emploi du gouvernement fédéral en 1997, l’État québécois a confié la gestion des fonds de la formation à Emploi-Québec, donc au ministère de l’Emploi.

Par ailleurs, la montée en puissance du ministère de l’Emploi dans la formation, aux dépens du ministère de l’Éducation, par le biais de la certification des normes de qualification professionnelle dont il est responsable, n’est pas étrangère au processus de décentralisation de l’État. Ce dernier garde ainsi sa capacité à encadrer l’action des acteurs du marché du travail et renforce son rôle normatif dans la formation au Québec (Bernier, 2011; Monchatre et Tallard, 2013). De plus, au Québec, l’État n’intervient pas directement dans le quotidien de la formation de la main-d’œuvre, mais délègue cette tâche à des organisations intermédiaires semi-publiques et tripartites. En ce sens la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT) et ses institutions affiliées (CSMO, CRPMT et mutuelles de formation), assument de grandes responsabilités dans le développement des compétences de la main-d’œuvre. Certains auteurs qualifient ces organisations d’« acteurs collectifs » (Bernier, 2011). De plus, les organisations semi-publiques (CSMO, CRPMT et mutuelles), qui sont grandement responsables de la prestation et de la supervision de la formation auprès des entreprises, sont reconnues pour être plus efficaces que la bureaucratie étatique et les mécanismes du marché économique, car elles impliquent toutes les parties prenantes impliquées dans le marché du travail (Busemeyer et Trampusch, 2012a).

1.4.1.2. Syndicats

La vision des syndicats concernant la mise en place d’un système institutionnel de formation au Québec comprenait un partage des responsabilités entre acteurs, une

décentralisation des pouvoirs de l’État vers des institutions intermédiaires, une étroite collaboration entre le système public d’éducation et des entreprises, et enfin un partage des coûts de la formation entre différents acteurs. En gros, selon la vision syndicale le système institutionnel de formation aurait supposé une forte imbrication entre les besoins et les logiques respectives des différents acteurs, ces derniers transitant par un réseau d’institutions donnant lieu à des négociations continuelles (Charest, 1999).

Pour les syndicats, cela signifie que le choix de participer à des activités de formation est important, mais la main-d’œuvre et les entreprises ne seraient pas laissées à eux-mêmes, car il y aurait une variété de dispositifs pour les appuyer et pour concilier leurs intérêts divergents. Les syndicats estiment donc que, dans la conception d’un système de formation, un plus grand rôle doit être donné aux travailleurs et une diversité institutionnelle doit être établie à des niveaux intermédiaires pour combler différents besoins.

Une partie de cette vision des syndicats s’est actualisée, en regard de la régulation partagée du système de formation de la main-d’œuvre au Québec comprise dans la Loi du 1 %. Celle-ci a en effet vu le jour grâce à l’appui des centrales syndicales (FTQ, CSN, CSQ et UPA), qui en attendait des gains mutuels, c’est-à-dire des opportunités d’accès à de l’information, des réseaux et des ressources (Charest, 2012). Plus précisément, c’est la convergence des intérêts de l’État, du patronat et des syndicats qui a permis l’institutionnalisation d’un partenariat de concertation – système de formation - au nom de la sauvegarde de l’employabilité de la main- d’œuvre et de la productivité des entreprises (Monchatre et Tallard, 2013).

Au Québec, les syndicats ont donc investi des ressources dans le développement d’un système de formation basé sur le partenariat et permettant de faire valoir leurs intérêts et leur vision. Cependant, la capacité organisationnelle des syndicats à maintenir leur autonomie face à la formation de la main-d’œuvre est de plus en plus problématique dans le champ de la négociation collective, laquelle se mène principalement au niveau local (Monchatre et Tallard, 2013).

1.4.1.3. Patronat

Dans la vision des employeurs sur le système de formation, les mécanismes du marché sont les meilleurs moyens d’allouer des ressources aux entreprises et aux individus, pour ainsi guider leurs choix d’investissement en formation. Les institutions ont, conséquemment, pour rôle de faire la promotion de la formation (Charest, 2012).

Toutefois, la Loi du 1 % a élaboré des modalités de fonctionnement qui rendent obligatoire l’atteinte de résultats, particulièrement en ce qui concerne le niveau d’investissement en formation dans les entreprises, ce que le patronat ne voulait pas. Elle laisse par contre toute la latitude aux entreprises dans la répartition de la formation parmi leurs employés. La loi ne fixe ainsi aucune balise pour la sélection du personnel à former, et très peu quant à l’affectation des fonds ou aux types de formation admissibles (si ce n’est en désignant, par règlement, les organismes admissibles à la comptabilité des dépenses de formation) (Bernier, 2011, p. 125).

Au Québec, la capacité de l’acteur patronal à maintenir son autonomie à l’égard de la formation lui a permis de contribuer au développement du système de formation dans lequel le rôle de l’entreprise a été largement reconnu, principalement en lui confiant la responsabilité du financement de la formation (Bernier et al., 2011). Même si le dispositif de la Loi du 1 % remet la gestion des fonds de la formation entre les mains du ministère de l’Emploi, il permet à l’acteur patronal d’orienter les politiques gouvernementales de formation de la main- d’œuvre, et surtout de demeurer le principal maître d’œuvre des investissements en formation dans les entreprises.