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RESOLUTION DU PROBLEME COUPLE DANS LE DOMAINE TEMPOREL

IV. C.4. Disparitions de partiels par couplage et influence des longueurs mortes

L’étude de sensibilité sur l’amortissement menée dans la section précédente a montré à quel point le couplage entre la corde et la table pouvait conditionner l’amortissement de certains types de partiels. En outre, l’effet du couplage entre les deux systèmes est beaucoup plus difficile à appréhender et son incidence n’est pas la même selon la gamme de la note jouée. Revenons sur le cas de référence avec un facteur de perte de 2% et effectuons un balayage des notes sur le chevalet medium-aigus. Rappelons que dans ce cas de référence, les longueurs mortes ont été mesurées sur une table d’harmonie de Pleyel P131 à notre disposition. Dans un second temps, nous ferons justement varier les longueurs mortes des cordes et nous verrons que la transmission d’énergie entre les deux systèmes est alors impactée de façon significative. Les longueurs mortes seront proportionnelles aux longueurs vibrantes et respecteront la règle suivante où désigne la longueur vibrante et la longueur morte. Par la suite, nous reviendrons aux spectrogrammes de la pression rayonnée qui offrent une vision plus globale que les efforts de contacts. Le Tableau IV–1 regroupe les ratios longueurs totales sur longueurs vibrantes pour les deux cas de longueurs mortes évoqués.

Do4 La5 La5#

Longueurs mortes mesurées 1,26 1,576 1,603

Longueurs mortes proportionnelles 1,05

Tableau IV–1 : Ratios longueurs totales sur longueurs vibrantes dans les deux cas étudiés. Le premier cas correspond à des longueurs mortes mesurées, le second à des longueurs proportionnelles aux longueurs vibrantes.

Concentrons-nous tout d’abord sur le cas de référence qui a longuement été décrit dans la section IV.B. Un premier résultat concerne la disparition de partiel que l’on qualifiera de « disparition par couplage ». On constate pour quelques notes que certains partiels s’éteignent rapidement comme c’est le cas du fondamental de corde de Do4 / 52ème note aux alentours de 523 Hz (Figure IV–12–a). A l’écoute, la note paraît légèrement étouffée comme si un feutre absorbait une partie la vibration de la corde. Cette absence peut donc être préjudiciable d’un point de vue perceptif.

Figure IV–12 : Spectrogramme de la pression rayonnée en face de la table d’harmonie simplifiée à 1,5m pour des longueurs mortes réalistes mesurées sur une table d’harmonie de piano droit Pleyel P131. a) Do4/52ème note ; b) La5/73ème note ; c) La5#/Si5-b/74ème note10.

Dans le cas d’une note de faible richesse harmonique, cette différence n’est probablement pas anecdotique, d’autant plus lorsqu’il s’agit du fondamental d’une note de haut rang composée de seulement quelques partiels. C’est le cas des notes 68 et 73 dont la dernière est illustrée Figure IV–12–b. Cet effet du couplage, lorsqu’il apparaît sur une note élevée, vient alors dissiper très rapidement l’énergie donnant une impression de note complètement étouffée. La table d’harmonie ne se comporte alors plus seulement comme un radiateur et modulateur du timbre mais également comme un amortisseur aux yeux de la corde. Fort heureusement, ce phénomène ne devient pas pour autant systématique en montant en fréquence. Comme l’atteste la Figure IV–12–c, celui-ci n’est pas présent pour la 74ème note par exemple.

Malgré tout, on constate à l’écoute que cette note semble également étouffée. Une hypothèse avancée par les facteurs de pianos est que les notes aigües ne rayonnent non pas par la table d’harmonie mais par le cadre, ce qui leurs donnent par ailleurs une consonance cristalline. En prenant cette hypothèse en considération, il n’est alors pas étonnant que la note de La5# ne s’entende que très peu malgré la présence du fondamental dans le spectre d’écoute. Une conclusion hâtive serait de dire que la note de Do4 (Figure IV–12–a) souffre également de ce rayonnement par le cadre. Or, nous avons montré dans la sous-section précédente IV.C.3 que le Mi4 (56ème note soit deux tons plus hauts), ne souffrait pas de cet effet d’étouffement même dans le cas de taux d’amortissement abusifs (Figure IV–11). Il convient donc de distinguer les notes pour lesquelles le son perçu est étouffé car le rayonnement ne s’effectue pas via la table d’harmonie (La5#), et celles pour lesquelles le

couplage vient dissiper un partiel donnant également une sensation de note étouffée, notamment lorsqu’il s’agit du fondamentale de la note (Do4).

Bien entendu, la position du point de couplages cordes / table d’harmonie est susceptible de venir modifier le couplage. Ce point de couplage peut varier de deux manières : par la position du couplage sur le chevalet ou bien par la position sur la corde, i.e l’influence de la longueur morte. Portons notre attention sur cette dernière. Jusqu’ici les longueurs mortes avaient été mesurées sur une table d’harmonie de piano droit. Nous allons à présent imposer une longueur totale proportionnelle à la longueur vibrante respectant la règle suivante : . Cette variation n’est pas sans conséquence puisque sur le modèle à notre disposition, la longueur totale des dernières notes est environ 1,5 fois plus grande que la partie vibrante.

Pour les notes que nous venons d’étudier, les conséquences sont sensiblement différentes. Pour la note Do4/52ème note (Figure IV–13–a) l’énergie est légèrement mieux conservée dans la corde et les partiels tiennent donc un peu plus longtemps. En revanche, le fondamental du La5/73ème note est complètement étouffé dans cette nouvelle configuration comme le montre la Figure IV–13–b. Cela étant, la sensation d’étouffement est à l’écoute sensiblement la même que dans le cas de référence.

Figure IV–13 : Spectrogramme de la pression rayonnée en face de la table d’harmonie simplifiée à 1,5m pour des longueurs mortes égales à 0,05 fois les longueurs vibrantes. a) Do4/52ème note ; b) La5/73ème note ; c) La5#/Si5-b/74ème note11.

11 Les fichiers sons de ces trois notes dans le cas de longueurs mortes proportionnelles aux longueurs vibrantes sont disponibles en cliquant ici où à l’url suivante http://bentrevisan.wixsite.com/vibrasound/media.

La comparaison de cette dernière figure avec la Figure IV–12 révèle également la disparition d’un partiel supplémentaire qui n’est pas un harmonique du fondamental transverse ni du longitudinal. Cette disparition est également présente dans le cas du La5#/74ème note comme le montre la Figure IV–13–c.

A la différence du fondamental du La5/73ème note qui est fortement atténué, ce partiel absent n’est plus du tout présent comme si une contribution avait disparu après modification de la longueur morte. Une hypothèse probable est que ce partiel vienne de la participation de la longueur morte dans la configuration précédente (avec des longueurs mortes réalistes). En effet, la longueur étant plus grande, cette dernière pourrait vibrer suffisamment pour enrichir le spectre de la note jouée.

Se pose alors la question de pertinence de ce partiel dans la composition des spectrogrammes. Une simple observation sur une table d’harmonie cordée montre que les longueurs mortes sont étouffées par des feutres, exception faite des dernières cordes correspondant à l’extrême aigu. De plus, le système de fixation au chevalet qui couple les cordes à la table d’harmonie forme une chicane matérialisée par deux pointes (se référer à la Figure I–4) : il est alors susceptible de limiter le transfert d’énergie dans les longueurs mortes. De notre point de vue, il serait donc curieux que ces longueurs enrichissent autant le timbre de l’instrument.